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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 15 juin 2022, n° 21/09853

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Loding (SAS), AJ Associes (Selarl), FIDES (Selarl)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Depelley, Mme Lignieres

Avocats :

Me Frenot , Me Meynard , Me Mignon

T. com. Paris, du 28 juin 2017, n° 20160…

28 juin 2017

La société Loding a pour activité principale la vente de chaussures et d'habillement dans le cadre d'un réseau de franchise. Par jugement du tribunal de commerce d'Évry en date du 13 septembre 2021, une procédure de sauvegarde ouverte à l'encontre de la société Loding a été convertie en procédure de redressement judiciaire, désignant Me [I] [R] de la SELARL AJ Associés en qualité d'administrateur judiciaire et Me [D] [O] de la SELARL Fides en qualité de mandataire judiciaire.

La société At Ultimum a pour activité le commerce de détail d'habillement en magasin situé à [Localité 11]. Le tribunal de commerce de Quimper a prononcé la liquidation judiciaire de cette société par jugement du 2 octobre 2015, ledit jugement ayant désigné Me [N] [L] en qualité de mandataire liquidateur.

La société Loding a consenti le 18 janvier 2013 à la société At Ultimum un contrat de franchise en vue de l'exploitation à [Localité 11] d'un magasin de chaussures, vêtements et accessoires commercialisés sous la marque Loding.

Confrontée à des difficultés financières, et considérant que la société Loding avait failli à ses obligations en tant que franchiseur, la société At Ultimum a assigné cette dernière en vue de faire prononcer la nullité du contrat de franchise ou, à défaut, sa résolution aux torts exclusifs de la société Loding.

Par acte du 12 mai 2015 la société At Ultimum a saisi le Tribunal de commerce de Quimper en vue de faire prononcer la nullité du contrat ou, à défaut, sa résolution aux torts exclusifs de la société Loding.

Par jugement du 21 janvier 2016, le tribunal de commerce de Quimper s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 28 juin 2017, le tribunal de commerce de Paris a :

- Prononcé la nullité du contrat de franchise conclu entre la société Loding et la société At Ultimum.

- Condamné la société Loding à rembourser à Me [L], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société At Ultimum, la somme totale de 313.657 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2015, au titre des conséquences de la nullité du contrat, et débouté pour le surplus.

- Condamné la société Loding à payer à Me [L], ès-qualités de liquidateur judiciaire de société At Ultimum, la somme de 5.000 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, et débouté pour le surplus.

- Débouté la société Loding à payer à Me [L], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société At Ultimum, la somme de 7.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Ordonné l'exécution provisoire de la décision.

- Condamné la société Loding aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.

La société Loding a interjeté appel du jugement par déclaration au greffe du 13 juillet 2017. La procédure devant la cour a été clôturée le 12 février 2019.

Par arrêt du 10 avril 2019, la cour d'appel de Paris a :

Infirmé le jugement ;

Statuant à nouveau ;

Débouté Me [N] [L], és-qualités de liquidateur judiciaire de la société At Ultimum, de sa demande de nullité du contrat de franchise ;

Y ajoutant ;

Déclaré recevable les demandes relatives au remboursement du capital social et du compte courant d'associé de Me [N] [L], és-qualités de liquidateur judiciaire de la société At Ultimum ;

Débouté Me [N] [L], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société At Ultimum, de sa demande en résolution du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Loding ;

Fixé la somme de 50.340,73 euros au passif de la société At Ultimum, à titre de créance de la société Loding ;

Condamné Me [N] [L], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société At Ultimum, aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Loding la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejeté toute autre demande.

À la suite du pourvoi formé par Me [N] [L] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société At Ultimum, la Cour de cassation a prononcé le 12 mai 2021 la cassation totale de l'arrêt de la cour d'appel de Paris rendu le 10 avril 2019 au motif qu'« En statuant ainsi, alors qu'elle relevait que les résultats de la société AT-Ultimum étaient négatifs de 28.700 euros la première année et de 11.328 euros la deuxième année, inférieurs dans une proportion très importante aux résultats prévisionnels annoncés par la société Loding, soit 27.749 euros la première année et 37.657 euros la deuxième année, et que la quasi-totalité des franchisés cités par M. [L], implantés dans des villes de tailles diverses, avaient eu, à l'exception de Rennes, peu comparable à Quimper, des résultats faiblement positifs, négatifs, voire lourdement négatifs pour les années considérées malgré des chiffres d'affaires parfois largement supérieurs, ce qui privait de tout caractère sérieux les prévisions communiquées par le franchiseur au franchisé et était, par conséquent, de nature à induire celui-ci en erreur sur la rentabilité du magasin concerné, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés » , a remis en conséquence l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Le 10 mai 2021, la présente Cour a été saisie par la société Loding.

Vu les dernières conclusions de la société Loding, déposées et notifiées le 11 mars 2022 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Déclarer recevables et bien fondées les demandes de la société Loding et de Maître [I] [R] de la SELARL AJ Associés ès qualité d'administrateur judiciaire de la société Loding et de Maître [D] [O] de la SELARL Fides ès qualité de mandataire judiciaire de la société Loding;

Infirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 28 juin 2017 en ce qu'il a :

- Prononcé la nullité du contrat de franchise.

- Condamné la société Loding à rembourser à Maître [L], ès qualité de liquidateur, la somme de 313 657 €, majoré des intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2015, et ce au titre des conséquences de la nullité du contrat.

- Condamné la société Loding à payer à Maître [L] la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

- Condamné la société Loding à payer à Maître [L] la somme de 7 500 € au titre de l'article 700.

- Condamné la société Loding aux dépens.

Réformant et statuant à nouveau,

Déclarer irrecevables pour défaut de qualité et d'intérêt à agir les demandes de Maître [L], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société At Ultimum, relatives au remboursement du capital social et du compte courant d'associé.

Débouter Maître [L], ès qualité de liquidateur, de toutes ses demandes.

Fixer au passif de la société At Ultimum la somme de 60 760,03 € au titre du remboursement des stocks de marchandises reçues par la société At Ultimum mais non payées par elle et au titre du remboursement de sa dette selon échéancier.

En cas de condamnation de la société Loding,

- Ordonner la compensation des sommes dues par chacune des parties.

- Enjoindre à Maître [L], ès qualité, de restituer le stock de marchandises non payées à la société Loding sous astreinte de 150 € par jour de retard un mois après la signification de la décision à intervenir.

En cas de vente desdites marchandises,

- Condamner Maître [L], ès qualité, à rembourser à la société Loding la somme de 10 419,30 €.

- Condamner Maître [L], ès qualité, à verser à la société Loding la somme de 15 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Vu les dernières conclusions de Me [L] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société At Ultimum déposées et notifiées le 28 mars 2022 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu les articles 1108, 1110, 1184, 1382 ou 1147 du Code Civil, (pris dans leur ancienne numérotation).

- Confirmer le jugement du tribunal de Commerce de Paris en ce qu'il a déclaré nul le contrat de franchise conclu entre la SARL At Ultimum et la SAS Loding.

En conséquence,

- Ordonner que les parties soient remises en l'état antérieur à la conclusion dudit contrat de franchise.

- Condamner la SAS Loding au remboursement de la totalité des sommes versées ou exposées par la SARL At Ultimum par la nécessité de la conclusion du contrat de franchise, à savoir :

- Droit d'entrée pour 20.000 € (Pièce n° 17)

- Frais d'agence immobilière : 7.000 € (Pièce n° 18)

- Droit au Bail : 101.259 € (Pièce n° 19)

- Redevances pour 1 % du CA : 1.012 € (2013) et 1.386 € (2014), (pièce n° 20)

- Participation à la publicité pour 1 % du CA : 1.012 € (2013) et 1.386 € (2014) (Pièce n° 21)

- Honoraires HT : 4.320 € (2013) et 4.060 € (2014) Cf Bilan (Pièce n° 22)

- Compte courant associés de 45.000 € (Pièce n° 23)

- Capital social de 40.000 € (Pièce n° 23)

- Frais de constitution de société : HT 802 € (Pièce n° 24)

- Dépôt de garantie location immobilière : 3.622 € Cf Bilan (Pièce n° 22)

- Loyers pour un total HT de : 19.540 € (2013) et 21.649 (2014) Cf Bilan (Pièce n° 22)

- Travaux électricité : 5.805 € HT (Pièce n° 25)

- Lustrerie : 710 € HT (Pièce n° 26)

- Travaux de menuiserie : 29.058 € HT (Pièce n° 27)

- Travaux de peinture : 13.900 € HT (Pièce n° 28)

- Réalisation trompe l''il des boiseries de vitrine : 2.100 € HT (Pièce n° 29)

- Dépôt de garantie Loding : 8372 € HT (Pièce n° 30)

- Fourniture des assises clientèle : 2.600 € HT (Pièce n° 31)

- Sérigraphies Loding : 1.125 € HT (Pièce n° 32)

- Fourniture du stock initial de marchandise : 42.029 € HT (cf Pièce n° 6 précitée)

- Fourniture du stock de dépôt 36.949 € HT : (cf Pièce n° 10 précitée)

- Logiciel de gestion des stocks et maintenance : 4.311 € HT (Pièce n° 33)

Soit une somme globale de 415 635 euros HT outre TVA, en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande, soit du 12 mai 2015 ;

Outre l'allocation de dommages-intérêts au titre du préjudice subi du fait de l'annulation du contrat à hauteur de 175 000 euros ;

A défaut,

- Prononcer la résolution du contrat de franchise aux torts exclusifs du la SAS Loding.

- Condamner la SAS Loding à verser à Maître [L] es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL At Ultimum une somme de 590 635 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts.

En toutes hypothèses,

- Débouter l'appelante de toutes ses demandes, fins et conclusions, y compris de ses demandes reconventionnelles.

Y ajoutant

Condamner la SAS Loding à payer la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la SAS Loding aux entiers dépens d'instance et d'appel, Maître [L] es qualité pouvant directement recouvrer contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

SUR CE, LA COUR,

A titre liminaire, la Cour relève que n'est pas contestée la recevabilité des interventions de Me [I] [R] de la SELARL AJ Associés ès qualité d'administrateur judiciaire de la société Loding et de Me [D] [O] de la SELARL Fides ès qualité de mandataire judiciaire de la société Loding.

Sur la qualité à agir du mandataire liquidateur de la société AT ULTIMUM.

La société Loding représentée par son administrateur judiciaire soutient que Me [L] est irrecevable, pour défaut de qualité et d'intérêt à agir, dans ses demandes en remboursement du capital social et du compte courant, seul l'associé, M. [W], ayant qualité pour ces demandes. Elle ajoute que n'est pas versée pas aux débats la déclaration d créances que M. [W] aurait dû faire.

Cependant, aux termes des articles L. 622-20 et L. 641-4 du code de commerce dans leur rédaction applicable au litige, le liquidateur judiciaire de la société AT Ultimum a seule qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif de ses créanciers ; par conséquent, le liquidateur est recevable dans ses demandes en remboursement du capital social et du compte courant d'associés, en ce qu'elles ont trait à une fraction du préjudice collectif subi par l'ensemble des créanciers.

Il est par ailleurs justifié de la déclaration de créance de Me [L] au passif de Loding à hauteur des condamnations prononcées par le jugement de première instance. (Pièce 69 de At Ultimum).

Cette fin de non-recevoir ne sera pas retenue et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande en nullité du contrat de franchise.

Au soutien de sa demande en nullité du contrat de franchise, la société At Ultimum argue des défaillances suivantes :

- Le défaut de validité de la marque concédée lors de la signature du contrat de franchise.

- Les lacunes dans le transfert du savoir-faire et le défaut d'assistance technique.

- Le défaut de rentabilité ayant conduit à la liquidation judiciaire de la société franchisé et à la ruine de son dirigeant.

La société Loding réplique que les griefs invoqués à son encontre ne relèvent pas du vice du consentement du franchisé. Elle conteste en particulier l'erreur sur la rentabilité économique, soutenant que les chiffres communiqués par elle étaient sincères, alors que le franchisé a, selon elle, été totalement défaillant dans l'étude économique.

Sur ce ;

- Concernant le défaut de validité de la marque concédée.

L'appelant argue du fait que la marque concédée mentionnée à l'article 3 du contrat de franchise est la marque semi figurative française LODING enregistrée à l'INPI le 11 février 2000 sous le n° 3006907 et n'a pas été renouvelée (pièce 16-1 de la société At Ultimum). Cependant, ce même signe a été déposé comme marque européenne sous le n° 816150 le 28 novembre 2003 sous antériorité de la marque française. De plus, le signe verbal « LODING » avec son logo illustratif ont été déposés comme marque française semi figurative le 25 janvier 2012 (pièces 16-2 et 16-3 de At Ultimum), ce qui justifie que LODING a valablement concédé le droit à la société At Ultimum d'user de la marque semi figurative LODING telle que décrite dans le contrat, pour vendre des chaussures, vêtements et accessoires.

Le premier grief invoqué par le franchisé sera donc écarté.

- Concernant les lacunes dans le transfert du savoir faire et le défaut d'assistance technique

La société At Ultimum soutient que l'assistance et le transfert du savoir-faire se sont limités à l'aménagement de la décoration intérieure et extérieure du magasin, ainsi qu'au concept d'un prix de vente unique par article, identique dans l'ensemble des magasins et constant et à la transmission d'une « Bible » jamais mise à jour.

Il est prévu à l'article 4-2 du contrat de franchise qui lie les parties (pièce 2 de Loding) que le savoir -faire est transmis de la manière suivante :

- La remise de la bible.

- Le stage de formation en boutique avant ouverture du point de vente franchisée.

- Et plus généralement, au moyen de conseils qui seront prodigués par le Franchiseur tout au long de l'exécution du contrat de franchise.

Il n'est pas contesté que la bible a été remise au franchisé, que ce dernier a reçu une formation in situ et dans un autre magasin franchisé Loding situé à [Localité 13], aussi les critiques émises par l'appelant sur la qualité de ces formations dans le cadre de la procédure ne sont ni précises, ni prouvées.

Quant aux défaillances des conseils prodigués par le franchiseur lors de l'exécution du contrat, la société At Ultimum produit un courriel rapportant un problème de tailles dans les vêtements qui apparaît comme anodin et conjoncturel et un échange sur les données chiffrées de ventes qui ne permettent pas de révéler une défaillance dans les conseils qui lui ont été prodigués par le franchiseur.

La société At Ultimum représentée par son mandataire liquidateur échoue donc à prouver l'existence de défaillances quant à la transmission du savoir-faire et l'assistance technique qui justifieraient d'annuler le contrat.

Ce grief sera donc également écarté.

- Concernant l'erreur sur la rentabilité.

Aux termes de l'article 1109 ancien du code civil dans sa version applicable au litige ; « Il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ».

Et aux termes de l'article 1110 du même code « L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet (...) ».

Conformément au droit commun, l'erreur comme vice du consentement en matière de franchise doit être excusable et porter sur les qualités essentielles de la prestation due ou celles du cocontractant. L'appréciation de l'erreur excusable prend en compte le fait que le candidat à la franchise était profane ou bien était initié dans le secteur concerné.

Aux termes de l'article L. 330-3 du code commerce, « toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause ». Ce document d'information précontractuelle, « dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités ». Cette information constitue une obligation déterminante et essentielle du franchiseur et l'article R. 330-1 oblige ce dernier notamment à « une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché », afin de permettre au futur franchisé de s'engager en connaissance de cause.

La méconnaissance, par un franchiseur, de son obligation précontractuelle d'information n'entraîne la nullité du contrat de franchise que s'il est démontré que celle-ci est constitutive d'une erreur, de nature à vicier le consentement du franchisé.

En l'espèce, il est constant que LODING avait remis au candidat à la franchise une étude prévisionnelle portant sur trois premiers exercices comptables et comprenant les bilans et comptes prévisionnels, il ressort de cette étude les éléments suivants :

- Pour l'année 2013 : un résultat d'exploitation de 28k euros.

- Pour l'année 2014 : un résultat d'exploitation de 37k euros.

- Pour l'année 2015 : un résultat d'exploitation de 40k euros.

Même si le franchiseur n'a aucune obligation de remettre ces prévisionnels, ceux-ci quand ils sont fournis doivent être prudents et réalistes. En effet, si ces données ne le sont pas, elles amènent le candidat à la franchise à se tromper dans l'appréciation de la rentabilité future de son entreprise, élément déterminant dans son consentement donné au contrat de franchise qui lui est proposé.

Or, il ressort des éléments comptables de la société franchisée que celle-ci a effectivement dégagé lors des deux premières années d'exploitation de sa boutique sous franchise LODING les résultats suivants :

- Pour l'année 2013, un résultat d'exploitation négatif de 28k.

- Pour l'année 2014 : un résultat d'exploitation négatif de 11k.

Pour expliquer ces résultats négatifs, le franchiseur argue de fautes du franchisé dans le management de sa boutique, pourtant, l'agencement de la boutique de [Localité 11] a été conçu par le franchiseur et il n'est pas rapporté la preuve d'erreurs dans l'approvisionnement ou la communication avec sa clientèle commise par le franchisé, comme ont pu le relever, par des motifs pertinents que la Cour adopte, les juges de première instance.

Il en résulte que les chiffres des prévisionnels fournis par LODING étaient nettement surévalués dans des proportions telles que le franchisé était dans l'impossibilité de réaliser le modèle économique défini par le franchiseur.

En outre, au vu de son profil professionnel (pièce 1-a de LODING), le candidat à la franchise n'avait aucune expérience dans le secteur de la vente de détail du prêt à porter et il ne disposait pas d'éléments pertinents sur le marché local autres que les données fournies par LODING qui étaient trop optimistes car basées sur les chiffres d'affaires réalisés par des boutiques LODING situées dans des villes qui n'étaient pas comparables à celle de [Localité 11] car correspondant à des villes de tailles différentes, ou bien situées hors de la région Bretagne, à l'exception de la ville de [Localité 12], ou bien des villes où les habitants disposent d'un pouvoir d'achat plus élevé, telles que [Localité 9] ou [Localité 10], ce qui est déterminant puisque LODING intervient sur le secteur du prêt à porter haut de gamme.

Il en ressort que le candidat à la franchise n'avait pas, en l'espèce, les moyens de contrôler le sérieux des prévisionnels communiqués par le franchiseur.

Au vu de ces éléments, la Cour en conclut que le candidat à la franchise a été induit en erreur sur les perspectives de rentabilité du commerce, du fait de sa confiance dans la notoriété du réseau et de son défaut d'expérience dans le secteur, les données du prévisionnel fourni ayant été un élément déterminant et substantiel dans son engagement dans le réseau. Le consentement du franchisé a donc été vicié par une erreur excusable portant sur un élément essentiel du contrat.

Par conséquent, il convient de confirmer le tribunal en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de franchise litigieux pour erreur ayant vicié le consentement.

Sur les conséquences de l'annulation du contrat de franchise

- Restitutions :

La nullité emporte l'effacement rétroactif du contrat et les parties doivent être remises dans l'état dans lequel elles se seraient trouvées si le contrat n'avait pas été conclu. La nullité entraîne en conséquence des restitutions de part et d'autre des parties.

Il n'est pas contesté que les sommes suivantes ont été effectivement engagées par la société At Ultimum en paiement des prestations reçues dans le cadre du contrat de franchise :

Droit d'entrée au réseau Loding : 20.000 euros.

Redevances : 1 012 € pour 2013 et 1 386 € pour 2014.

Participation à la publicité pour 1 % du CA : 1 012 € pour 2013 et 1 386 € pour 2014.

Dépôt de garantie LODING : 7000 euros.

Sérigraphies Loding : 1.125 € HT.

soit une somme totale de 32 .921 euros.

En revanche, les autres frais demandés ont été dépensés pour le fonctionnement de la société At Ultimum et ne peuvent être pris en compte dans les restitutions au titre de la remise en état après annulation du contrat de franchise, tels que :

- Frais d'agence immobilière : 7000 euros

- Droit au Bail : 101.259 euros

- Honoraires avocats

- Compte courant associés : 45.000 €

- Capital social : 40.000 €

- Frais de constitution de société : 802 € HT

- Dépôt de garantie location immobilière : 3.622 €

- Loyers pour un total HT de : 19.540 € (2013) et 21.649 (2014)

- Travaux électricité : 5.805 € HT

- Lustrerie : 710 € HT

Travaux de menuiserie : 29.058 € HT

Travaux de peinture : 13.900 € HT

Réalisation trompe l''il des boiseries de vitrine : 2.100 € HT

Fourniture des assises clientèle : 2.600 € HT, et Logiciel de gestion des stocks et maintenance : 4.311 € HT

Enfin, concernant les demandes relatives au stock de marchandises, il n'est versé au dossier aucun élément permettant de chiffrer le montant du stock non vendu et non repris, en outre, il n'est pas justifié que le stock ait été entièrement payé à Loding, au contraire, il est versé aux débats un échéancier de paiement non acquitté au titre de factures marchandises. (Pièce 11 de Loding)

Par conséquent, le total des sommes dues par Loding à At Ultimum représentée par son liquidateur judiciaire, au titre des restitutions suite à l'annulation du contrat de franchise doit être fixé à 32 .921 euros. Le jugement entrepris sera donc infirmé sur le quantum alloué de ce chef.

- Dommages et intérêts :

En présence d'un manquement à l'obligation d'information, l'octroi de dommages et intérêts est envisageable, que la nullité du contrat soit ou non prononcée. Ainsi le préjudice réparable correspond à « la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses et non par celle d'obtenir les gains attendus ». (Cass com, 31 janvier 2012, n° 11-10834)

La perte de chance réparable s'entend de la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, ce qui suppose que cette éventualité soit suffisamment sérieuse.  La perte de chance se mesure à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

En l'espèce, la société At Ultimum s'est méprise sur la rentabilité réelle au regard du prévisionnel fourni par LODING, lui faisant perdre une chance de faire une meilleure utilisation de ses fonds, et engageant ainsi à son égard sa responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article 1240 du code civil.

Il est constant qu'ont été investies pour la constitution de la société créée aux fins d'exploiter un commerce au sein du réseau de franchise LODING les sommes suivantes : Compte courant associés de 45.000 € et Capital social de 40.000 €, soit un total de 85.000 euros.

Les autres sommes dépensées par la société At Ultimum ont essentiellement permis de louer le local commercial et de l'aménager, elles s'élèvent à un total de 212.356 euros. Or, ce local loué et aménagé aurait pu servir à exploiter une activité commerciale par la société At Ultimum, dans un cadre autre que le réseau Loding, qui aurait pu être bénéficiaire.

Mais, le franchiseur n'a pas à supporter tous les investissements engagés et non amortis par son franchisé, le principe étant que le franchisé est un entrepreneur qui doit assumer ses risques financiers.

Au vu de ces éléments, il est donc juste de dire que la perte de chance de faire une meilleure utilisation de ses fonds subie par la société At Ultimum, du fait des manquements de la société Loding dans son devoir d'information pré-contractuelle constitutifs d'une faute délictuelle, doit être fixée à un tiers du total des fonds investis, soit 30 % de (85.000 + 212.356) 297.356 euros. Les dommages et intérêts seront donc fixés à la somme arrondie de 100.000 euros en réparation de la perte de chance subie.

Il n'est en revanche pas démontré l'existence d'un préjudice moral distinct du fait du manquement à l'obligation d'information de la part de la société Loding envers la société At Ultimum.

Le jugement entrepris sera infirmé du chef des dommages et intérêts alloués de ce chef.

Sur les demandes reconventionnelles de Loding,

La société Loding réclame la somme de 50.340,73 € correspondant à un échéancier de remboursement de dette au titre d'un prêt consenti à la société At Ultimum pour l'achat de marchandises qu'elle souhaite voir fixer au passif de la liquidation. Elle réclame également le paiement du solde restant au titre d'un stock de marchandises (10.419,30 €) et la restitution du stock.

Me [L] ès-qualités réplique qu'à défaut de demande de revendication formulée par la société Loding dans les délais de la procédure collective, celle-ci a renoncé à tout droit sur lesdits stocks, et que ce stock non revendiqué et non vendu a été réalisé aux enchères publiques au profit de la masse des créanciers, sans que cela confère à la société Loding un rang privilégié à ce titre.

Sur ce,

Concernant le remboursement du prêt signé le 17 avril 2014 pour un montant de 50.340,73 euros, cette somme n'est pas contestée. Elle doit donc être fixée comme créance de Loding aux fins de son admission au passif de la société At Ultimum. La société Loding justifie de la déclaration de cette créance entre les mains de Me [L]. (Pièce 11 de At Ultimum)

Concernant l'existence d'un stock de marchandises non restitué et non vendu ainsi que d'un solde restant dû à ce titre à Loding, celle-ci n'est pas justifiée. L'appelante sera donc déboutée de sa demande de ce chef.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement sera confirmé sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

Les parties succombant partiellement dans leurs demandes respectives, elles conserveront les frais irrépétibles engagés par elles dans la présente instance et les dépens de l'instance sur renvoi après cassation seront partagés.

PAR CES MOTIFS

Vu l'arrêt de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation du 12 mai 2021 (pourvoi n° 19-17.701),

Déclare recevable l'intervention de Maître [I] [R] de la SELARL AJ Associés ès qualité d'administrateur judiciaire de la société Loding et de Maître [D] [O] de la SELARL Fides ès qualité de mandataire judiciaire de la société Loding.

Infirme le jugement sur le quantum des restitutions consécutives à l'annulation du contrat de franchise et des dommages et intérêts pour manquement du franchiseur dans son obligation d'information précontractuelle, le confirme pour le surplus.

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Fixe le montant des créances de Me [L] és-qualités aux fins d'admission au passif de la société Loding comme suit :

- 32.921 euros au titre des restitutions à la suite de l'annulation du contrat de franchise.

- 100.000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation de la perte de chance du fait du manquement de la société Loding dans son devoir d'information pré-contractuelle.

Déboute Me [L] és-qualités de sa demande au titre du préjudice moral.

Y ajoutant,

Fixe le montant de la créance de la société Loding représentée par son administrateur judiciaire aux fins d'admission au passif de la société At Ultimum à la somme de 50.340,73 euros au titre du remboursement du prêt signé le 17 avril 2014.

Déboute la société Loding représentée par son administrateur judiciaire de ses autres demandes reconventionnelles.

Dit que chacune des parties supportera la moitié des dépens sur renvoi après cassation.

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.