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Décisions

CA Agen, ch. civ. sect. com., 13 juin 2022, n° 21/00375

AGEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Alain Afflelou Franchiseur (SAS)

Défendeur :

Apard Optic (SARL), SCP Odile Stutz (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gate

Conseillers :

M. Benon, M. Faure

Avocats :

Me Drigo, Me Dilman, Me Guilhot, Me Rozenberg

T. com. Agen, du 20 janv. 2021, n° 20180…

20 janvier 2021

FAITS ET PROCÉDURE

La société Apard Optic exploite dans le cadre d'un contrat de franchise conclu le 17 mai 2016 avec la SAS Alain Afflelou Franchiseur un magasin d'optique et de lunetterie à [Localité 7].

Le 16 février 2017, la Sarl Apard Optic a déposé une demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde et par jugement du 22 février 2017 le tribunal de commerce d'Agen a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Apard Optic, en désignant la SCP [O] [B] en qualité de mandataire judiciaire.

Le 21 avril 2017 le juge-commissaire a prononcé la résiliation anticipée du contrat de franchise.

Le 27 avril 2017, la SAS Alain Afflelou Franchiseur a déclaré au passif de la Sarl Apard Optic une créance de 127 375,87 euros au titre des redevances échues et impayées.

Le 28 avril 2017, la SAS Alain Afflelou Franchiseur a déclaré au passif de la Sarl Apard Optic une créance complémentaire de 52 013 euros au titre du préjudice causé par la résiliation anticipée du contrat de franchise.

Par ordonnance du 5 juillet 2017, le juge-commissaire a prononcé la résiliation anticipée du contrat de franchise, à compter du 21 avril 2017.

Le 18 août 2017, la SCP [B], es qualité, a informé la SAS Alain Afflelou Franchiseur qu'elle allait proposer au juge commissaire le rejet de sa créance complémentaire déclarée pour un montant de 52 013 euros au titre du préjudice causé par la résiliation anticipée du contrat de franchise, contestée par le débiteur.

Par jugement en date du 24 janvier 2018, le tribunal de commerce d'Agen a arrêté le plan de sauvegarde de la société Apard Optic et a désigné la SCP [B] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde.

Par ordonnance du 17 juillet 2018, le juge-commissaire a constaté , dans le cadre de la procédure de vérification de la créance, que le litige portant sur la créance contestée de 52 013 euros dépassait son office juridictionnel et, constatant l'existence d'une contestation sérieuse, a renvoyé les parties à mieux se pourvoir, en sursoyant à statuer sur l'admission de la créance et en invitant la société Alain Afflelou Franchiseur à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la notification de son ordonnance.

Le 31 août 2018, la SAS Alain Afflelou Franchiseur a assigné la Sarl Apard Optic devant le tribunal de commerce d'Agen pour solliciter la fixation de sa créance au passif de la Sarl Apard Optic pour un montant de 52 013 euros.

Par exploit en date du 4 mars 2019, la SAS Alain Afflelou Franchiseur a assigné en intervention forcée dans la procédure pendante devant le tribunal de commerce la SCP [B], es qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la Sarl Apard Optic.

Les deux procédures ont été jointes par décision du 24 avril 2020.

Par exploit en date du 12 juin 2020, la SAS Alain Afflelou Franchiseur a assigné en intervention forcée dans la procédure pendante devant le tribunal de commerce la SCP [B], es qualités de mandataire judiciaire dans la procédure de sauvegarde de la Sarl Apard Optic.

Cette procédure a été jointes aux deux précédentes par décision du 23 septembre 2020.

Par jugement en date du 20 janvier 2021, le Tribunal de commerce d'Agen après avoir constaté que le SCP [B] n'avait pas été assignée dans le délai prévu par l'article R 624-5 du code de commerce, a déclaré la SAS Alain Afflelou Franchiseur irrecevable en son action, et l'a condamné aux dépens et au payement d'une indemnité de procédure de 1 500 euros.

Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 4 avril 2021, la SAS Alain Afflelou Franchiseur a relevé appel de l'intégralité des dispositions de ce jugement.

La procédure a été communiquée au Ministère public qui, selon avis du 10 novembre 2021, s'en est rapporté à justice.

La procédure de mise en état a été clôturée par ordonnance du 26 janvier 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

I . Moyens et prétentions de la SAS Alain Afflelou Franchiseur, appelante

Selon dernières écritures enregistrées au greffe de la Cour le 2 juillet 2021, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelante, la SAS Alain Afflelou Franchiseur conclut à l'infirmation du jugement et demande à la Cour :

1°) de déclarer son action recevable en faisant valoir :

- que si l'absence du débiteur peut entraîner l'irrecevabilité de l'action , le fait que la SCP [B] n'ait pas été mise en cause dans le mois de la notification de l'ordonnance du juge-commissaire n'engendre pas de difficultés procédurale puisque selon les dispositions de l'article R. 624-11 une simple information était requise, le créancier devant seulement adresser une expédition de la décision au greffier du tribunal de commerce afin qu'il la porte sur l'état des créances et en avise le mandataire judiciaire ;

- que pour couper court à tout débat, elle a pris l'initiative d'attraire la SCP [B] à l'instance par acte du 4 mars 2019 et que dès lors la cause éventuelle d'irrégularité avait disparu au jour où le premier juge a statué ;

- que peu importe que cette mise en cause ne soit pas intervenue dans le mois de la notification de l'ordonnance du juge-commissaire dès lors que l'article R 624-5 du code de commerce n'impose pas d'assigner l'ensemble des parties dans le mois, mais seulement de saisir le tribunal dans le délai de forclusion, ce qu'elle a fait ;

2°) de fixer sa créance indemnitaire au titre du préjudice causé par la résiliation anticipée du contrat de franchise à hauteur de 52 013 euros au passif de la Sarl Apard Optic en soutenant :

- qu'en application de l'article L. 622-13 du code de commerce le co-contractant dont le contrat a été résilié est fondé à déclarer au passif de la procédure de sauvegarde des dommages et intérêts destinés à réparer les préjudices résultant de cette résiliation anticipée ;

- que si le contrat de franchise n'avait pas été résilié elle aurait nécessairement perçu les redevances dues en exécution de celui-ci ;

- que son préjudice est constitué des redevances contractuelles dont elle est privée du fait de la résiliation anticipée du contrat de franchise ;

- que les arguments de l'intimée relatifs à l'inapplicabilité du contrat signé par les parties, l'absence d'inexécution par le franchisé de ses obligations contractuelles et la réductibilité de la clause pénale sont dépourvus de pertinence.

3°) de condamner la société Apard Optic et la SCP [B] aux dépens et à lui payer, chacune une indemnité de procédure de 5 000 euros .

II. Moyens et prétentions de la SARL Apard Optic et de la SCP STUTZ , intimées

Selon dernières écritures enregistrées au greffe de la Cour le 28 juillet 2021 , expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions des intimées, la SARL Apard Optic et le SCP [O] [B] , es qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société Apard Optic et de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Apard Optic, concluent à la confirmation du jugement et à la condamnation de l'appelante aux dépens et au payement d'une indemnité de procédure de 5 000 euros, en soutenant :

- que selon la jurisprudence de la Cour de cassation, il existe un lien d'indivisibilité entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire en matière de vérification du passif ;

- que l'action de la société Alain Afflelou Franchiseur est irrecevable faute pour celle-ci d'avoir assigné dans le délai de forclusion la SCP [B] en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société Apard Optic ;

- que la procédure n'a pas été régularisée par l'intervention forcée de la SCP [B], es qualités, dès lors que celle-ci est intervenue après expiration du délai de forclusion.

A titre subsidiaire, les intimés concluent au rejet des prétentions de la société Alain Afflelou Franchiseur en invoquant l'inapplicabilité du contrat du 17 mai 2016, l'absence de clause contractuelle d'indemnité de résiliation, l'absence de preuve d'un préjudice, l'inapplicabilité de la clause invoquée par l'appelante qui s'analyse comme une clause pénale réductible.

A titre encore plus subsidiaire ils sollicitent la réduction du montant réclamé à l'euro symbolique.

MOTIFS DE L'ARRÊT

SUR LA RECEVABILITÉ DE L'ACTION

Aux termes de l'article R. 624-5 du code de commerce, lorsque, dans le cadre de la procédure de vérification des créances « le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion ».

L'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances sur l'invitation ainsi faite par le juge-commissaire s'inscrit dans cette même procédure, laquelle est indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur.

Il en résulte que la partie qui engage l'action ne doit pas seulement saisir le juge compétent comme le soutient l'appelante, mais qu'il doit mettre en cause devant ce juge les deux autres parties avant expiration du délai de forclusion prévu par l'article R. 624-5 précité.

En l'espèce, l'ordonnance du juge-commissaire en date du 17 juillet 2018 par laquelle celui-ci a constaté l'existence d'une contestation sérieuse, a renvoyé les parties à mieux se pourvoir et invité Alain Afflelou Franchiseur à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois, a été déposée au greffe du tribunal de commerce et a été notifiée régulièrement par le greffe au créancier, au débiteur et à la SCP [O] [B], es qualités.

S'il n'est pas contesté que la société Apard Optic a été assignée devant le tribunal du fond avant expiration du délai de forclusion, force est de constater que la SCP [B] n'a été assignée, es qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde que le 4 mars 2019, et de mandataire judiciaire que le 12 juin 2020.

L'appelante soutient qu'elle n'avait pas à assigner Me [B] dans le mois de la notification de l'ordonnance du juge commissaire et ne conteste donc pas que l'assignation a été délivrée à la SCP [B] plus d'un mois après qu'elle ait reçu notification de la dite ordonnance.

Dès lors, la société Alain Afflelou Franchiseur n'ayant pas assigné les deux autres parties avant expiration du délai de forclusion, c'est à bon droit que les premiers juges l'ont déclaré irrecevable en son action tendant à voir fixer une créance de 89280 euros au passif de la société Apard Optic.

Il suffira d'ajouter que c'est vainement que l'appelante invoque les dispositions de l'article 126 du code de procédure civile aux termes desquelles l'irrecevabilité sera écartée si la cause donnant lieu à fin de non - recevoir a disparu au moment où le juge statue.

En effet la forclusion ayant joué, aucune régularisation de la fin de non-recevoir découlant de l'absence de mise en cause de la SCP [B] dans le délai fixé par l'article R. 624-5 du code de commerce n'était possible.

II. SUR LES FRAIS NON -RÉPÉTIBLES ET LES DÉPENS

La société Alain Afflelou Franchiseur, qui succombe en son appel, ne peut bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et devra supporter les entiers dépens.

L'appel interjeté par la société Alain Aflelou Franchiseur a contraint les intimés à exposer de nouveaux frais irrépétibles, notamment en honorant un avocat, frais dont il serait inéquitable qu'ils demeurent intégralement à leur charge. Par suite elle sera condamnée à verser aux intimés, ensemble, une indemnité de procédure de 2500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

y ajoutant ,

DÉBOUTE la SAS Alain Afflelou Franchiseur de sa demande en payement d'une indemnité de procédure,

CONDAMNE la SAS Alain Afflelou Franchiseur à payer à la société Apard Optic et à la SCP [B] , es qualités , ensemble , une indemnité de procédure de 2500 euros,

CONDAMNE la SAS Alain Afflelou Franchiseur aux entiers dépens d'appel.