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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 1 février 2006, n° D20060020

PARIS

Arrêt

Infirmation

14 février 2005

14 février 2005

 

Vu l'appel interjeté le 14 février 2005, par la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS d'un jugement rendu le 28 janvier 2005 par le tribunal de commerce de Paris qui a :

- dit que le modèle de crochet mural à ventouses BUNNY ayant fait l'objet d'un dépôt auprès de l'OMPI en date du 29 janvier 2001, sous le numéro DM/054856, publié dans le Bulletin des dessins et modèles internationaux, constitue une création originale protégée par le Code de la propriété intellectuelle,

- débouté la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS de ses demandes à l'encontre de la société EQUINOXE au titre de la contrefaçon de ce modèle ainsi que de la concurrence déloyale,

- débouté la société EQUINOXE de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire,

- condamné la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS à payer à la société EQUINOXE la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu les écritures utiles en date du 12 mai 2003, par lesquelles la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise sauf en ce qu'elle a dit que le modèle de crochet mural à ventouses est une création originale protégée par le Code de la propriété intellectuelle, demande à la Cour de :

- condamner la société EQUINOXE au paiement au titre de la contrefaçon de :

- la somme de 5.000 euros à titre de provision sur la perte de marge consécutive à la perte de chiffre d'affaires du fait de la vente des produits contrefaisants,

- la somme de 30.000 euros à titre de réparation des préjudices matériel, d'image et moral,

- condamner la société EQUINOXE au paiement de la somme de 30.000 euros au titre de concurrence déloyale,

- désigner un huissier de justice aux fins de déterminer l'étendue de la masse contrefaisante, ordonner le rappel et la destruction de l'ensemble des crochets muraux contrefaisants, aux frais de la société EQUINOXE et ce, aux fins de destruction sous contrôle de l'huissier de justice commis, dans les quinze jours du jugement à intervenir, sous astreinte définitive de 1.000 euros par jour de retard,

- faire interdiction à la société EQUINOXE, sous astreinte définitive de 150 euros par infraction, de fabriquer, importer, distribuer, commercialiser, offrir tout exemplaire des crochets contrefaisants,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans trois journaux aux frais de la société EQUINOXE dans la limite de 5.000 euros par insertion,

- condamner la société EQUINOXE au paiement du coût des opérations de saisie contrefaçon, incluant les honoraires d'huissier,

- débouter la société EQUINOXE de ses demandes,

- condamner la société EQUINOXE au versement de la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

Vu les utiles écritures en date du 17 octobre 2005, aux termes desquelles la société EQUINOXE prie la Cour de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'elle a été déboutée de sa demande reconventionnelle et, statuant à nouveau, de condamner la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS au paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre celle de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les conclusions en date du 27 décembre 2005, par lesquelles la société EQUINOXE demande que soient rejetées des débats les écritures signifiées et les pièces communiquées 27 à 32, le 12 décembre 2005 par la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS ;

Vu les conclusions en date du 30 décembre 2005, aux termes desquelles la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS sollicite le rejet des débats des conclusions et pièces signifiées par la société EQUINOXE le 13 décembre 2005.

I - Sur la procédure :

Considérant que la société EQUINOXE a signifié de nouvelles écritures le 13 décembre 2005, après l'ordonnance de clôture, de sorte qu'elles sont irrecevables en application de l'article 783 du nouveau Code de procédure civile ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison des articles 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile que le respect du principe de la contradiction impose que, pour assurer la loyauté des débats, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense ;

Considérant en l'espèce, que la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS a signifié des conclusions et communiqué six nouvelles pièces, sous les numéros 27 à 32, le 12 décembre 2005, jour du prononcé de l'ordonnance de clôture ;

Que force est de constater que la société EQUINOXE n'a pas été à même de débattre contradictoirement sur ces pièces et de répliquer à ces dernières conclusions, de sorte qu'elles doivent être également rejetées des débats ;

II - Sur le fond :

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ;

qu'il suffit de rappeler que :

- la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS est spécialisée dans la création d'objets utilitaires, réalisés en thermoplastique teinté,

- au nombre de ses produits figure un crochet mural à ventouses référencé BUNNY, créé en 2000 et dont le modèle a été déposé à l'OMPI le 29 janvier 2001, sous le n° DM/054856,

- reprochant à la société EQUINOXE, spécialisée dans la commercialisation de gadgets, d'exposer au salon Maison et Objet de Villepinte, se tenant du 23 au 27 janvier 2004, des crochets à ventouses, reproduisant, selon elle, les caractéristiques de son modèle, la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS, dûment autorisée par ordonnance présidentielle, a fait pratiquer le 26 janvier 2004, une saisie contrefaçon sur le stand tenu par la société EQUINOXE ;

Considérant que la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS revendique un modèle de crochet mural à ventouses caractérisé par, une figurine en matière plastique de couleurs jaune, vert, rouge, bleu et blanc en forme de lapin en position assise, aux oreilles proéminentes dans lesquelles sont logées les ventouses, aux pattes écartées et relevées perpendiculairement au corps formant un angle droit, au visage de forme ronde personnifiée par des yeux rapprochés et un large sourire, la tête étant disproportionnée par rapport au cou très étroit et au buste en forme de triangle ;

Considérant que la société EQUINOXE soutient que cette figurine ne peut constituer une oeuvre originale, dès lors que les yeux et le sourire de cette figurine ne sont que la reprise du " SMILEY " déposé à titre de marque par un tiers, qu'il existe une antériorité chinoise selon un brevet chinois n° 89350136, qu'enfin l'écartement des pattes et l'angle droit formé avec le corps ont une fonction technique à savoir accrocher un torchon ou une serviette ;

Mais considérant d'une part, que ni le visage " SMILEY " déposé à titre de marque, ni le crochet à ventouses protégé par le brevet chinois constitué d'une figurine en forme de petit singe, ne constituent une antériorité de toute pièce susceptible de détruire la nouveauté de la combinaison revendiquée laquelle n'est pas reproduite dans toutes ses composantes ;

Que les extraits des pages des catalogues LA REDOUTE, TROIS SUISSE, HONG KONG ENTREPRISE, de sites Internet, présentant des lapins en peluche ou des dessins de lapins, ne sont pas davantage opérants ;

Que le modèle de la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS répond donc au caractère de nouveauté et présente un caractère propre ;

Considérant d'autre part, que si l'écartement et la position relevée des pattes de la figurine contribuent à l'accrochage d'un torchon ou d'une serviette, la forme, les proportions de ces pattes ne participent pas exclusivement au résultat technique recherché mais traduisent, au contraire, une recherche esthétique ;

Considérant par voie de conséquence qu'est justifiée la protection du modèle au titre du Livre V du Code de la propriété intellectuelle ;

Considérant que ce modèle de crochet mural est non seulement nouveau, mais la combinaison retenue, par le choix de la représentation d'un lapin stylisé aux larges oreilles, au visage de forme ronde, aux pattes écartées et relevées, au buste étroit, résulte d'un processus créatif et traduit un parti pris esthétique qui porte l'empreinte de la personnalité de son auteur, de sorte qu'il est également protégeable par le droit d'auteur ;

Considérant qu'il résulte de l'examen des crochets en présence auquel la Cour a procédé que le crochet mural exposé par la société EQUINOXE au salon Maison et Objet reproduit, selon les mêmes proportions, les caractéristiques du modèle de la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS à savoir, une figurine en plastique de couleur en forme de lapin en position assise, aux larges oreilles, au visage rond personnifiée par des yeux et une bouche, au cou étroit et buste en forme de triangle, aux pattes relevées et écartées ;

Que les différences, liées à l'emplacement des ventouses, au dessin de la bouche, la forme des oreilles, l'une étant légèrement abaissée et l'autre droite, alors qu'elles sont en position horizontale dans le modèle original, sont sans effet sur la contrefaçon, à défaut d'affecter l'impression d'ensemble qui se dégage de la combinaison protégée ;

Considérant de sorte, que la société EQUINOXE, en important, en proposant sur son stand au salon Maison et Objet le crochet mural litigieux, a commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS ;

1) Sur la concurrence déloyale :

Considérant que la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS prétend que la société EQUINOXE a commis des actes de concurrence déloyale en commercialisant une copie servile de son modèle, dans une qualité moindre et à un prix nettement inférieur ;

Mais considérant que si ces griefs sont susceptibles d'aggraver le préjudice résultant de la contrefaçon laquelle se définit comme la reproduction intégrale ou partielle de l'oeuvre sans l'autorisation de son auteur, ils ne constituent pas des faits distincts de concurrence déloyale ; qu'il n'est pas démontré le prix pratiqué serait abusivement bas ou que les ventes seraient réalisées à perte ;

Que le grief de concurrence déloyale doit être rejeté ;

2) Sur les mesures réparatrices :

Considérant que la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS, qui justifie avoir été présente depuis 1996, au salon Maison et Objet, établit la large diffusion de son modèle de crochet mural en France dans les magasins FLY, GALERIES LAFAYETTE, BHV, BATHROOM GRAFFITI, PRINTEMPS, LA SAMARITAINE et des investissements exposés pour la création de ce crochet à hauteur de la somme de 14.217 euros ;

Que selon le tarif de vente 2002/2003, produit aux débats, cette société vend son modèle au prix professionnel de 3,40 euros ;

Considérant selon le procès verbal de saisie contrefaçon, que les crochets muraux contrefaisants ont été importés de Chine par la société EQUINOXE, lesquels aux dires de cette dernière auraient été acquis au nombre de huit pour être exposés au salon Maison et Objet à titre de test sans toutefois être proposés à la vente ;

Mais considérant d'une part, que l'huissier a constaté que sur la plaque en verre, où étaient été exposés les crochets litigieux, étaient apposés la référence DIV 388 et un prix unitaire de 0,95 euros ;

Que d'autre part, est versée aux débats une commande émanant de la société ORIENTAL portant sur l'achat de 35 produits référencés DIV 388, libellés " hanger rabbit ", au prix de 0,95 euros, de sorte que sont démontrées l'importation et l'offre en vente du produit litigieux ;

Qu'en revanche, il n'est pas justifié d'autres commandes de ce produit et n'est pas davantage démenti que la société EQUINOXE a immédiatement retiré l'exposition des objets litigieux dès les opérations de saisie contrefaçon ;

Considérant de sorte, qu'au vu de ces éléments, sans qu'il soit besoin de commettre un huissier de justice aux fins de déterminer la masse contrefaisante, l'atteinte portée à la valeur patrimoniale du modèle et le préjudice consécutif à la privation de la marge bénéficiaire à laquelle la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS pouvait prétendre sur les ventes manquées du fait des actes de contrefaçon seront réparés par l'allocation d'une indemnité de 15.000 euros ;

Qu'afin de mettre un terme aux agissements illicites, il sera fait droit à la mesure d'interdiction sollicitée, sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt ;

Que la confiscation et la destruction des produits litigieux ne sont pas nécessaires, la mesure d'interdiction sous astreinte suffisant à mettre fin aux agissements litigieux ;

Qu'en revanche, la publication du présent arrêt sera autorisée dans trois journaux ou périodiques choisis par la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS aux frais de la société EQUINOXE mis à sa charge dans la limite de la somme de 3.000 euros HT par insertion ;

III - Sur les autres demandes :

Considérant que la solution du litige commande de rejeter la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par la société EQUINOXE ;

Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS ; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme de 8.000 euros ; que la société EQUINOXE qui succombe en ses prétentions doit être déboutée de sa demande formée sur ce même fondement ;

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevables les conclusions signifiées par la société EQUINOXE le 13 décembre 2005,

Ecarte des débats les conclusions signifiées et les pièces n° 27 à 32 communiquées par la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS le 12 décembre 2005, Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

Dit que la société EQUINOXE, en important et en proposant à la vente un modèle de crochet mural a commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS,

Interdit à la société EQUINOXE de poursuivre l'importation, la fabrication, la commercialisation, la distribution de produits contrefaisant le modèle dont la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS est titulaire, sous astreinte de 150 euros par infraction constatée, à compter de la signification du présent arrêt,

Condamne la société EQUINOXE à payer à la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon,

Autorise la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS à publier le présent arrêt dans trois journaux ou périodiques de son choix, aux frais de la société EQUINOXE, sans que ceux- ci n'excèdent à sa charge la somme de 3.000 euros HT par insertion,

Condamne la société EQUINOXE à payer à la société KOZIOLS IDEAS FOR FRIENDS la somme de 8.000 euros au titre des frais irrépétibles,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société EQUINOXE aux dépens, incluant les frais de la saisie contrefaçon, de première instance et d'appel et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.