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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 6, 8 avril 2022, n° 18/22937

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Geoxia Ile-de-France (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Guillaudier

Conseillers :

Mme Georget, Mme Pelier-Tetreau

Avocats :

SAS Ficop, SA Crédit Foncier de France

TGI Paris, du 15 juin 2018, n° 15/08344

15 juin 2018

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé du 29 janvier 2011, M. et Mme N. ont signé une promesse de vente avec la société Ficop - propriétaires de terrains à bâtir - pour l'acquisition d'un terrain d'une superficie de 195 m² situé dans la [...], lot A, issu d'un terrain d'une superficie plus grande de 910 m², divisé en trois lots.

Par acte seing privé du 6 avril 2011, les époux N. ont conclu un contrat de construction de maison individuelle avec la société Geoxia Ile de France portant sur une maison présentant une surface habitable de 96,72 m² et 14,75 m² d'annexes, 4 chambres, un salon, une cuisine et une salle de bain.

Selon offre de prêt du 15 avril 2011 acceptée par les époux N., la société Crédit Foncier de France a octroyé un prêt total de 296 000 euros pour le financement d'un terrain et de la construction avec contrat au [...] sous la forme de trois prêts concernant le terrain (pass liberté de 170 740 euros, prêt habitat neuf de 9 700 euros et prêt à taux zéro de 115 560 euros).

Le 13 septembre 2011, la mairie de Sainte-Geneviève-des-Bois a rejeté la demande de permis de construire déposée pour le compte des époux N..

Après modification de la répartition de la superficie des lots issus du terrain à bâtir, une nouvelle promesse de vente a été régularisée entre M. et Mme N. et la société Ficop le 15 octobre 2011, promesse portant à 297 m² la superficie du terrain à bâtir qu'ils s'engageaient à acquérir.

Le 23 novembre 2011, M. et Mme N. ont accepté la modification des plans de leur maison proposée par la société Geoxia Ile de France, prévoyant une surface habitable supérieure, soit 100,28 m² et 22,16 m² de surface annexe, compte tenu des nouvelles caractéristiques du terrain.

Le 7 février 2012, M. et Mme N. ont conclu un avenant au contrat de construction de maison individuelle incluant lesdites modifications et le type de modèle de maison.

Le 24 février 2012, un permis de construire leur a été délivré par la mairie de Sainte-Geneviève-des-Bois pour une surface hors oeuvre nette de 109,82 m² et une emprise au sol de 74,17 m².

Par acte authentique du 5 avril 2012, les époux N. ont signé l'acte de vente du terrain à bâtir avec la société Ficop.

Par lettre du 13 avril 2012 adressée à la société Ficop, la société Geoxia Ile de France lui a reproché d'avoir procédé au dépôt d'un dossier de permis de construire distinct de celui accepté par les époux N..

En mai 2012, la société Geoxia Ile de France a proposé à M. et Mme N., qui l'ont refusé, un nouveau projet de construction conforme aux plans ayant fait l'objet du permis de construire et prévoyant une surface habitable de 91,39 m² et 11,50 m² de surface annexe.

Suivant acte d'huissier du 21 mai 2015, M. et Mme N. ont fait assigner la société Geoxia Ile de France, la société Ficop et la société Crédit Foncier de France devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'obtenir l'anéantissement des contrats de vente, de prêt et de construction ainsi que la réparation de leurs préjudices.

Par jugement contradictoire du 15 juin 2018, le tribunal de grande instance de Paris a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- constaté la résiliation de plein droit du contrat de construction de maison individuelle conclu le 6 avril 2011 modifié le 23 novembre 2011 et par avenant du 7 février 2012 entre la société Geoxia Ile de France et M. Lucien N. et Mme Laurence P. épouse N. à effet à compter du 7 mai 2013';

- prononcé la caducité du contrat de vente du terrain à bâtir conclu le 5 avril 2012 entre la société Ficop et M. Lucien N. et Mme Laurence P. épouse N.';

- prononcé la caducité du contrat de prêt selon offre du 15 avril 2011 conclu entre la société Crédit Foncier de France et M. Lucien N. et Mme Laurence P. épouse N.';

- condamné, dans le cadre de la remise des parties dans leur état antérieur':

•            la société Geoxia Ile de France à restituer la somme de 500 euros à M. Lucien N. et Mme Laurence P. épouse N.,

•            la société Ficop à restituer la somme de 155 000 euros à M. Lucien N. et Mme Laurence P. épouse N.,

•            M. Lucien N. et Mme Laurence P. épouse N. à restituer la somme de 165 200 euros à la société Crédit Foncier de France assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

- dit que les intérêts échus depuis un an produiront eux-mêmes intérêts conformément à l'article 1154 du code civil (ancienne rédaction)';

- condamné la société Geoxia Ile de France à payer à M. Lucien N. et Mme Laurence P. épouse N. la somme de 5 636,55 euros au titre de la pénalité de résiliation';

- condamné la société Geoxia Ile de France, in solidum avec la société Ficop précédemment condamnée, à payer à M. Lucien N. et Mme Laurence P. épouse N. la somme de 155 000 euros au titre de la restitution du prix de vente';

- condamné la société Geoxia Ile de France à payer à M. Lucien N. et Mme Laurence P. épouse N. la somme de 1 600 euros au titre des frais de garantie et de dossier';

- débouté M. Lucien N. et Mme Laurence P. épouse N. de leurs demandes de dommages et intérêts pour préjudices moral et de jouissance';

- débouté la société Crédit Foncier de France de ses demandes formées à l'encontre des sociétés Geoxia Ile de France et Ficop';

- débouté la société Geoxia Ile de France de son appel en garantie formé à l'encontre de la société Ficop au titre de la restitution de l'acompte versé, de la pénalité de résiliation, des frais de publicité foncière et des frais de garantie et de dossier ;

- dit que la société Ficop devra garantir, sur justificatif de règlements, intégralement la société Geoxia Ile de France au titre de la restitution du prix de vente à hauteur de la somme de 155 000 euros outre les intérêts ;

- ordonné la publication du jugement à intervenir auprès des services de publicité foncière compétents aux frais de la société Geoxia Ile de France ;

- condamné in solidum la société Ficop et la société Geoxia Ile de France à payer la somme de 4 500 euros à M. Lucien N. et Mme Laurence P. épouse N. au titre des frais irrépétibles';

- condamné in solidum la société Ficop et la société Geoxia Ile de France aux dépens';

- dit que la charge définitive des dépens et frais irrépétibles sera répartie pour moitié entre la société Ficop et la société Geoxia Ile de France ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes';

- admis les avocats qui en ont fait la demande et qui pouvaient y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 24 octobre 2018, M. et Mme N. ont interjeté appel du jugement, intimant les sociétés Ficop, Crédit Foncier de France et Geoxia Ile de France devant la cour d'appel de Paris.

En contrepoint et par déclaration du 29 octobre 2018, la société Geoxia Ile de France a interjeté appel du jugement, intimant M. et Mme N. et les sociétés Ficop et Crédit Foncier de France devant la cour d'appel de Paris.

Les deux affaires ont été jointes par ordonnance du 11 avril 2011.

Par conclusions du 11 juillet 2019, M. Lucien N. et Mme Laurence P. épouse N., appelants, demandent à la cour, au visa des articles 1134 alinéas 1 et 3 du code civil, de l'ancien article 1147 du code civil et des anciens articles 1382 et suivants du code civil, de :

- dire et juger qu'ils sont recevables et bien fondés en leurs demandes, fins et conclusions ;

En conséquence,

- débouter les sociétés Ficop, Crédit Foncier de France et Geoxia Ile de France de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il constatait la résiliation de plein droit du contrat de construction de maison individuelle conclu le 6 avril 2011 et modifié par avenant du 7 février 2012 à effet à compter du 7 mai 2013 ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il prononçait la caducité des contrats de vente du terrain à bâtir conclu le 5 avril 2012 entre eux et la société Ficop ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il prononçait la caducité du contrat de prêt selon offre du 15 avril 2011 entre eux et la société Crédit Foncier de France ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il condamnait la société Geoxia Ile de France au paiement des sommes suivantes :

•            500 euros au titre de l'acompte versé au titre du contrat de construction,

•            155 000 euros en remboursement du prix de vente du terrain à bâtir pour laquelle la société Ficop était condamnée à garantir la société Geoxia Ile de France,

•            5 636,55 euros au titre de la pénalité de résiliation contractuelle,

•            1 600 euros au titre des frais de dossier et garantie pour le prêt pas liberté,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il condamnait in solidum les sociétés Geoxia Ile de France et Ficop au paiement de la somme de 4 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, outre les entiers dépens dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il ordonnait la publication du jugement à intervenir auprès des services de publicité foncière aux frais de la société Geoxia Ile de France ;

- réformer la décision entreprise pour le surplus notamment en ce qu'elle les déboutait de leurs demandes de dommages et intérêts au titre des frais de notaire, pour préjudice moral et frais d'assurance ;

Et statuant de nouveau,

- condamner solidairement les sociétés Ficop et Geoxia Ile de France au paiement des sommes suivantes :

•            8 219,37 euros au titre des primes d'assurance liées au contrat de prêt,

•            10 200 euros au titre des frais de notaire,

•            600 euros au titre des frais de garantie du contrat de crédit à taux zéro,

•            50 000 euros au titre du préjudice moral et trouble de jouissance,

- dire et juger qu'ils ne sauraient être redevables d'une somme supérieure à 155 000 euros au titre du remboursement du contrat de prêt, de laquelle il conviendra de déduire le montant des échéances acquitté par eux ;

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir auprès des services de publicité foncière compétents aux frais des sociétés Geoxia Ile de France et Ficop ;

- condamner solidairement les intimés au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- condamner solidairement les intimés aux entiers dépens d'instance dont distraction opérée conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions en date du 15 juillet 2019, la société Geoxia Ile de France, intimée, demande à la cour de :

- dire mal fondés M. et Mme N. en leur appel et les en débouter ;

- la recevoir en son appel incident et y faisant droit ;

- infirmer le jugement rendu le tribunal de grande instance de Paris le 15 juin 2018 en ce qu'il a prononcé la résiliation de plein droit du contrat de construction conclu le 6 avril 2011 modifié par avenant du 7 février 2012 à ses torts et en ce qu'il l'a condamnée à restituer aux époux N. la somme de 500 euros, à leur payer la somme de 5 636,55 euros pour indemnité de résiliation, in solidum avec la société Ficop, celle de 155 000 euros pour restitution du prix de vente, celle de 1 600 euros pour frais de garantie de dossier et celle de 4 500 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

- prononcer la caducité du contrat de construction de maison individuelle conclu le 6 avril 2011 modifié le 7 février 2012 et débouter M. et Mme N. de toutes prétentions pécuniaires à son encontre ;

Subsidiairement et pour le cas où la cour ne croirait pas devoir faire droit à cet appel incident,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société Ficop à la garantir de toutes les condamnations prononcées au profit des époux N. ;

Dans tous les cas,

- condamner M. et Mme N. et la société Ficop à lui payer chacun la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- statuer ce que de droit sur les prétentions du Crédit Foncier de France ;

- condamner solidairement M. et Mme N. et la société Ficop en tous les dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions du 23 avril 2019, la société Ficop, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147 et 1182 du code civil, dans leur rédaction applicable à la cause, de :

- débouter les époux N. de toutes leurs demandes,

- accueillir son appel incident contre les motifs du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 15 juin 2018 :

•            ayant prononcé la caducité du contrat de vente du terrain à bâtir conclu le 5 avril 2012 entre elle et les époux N.,

•            l'ayant condamné à verser aux époux N. diverses sommes en conséquence,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 15 juin 2018 en ce qu'il a prononcé la caducité du contrat de vente du terrain à bâtir conclu le 5 avril 2012 entre la société Ficop et les époux N. et condamné la société Ficop à verser aux époux N. diverses sommes en conséquence,

Et statuant à nouveau :

- dire qu'il n'y a pas lieu à caducité, ou résolution, du contrat de vente du terrain à bâtir en date du date du 5 avril 2012,

- rejeter toutes les demandes des époux N.,

En tout état de cause,

- débouter la SNC Geoxia Ile de France de toutes ses demandes,

- débouter le Crédit Foncier de France de toutes ses demandes,

- condamner solidairement M. et Mme N. à verser à la société Ficop la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. et Mme N. aux entiers dépens, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions du 19 avril 2019, la société Crédit Foncier de France, demande à la cour de :

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel ;

- la recevoir en ses demandes, fins et conclusions,

- débouter les consorts N. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à son égard ;

Vu l'article L. 311-31 du code de la consommation et les articles 1240 et suivants et 1343-2 du code civil,

- dire qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la cour concernant la résolution du contrat de construction et la caducité du contrat de vente ;

Dans l'hypothèse de la confirmation de la décision du tribunal,

- condamner in solidum Mme et M. N. à lui rembourser la somme principale de 170 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 mai 2015 ;

- dire que les intérêts échus portant eux-mêmes intérêts dès lors qu'ils seront dus pour une année entière ;

- condamner in solidum les sociétés Geoxia Ile de France et Ficop à lui payer les sommes indemnitaires suivantes :

•            au titre des intérêts, la somme de 39 443,90 euros arrêtée au 5 avril 2016,

•            au titre de l'indemnité de remboursement anticipée, la somme de 3 814,83 euros,

- condamner in solidum les sociétés Ficop et Geoxia Ile de France à la relever et la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit des époux N. en principal, frais et accessoires ;

- condamner in solidum les sociétés Geoxia Ile de France et Ficop aux entiers dépens ;

- condamner in solidum les sociétés Geoxia Ile de France et Ficop à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dans l'hypothèse de l'infirmation totale de la décision du tribunal,

- ordonner à M. et Mme N. la reprise du règlement de l'engagement souscrit auprès d'elle ;

Si besoin,

- condamner M. et Mme N. solidairement à lui payer les sommes due conformément aux stipulations contractuelles du 15 avril 2011 ;

- condamner in solidum les époux N. aux entiers dépens ;

- condamner in solidum les époux N. à lui la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 janvier 2022.

MOTIFS

Sur les demandes relatives aux contrats

Sur la résolution ou la caducité du contrat de construction de maison individuelle

M. et Mme N. poursuivent, sur le fondement de l'article 1134 du code civil, la résiliation de plein droit du contrat de construction à compter du 7 mai 2013.

La société Geoxia Ile de France forme un appel incident et demande à la cour de prononcer la caducité du contrat de construction de maison individuelle.

Aux termes de l'article 5.1 « conditions suspensives » des conditions générales du contrat de maison individuelle du 6 avril 2011 modifié le 7 février 2012, annexées aux conditions particulières et paraphées par les parties, il est stipulé que le présent contrat prend effet au jour de la date de signature par le maître de l'ouvrage et est conclu sous condition de l'obtention des éléments suivants ['] obtention du permis de construire et des autres autorisations administratives.

Conformément à l'article E des conditions particulières du contrat du 6 avril 2011 modifié par avenant du 7 février 2012, il est prévu expressément que les parties conviennent que les conditions suspensives en application de l'article 5.1 des conditions générales seront réalisées dans un délai de 15 mois à compter de la date de la signature du présent contrat.

En vertu de l'article 5.2 « conditions résolutoires et de résiliation », si la non-réalisation d'une ou des conditions suspensives est exclusivement imputable au constructeur, celui-ci devra rembourser intégralement au maître d'ouvrage les sommes versées majorées d'une pénalité de 5% du prix convenu.'

Il résulte en l'espèce des pièces versées aux débats que':

- la maison, objet du contrat de construction de maison individuelle du 6 avril 2011 modifié par avenant du 7 février 2012, est expressément décrite comme devant comporter une surface habitable de 100,28 m²';

- la demande de permis de construire déposée le 22 décembre 2011 par la société Ficop n'était pas conforme au projet accepté par M. et Mme N. ;

- l'autorisation de permis de construire accordée aux époux N. le 24 février 2012 porte sur un projet qui n'avait pas recueilli leur consentement.

Il s'en déduit que l'autorisation de permis de construire délivrée ne correspond pas à l'engagement contractuel pris par la société Geoxia Ile de France. Il n'y a en conséquence pas eu d'autorisation administrative conformément aux éléments contractuels et la condition ne s'est pas réalisée.

La défaillance de la condition suspensive d'obtention du permis de construire a ainsi empêché l'obligation de prendre naissance. Les parties sont alors dans la même situation que si elles n'avaient pas contracté et les obligations prévues au contrat sont réputées ne jamais avoir existé. Le contrat de construction de maison individuelle, privé ab initio d'un élément nécessaire à son efficacité, ne peut par conséquent engendrer aucun droit.

Il y a dès lors lieu de constater que faute d'obtention du permis de construire conformément au contrat signé par les parties dans le délai de 15 mois à compter de sa signature, en l'espèce le 7 février 2012, le contrat est caduc.

Il convient par conséquent d'infirmer le jugement en ce qu'il a constaté que le contrat était résilié de plein droit à compter du 7 mai 2013 et, statuant à nouveau, de prononcer sa caducité.

Sur les effets de la caducité du contrat de construction de maison individuelle

Les époux N. sollicitent de voir condamner la société Geoxia Ile de France à leur payer une somme de 5 636,55 euros au titre des pénalités pour inexécution du contrat et in solidum avec la société Ficop la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral et du trouble de jouissance. Ils réclament en outre la restitution de la somme de 500 euros versée à titre d'acompte conformément aux dispositions particulières prévues au contrat de construction de maison individuelle signé le 6 avril 2011.

Au soutien de leurs demandes, les appelants indiquent que la responsabilité contractuelle de la société Geoxia Ile de France doit être retenue dès lors qu'elle a manqué à ses engagements en procédant à la modification, par l'intermédiaire de la société Ficop, agissant comme sous-traitant, des plans initialement acceptés par eux afin d'obtenir le permis de construire.

•            S'agissant de la restitution de l'acompte

La somme de 500 euros ayant été versée à titre d'acompte, ce qui n'est pas contesté, la défaillance de la condition oblige à sa restitution puisque la caducité du contrat empêche définitivement toute exécution.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

•            S'agissant de la pénalité de résiliation

En vertu de l'article 5.2 'conditions résolutoires et de résiliation', si la non-résiliation d'une ou des conditions suspensives est exclusivement imputable au constructeur, celui-ci devra rembourser intégralement au maître d'ouvrage les sommes versées majorées d'une pénalité de 5% du prix convenu.'

Aux termes du contrat de construction de maison individuelle du 6 avril 2011 modifié le 7 février 2012, le constructeur établit le dossier de demande de permis de construire et doit le déposer.

En l'espèce, force est de constater que le dossier de permis de construire a été établi sous l'en-tête de la société Ficop et non de la société Geoxia Ile de France de sorte que la société Geoxia Ile de France ne démontre pas avoir rempli ses obligations et qu'en outre le permis de construire obtenu par l'intermédiaire de la société Ficop ne correspond pas au projet accepté par M. et Mme N..

Toutefois, si la société Geoxia Ile de France doit être reconnue responsable de la caducité du contrat de construction vis-à-vis de M. et Mme N., la pénalité n'est prévue qu'en cas de résiliation et non en cas de caducité du contrat, étant observé que la caducité prive les clauses du contrat de toute application.

En l'état de ces constatations et appréciations, c'est à tort que le tribunal a accordé le versement d'une pénalité de résiliation aux appelants.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

•            S'agissant du préjudice moral et du trouble de jouissance

Il ressort des éléments du dossier que M. et Mme N. ont, du fait des manquements de la société Geoxia Ile de France, subi l'anéantissement de leur projet d'habitation selon les plans qu'ils avaient validés et enduré des tracas inhérents à l'engagement d'une action judiciaire.

Ils démontrent ainsi avoir subi un préjudice distinct de celui d'ores et déjà réparé par la restitution de l'acompte versé et des intérêts moratoires y afférents, justifiant qu'il leur soit accordé une indemnité de 5 000 euros au titre du préjudice moral. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Concernant enfin le préjudice de jouissance allégué, aucun élément versé au dossier ne vient étayer son existence, a fortiori s'agissant d'une maison dont ils n'ont jamais été propriétaires pour ne pas avoir été construite. Le jugement sera confirmé de ce chef.

•            Sur l'appel en garantie de la société Geoxia Ile de France à l'encontre de la société Ficop

La société Geoxia Ile de France sollicite de voir condamner la société Ficop à la garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre.

La société Ficop soutient qu'elle n'a commis aucune faute en lien direct avec les préjudices subis par M. et Mme N.. Elle conteste avoir déposé des plans modifiés, indiquant qu'elle n'a jamais été le sous-traitant de la société Geoxia Ile de France, aucun lien de droit n'existant entre les deux sociétés, ce que la société Geoxia Ile de France a confirmé. Elle ajoute que le permis de construire a été accordé par arrêté du 24 février 2012, soit un mois et demi avant la signature de l'acte notarié de vente, de sorte que les époux N. avaient le temps de l'examiner et de reprendre le dossier avec le constructeur.

Selon l'article 1382 du code civil (dans sa rédaction applicable à la date des faits), tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Il appartient à celui-ci qui souhaite engager la responsabilité d'un tiers de démontrer une faute, un préjudice et un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.

Il ressort des pièces du dossier, notamment du courrier de rejet du permis de construire du 13 septembre 2011, que la société Geoxia Ile de France a d'une part, proposé un projet de construction sans s'assurer au préalable que celui-ci était conforme à la réglementation notamment au PLU et, d'autre part, n'a pas rempli son obligation, en suite de ce refus, de déposer une nouvelle demande de dossier de permis de construire. Elle n'a en outre pas donné aux époux N. d'explications concernant ce refus ni ne les a informés des conséquences sur les demandes futures. Elle a ensuite proposé un nouveau projet de maison individuelle, sans s'assurer à nouveau de sa conformité au PLU. Enfin, elle a laissé, en toute connaissance de cause, eu égard à son courrier du 13 avril 2012 adressé à la société Ficop, cette dernière déposer un dossier de permis de construire non conforme à ses engagements contractuels vis-à-vis de M. et Mme N..

C'est donc par une exacte appréciation des faits que le tribunal a constaté que l'échec du projet en raison de la non-obtention du permis de construire avant le 7 mai 2013, à l'origine des préjudices subis par les époux N., devait être directement imputé à la société Geoxia Ile de France.

S'agissant de l'appel en garantie du constructeur à l'encontre de la société Ficop, s'il est établi que celle-ci a déposé une demande de permis de construire sans pouvoir justifier d'un mandat établi par les époux N. et en outre non conforme au projet accepté par eux, la faute ainsi commise par la société Ficop en déposant un dossier à l'insu des appelants est toutefois sans lien avec l'échec de leur projet qui trouve sa cause dans la défaillance de la société Geoxia Ile de France.

En l'absence de faute retenue à l'encontre de la société Ficop en lien avec les préjudices subis par les époux N., l'appel en garantie sera rejeté.

Sur la caducité du contrat de vente du terrain

Les époux N. sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la caducité du contrat de vente du terrain à bâtir, en raison de la disparition du contrat de construction de maison individuelle et de l'interdépendance des deux contrats. Ils abandonnent leur moyen fondé sur la nullité dudit contrat pour dol.

La société Ficop forme un appel incident, soutenant que si les époux N. avaient en effet pour projet de construire une maison individuelle, la promesse de vente du terrain ne contenait pas de condition suspensive d'obtention d'un permis de construire à des conditions particulières et définies, de sorte que les caractéristiques de la construction envisagée ne sont pas entrées dans le champ contractuel et n'étaient donc pas connues de la société Ficop. Elle conclut ainsi à la validité du contrat de vente du terrain.

La société Geoxia Ile de France prétend, quant à elle, que les contrats de construction et de vente du terrain n'étaient pas indivisibles, aux motifs qu'il n'était pas acquis que la demande d'autorisation de construire sur la base des nouveaux plans agréés par les époux N. aboutisse favorablement d'une part, et que ces derniers pouvaient faire le choix d'un autre constructeur avec un autre projet d'habitation d'autre part.

Il est de principe que, dans le cadre du droit en vigueur avant la réforme de l'ordonnance du 10 février 2016, lorsque des contrats sont interdépendants, l'anéantissement de l'un quelconque d'entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres, sauf pour la partie à l'origine de l'anéantissement de cet ensemble contractuel à indemniser le préjudice causé par sa faute.

En présence d'un groupe de contrats liés, pour apprécier leur interdépendance, il convient de déterminer si l'opération d'ensemble a été voulue indivisible, mais aussi si elle a été connue comme telle par celui qui subit la caducité.

Il y a donc lieu d'analyser d'une part la commune intention des parties de considérer chaque contrat comme la condition de l'existence des autres et, d'autre part, la connaissance par les parties de l'opération économique envisagée dans sa globalité.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que l'opération immobilière consistant en l'achat d'un terrain, en la construction d'une maison et en leur financement était connue de l'ensemble des parties notamment du vendeur, la société Ficop, dès lors que le terrain vendu est qualifié de terrain à bâtir et que l'acte authentique de vente fait expressément référence au projet de construction de maison individuelle et au permis de construire des époux N..

Toutefois, il convient de se placer à la date de la seconde promesse de vente, laquelle vaut vente en application de l'article 1159 du code civil, pour apprécier la volonté des parties et la nature de leur projet, soit à la date du 15 octobre 2011, étant ici observé que la première promesse de vente du 29 janvier 2011 est devenue caduque le 28 avril 2011 à défaut d'avoir été réitérée devant notaire avant cette dernière date.

Ainsi, à la date du 15 octobre 2011, il n'est pas utilement contesté que les époux N. avaient la volonté de construire une maison individuelle, selon un projet qui n'était pas encore arrêté puisque les services de l'urbanisme avaient rejeté le 13 septembre 2011 leur première demande de permis de construire, et puisque les plans n'ont été validés par eux que le 23 novembre 2011, soit postérieurement à la promesse.

Il convient d'observer que la promesse de vente du terrain du 15 octobre 2011 ne contient aucune condition suspensive d'obtention d'un permis de construire, les seules conditions suspensives stipulées étant la réalisation de la vente entre la société Ficop et Mme S., l'obtention d'une déclaration préalable, l'obtention d'un certificat d'urbanisme, et l'obtention d'un prêt.

Il s'ensuit que les caractéristiques de la construction envisagée telle qu'elle ressortait des plans modifiés du 23 novembre 2011 et agréés par les appelants relevaient d'une discussion menée parallèlement et indépendamment de la promesse du 15 octobre 2011.

Il est en outre relevé que les parties aux contrats d'achat de terrain et de construction n'étaient pas identiques et qu'il n'est pas démontré de lien entre les sociétés Geoxia Ile de France (constructeur de maison) et Ficop (vendeur du terrain). La négociation et la conclusion des contrats n'ont pas été le fait d'un mandataire commun aux deux sociétés précitées. Enfin, les circonstances de la conclusion des contrats, par la chronologie autonome de chaque processus de signature, ne permettent pas de retenir que l'intention commune des parties avait été de rendre leurs conventions indivisibles.

Il est en outre observé que les époux N. sont toujours en mesure de construire une maison individuelle sur le terrain litigieux pour mener à bien leur projet d'habitat et ce avec tout constructeur de leur choix, puisqu'un permis de construire valide leur a été accordé et que la vente du terrain n'était pas conditionnée à la construction de la maison dont les caractéristiques étaient décrites aux termes des plans du 23 novembre 2011.

Par conséquent, les contrats d'achat de terrain et de construction ne sont pas interdépendants.

C'est donc à tort que le tribunal a considéré que le fait que le projet élaboré le 23 novembre 2011 ne puisse être réalisé sur le terrain acquis le 15 octobre 2011 vidait de tout sens l'acquisition dudit terrain à bâtir.

Il s'ensuit que les deux actes demeurent autonomes en vertu de l'effet relatif des contrats et que le contrat de construction du 6 avril 2011 dont les caractéristiques ont été modifiées le 7 février 2012 n'était pas un élément essentiel du consentement des époux N. dans la conclusion du contrat d'acquisition du terrain.

Il résulte ainsi de l'absence d'indivisibilité entre le contrat de construction de maison et le contrat de vente de terrain que la caducité du premier ne saurait entraîner la caducité du second.

Il y a par conséquent lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré les contrats indivisibles et remis les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat de vente en condamnant notamment la société Ficop à restituer la somme de 155 000 euros à M. et Mme N. et les frais annexes.

Sur la demande relative aux contrats de prêt

Dès lors que la demande de caducité du contrat de vente du terrain à bâtir ne peut prospérer, la demande de caducité du contrat de financement de l'achat du terrain pour un total de 155 000 euros (« prêt pas liberté » à concurrence de 39 440 euros et 'prêt à taux zéro plus' à concurrence de 115 560 euros) devra être rejetée.

Il convient par conséquent d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la caducité du contrat de prêt selon offre du 5 avril 2011 émise par le Crédit Foncier de France et remis les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat de prêt en ordonnant notamment la restitution par les appelants à l'établissement bancaire de la somme de 165 200 euros incluant les intérêts.

Le Crédit Foncier de France demande qu'il soit ordonné aux époux N. la reprise du règlement des mensualités et, si besoin, de les condamner solidairement à lui payer les sommes dues conformément aux stipulations contractuelles du 15 avril 2011.

Le contrat de prêt reprenant ses effets, il y a lieu de constater que les appelants devront s'acquitter des échéances dues aux termes convenus du contrat. Le Crédit Foncier de France ne démontre cependant pas la nécessité de les condamner solidairement à rembourser leur prêt, aucun manquement à leurs obligations n'étant allégué ni constaté.

Sur les demandes accessoires

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Geoxia Ile de France, partie perdante, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à M. et Mme N. la somme supplémentaire de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en indemnisation de leurs frais engagés en première instance et en cause d'appel.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter les autres demandes formées sur le fondement de l'article 700 précité.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a :

- condamné la société Geoxia Ile de France dans le cadre de la remise des parties dans leur état antérieur à restituer la somme de 500 euros à M. Lucien N. et Mme Laurence P. épouse N. ;

- débouté M. Lucien N. et Mme Laurence P. épouse N. de leurs demandes de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance';

- débouté la société Geoxia Ile de France de son appel en garantie formé à l'encontre de la société Ficop au titre de la restitution de l'acompte versé et du préjudice moral ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Prononce la caducité du contrat de construction de maison individuelle conclu le 6 avril 2011 modifié par avenant du 7 février 2012 entre la société Geoxia Ile de France et M. Lucien N. et Mme Laurence P. épouse N. ;

Condamne la société Geoxia Ile de France à payer à M. Lucien N. et Mme Laurence P. épouse N. la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral ;

Déboute M. Lucien N. et Mme Laurence P. épouse N. de leur demande de caducité au titre du contrat de vente du terrain à bâtir conclu le 5 avril 2012 entre eux et la société Ficop et de leurs demandes de condamnation subséquente ;

Déboute M. Lucien N. et Mme Laurence P. épouse N. de leur demande de caducité au titre du contrat de prêt selon offre du 15 avril 2012 entre eux et la société Crédit Foncier de France et de leurs demandes de condamnation subséquente ;

Dit que M. Lucien N. et Mme Laurence P. épouse N. devront s'acquitter des échéances aux termes convenus du contrat de prêt selon offre du 15 avril 2012 ;

Condamne la société Geoxia Ile de France aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et à payer à M. Lucien N. et Mme Laurence P. épouse N. la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du même code,

Rejette les demandes tendant à la condamnation de la société Ficop au paiement d'une indemnité de procédure au titre de l'article 700 du code précité.