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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 24 mars 2004, n° 92405272

PARIS

Arrêt

Confirmation

tribunal de grande instance de Paris, 1…

12 juillet 2002

Vu l'appel interjeté par la société CREATIONS RIVERS, la société COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE et la société CREEKS du jugement rendu le 12 juillet 2002 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

- dit que Guy R justifie de sa qualité d'auteur des modèles de chaussures dénommés "running piping jean" et "city run piping jean" qui étant originaux sont protégeables au titre du droit d'auteur,

- dit que les sociétés CREEKS, COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE et CREATIONS RIVERS en important, détenant, offrant en vente et vendant des modèles de chaussures répertoriés BLUE A2ECC132 325 et GOLD ref A2CC 132 325 qui reproduisent les caractéristiques des modèles précités, sans l'autorisation de Guy R, auteur, ni de la société RAUTUREAU APPLE SHOES, cessionnaire des droits patrimoniaux sur ceux-ci, ont commis des actes de contrefaçon en application de l'article L.122-4 du Code de la propriété intellectuelle,

- dit que la société CREEKS en offrant à la vente et en vendant des modèles de chaussures désignés sur les étiquettes et dans son système informatique par la dénomination "NO NAME" et ce, sans l'autorisation de la société RAUTUREAU APPLE SHOES titulaire de la marque "NO NAME" a commis des actes de contrefaçon de marque en application de l'article L.713-3 b) du Code de la propriété intellectuelle,

- interdit la poursuite de ces actes illicites, sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision,

- ordonné la confiscation entre les mains de la société RAUTUREAU APPLE SHOES des modèles contrefaisants et de tous documents ou catalogues portant la reproduction de ceux-ci en vue de leurs destruction sous contrôle d'huissier aux frais des sociétés défenderesses tenues in solidum,

- condamné la société CREEKS à payer à la société RAUTUREAU APPLE SHOES la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la contrefaçon de marque,

- donné injonction à la société COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE de produire au tribunal l'ensemble des factures afférentes aux modèles contrefaisants, l'exhaustivité de celles-ci étant attestée par son commissaire aux comptes et ce, dans un délai de deux mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard passé ce délai,

- condamné in solidum la société CREEKS, la COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE et la société CREATIONS RIVERS à payer à la société RAUTUREAU APPLE SHOES la somme provisionnelle de 50.000 euros à valoir sur la réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de modèles,

- condamné in solidum la société CREEKS, la société COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE et la société CREATIONS RIVERS à payer à Guy R et à la société RAUTUREAU APPLE SHOES la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté par la société CREATIONS RIVERS, la société COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE et la société CREEKS du jugement rendu le 18 novembre 2003 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

- rejeté la demande de sursis à statuer,

- dit n'y avoir lieu à production de pièces complémentaires pour déterminer le préjudice subi par la société RAUTUREAU APPLE SHOES du fait de la contrefaçon de modèles,

- fixé à la somme de 50.000 euros le préjudice subi par la société RAUTUREAU APPLE SHOES du fait de la contrefaçon des modèles de chaussures références 2713 480 306 et 2713 980 306,

- condamné in solidum les sociétés CREEKS, COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE et CREATIONS RIVERS à payer à la société RAUTUREAU APPLE SHOES la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts sous déduction de la provision précédemment versée,

- condamné in solidum les sociétés CREEKS, COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE et CREATIONS RIVERS à payer à la société RAUTUREAU APPLE SHOES la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures signifiées le 6 février 2004 par lesquelles la société CREATIONS RIVERS, la société COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE et la société CREEKS, poursuivant la réformation des jugements entrepris, demandent à la Cour de :

- dire Guy R irrecevable en ses demandes, faute d'intérêt à agir,

- débouter Guy R et la société RAUTUREAU APPLE SHOES de l'ensemble de leurs demandes,

- constater que la société CREATIONS RIVERS est étrangère aux faits de la cause et ordonner sa mise hors de cause,

- ordonner le remboursement, avec intérêts de droit à compter de son règlement, de la somme de 80.000 euros réglée de façon indue par les appelantes à Guy R et à la société RAUTUREAU APPLE SHOES avec capitalisation dans les termes de l'article 1154 du Code civil,

- condamner in solidum Guy R et la société RAUTUREAU APPLE SHOES à verser à chacune des appelantes la somme de 7.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 16 février 2004 aux termes desquelles Guy R et la société RAUTUREAU APPLE SHOES sollicitent la confirmation des jugements déférés sauf en ce qu'ils ont débouté la société RAUTUREAU APPLE SHOES de sa demande en concurrence déloyale, ont rejeté la demande de publication et sur le quantum des dommages-intérêts, demandant à ce titre de :

- condamner in solidum les sociétés appelantes à payer à la société RAUTUREAU APPLE SHOES la somme de 100.000 euros à titre provisionnel en réparation des actes de contrefaçon de modèles,

- dire qu'elles se sont rendues coupables d'actes de concurrence déloyale et les condamner à payer à la société RAUTUREAU APPLE SHOES la somme de 100.000 euros à titre provisionnel,

- ordonner une mesure d'expertise aux fins de déterminer le montant définitif des dommages-intérêts résultant des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale,

- condamner in solidum les sociétés appelantes à verser à Guy R la somme de 31.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte portée à son droit moral d'auteur,

- condamner in solidum les appelantes à verser à la société RAUTUREAU APPLE SHOES la somme de 122.000 euros à titre de dommages-intérêts pour les actes de contrefaçon de la marque "NO NAME",

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou périodiques aux frais in solidum des sociétés appelantes à hauteur de 3.000 euros HT par insertion,

- condamner in solidum les sociétés appelantes à verser à chacun des intimés la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Considérant qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice d'ordonner la jonction des deux instances pendantes sous les numéros 2002/ 18567 et 2004/ 00065 et de statuer sur le tout par un seul et même arrêt ;

I - Sur la recevabilité de l'action engagée par Guy R

Considérant que la société CREATIONS RIVERS, la société COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE et la société CREEKS soulèvent l'irrecevabilité de l'action de Guy R, faute par lui de rapporter la preuve de sa qualité d'auteur des modèles de chaussures litigieux, qui n'est satisfaite ni par le procès-verbal de constat d'huissier du 17 janvier 2001, ni par les catalogues POM D'API et NO NAME produits aux débats ;

Considérant que pour établir sa qualité d'auteur des modèles dénommés "City run piping jean" et "running piping jean", Guy R se fonde sur deux procès-verbaux dressés les 17 et 25 janvier 2001 par Maître P, huissier de justice près du tribunal d'instance de La ROCHE sur YON ; qu'aux termes du premier acte, l'huissier instrumentaire constate que Guy R lui a présenté l'ensemble des modèles de chaussures de la collection "POM D'API hiver 2001" et lui a remis le contrat de cession en date du 16 janvier 2001 de ses droits patrimoniaux à la société RAUTUREAU APPLE SHOES ainsi que les fiches techniques et les photographies des modèles ; que le second constat relate la présentation par Guy R des modèles de chaussures de la collection "NO NAME hiver 2001" et la remise d'un exemplaire du contrat de cession du 24 janvier 2001 des droits patrimoniaux à la société RAUTUREAU APPLE SHOES ainsi que des photographies des modèles auxquels il se rapporte ;

Considérant que les catalogues annexés aux procès-verbaux permettent d'identifier les deux modèles revendiqués et de leur conférer une date certaine ; que la société RAUTUREAU APPLE SHOES, qui agit aux côtés de Guy RAUTUREAU en qualité de cessionnaire des droits patrimoniaux sur les modèles de chaussures composant ces deux collections, ne lui conteste pas la qualité d'auteur des modèles, qui ne fait en outre l'objet d'aucune revendication de la part de tiers ;

Que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrecevabilité et reconnu à Guy R la qualité d'auteur sur les modèles en cause ;

II - Sur l'originalité des modèles dénommés "City run piping" et "Running piping jean"

Considérant que Guy R et la société RAUTUREAU APPLE SHOES revendiquent un modèle de chaussure ainsi décrit :

- l'association d'une tige en jean existant en finition métal (bronze-gold, plartinium, argent) et en finition jean's blue qui est une basket qui se caractérise par des rajouts de tissus placés au bout, à la lacière, au niveau de la talonnette ainsi qu'au niveau de l'applique haut de la talonnette et sur les côtés latéraux,

- les contours de ces rajouts sont enrobés par un rebord de couleur cousu par l'intérieur,

- l'intérieur de la doublure a un aspect gaufré,

- la languette interne est de couleur identique à la tige sur laquelle est cousue un rectangle de couleur beige où est brodée la marque de référence,

- les lacets se caractérisent par des coutures latérales apparentes,

- la semelle est évasée vers le bas et en matière micro d'aspect mat,

- sur le dessous est apposée une couche d'usure qui est en caoutchouc avec remontée avant sur le bout de la tige et une remontée arrière sur la talonnette ;

Considérant que les sociétés appelantes contestent l'originalité de ce modèle faisant valoir qu'il s'agit d'une déclinaison des modèles existant antérieurement dont il ne diffère que par des détails insignifiants portant essentiellement sur les contours des rajouts de tissu qui sont enrobés par un rebord de couleur cousu par l'intérieur ; qu'ils invoquent à cet effet, en l'état de leurs dernières écritures, deux modèles de baskets de marque "CREEKS" commercialisés lors de la saison automne/hiver 1999/ 2000 et au mois de septembre 2000, un modèle NIKE extrait du prospectus CHAUSS LAND 1995 et un modèle ADIDAS extrait du catalogue 3 SUISSES 2000 / 2001 ;

Considérant que si les deux modèles de baskets représentés sur des photographies, dont les copies sont revêtues de la date manuscrite du 8 mai 1999, sont dépourvus de date certaine, la fiche technique, datée du 25 mai 1999, de la basket de marque "CREEKS" est corroborée par deux bordereaux portant les mêmes références, qui établissent l'importation en France courant mai 1999 de 2000 paires de chaussures de ce modèle ;

Que toutefois, l'examen du croquis révèle que si ce modèle comporte des rajout de tissu placés sur le bout, à la lacière, sur les côtés latéraux et au niveau de la talonnette, leurs contours ne sont pas bordés d'un rebord de tissu, les lacets sont absents, la forme précise de la semelle n'est pas visible ;

Qu'aucun élément ne permet de retenir que le modèle photographié, daté de manière manuscrite du 13 septembre 2000, et présenté à la Cour lors des débats, correspond à celui objet des bordereaux des 5 octobre et 29 décembre 2000 ; qu'il ne peut donc être valablement opposé au modèle dont se prévalent les intimés, faute de date certaine ;

Que le modèle NIKE, tout en reprenant la forme d'une basket, comporte une tige en cuir et se distingue du modèle RAUTUREAU par l'absence de relief des rajouts, simplement soulignés par des surpiqûres, sans contours, et la forme de la semelle d'usure qui ne remonte pas sur la talonnette ;

Qu'outre le fait que le modèle ADIDAS comporte une tige en cuir et des rajouts dans la même matière au bout du pied et au niveau du talon, dépourvus de contours, la semelle d'usure ne remonte pas vers l'arrière sur la talonnette ;

Considérant que si le modèle RAUTUREAU reprend des éléments connus de la chaussure dite basket (empiècements de cuir ou tissu, languette épaisse sur laquelle est apposée une marque, semelle épaisse, semelle d'usure remontant sur le devant) la combinaison invoquée ne se retrouve dans aucune des chaussures de sport antérieurement mise sur le marché ; que l'association d'une tige en jean ornées de rajouts de tissu de la même matière, se détachant du fond par l'effet des rebords de couleur cousus par l'intérieur, d'une doublure en matériau à l'aspect gaufré, d'une semelle évasée vers le bas et supportant une couche d'usure remontant vers l'avant et l'arrière sur la talonnette, résulte bien d'un processus créatif et porte l'empreinte de la personnalité de l'auteur ; que contrairement à ce que prétendent les sociétés appelantes, les contours des rajouts de tissu ne constituent pas le seul détail distinguant ce modèle mais contribuent par l'effet de liseré qu'ils produisent, combinés aux autres caractéristiques relevées, à son originalité ;

Que le tribunal a donc à juste titre estimé ce modèle protégeable par le droit d'auteur ;

III - Sur la contrefaçon de modèles

Considérant que les modèles CREEKS reprennent dans une même combinaison, comme la Cour devant laquelle ces modèles ont été présentés a-pu le constater, l'ensemble des éléments conférant au modèle RAUTUREAU son originalité, à savoir la tige en jean, couleur bleu ou finition métal, la disposition aux mêmes emplacement des rajouts de tissu, les contours formés de rebords de tissu de couleur, l'intérieur gaufré, l'aspect aplati des lacets au moyen de coutures latérales, la forme évasée de la semelle et la couche d'usure remontant vers l'avant et l'amère ; que les différences tenant aux coloris des chaussures, bleu marine au lieu de bleu délavé, pour l'un, gris pailleté et non bronze doré pour l'autre, la couleur plus contrastée des lacets, la couleur de la semelle identique à celle de la tige sur l'un des modèles litigieux, sont sans effet sur la contrefaçon à défaut d'affecter l'impression d'ensemble identique qui se dégage de l'examen des modèles en cause ;

Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a retenu le grief de contrefaçon de modèle ;

IV - Sur les actes de concurrence déloyale

Considérant que la société RAUTUREAU APPLE SHOES reproche aux sociétés appelantes d'avoir commis des actes de concurrence déloyale à son encontre en commercialisant des copies serviles de son:modèle et en reprenant sa ligne de produits à moindre prix ;

Mais considérant que si la copie servile est susceptible d'aggraver le préjudice résultant de la contrefaçon qui résulte de la reproduction intégrale ou partielle d'une oeuvre sans l'autorisation de l'auteur, elle ne constitue pas un fait distinct de concurrence déloyale ; qu'il n'est pas établi que les ventes seraient réalisées à perte ;

Qu'en revanche, la déclinaison du modèle dans deux couleurs approchantes, bleu jean et gold, dans une matière identique, dont il n'est pas démontré qu'elle répondrait aux tendances de la mode en 2002, comme le choix de la dénomination "Running jean" au lieu de "Running piping jean" pour identifier l'un des modèles, ne peuvent être considérées comme fortuites mais traduisent une volonté délibérée de se placer dans le sillage de la société RAUTUREAU, dont le succès des modèles auprès du public jeune, avide de nouveauté n'est pas contesté, et de détourner sa clientèle ;

Que le grief de concurrence déloyale est donc caractérisé ;

V - Sur la contrefaçon de la marque "NO NAME"

Considérant que la société RAUTUREAU APPLE SHOES fait également grief à la société CREEKS d'avoir commis des actes de contrefaçon de la marque complexe "NO NAME" N° 92/ 405 272, déposée en couleurs dans un rectangle noir, les lettres NO étant de couleur blanche et le mot NAME en lettres majuscules noires bordées de blanc, pour désigner notamment des chaussures ;

Considérant que les opérations de saisie-contrefaçon pratiquées le 20 mars 2002 dans le magasin de la société CREEKS situé à Merignac ont révélé la présence à l'entrée de ce local de boîtes de chaussures de marque CREEKS, contenant des chaussures dont la semelle porte une étiquette sur laquelle apparaît la marque 'NO NAME" ; que l'huissier constate que, sur certaines étiquettes, la marque est barrée mais apparaît en transparence ; qu'il relève que la marque apparaît sur l'ordinateur lors de l'enregistrement du code barre ; que cette dénomination figure également sur un ticket de caisse émis par la boutique à l'enseigne CREEKS LYON JUNIOR ;

Que la société CREEKS a, contrairement à ses allégations, fait un usage public de la dénomination "NO NAME" qui est toujours visible sur les étiquettes apposées sur les semelles des chaussures et apparaît sur les tickets de caisse remis aux clients ;

Qu'en l'absence de reproduction de l'élément graphique, les premiers juges ont, sans statuer ultra petita ,à juste titre estimé que ces faits constituaient une imitation de la marque, en relevant que la reproduction. de l'élément dénominatif "NO NAME" pour désigner des produits identiques entraîne un risque d'association avec la marque ;

Que le jugement sera donc confirmé sur ce point ;

VI - Sur les mesures réparatrices

Considérant que la société CREATIONS RIVERS demande sa mise hors de cause au motif que si elle partage ses locaux avec la société CREEKS, elle n'a pas participé à la commercialisation des produits litigieux ;

Mais considérant que lors des opérations de saisie-contrefaçon pratiquées le 20 mars 2002 dans les locaux de la société CREATIONS RIVERS, M. Olivier T, directeur commercial de la société CREEKS, a déclaré que la société CREATIONS RIVERS fait partie du Groupe VIVARTE (ex-groupe ANDRE) et que leur fournisseur est la société CEC ; que le bon de livraison daté du 5 février 2002 portant sur 1250 paires de chaussures, remis à l'huissier instrumentaire, porte le tampon de la société CREATIONS RIVERS comme destinataire ayant reçu les produits et mentionne sa dénomination sociale et son adresse, comme lieu de facturation ;

Qu'il en résulte que la société CREATIONS RIVERS a participé à la vente des produits contrefaisants ;

Considérant que les premiers juges ont, par des motifs pertinents que la cour adopte, estimé, au vu des pièces produites, que les actes de contrefaçon ont porté sur 900 paires du modèle 2713 480 306 et 350 paires du modèle 2713 980 306 soit un total de 1250 exemplaires correspondant aux quantités énoncées dans les procès-verbaux de saisie- contrefaçon des 20 et 28 mars 2002 et que l'explication fournie par la COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE selon laquelle la mention "REAS" figurant sur les bons de commande CREEKS indique que cette dernière société, lui a préalablement à la commande des produits litigieux, commandé d'autres produits pour la même saison, n'est contredite par aucun élément ;

Qu'au vu de ces éléments, ils ont exactement évalué le préjudice subi par la société RAUTUREAU APPLE SHOES, en raison de l'atteinte portée à la valeur patrimoniale de son modèle et des gains manqués du fait des ventes contrefaisantes, à la somme de 50.000 euros, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'expertise ;

Considérant que l'atteinte portée au droit moral d'auteur de Guy R du fait des actes de contrefaçon a été justement réparée par l'allocation d'une indemnité de 15.000 euros ;

Considérant que le préjudice subi par la société CREEKS du fait de l'atteinte portée à la marque "NO NAME" sera entièrement indemnisée par l'allocation de la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts, comme l'ont exactement décidé les premiers juges ;

Considérant que les actes fautifs commis par les appelantes ont causé à la société RAUTUREAU un trouble commercial, la mise sur le marché d'une gamme de modèles déclinés dans des coloris proches, fabriqués dans la même matière, ayant eu nécessairement pour effet de dévaloriser son modèle et d'inciter la clientèle à s'en détourner ; que le préjudice en résultant sera entièrement réparé par l'allocation d'une somme de 50.000 euros ;

Considérant que la mesure d'interdiction et de confiscation prononcée par les premiers juges doit être confirmée ; qu'il sera fait droit à la demande de publication selon les modalités précisées au dispositif ;

Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à Guy R et à la société RAUTUREAU APPLE SHOES, la somme complémentaire de 7.000 euros chacun devant leur être allouée à ce titre ;

Que la solution du litige commande de rejeter la demande formée sur le même fondement par les sociétés appelantes ;

PAR CES MOTIFS

Ordonne la jonction des instances enregistrées sous les numéros 2002/18567 et 2004/00065 ;

Confirme les jugements entrepris sauf en ce qu'ils ont débouté la société RAUTUREAU APPLE SHOES de ses demandes au titre de la concurrence déloyale ;

Les réformant sur ce point et statuant à nouveau ;

Dit que la société CREEKS, la société CREATIONS RIVERS et la société COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société RAUTUREAU APPLE SHOES ;

Condamne in solidum la société CREEKS, la société CREATIONS RIVERS et la société COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE à payer à la société RAUTUREAU APPLE SHOES la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale ;

Autorise Guy R et la société RAUTUREAU APPLE SHOES à publier, en entier ou par extraits le présent arrêt, dans trois journaux ou revues de leur choix, aux frais in solidum des sociétés appelantes, sans que le coût de chaque insertion n'excède la somme de 2.000 euros HT ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne in solidum la société CREEKS, la société CREATIONS RIVERS et la société COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE à verser à Guy R et à la société RAUTUREAU APPLE SHOES chacun la somme complémentaire de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société CREEKS, la société CREATIONS RIVERS et la société COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.