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Décisions

Cass. com., 9 janvier 2019, n° 17-14.906

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, Me Bertrand

Paris 10 fev. 2017

10 février 2017

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 février 2017), que la société Gemalto, titulaire du brevet européen EP 1 062 634, déposé le 19 janvier 2000 sous priorité du brevet français FR 99 00486 déposé le 19 janvier 1999, intitulé "Carte à puce munie d'une antenne en boucle, et micromodule associé" et délivré le 12 août 2009, a assigné les sociétés Avery Dennison RIS France et Avery Dennison systèmes d'étiquetage France (les sociétés Avery Dennison ) en contrefaçon des revendications 1 et 2 de la partie française de ce brevet ; que les sociétés Avery Dennison ont reconventionnellement demandé l'annulation de ces revendications ; que, le 13 août 2015, la société Gemalto a déposé auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) une requête en limitation de la partie française du brevet, qui a été acceptée par une décision du 1er octobre 2015 du directeur général de l'INPI contre laquelle les sociétés Avery Dennison ont formé un recours ;

Attendu que les sociétés Avery Dennison font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur recours alors, selon le moyen :

1°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; que les exigences du procès équitable concernent toute phase de la procédure pouvant avoir une incidence sur la décision du juge ; que les sociétés Avery Dennison contestaient la conformité aux exigences du procès équitable de la procédure de limitation du brevet, lorsqu'elle est mise en oeuvre dans le cadre de l'action en annulation du brevet, en application des articles L. 613-25 et L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle ; qu'en énonçant que la procédure de limitation du brevet ne pouvait être soumise aux exigences du procès équitable dès lors que l'INPI n'est pas un organe juridictionnel, mais un établissement public, et que les décisions de son directeur général sont des actes administratifs individuels, bien que la décision du directeur général de l'INPI acceptant la limitation rétroagisse à la date du dépôt de la demande de brevet et que le brevet ainsi limité devienne le nouvel objet de l'action en nullité pendante, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne vise pas à garantir des droits théoriques ou illusoires, mais des droits concrets et effectifs ; que la requête par laquelle le titulaire d'un brevet sollicite sa limitation auprès du directeur général de l'INPI n'est pas publiée, en sorte que les tiers n'en sont pas informés ; que, par ailleurs, le directeur général de l'INPI saisi d'une requête en limitation d'un brevet n'est pas informé de l'existence d'une éventuelle action en annulation ; qu'enfin, le juge saisi de l'action en annulation du brevet n'est pas tenu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue du recours contre la décision du directeur général de l'INPI ; qu'en se bornant à énoncer, pour affirmer que les garanties du procès équitable étaient assurées, que les tiers sont admis à présenter des observations devant le directeur général de l'INPI et qu'ils disposent de voies de recours contre la décision acceptant la limitation, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser l'effectivité, pour les tiers auxquels la limitation du brevet fait grief, de l'exercice de la contradiction et des voies de recours, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, § 1, du texte précité ;

3°/ que le recours dirigé contre la décision de limitation du directeur général de l'INPI tend à l'annulation de la limitation du brevet, et non à l'annulation du brevet tel que limité ; qu'en affirmant, pour déclarer irrecevable le recours des sociétés Avery Dennison, que les moyens développés à l'appui de leur recours contre la décision du directeur général de l'INPI acceptant la limitation du brevet EP s'analysaient en des moyens de nullité du brevet relevant la compétence exclusive du juge de la validité du brevet, la cour d'appel a violé l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle ;

4°/ que la cour d'appel de Paris, saisie en application de l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle, doit contrôler la conformité de la décision du directeur général de l'INPI aux exigences des articles L. 612-6, L. 613-24 et R. 613-45 du code de la propriété intellectuelle ; qu'il lui appartient en conséquence de vérifier la régularité formelle de la requête en limitation et de s'assurer qu'elle consiste bien en une limitation et que les revendications limitées sont claires et concises et se fondent sur la description ; qu'en énonçant, pour déclarer irrecevable le recours des sociétés Avery Dennison, qu'elle ne pouvait examiner les moyens de nullité du brevet remettant en cause la conformité aux textes applicables des revendications modifiées, et notamment les moyens tirés d'un manque de clarté des revendications ou de leur absence de support dans la description, affirmant qu'ils relevaient de la compétence du juge de la validité du brevet, la cour d'appel a violé les textes précités ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'examen des moyens de fond tendant à l'annulation du brevet pour l'une des causes énumérées aux articles L. 612-6, L. 613-24 et R. 613-45 du code de la propriété intellectuelle relevant du pouvoir juridictionnel, non du juge de la légalité de la décision rendue par le directeur général de l'INPI sur une requête en limitation, mais du juge de la validité du brevet, la cour d'appel a exactement retenu que le pouvoir juridictionnel de ce dernier s'étendait aux moyens tirés, non seulement d'une extension ou de l'absence de limitation des revendications, mais également de leur manque de clarté ou de leur absence de support dans la description, ce dont il résultait que le recours était irrecevable ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant déclaré le recours irrecevable, la cour d'appel n'avait pas le pouvoir d'examiner le moyen pris de l'inconventionnalité de la procédure de limitation du brevet ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Avery Dennison RIS France et Avery Dennison systèmes d'étiquetage France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille dix-neuf.