CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 8 juin 2022, n° 20/06286
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Kgams 9 (SARL)
Défendeur :
Le Five (SAS), Le Five Concept (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
Mme Depelley, Mme Lignieres
Avocats :
Me Delay Peuch, Me Salvatico, Me Bourovitch
La société S.A.S. la société KGAMS9 a pour activité l'animation et la gestion d'un centre sportif de football en salle.
La société S.A.R.L. Le Five Concept exerce son activité dans le secteur des activités récréatives et des loisirs. Elle a développé un réseau de centres de football en salle sous le nom « Le Five » et elle bénéficie des droits d'utilisation du signe verbal « Le Five » à titre de nom commercial, d'enseigne et de marque.
La société S.A.S Le Five (anciennement « Soccer Park ' Le Five ») évolue elle aussi dans le secteur des activités récréatives et des loisirs. La société Soccer Park a développé un concept de centres de football à cinq et constitué un réseau de franchise autour de sa marque « Soccer Park ».
Le 30 avril 2013, un contrat de franchise a été conclu entre les sociétés Le Five Concept et la société KGAMS9 pour une durée de 7 ans, la société KGAMS9 a alors ouvert le centre « Le Five » constitué de 5 terrains de football à [Localité 7] (67).
En 2015, Soccer Park a implanté un centre de football en salle à [Localité 6] (67) à 15 kilomètres du centre exploité par la société KGAMS9.
En juin 2016, Soccer Park a acquis la société TRIBAL FOOT, société mère et seule associée de la société Le Five Concept et est devenue la société Soccer Park ' Le Five.
Soccer Park ' Le Five a proposé à la société KGAMS9 un nouveau contrat de franchise et un projet d'accord de réservation territoriale que la société KGAMS9 n'a pas signé.
Par lettre recommandée AR de mise en demeure du 27 avril 2018, la société KGAMS9 a sollicité auprès de Soccer Park ' Le Five un dédommagement de 250 000 euros.
Par acte en date du 3 janvier 2019, la société la société KGAMS9 a assigné la société Soccer Park-Le Five et la société Le Five Concept devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 29 avril 2020, le Tribunal de commerce de Paris a :
- dit que la SAS LE FIVE (ex SAS SOCCER PARK-LE FIVE) et la SARL LE FIVE CONCEPT ont commis des fautes engageant leurs responsabilités respectives et que leur comportement caractérise une violation de l'obligation de bonne foi et de loyauté,
- condamné la SAS LE FIVE (ex SAS SOCCER PARK-LE FIVE) et la SARL LE FIVE CONCEPT à payer à la SARL KGAMS9 la somme de 30 000 euros au titre de son préjudice,
- dit que la demande en nullité de la société KGAMS9 sur la clause 12-2 du contrat de franchise a un lien suffisant avec les prétentions originaires,
- débouté la société KGAMS9 de sa demande de prononcer la nullité des dispositions de l'article 12 du contrat de franchise et dira que la SARL KGAMS9 est tenue à une obligation de non concurrence ou de non réaffiliation,
- condamné la SAS LE FIVE (ex SAS SOCCER PARK-LE FIVE) et la SARL LE FIVE CONCEPT à verser à la société KGAMS9 la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,62 € dont 15,72 € de TVA.
- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par ordonnance du 10 novembre 2020, le Conseiller de la Mise en état a rejeté la demande de la société KGAMS9 d'organiser une expertise judiciaire comptable.
Vu les dernières conclusions de la société KGAMS9 déposées et notifiées le 17 décembre 2020, il est demandé à la Cour d'appel de Paris de :
Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de PARIS le 29 avril 2020 en ce qu'il a dit que la SAS LE FIVE (ex SAS SOCCER PARK-LE FIVE) et la SARL LE FIVE CONCEPT ont commis des fautes engageant leurs responsabilités respectives et que leur comportement caractérise une violation de l'obligation de bonne foi et de loyauté.
Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de PARIS le 29 avril 2020 en ce qu'il a dit que la demande en nullité de la société KGAMS9 sur la clause 12 du contrat de franchise a un lien suffisant avec les prétentions originaires.
Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de PARIS le 29 avril 2020 en ce qu'il a :
- limité la condamnation de la SAS LE FIVE (ex SAS SOCCER PARK ' LE FIVE) et la SARL LE FIVE CONCEPT à payer à la société KGAMS9 la somme de 30 000 € au titre de son préjudice liée à la violation de l'obligation de bonne foi et de loyauté, ainsi qu'à la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du CPC
- débouté la société KGAMS9 de sa demande de prononcer la nullité des dispositions de l'article 12 du contrat de franchise et dit que la SARL KGAMS9 est tenue à une obligation de non-concurrence ou de non-réaffiliation, alors que cette demande est bien fondée et qu'il aurait dû être jugé que la société KGAMS9 n'est tenue d'aucune obligation de non-concurrence ou de non- réaffiliation du fait de l'annulation des dispositions de l'article 12 du contrat
- débouté la société KGAMS9 de ses demandes tendant à obtenir la condamnation de la SAS LE FIVE (ex SAS SOCCER PARK ' LE FIVE) et la SARL LE FIVE CONCEPT à lui payer les sommes de 289 388 €, à titre principal, et de 154 400 €, à titre subsidiaire, en dédommagement pour les fautes ayant été commises engageant leurs responsabilités respectives et du fait de leur comportement caractérisant une violation de l'obligation de bonne foi et de loyauté, et de 10 000 € au titre de l'article 700 du CPC.
Statuant à nouveau,
Sur le montant alloué à la société KGAMS9 au titre de son préjudice :
A titre principal :
Condamner la SAS LE FIVE (ex SAS SOCCER PARK-LE FIVE) et la SARL LE FIVE CONCEPT à payer à la société KGAMS9 la somme de 107 708 € au titre de l'indemnisation de ses préjudices.
A titre subsidiaire, au besoin :
ORDONNER une expertise judiciaire comptable aux fins de faire évaluer les préjudices subis par la société KGAMS9 du fait de la violation par les sociétés LE FIVE CONCEPT et SOCCER PARK-LE FIVE de leur obligation de bonne foi et de loyauté. COMMETTRE pour y procéder tel expert-comptable qu'il plaira à la Cour d'appel avec pour mission, après avoir recueilli les renseignements nécessaires à sa mission, d'évaluer comptablement les préjudices financiers subis par la société KGAMS9. CHIFFRER précisément les préjudices financiers subis après avoir étudié les pertes de chiffres d'affaires et de marge brute de la société KGAMS9 suite à l'apparition des structures concurrentes. DIRE qu'il devra se faire remettre par les parties tous les éléments nécessaires à l'accomplissement de sa mission. DIRE que l'expert pourra prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne, et sauf à, dans ce cas, en aviser préalablement le Magistrat chargé du contrôle des expertises, ainsi qu'à veiller, le moment venu, à joindre à son rapport l'avis du technicien concerné. DIRE que l'expert établira un pré-rapport et répondra, dans le rapport définitif, aux éventuelles observations écrites des parties. DIRE que l'expert déposera son rapport écrit dans un délai de 3 mois (TROIS MOIS) à compter du jour où il aura été avisé de sa désignation. FIXER la provision à consigner pour moitié par chacune des parties à titre d'avance sur les honoraires de l'expert. Réserver à la société KGAMS9 la possibilité de conclure plus amplement après dépôt du rapport d'expertise judiciaire.
Sur les dispositions de l'article 12 du contrat de franchise :
Prononcer la nullité des dispositions de l'article 12 du contrat de franchise conclu le 30 avril 2013 et dire et juger que la société KGAMS9 n'est tenue d'aucune obligation de non-concurrence ou de nonréaffiliation.
En tout état de cause :
Condamner solidairement les sociétés LE FIVE CONCEPT et LE FIVE (ex SOCCER PARK-LE FIVE) à payer à l'appelante la somme de 10.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Condamner solidairement les sociétés LE FIVE CONCEPT et LE FIVE (ex SOCCER PARK-LE FIVE) aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel et de première instance.
Vu les dernières conclusions des sociétés Le Five Concept et Le Five (ex Soccer Park-Le Five) déposées et notifiées le 26 novembre 2021, il est demandé à la Cour d'appel de Paris de :
A TITRE PRINCIPAL
INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 29 avril 2020 en ce qu'il :
- Dit que la SAS LE FIVE (ex SAS SOCCER PARK-LE FIVE) et la SARL LE FIVE CONCEPT ont commis des fautes engageant leurs responsabilités respectives et que leur comportement caractérise une violation de l'obligation de bonne foi et de loyauté
- Condamne la SAS LE FIVE (ex SAS SOCCER PARK-LE FIVE) et la SARL LE FIVE CONCEPT à payer à la SARL la société KGAMS9AMS9 la somme de 30 000 euros au titre de son préjudice
- Dit que la demande en nullité de la SARL la société KGAMS9AMS9 sur la clause 12-2 du contrat de franchise a un lien suffisant avec les prétentions originaires
- Condamne la SAS LE FIVE (ex SAS SOCCER PARK-LE FIVE) et la SARL LE FIVE CONCEPT à verser la SARL la société KGAMS9AMS9 la somme de 5 000 en application de l'article 700 du code de procédure civile et au dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,62 euros dont 15,72 euros de TVA
ET STATUANT A NOUVEAU :
DECLARER recevables et bien fondées les sociétés LE FIVE CONCEPT et LE FIVE en l'ensemble de leurs demandes, fins, moyens et prétentions, y faire droit et en conséquence ;
DIRE que la société la société KGAMS9AMS9 n'apporte pas la preuve de la violation de la clause d'exclusivité territoriale par les sociétés LE FIVE CONCEPT et LE FIVE ;
DIRE que la société la société KGAMS9AMS9 n'apporte pas la preuve du préjudice invoqué ;
DIRE que la société la société KGAMS9AMS9 n'apporte pas la preuve du lien de causalité entre le manquement contractuel allégué et le préjudice qu'elle invoque ;
DIRE que la demande additionnelle en nullité de la clause 12-2 du contrat de franchise n'a pas de lien suffisant avec les prétentions originaires DECLARER la société la société KGAMS9AMS9 mal fondée en l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions, et l'en DEBOUTER ; REJETER la demande de condamnation in solidum des sociétés LE FIVE CONCEPT et LE FIVE à lui payer la somme forfaitaire de 107 708€ ; REJETER la demande d'expertise et CONSTATER que la demande d'expertise de la société KGAMS9 permet un accès généralisé aux informations confidentielles des sociétés LE FIVE et LE FIVE CONCEPT et ne répond pas aux exigences de proportionnalité et de protection des renseignements confidentiels ; DECLARER irrecevable et prononcer la fin de non-recevoir de la demande de nullité de la clause 12-2 du contrat de franchise ;
A TITRE SUBSIDIAIRE :
INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 29 avril 2020 en ce qu'il :
- Dit que la SAS LE FIVE (ex SAS SOCCER PARK-LE FIVE) et la SARL LE FIVE CONCEPT ont commis des fautes engageant leurs responsabilités respectives et que leur comportement caractérise un violation de l'obligation de bonne foi et de loyauté
- Condamne la SAS LE FIVE (ex SAS SOCCER PARK-LE FIVE) et la SARL LE FIVE CONCEPT à payer à la société KGAMS9 la somme de 30 000 euros au titre de son préjudice
- Condamne la SAS LE FIVE (ex SAS SOCCER PARK-LE FIVE) et la SARL LE FIVE CONCEPT à verser la société KGAMS9 la somme de 5 000 en application de l'article 700 du code de procédure civile et au dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,62 euros dont 15,72 euros de TVA
CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 29 avril 2020 en ce qu'il :
- Dit que la demande en nullité de la société KGAMS9 sur la clause 12-2 du contrat de franchise a un lien suffisant avec les prétentions originaires
- Déboute la société KGAMS9 de sa demande de prononcer la nullité des dispositions de l'article 12 du contrat de franchise et dit que la société KGAMS9 est tenue à une obligation de non concurrence ou de non réaffiliation.
ET STATUANT A NOUVEAU :
DECLARER recevables et bien fondées les sociétés LE FIVE CONCEPT et LE FIVE en l'ensemble de leurs demandes, fins, moyens et prétentions, y faire droit et en conséquence ;
DIRE que la société KGAMS9 n'apporte pas la preuve de la violation de la clause d'exclusivité territoriale par les sociétés LE FIVE CONCEPT et LE FIVE ;
DIRE que la société KGAMS9 n'apporte pas la preuve du préjudice invoqué ;
DIRE que la société KGAMS9 n'apporte pas la preuve du lien de causalité entre le manquement contractuel allégué et le préjudice qu'elle invoque ;
DIRE que la demande additionnelle en nullité de la clause 12-2 du contrat de franchise n'a pas de lien suffisant avec les prétentions originaires
DECLARER la société KGAMS9 mal fondée en l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions, et l'en DEBOUTER ;
REJETER la demande de condamnation in solidum des sociétés LE FIVE CONCEPT et LE FIVE à lui payer la somme 107 708€ ;
REJETER la demande d'expertise judiciaire et CONSTATER que la demande d'expertise de la société KGAMS9 permet un accès généralisé aux informations confidentielles des sociétés LE FIVE et LE FIVE CONCEPT et ne répond pas aux exigences de proportionnalité et de protection des renseignements confidentiels ;
A titre plus subsidiaire :
- FIXER en conséquence la totalité de la provision à consigner à la charge de la société KGAMS9 ;
- REVISER le périmètre de la mission de l'expert en la limitant à l'agglomération strasbourgeoise et en listant les informations strictement nécessaires à l'accomplissement de la mission de l'expert.
- REVISER le périmètre de l'article 12-2 du contrat de franchise à une période de douze mois et aux locaux de la société KGAMS9en application de l'article L 341-2 du Code de commerce ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
CONDAMNER la société KGAMS9 à payer aux sociétés LE FIVE CONCEPT et LE FIVE la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; CONDAMNER la société KGAMS9 aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mars 2022.
SUR CE, LA COUR,
Sur la violation de l'exclusivité territoriale prévue dans le contrat de franchise de 2013
Les sociétés du groupe LE FIVE forment un appel incident concernant le chef de dispositif du jugement qui a retenu l'existence d'une violation du contrat de franchise par manque de bonne foi et de loyauté dans l'exécution. Selon elles, le rapprochement capitalistique n'a aucunement modifié la situation de concurrence libre et loyale entre les centres Le Five et Soccer Park Strasbourg préalablement à l'opération de changement de contrôle, les deux marques « Five » et « Soccer Park » ont continué à coexister. Elles soutiennent que le projet de contrat de franchise proposé à la société KGAMS9 après juin 2016 prévoyant un accord de réservation territoriale n'est venu que formaliser la situation de fait acceptée depuis 2015 par la société KGAMS9. Elles font valoir que :
- la clause d'exclusivité territoriale ne porte que sur l'exploitation de la marque et l'enseigne « Le Five », or, les clauses d'exclusivité territoriale doivent être interprétées restrictivement du fait du principe de la liberté du commerce ;
- la prise de participation dans Tribal Foot a été réalisée par la société le Five (ex Soccer Park) et non par la société Le Five Concept, seule signataire du contrat de franchise, donc seule tenue par l'effet relatif des contrats.
L'appelante au principal demande la confirmation du jugement sur ce point.
Sur ce ;
Vu les articles 1134, 1135 et 1147 anciens du code civil, applicables pour les faits avant le 1er octobre 2016 et les articles 1103 et 1104 du code civil pour les faits postérieurs au 1er octobre 2016,
Vu le contrat de franchise conclu entre les sociétés Five Concept (FC) et la société KGAMS9 signé en 2013, qui prévoit dans son article 1-1 intitulé « objet du contrat-exclusivité » : « FC concède au BENEFICIAIRE le droit non transmissible d'utiliser la marque, l'enseigne et le concept « LE FIVE » ainsi que le droit d'offrir à la vente LES PRESTATIONS liées à l'exploitation d'un centre « LE FIVE » sur le TERRITOIRE contractuel et dans les conditions ci-après définies.
Et dans son article 2-1 que « FC concédera sur le territoire ci-après défini, pendant la durée du contrat, à peine de résiliation de plein droit des présentes à ses torts, aucun autre droit d'utiliser la marque et l'enseigne « LE FIVE » et de vendre LES PRESTATIONS sous la marque et l'enseigne « LE FIVE ». Enfin, l'article 4 prévoit une durée de 7 années à compter de la signature, le contrat était donc valable soit jusqu'en 2020.
Est annexée au contrat les informations sur la marque objet du contrat, il s'agit d'une marque verbale française enregistrée à l'INPI le 11 octobre 2011 dont le dépositaire est la société TRIBAL FOOT qui en a concédé le droit d'utilisation à la société Five Concept (sa filiale à 100%) par contrat de licence du 31 juillet 2012.
Le concept « LE FIVE » n'étant défini ni dans le contrat, ni par les parties au présent litige, l'essentiel du contrat concerne le droit d'utiliser le signe distinctif « LE FIVE » dans le cadre d'un centre de football en salle exploité par la société KGAMS9 situé dans l'agglomération strasbourgeoise dont le périmètre est défini en annexe 3 du contrat, avec une exclusivité sur ledit territoire. Il n'est pas discuté par les parties que le centre Soccer Park [Localité 8] se situe dans le périmètre de l'agglomération strasbourgeoise définie en annexe 3 du contrat.
Il n'est pas non plus contesté que le centre Soccer Park Strasbourg est un concurrent direct en ce qu'il a également comme activité un centre de football à 5 joueurs, qui est similaire à celle de la société KGAMS9.
Cependant, le principe de la liberté du commerce induit que la société KGAMS9 ne peut se prévaloir d'un monopole sur l'activité du football en salle à cinq joueurs. La seule exclusivité dont la société KGAMS9 peut se prévaloir aux termes du contrat de franchise est l'usage du signe distinctif « LE FIVE » comme nom commercial, enseigne et/ou marque pour exploiter l'activité de football en salle sur le territoire de l'agglomération strasbourgeoise tel que défini en annexe 3 du contrat.
Or, il est démontré que le centre litigieux (Soccer Park [Localité 8]) implanté dès 2015 en agglomération strasbourgeoise a continué à être exploité sous le signe distinctif « SOCCER PARK », et ce, même après l'acquisition en 2016 des centres LE FIVE par le réseau SOCCER PARK. Peu importe que les deux centres objet du litige fassent partie depuis 2016 du même groupe capitalistique et ont mutualisé leurs moyens financiers et logistiques, la seule question pertinente est de savoir si les intimées ont fait usage ou pas du signe distinctif « LE FIVE » pour l'exploitation du centre litigieux.
La société KGAMS9 invoque le fait que son franchiseur lui devait assistance dans l'exploitation de son centre « LE FIVE ». Or, il n'est pas contesté que le franchiseur a rempli ses obligations telles que définies à l'article 8 du contrat comme suit :
-apport de toute information utile à l'exploitation du centre « LE FIVE »,
-stage de formation avant l'ouverture du centre,
-information sur l'évolution des produits, méthodes de vente, manifestations liées l'exploitation du centre « LE FIVE » et au développement du réseau du GROUPE LE FIVE.
La société KGAMS9 reproche aux intimées d'avoir entretenu la confusion aux yeux du public sur l'existence d'un lien entre l'enseigne « LE FIVE » et le centre Soccer Park [Localité 8]. Il appartient plus particulièrement à la société KGAMS9 de prouver la violation effective de la clause d'exclusivité telle que prévue dans le contrat de 2013 par l'entrée des centres Soccer Park au sein du même groupe capitalistique. A cet effet, la société KGAMS9 invoque les faits suivants :
- sur la liste des centres figurant sur le site internet du groupe LE FIVE sont mentionnés « le Five [Localité 8] » et le « SOCCER PARK [Localité 8] », (pièce 8 de KGAMS9)
- le formulaire de contact à remplir sur le site internet du centre LE FIVE relie le client au centre SOCCER PARK et non le centre FIVE, (pièce 7 de KGAMS9)
- les brochures publicitaires de Soccer Park font référence au nom LE FIVE (pièces 8 de la société KGAMS9)
- le commercial de la région Grand Est (M.[M]) de la maison mère commercialise les produits Le Five pour le centre Soccer Park (pièce 9 de KGAMS9).
A l'examen des pièces 7 à 9 produites par la société KGAMS9, la Cour relève que :
La plupart des éléments publicitaires versés aux débats par l'appelante ne sont pas datés (or, il n'est pas contesté que depuis 2020 le centre litigieux a rejoint le réseau LE FIVE), ou bien mentionnent le chiffre 5, or, il ne peut être reproché au concurrent d'utiliser le chiffre 5 pour désigner l'activité du football à cinq joueurs. Seul l'usage du terme en anglais « FIVE » précédé de l'article « LE » permet de donner au signe un caractère non descriptif, ainsi de remplir son rôle d'information sur l'origine commerciale des prestations fournies et de distinguer ces prestations de celles provenant des centres du réseau « SOCCER PARK » ;
les documents informant d'événements organisés en commun tels que la « Finale Champions league du samedi 26 mai 2018 », alors que le contrat de 2013 est encore en vigueur, mentionnent les deux marques distinctes « LE FIVE » d'une part, et « SOCCER PARK » d'autre part, lesquelles sont toutes deux connues par le public concerné, aussi ces documents ne permettent pas de prouver l'existence d'une violation de l'exclusivité consentie à la société KGAMS9 relative à l'usage du signe distinctif « LE FIVE » telle que prévue dans le contrat de 2013 ;
La mise en commun de la logistique, via un site internet permettant aux internautes d'accéder aux centres de football à 5, mais indiquant la dénomination de chacun des centres, en précisant « LE FIVE » ou « SOCCER PARK », permet de suffisamment les distinguer grâce à leurs signes distinctifs respectifs qui sont connus du public concerné.
Enfin, l'appelante tire argument du fait qu'il lui a été proposé après juin 2016 un nouveau contrat qui envisageait une exception pour le club « SoccerPark [Localité 8] » concernant l'exclusivité territoriale qui lui était accordée sur l'agglomération strasbourgeoise (pièces 3 à 5 de KGAMS9). Cependant, il s'agissait de la proposition d'un nouveau contrat afin d'organiser une situation à venir permettant l'entrée dans le réseau « LE FIVE » du centre litigieux, cette proposition de contrat ne suffit pas à prouver qu'une violation a été effective antérieurement à la sortie de la société KGAMS9 du réseau LE FIVE en avril 2020, et à l'entrée depuis cette même date dans le réseau LE FIVE du centre anciennement nommé « Soccer Park [Localité 8] ».
Au vu de ce qui précède, la société KGAMS9 échoue à démontrer une violation de l'obligation de contractuelle relative au respect de l'exclusivité territoriale sur l'utilisation des signes distinctif « LE FIVE ». Quant au manquement plus général relatif à l'obligation d'exécuter de bonne foi et loyalement le contrat au sens de l'article 1135 ancien du code civil, le seul fait du rachat au sein d'un même groupe capitalistique des centres Soccer Park dont l'un était en concurrence directe avec le centre « LE FIVE » ne peut suffire à démontrer que le contrat de franchise a été exécuté de mauvaise foi et de manière déloyale.
A défaut de prouver un comportement fautif à son égard, la société LE FIVE sera déboutée de sa demande indemnitaire subséquente.
Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur la recevabilité de la demande et le bien fondé de la validité de la clause de non concurrence ou de non-réaffiliation
La société KGAMS9 demande la nullité de la clause de non-concurrence ou de non-réaffiliation insérée à l'article 12 du contrat de franchise de 2013 en ce qu'elle la considère comme disproportionnée en termes d'espace (la clause vise l'ensemble du territoire de la République française) et de temps (trois années). Les intimées soutiennent que cette demande additionnelle n'est pas recevable à défaut de lien suffisant avec la demande principale et à titre subsidiaire l'estime mal fondée comme l'ont retenu les premiers juges qui ont validé cette clause.
Sur ce ;
Sur la recevabilité de la demande additionnelle à la demande au principal,
Le tribunal a dit, à bon droit, que le lien était suffisant au regard de l'article 70 du code de procédure civile avec la demande au motif que la demande était liée au contrat de franchise de 2013 conclu entre les parties dont la bonne exécution est l'objet de la demande au principal.
Sur le bien fondé de la demande remettant en cause la validité de la clause prévue dans l'article 12 du contrat de franchise de 2013, il est établi qu'une clause de non-concurrence ou de non-réaffiliation pour être valable doit être limitée dans le temps, dans l'espace et proportionnée aux intérêts légitimes du créancier. La clause de non-concurrence ou de non-réaffiliation vise « l'ensemble de la République française » or, le caractère indispensable à la protection des intérêts du franchisé par cette obligation n'est pas démontré. En effet, l'exclusivité des savoirs faire du franchiseur concédée à la société KGAMS9 avait pour limite la région strasbourgeoise. Cette clause est donc illicite en ce que sa limitation étendue à tout le territoire français constitue une entrave à la liberté de commerce disproportionnée car non justifiée par un intérêt légitime et nécessaire du franchiseur. La clause prévue par l'article 12-2 du contrat de franchise signée entre les parties sera donc réputée non écrite. Il conviendra également d'infirmer le jugement déféré sur ce point.
Sur les frais et dépens
La société KGAMS9 qui succombe dans sa demande au principal supportera les dépens de première instance et de l'appel, elle sera également condamnée à participer aux frais irrépétibles engagés par les sociétés du groupe LE FIVE à hauteur de la somme globale de 8 000 euros.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit la société KGAMS9 recevable dans sa demande additionnelle sur la validité de la clause de non-concurrence ou de non réaffiliation prévue dans le contrat de franchise de 2013,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Déboute la société KGAMS9 de sa demande en indemnisation du fait de la violation de l'obligation contractuelle liée à l'exclusivité territoriale et du fait du défaut d'une exécution loyale et de bonne foi du contrat de franchise,
Dit réputée non écrite la clause de non-concurrence ou de non-réaffiliation du contrat de franchise de 2013 en son article 12-2,
Condamne la société KGAMS9 aux entiers dépens et à verser aux sociétés LE FIVE et LE FIVE Concept la somme globale de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande.