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Décisions

Cass. com., 31 mai 1994, n° 92-16.505

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

Mme Clavery

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

Me Choucroy, SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin

Besançon, du 8 avr. 1992

8 avril 1992

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 8 avril 1992), que la société Pegaso France (société Pegaso) a vendu des camions à son concessionnaire Wenger lequel les a revendus à la société UFB Locabail qui les a loués à la société des Transports Lacroix ; que la société Wenger n'ayant pas payé l'intégralité du prix des camions, la société Pegaso a conservé les documents administratifs permettant leur mise en circulation ; que le 18 février 1988, la société Pegaso et la société des Transports Lacroix sont convenues que la première remettait les documents administratifs à la seconde, qui paierait une somme de 554 860 francs ; que la société Pegaso, après avoir exécuté son obligation, a assigné la société des Transports Lacroix en paiement de la somme de 554 860 francs ; que celle-ci a soutenu la nullité de l'accord du 18 février 1988 ;

Attendu que la société des Transports Lacroix, mise depuis en redressement judiciaire, fait grief à l'arrêt d'avoir fixé la créance de la société Pegaso à la somme de 554 860 francs avec intérêts de droit du 4 juillet 1988 au 6 avril 1990, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la pratique consistant pour un constructeur de véhicules à livrer en vue de leur vente les véhicules de sa marque à son concessionnaire, tout en faisant rétention sur les documents administratifs indispensables à l'utilisation des véhicules, et ainsi à reporter par anticipation sur les futurs acquéreurs les risques du contrat de concession et de l'insolvabilité du concessionnaire, constitue en elle-même une manoeuvre dolosive à l'égard des tiers, si bien que la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, qui impliquaient que la transaction prétendue avait été imposée par manoeuvre dolosive et de mauvaise foi, au regard des articles 1116, 1134 et 2053 du Code civil ; alors, d'autre part, que n'est pas régulière la détention par un constructeur des documents administratifs des véhicules de sa marque qu'il a livrés à un concessionnaire en vue de leur distribution, si bien qu'en jugeant que le fabricant avait pu exercer légitimement son droit de rétention sur les documents administratifs relatifs aux véhicules de sa marque vendus par son propre concessionnaire, ce qui rendait ces véhicules inutilisables en l'état, et soumettait, hors du consentement des acquéreurs, ces véhicules à une condition occulte du paiement du prix des véhicules par le concessionnaire au constructeur, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 1134 et 1612 du Code civil ; et alors enfin qu'en jugeant que le constructeur avait pu légitimement livrer dans son intérêt les véhicules de sa marque à ses propres concessionnaires en vue de leur distribution, tout en faisant peser sur les futurs acquéreurs les risques de cette livraison et de l'insolvabilité du concessionnaire, par rétention des documents administratifs, la cour d'appel, a admis que le droit de rétention pouvait être exercé en fraude des droits des tiers acquéreurs et de mauvaise foi, violant les articles 1134 et 1612 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir énoncé exactement que les documents administratifs permettant la mise en circulation des véhicules sont des accessoires au sens de l'article 1615 du Code civil, et constaté que la société Wenger n'avait pas payé la société Pegaso, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 1612 du Code civil et des textes visés au moyen en décidant que la société Pegaso avait un droit de rétention licite sur les documents administratifs, auquel elle avait renoncé dans la transaction ;

Attendu, en second lieu, qu'après avoir énoncé exactement que, si le dol est une cause de nullité, il doit être prouvé, et retenu que le droit de rétention avait été exercé de manière licite par la société Pegaso, les juges du fond, relevant que la preuve du dol ne saurait résulter de la seule allégation selon laquelle à la date du 18 février 1988 la société des Transports Lacroix aurait été plongée dans le désarroi, ont décidé à bon droit la validité de la transaction ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.