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Décisions

Cass. 3e civ., 21 janvier 2021, n° 20-13.492

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Rapporteur :

M. Béghin

Avocats :

SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Bénabent

Nîmes, 2e ch. A, du 19 déc. 2019

19 décembre 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 19 décembre 2019), M. et Mme R..., ayant découvert l'existence d'une cavité sous le sol de leur parcelle, ont assigné M. F..., leur voisin, en comblement de cette cavité accessible depuis son seul fonds et en réparation de leur préjudice.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, réunis

Enoncé des moyens

2. Par son premier moyen, M. F... fait grief à l'arrêt de rejeter son action en revendication de propriété de la cavité située sous la parcelle cadastrée section [...] , alors :

« 1°/ que tout ce qui s'unit à la chose appartient à son propriétaire ; qu'en l'espèce, faisant sien le rapport d'expertise, la cour d'appel a relevé que l'accès à la cave litigieuse ne pouvait se faire que depuis le fonds de M. F... ; qu'elle a néanmoins jugé, pour dire que l'acte du 2 septembre 1949 n'avait pu transmettre au père de M. F... la propriété de la partie de la cave située sous le fonds des époux R..., que « les dépendances ne peuvent s'entendre, à défaut de toute précision en ce sens, des cavités qui s'étendent sous la voie publique, puis sous la propriété cadastrée section [...] , soit au-delà de la parcelle cadastrée [...] » ; qu'en exigeant une mention expresse du transfert des cavités dans l'acte de 1949, quand il résultait de ses propres constatations que la cave litigieuse était unie, en son entier, au fonds de M. F..., dès lors que le seul accès se situait sur celui-ci, la cour d'appel a violé les articles 551 et 552 du code civil ;

2°/ que la propriété des biens s'acquiert et se transmet par succession, par donation entre vifs ou testamentaire, et par l'effet des obligations ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que les fonds respectifs de M. F... et des époux R... avaient un auteur commun ; qu'elle a néanmoins jugé, pour dire que l'acte du 2 septembre 1949 n'avait pu transmettre au père de M. F... la propriété de la partie de la cave située sous le fonds des époux R..., que « les dépendances ne peuvent s'entendre, à défaut de toute précision en ce sens, des cavités qui s'étendent sous la voie publique, puis sous la propriété cadastrée section [...] , soit au-delà de la parcelle cadastrée [...] » ; qu'en statuant ainsi, tandis que l'auteur de l'acte était également propriétaire de la parcelle [...] et était par conséquent en droit d'en céder le tréfonds, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 711 du code civil ;

3°/ que seul le propriétaire de l'ouvrage qui empiète est tenu de mettre fin à l'empiétement ; qu'en déboutant M. F... de sa demande en revendication de la propriété de la cave litigieuse, tout en faisant peser sur lui le coût de la remise en état en application de la théorie de l'empiétement, ce qui supposait qu'il en était propriétaire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 711 du code civil. »

3. Par son deuxième moyen, M. F... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. et Mme R... la somme de 6 960 euros, alors :

« 2°/ que seul le propriétaire de l'ouvrage qui empiète est tenu de mettre fin à l'empiétement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé qu' « en conséquence de cette appropriation illicite du sous-sol, M. F... sera tenu de supporter le coût de son comblement chiffré par l'expert à 6 960 euros TTC » ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'elle a jugé que M. F... n'était pas propriétaire de la cave litigieuse, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 545 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel a relevé que la cavité litigieuse, creusée par la main de l'homme, était ancienne et que son unique accès se situait sur le fonds de M. F..., et retenu souverainement que l'acte de donation-partage, dont étaient issus les fonds des parties, séparés par une voie communale, ne précisait pas les dépendances comprises dans l'immeuble dont M. F... était devenu propriétaire, de sorte que celles-ci ne pouvaient inclure des cavités s'étendant sous une parcelle, propriété de M. et Mme R..., que cet acte avait comprise dans un lot distinct.

5. Elle en a souverainement déduit que M. F... ne rapportait pas la preuve susceptible de renverser la présomption posée par l'article 552 du code civil, selon laquelle la propriété du sol emporte celle du dessus et du dessous, de sorte que M. et Mme R... étaient fondés à demander la suppression de cette cavité empiétant sur leur fonds.

Sur le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

6. M. F... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. et Mme R... la somme de 12 260,60 euros, alors :

« 2°/ que seul le propriétaire de l'ouvrage qui empiète est tenu de mettre fin à l'empiétement et d'en réparer les conséquences ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé qu' « il est établi que la découverte de cette cavité a contraint les époux R... à renforcer la structure de leur immeuble afin d'éviter l'effondrement de la voûte de la cavité » et que « ces travaux supplémentaires, indispensables pour la poursuite de la construction R..., sont la conséquence de l'appropriation du sous-sol et seront supportés par M. F... » ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'elle avait jugé que M. F... n'était pas propriétaire de la cave litigieuse, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 545 du code civil ;

3°/ que l'exercice d'une action en justice et des voies de recours constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts qu'en cas de faute dûment caractérisée ; qu'en l'espèce, pour juger que M. F... devra supporter l'entier coût des travaux de renforcement engagés par les époux R..., soit la somme de 12 220,60 euros, la cour d'appel a retenu, par motifs propres, qu' « en raison de la mésentente entre les parties, il n'a pas été possible de limiter le coût des travaux en comblant la cavité de gros béton et de construire un mur solide au niveau de la limite de propriété du fonds R... » et, par motifs adoptés, que « les époux R... étaient quant à eux légitimement en droit de de vouloir poursuivre leur projet sur leur immeuble » ; qu'en faisant ainsi supporter à M. F... le surcoût résultant de la décision des époux R... de poursuivre leurs travaux, quand il résultait de ses propres constatations qu' « il n'[était] pas démontré que ce dernier ait fait dégénérer en abus son droit de se défendre et de relever appel », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil. »

7.La cour d'appel a relevé que les travaux de renforcement de la structure de l'immeuble de M. et Mme R... avaient été effectués pour éviter l'effondrement de la cavité découverte et permettre la poursuite de la construction qu'ils avaient eux-mêmes entreprise.

8. Elle a pu en déduire que ces travaux étaient la conséquence de l'empiétement et que leur coût devait en conséquence être supporté par M. F.... PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi.