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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 6, 15 juin 2022, n° 20/11525

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Danacia (SARL)

Défendeur :

Société Générale (SA), Franfinance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bailly

Conseillers :

Mme Butin, Mme Liégeois

Avocats :

Me Goldberg, Me Meunier, Me Mendes Gil, Me Lhussier

T. com. Paris, du 25 mai 2020

25 mai 2020

Selon convention de compte signée le 24 août 2012, la société à responsabilité limitée Danacia, exploitant un commerce de fleurs, plantes et articles de décoration à Sucy- en- Brie (94370) et dont la gérante est Mme [W] [M], a ouvert un compte courant professionnel au sein des livres de la Société générale.

Par avenant -  Convention de trésorerie courante C.T.C, en date du 2 août 2016, la Société générale a consenti sur ce compte à la société Danacia, une ouverture de crédit d'un montant de 2 900 euros, à durée indéterminée, portée à 7 500 euros par un nouvel avenant du 29 septembre 2017.

A partir de 2016, la société Danacia a reproché à la Société générale de lui avoir facturé divers frais de fonctionnement et agios qui ont mis son commerce péril ainsi que, le 5 janvier 2018, de l'avoir mise en demeure de régulariser le solde débiteur de son compte, soit environ 18 000 euros, puis de lui avoir notifié sa clôture par courrier recommandé avec avis de réception du 20 février 2018.

Estimant cette résiliation fautive, la société Danacia a assigné la Société générale par acte d'huissier de justice en date du 11 avril 2018, devant le tribunal de commerce de Paris, en faisant valoir que cette dernière aurait manqué à ses engagements contractuels à titre principal, et subsidiairement qu'elle aurait rompu brutalement les relations commerciales.

Le 2 mai 2018, la Société générale a cédé à la société anonyme Franfinance la créance qu'elle détenait sur la société Danacia, qui a alors assigné la société Franfinance en intervention forcée le 26 juillet 2018.

Le 22 août 2018, la société Franfinance a assigné la société Danacia en condamnation au paiement, en principal, de la somme de 18 085,72 euros, devant le tribunal de commerce de Créteil, ce dernier renvoyant l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris par jugement en date du 15 janvier 2019 suite à l'invocation d'une exception de litispendance.

Le 8 novembre 2019, les deux instances ont été jointes.

Par jugement contradictoire en date du 25 mai 2020, le tribunal de commerce de Paris a :

-  pris acte de la jonction des instances intervenue à l'audience publique du 8 novembre 2019,

-  débouté la société Danacia de ses demandes d'effacement de sa dette, de 25 590 euros pour perte de chiffre d'affaires, de 10 000 euros pour perte de chance d'exercer une activité normale et de 3 000 euros pour manque à gagner,

-  débouté la société Danacia de sa demande au titre d'une rupture brutale de relations commerciales établie et de ses demandes à l'encontre de la Société générale,

-  condamné la société Danacia au paiement de la somme de 18 085,72 euros à la société Franfinance,

-  condamné la société Danacia au paiement de la somme de 1 000 euros chacune à la société Franfinance et la Société générale au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-  débouté les parties de leurs autres demandes,

-  ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la société Danacia aux dépens,

Ce, aux motifs que :

- aucun crédit n'a été accordé à la société Danacia, les relations avec la Société générale n'ont concerné que le fonctionnent d'un compte courant auquel a été associée une simple facilité de caisse dont les conditions tarifaires ont nécessairement fait l'objet d'une convention d'ouverture de compte elle- même suivie de mise à jour régulières, et la Société générale n'a fait qu'utiliser son pouvoir souverain de mettre fin à la relation en respectant les formes et délais imposés par le code monétaire et financier,

- l'octroi ou le renouvellement de crédits sont des opérations spéciales régies par le code monétaire et financier, l'article L. 442- 6 I 5° du code de commerce n'étant pas applicable, et la Société générale a accordé à la société Danacia un préavis de 60 jours,

- le tribunal a constaté l'effet translatif de la cession opérée par la Société générale au profit de la société Franfinance et au vu des éléments versés aux débats, dont la société Danacia ne conteste pas utilement le bien fondé, la créance de 18 085,72 euros que détient la société Franfinance sur la société Danacia est certaine, liquide et exigible.

Par déclaration remise au greffe de la cour le 7 août 2020, la société Danacia a fait appel de ce jugement en critiquant chacun de ses chefs, sauf en ce qu'il a pris acte de la jonction des instances.

Aux termes de ses dernières conclusions du 21 mars 2022, la société Danacia demande à la cour de :

Vu les articles 1134, 1147, 1153, 1315 et 1690 et suivants (anciens) du code civil ;

Vu l'article L. 442- 6 I 5° du code de commerce ;

Vu l'article L. 313- 12 du code monétaire et financier ;

Vu l'article L. 311- 2 du code de la consommation ;

 

INFIRMER le jugement entrepris ;

Et, statuant à nouveau,

A titre liminaire :

DIRE ET JUGER la société Danacia recevable à l'encontre de la société Franfinance ;

 

A titre principal :

 

PRENDRE ACTE de la situation dans laquelle la Société Générale a placé la société Danacia ;

DIRE ET JUGER que la Société Générale a manqué à ses obligations contractuelles envers la société Danacia ;

 

En conséquence,

PRONONCER l'effacement de la dette actuelle à la charge de la société Danacia à l'encontre de la Société Générale et/ou de la société Franfinance ;

CONDAMNER in solidum la Société Générale et la société Franfinance à payer à la société Danacia la somme de 25 590 euros au titre de dommages et intérêts pour le préjudice lié à la perte de chiffre d'affaires de la société Danacia ;

CONDAMNER in solidum la Société Générale et la société Franfinance à payer à la société Danacia la somme de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts pour perte de chance de pouvoir exercer une activité commerciale normale ;

CONDAMNER in solidum la Société Générale et la société Franfinance à payer à la société Danacia la somme de 3 000 euros au titre du manque à gagner lié au temps que Mme [W] [M], en sa qualité de gérante, a passé à effectuer les démarches en vain après de la Société Générale ;

 

A titre subsidiaire :

CONSTATER que la clôture du compte de la société Danacia s'analyse comme une rupture brutale d'une relation commerciale établie ;

 

En conséquence,

DIRE ET JUGER la Société Générale responsable de ses agissements vis- à- vis de la société Danacia ;

CONDAMNER in solidum la Société Générale et la société Franfinance à payer à la société Danacia la somme de 17 070,96 euros au titre de l'article L. 442- 6 I 5° du code de commerce ;

A titre infiniment subsidiaire :

ACCORDER à la société Danacia les plus larges délais afin de rembourser sa dette ;

En tout état de cause :

CONDAMNER in solidum la Société Générale et la société Franfinance à payer à la société Danacia la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance, et 5 000 euros pour la présente procédure ;

CONDAMNER in solidum la Société Générale et la société Franfinance aux entiers dépens ;

Faisant valoir pour l'essentiel que :

- la société Franfinance doit répondre des manquements de la Société générale in solidum, la Société Générale a indiqué à la société Danacia, le 7 mai 2018, avoir cédé la créance qu'elle disait détenir une fois l'assignation initiale de la société Danacia signifiée le 11 avril 2018, la Société générale ayant ainsi attendu d'être assignée en justice pour se défaire d'une créance litigieuse et prétendre que l'action diligentée à son encontre ne serait pas recevable de sorte que si la société Danacia n'est plus fondée à agir à l'encontre de la Société générale en raison la cession de créance, celle- ci a intérêt à demeurer dans la procédure en raison du nombre de manquements à ses obligations sur lesquelles des explications doivent être apportées,

-  elle est recevable à opposer à la société Franfinance l'ensemble des arguments qu'elle oppose à la Société générale relatifs à la créance litigieuse,

-  la Société générale a manqué à ses obligations contractuelles, les réponses mécaniques et déconnectées de la situation de la société Danacia, envoyées par la Société générale suite aux questions de Mme [W] [M], reflètant un dysfonctionnement interne de celle- ci ayant participé à l'aggravation de la situation financière de la société Danacia qui démontrent les incompétences de la banque, et de ce fait, ses manquements à l'ensemble de ses obligations, ni la Société générale ni la société Franfinance ne remettant en cause ces éléments qui sont donc considérés comme acceptés,

-  la Société générale ne l'a pas accompagnée et elle n'a jamais fait l'objet d'une mise en garde de la banque le tribunal jugeant à tort que cette dernière pouvait s'exonérer de son devoir de mise en garde, lequel ne pouvait s'appliquer qu'en matière de crédit alors même que le découvert de la société Danacia s'analyse juridiquement comme un crédit et qu'aucune explication n'a jamais été donnée sur les motifs de l'imputation des frais de gestion et commissions malgré les multiples sollicitations des associés, la Société générale se contentant d'inviter ces derniers à consulter leurs relevés de comptes et détails des frais envoyés mensuellement, d'autant que les solutions apportées par les associés, notamment de procéder à des virements du compte de Mme [W] [M] sur le compte de la société Danacia, ont été systématiquement rejetées par la Société générale, qui sollicite par ailleurs le soutien de celle- ci en qualité de caution pour un montant de 5 980 euros, suivant acte du 24 août 2012, la banque n'ayant jamais apporté de solution effective pour que la situation de la société Danacia puisse se rétablir, et ne démontrant pas avoir proposé la moindre solution à celle- ci, se retrouvant défaillante dans l'administration de la preuve,

- la Société générale a participé à l'aggravation de la situation financière de la société Danacia, tout d'abord en lui retirant brusquement les concours apportés, puis en refusant systématiquement les solutions proposées par les associés, et enfin en persistant à lui infliger des frais de gestion et commissions exorbitants sans jamais proposer de remises, empêchant la société Danacia de se fournir auprès de fournisseurs, participant directement à la mise en péril de cette dernière,

- la décision de la Société Générale de clôturer le compte de la société Danacia s'accompagne de l'obligation pour cette dernière de rembourser le solde débiteur du compte et de trouver un autre établissement bancaire, chose impossible au vu de sa situation économique, et qui aurait pu avoir pour conséquence directe la mise en cessation des paiements de celle- ci,

- alors qu'avant 2017 la situation financière de la société Danacia était stable, celle- ci est proche de la cessation des paiements, son bilan au titre de l'année 2019 affichant un déficit de 10 546 euros et ce, du fait de la récurrence et de l'ampleur des sommes injustifiées prélevées par la Société générale au titre des frais de gestion et commissions, la société Danacia subissant égalementun préjudice au titre de la perte de chance de pouvoir exploiter normalement son activité et un préjudice au titre du manque à gagner lié au temps que sa gérante a passé à effectuer des démarches en vain auprès de la Société Générale.

- l'effacement de la dette de la société Danacia auprès de la Société Générale doit être prononcé et la Société générale ainsi que la société Franfinance doivent lui payer la somme de 25 590 euros au titre de dommages et intérêts, pour le préjudice lié à la perte de chiffre d'affaires, la somme de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts pour perte de chance de pouvoir exercer une activité commerciale normale, et la somme de 3 000 euros au titre du manque à gagner,

- une clôture brutale de compte par un établissement de crédit ou de paiement est analysée comme une rupture brutale de relations d'affaires avec un client engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 442- 6 I 5° du code de commerce et il est inopérant de considérer que du moment où le préavis de 60 jours a été respecté par la Société générale, aucun tort ne saurait lui être reproché, alors qu'aucune justification n'est apportée à la lettre du 20 février 2018 indiquant la clôture du compte par la Société générale, cette lettre contredisant les solutions amiables engagées en 2017 afin de faire perdurer le compte de la société Danacia et son activité commerciale,

- les préjudices subis par la société Danacia sont causés directement par la brutalité de la rupture des relations commerciales et régler la somme de 17 070,96 euros à la Société Générale emporterait cessation des paiements de la société Danacia alors qu'elle a dû trouver un autre établissement bancaire afin de développer son activité du fait de la décision unilatérale de la Société générale,

- compte tenu de la situation financière de la société Danacia, elle doit bénéficier des plus larges délais de paiement afin de lui permettre d'apurer sa dette sans être contrainte de fermer sa structure.

 

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 4 avril 2022, la Société générale demande à la cour de :

Vu l'article 122 du code de procédure civile ;

Vu les dispositions des articles 1231 et suivants du code civil ;

CONFIRMER l'ensemble des chefs du jugement déféré ;

JUGER irrecevables les demandes de la société Danacia ;

DEBOUTER la société Danacia de l'ensemble de ses demandes ;

Subsidiairement, si la Cour devait faire droit à la demande d'inopposabilité de la cession de créance intervenue au profit de la société Franfinance :

CONDAMNER la société Danacia à payer à la Société Générale la somme de 18 056,83 euros au titre du solde débiteur du compte, outre intérêts à compter de la date de la clôture de celui- ci ;

 

En toute hypothèse :

CONDAMNER la société Danacia à payer à la Société générale la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

Faisant valoir pour l'essentiel que :

-  l'objet principal des demandes de la société Danacia est d'obtenir « l'effacement de la dette », or, elle a cédé la créance qu'elle détenait à l'égard de la société Danacia à la clôture du compte, par acte du 2 mai 2018, au profit de la société Franfinance, cette cession ayant été régulièrement notifiée à la société Danacia par acte d'huissier du 8 juin 2018, de sorte que c'est à tort que cette dernière prétend que la cession lui serait inopposable ou frauduleuse,

- c'est à l'égard de la société Franfinance que la société Danacia détient une dette au titre du remboursement du solde débiteur de son compte ouvert dans les livres de la Société générale et dès lors elle ne peut se prononcer sur les contestations portant sur le montant des frais et des commissions, touchant directement à l'appréciation du montant des sommes dues à la société Franfinance,

- les demandes formées contre la Société générale sont irrecevables, dès lors que celle- ci n'a pas la qualité pour répondre aux contestations du montant des sommes dues par la société Danacia à la société Franfinance,

à titre subsidiaire, si la cour devait faire droit à la demande d'inopposabilité de la cession de créance intervenue au profit de la société Franfinance, elle condamnerait la société Danacia à payer à la Société générale la somme de 18 056,83 euros au titre du solde débiteur du compte, outre les intérêts à compter de la date de clôture du compte,

- elle n'a commis aucune faute, les frais alors que les commissions facturés résultent du fonctionnement anormal du compte de la société Danacia et ont été facturés conformément aux conditions tarifaires applicables, comme figurant de manière détaillée sur les relevés mensuels adressés à cette dernière, qui ne verse par ailleurs pas aux débats de pièce justifiant une prétendue reconnaissance du montant excessif de l'ensemble des frais et l'échec des discussions amiables n'est pas imputable à la Société Générale, qui a par ailleurs accepté à titre commercial un remboursement de 644 euros en septembre 2017,

- elle n'avait aucun devoir d'accompagnement de la société Danacia, et était au contraire soumise à un devoir de non- immixtion, la situation financière de la société Danacia résultant non pas du fait de la banque mais des mauvaises conditions de rentabilité de l'exploitation de son fonds de commerce,

- la société Danacia ne peut ni valablement soutenir que la rupture des concours serait intervenue brusquement, la Société générale s'étant conformée aux dispositions du code monétaire et financier, ni faire grief à cette dernière d'avoir prononcé la clôture du compte, résultant d'une faculté discrétionnaire de la banque qui a par ailleurs respecté un délai raisonnable de plus de trois mois entre l'annonce de la clôture du compte et sa clôture effective,

- la société Danacia ne justifie pas de prétendus préjudices subis et ne démontre pas de lien de causalité, la demande d'effacement de la dette ne pouvant prospérer du fait de la cession de la créance à la société Franfinance, valablement notifiée à la société Danacia et les demandes de condamnation de la Société générale au paiement d'une somme de 25 590 euros au titre de la prétendue perte de chiffre d'affaires subi par la société Danacia, et d'une somme de 10 000 euros au titre de la prétendue perte de chance de pouvoir exercer une activité commerciale normale ne sont fondées ni en leur principe, ni en leur montant, et le préjudice allégué, outre qu'il n'est pas justifié, n'étant pas imputable à la banque,

- la demande tendant à la voir condamner au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre du manque à gagner lié au temps passé par la gérante de la société pour régler la situation, n'est pas justifiée et n'a pas de lien de causalité avec les agissements reprochés,

- les demandes subsidiaires au titre de la prétendue rupture brutale des relations commerciales ne sont pas fondées, aucune brutalité ne pouvant lui être reprochée alors qu'elle s'est conformée aux dispositions de l'article L.313- 12 du code monétaire et financier, en informant la société Danacia de la rupture des concours par courrier du 5 janvier 2018, envoyé plus de 100 jours avant la clôture effective du compte intervenue le 20 avril 2018, et par courrier du 20 février 2018, envoyé 60 jours avant ladite clôture,

- la société Danacia ne justifie pas des préjudices allégués, sa demande de paiement de 17 070,96 euros correspondant aux sommes dues au titre du solde débiteur, dont l'exigibilité placerait celle- ci en état de cessation des paiements, étant vouée à l'échec dès lors que la Société générale a cédé à la société Franfinance la créance détenue à ce titre, qu'aucune cessation des paiements n'est caractérisée, et qu'en toute hypothèse une rupture brutale de relations commerciales établies, si elle est avérée, ne saurait conduire à exonérer la société Danacia de l'obligation de rembourser le montant du solde débiteur de son compte.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 8 février 2021, la société Franfinance demande à la cour de :

Vu l'article 1134 alinéa 1er (ancien) du code civil, devenu 1103 du code civil ;

Vu l'article 1147 (ancien) du code civil, devenu 1231- 1 du code civil ;

CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 25 mai 2020 en toutes ses dispositions ;

DEBOUTER la société Danacia de son appel, et de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Et, statuant à nouveau,

DEBOUTER la société Danacia de ses demandes d'effacement et de dommages et intérêts ;

Très subsidiairement, MODERER la réparation à stricte concurrence du préjudice subi à charge pour la société Danacia de l'établir ;

En tout état de cause,

CONDAMNER la société Danacia à payer à la société Franfinance, venant aux droits de la Société Générale, la somme de 18 085,72 euros avec intérêts au taux contractuel à compter du 3 mai 2018 ;

DEBOUTER la société Danacia de sa demande de délais de paiement, ainsi que de toutes autres demandes, fins et conclusions ;

Subsidiairement, en cas d'échéancier accordé dans la limite de 24 mois,

DIRE ET JUGER qu'en cas d'impayé d'une seule échéance à bonne date, la créance deviendra immédiatement exigible ;

En tout état de cause,

CONDAMNER la société Danacia à payer la somme de 4 000 euros à la société Franfinance au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de l'instance ;

En faisant valoir pour l'essentiel que :

- la société Danacia n'est pas fondée à contester les commissions qui ont été appliquées conformément aux conditions contractuelles, ces frais étant par ailleurs mentionnés sur les relevés qui lui ont été adressés de sorte qu'elle a été informée desdits frais facturés conformément aux conditions tarifaires applicables,

- la Société générale n'avait aucun devoir d'accompagnement ou de conseil de l'entreprise dans la gestion de ses comptes et de sa trésorerie, et elle était au contraire tenue d'un devoir de non immixtion,

- la société Danacia est mal fondée à soutenir que la Société générale aurait refusé toute demande de crédit, celle- ci ayant consenti une autorisation de découvert à la société Danacia en date du 29 septembre 2017 pour un montant de 7 500 euros et Mme [W] [M] étant gérante de la société Danacia depuis mars 2008, avait bien la qualité de dirigeant averti eu égard à son ancienneté dans la gestion de la société, de telle sorte que la banque n'avait aucun devoir de mise en garde quant à un éventuel risque d'endettement, risque non établi, la société Danacia ayant pu ouvrir un autre compte auprès d'un nouvel établissement de crédit et n'étant pas en situation de cessation des paiements,

- la société Danacia n'établit pas de manquement de la Société générale, aux droits de laquelle vient la société Franfinance, dans l'exécution de la relation contractuelle susceptible de fonder l'engagement de la responsabilité,

- les dispositions de l'article L. 442- 6 I 5° du code de commerce ne s'appliquent pas en matière de résiliation d'un contrat de crédit, seul le texte spécial de l'article L. 313- 12 du code monétaire et financier pouvant être appliqué aux termes duquel, le prêteur n'a pas à respecter de délai de préavis plus long que le délai légal de sorte que le grief d'une rupture brutale au motif que le délai de préavis n'aurait pas été assez long est infondé,

- la société Danacia ne justifie pas d'un préjudice pouvant fonder la remise en cause complète de la créance sollicitée et encore moins les dommages et intérêts sollicités pour des montants exorbitants, les commissions ayant été facturées conformément aux stipulations contractuelles,

- les prétendus manquements à un devoir d'accompagnement, conseil et mise en garde d'une part ceux- ci sont inexistants et la société Danacia ne justifie pas du préjudice qui en aurait résulté pas plus que d'un préjudice qui résulterait de la prétendue rupture abusive alléguée, celle- ci reconnaissant avoir ouvert un compte auprès d'un autre établissement, et que sa situation serait désormais plus saine,

- la société Danacia a obtenu la levée de l'exécution provisoire du jugement par ordonnance du premier président et a d'ores et déjà bénéficié des plus larges délais pour mettre de côté de la somme, le temps que la cour statue.

 

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 avril 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les manquements reprochés à la Société générale

En application de l'article 1324 du code civil issu de l'ordonnance n°2016- 131 du 10 février 2016 applaicable à la cession de créance intervenue le 2 mai 2018 : « La cession n'est opposable au débiteur, s'il n'y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s'il en a pris acte.

Le débiteur peut opposer au cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité, l'exception d'inexécution, la résolution ou la compensation des dettes connexes. Il peut également opposer les exceptions nées de ses rapports avec le cédant avant que la cession lui soit devenue opposable, telles que l'octroi d'un terme, la remise de dette ou la compensation de dettes non connexes.

Le cédant et le cessionnaire sont solidairement tenus de tous les frais supplémentaires occasionnés par la cession dont le débiteur n'a pas à faire l'avance. Sauf clause contraire, la charge de ces frais incombe au cessionnaire. »

En l'espèce, la cession de la créance détenue par la Société générale à l'encontre de la société DANACIA au titre du solde débiteur de son compte courant intervenue au profit de la société Franfinance le 2 mai 2018 a été valablement notifiée à la débitrice par courrier recommandé du 8 juin 2018 dont elle a accusé réception le 12 juin 2018.

S'il est ainsi constant que la cession est opposable à la société Danacia, débitrice cédée, et que la société Franfinance, cessionnaire, ne soulève aucune fin de non recevoir tenant à sa qualité à défendre quant aux fautes reprochées à la cédante, la Société générale ne justifie pas pour autant qu'elle n'aurait plus qualité à défendre l'action en responsabilité intentée à son encontre par la société Danacia au titre de ces mêmes fautes qui au delà de la remise en cause des frais bancaires prélevés sur le compte courant de la société Danacia tendent à voir prononcer l'effacement total de la dette et à obtenir une indemnisation pour défaut de mise en garde, conseil et accompagnement ainsi que pour des dysfonctionnement internes à la banque.

La fin de non recevoir soulevée par la Société générale est donc rejetée.

En application de l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance précitée, applicable à sa convention d'ouverture de compte courant signée le 24 août 2012 entre la société Danacia et la Société générale, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

La convention d'ouverture de compte du 24 août 2012 comme ses avenants du 2 août 2016 et 29 septembre 2017 stipulent que les conditions et tarifs appliqués aux opérations bancaires des professionnels sont susceptibles de variation et « sont à votre disposition, à cet effet et pour l'avenir, dans votre agence et sur le site internet www.professionnels.societegenerale.fr. » .

 

Aux termes du premier avenant contenant convention de trésorerie courante du 2 août 2016, la Société générale a consenti à la société Danacia un crédit par débit en compte courant, à durée indéterminé, d'un montant de 2 900 euros avec des intérêts débiteurs calculés et perçus selon les modalités prévues à l'article 1.4 des conditions générales de l'ouverture de crédit :

- dans la limite de l'ouverture de crédit accordée, au taux de 9,25 % l'an correspondant au taux de base de la banque de 6,25 % majoré de 3 % l'an,

- au delà du montant de l'ouverture de crédit, au taux conventionnel de 12,25 % l'an correspondant au taux ci- dessus stipulé majoré de 3 % l'an,

L'acte précise que la commission sur le plus fort découvert mensuel est, dans la limite de l'ouverure de crédit accordée, de 0,06 % et au delà de 0,07 % et que les frais d'étude sont de 42 euros TTC et sont perçus lors de la souscription de la CTC puis à chaque date anniversaire et qu'ils seront ceux ultérieurement indiqués dans la brochure tarifaire périodiquement remise à jour et disponible dans les agences de la banque dont le client reconnait avoir reçu un exemplaire.

Le second avenant, du 29 septembre 2017, portant le montant de la convention de trésorerie courante à 7 500 euros reprend les mêmes conditions financières sauf à porter le taux d'intérêt conventionnel applicable au delà du montant autorisé à 13,25 % l'an et les frais d'étude à 75 euros TTC. Là encore le client reconnait avoir reçu un exemplaire de la brochure tarifaire.

Il résulte d'un tableau produit par la société Danacia qu'elle a acquitté des frais bancaires entre janvier 2016 et décembre 2016 de l'ordre de 600 à 900 euros par mois avec des découverts mensuels de l'ordre de 3 000 à 4 000 euros au cours de cette même période sauf à atteindre 6 477 euros en janvier 2016 et des frais bancaires mensuels de l'ordre de 1 000 à 1 600 euros entre janvier 2017 et décembre 2017 avec des découverts mensuels de l'ordre de 3 000 à 4 000 euros jusqu'en août 2017 puis atteignant 8 467 euros, au moment de la signature de la deuxième convention de trésorerie, avec des frais ramenés à 572 euros, puis de l'ordre de 7 000 à 8 000 euros en septembre et octobre 2017 pour atteindre un solde débiteur de plus de 17 000 euros en novembre et decembre 2017.

Il ressort de ce même document que la société Danacia a ainsi payé entre janvier 2016 et décembre 2017 une somme totale de 24 632 euros au titre de frais bancaires, laquelle représente 7 % de son chiffres d'affaire sur la même période et souvent, entre 20 et 30 % de son découvert mensuel.

Les relevés bancaires établis entre le 1er janvier 2016 et le 30 novembre 2017 qu'elle produit aux débats mentionnent chaque mois de nombreux prélèvements tenant à des frais sur rejet de prélèvement européen, des frais de lettre d'information,chèque sans provision, d'intérêts débiteurs et de commissions de découvert ainsi que de commissions d'intervention.

Néanmoins, force est de constater que la société Danacia se borne à remettre en cause l'ensemble de ces frais pour leur montant « exorbitant » et leur caractère « injustifié» alors même qu'elle a adhérée aux conditions tarifaires des comptes professionnels de la Société générale et par la suite aux conditions financières des conventions de trésorerie courante souscrites en août 2016 et septembre 2017 précisant l'application de tels frais, commissions et intérêts débiteurs dans la limite du montant des crédits accordés comme au delà de ce montant.

Dans la mesure où le compte courant de la société Danacia a, en permanence, fonctionné à découvert au cours de cette période et ce, au delà même du montant des crédits qui lui ont été successivement accordés, il ne peut être retenu qu'aucun frais bancaire ne serait dû et que la banque aurait mal exécuté le contrat à ce titre.

Par ailleurs, la société Danacia verse aux débats des échanges de courriers intervenus entre la société Danacia et la Société générale à partir de novembre 2017 démontrant que la première a remis en cause par l'intermédiaire de son associé M. [C], les frais bancaires prélevés, notamment au titre des commissions d'intervention, et a sollicité des remises sur frais bancaires en faisant état des difficultés financières qu'elle subissait liées au poids très important desdits frais sur sa trésorerie comme représentant plus de 10 % de son chiffre d'affaire.

Il n'en ressort pas néanmoins, comme soutenu par la société Danacia, que la Société générale aurait reconnu le caractère indu de certains frais, la banque l'invitant à se reporter à ses relevés bancaires et se contentant d'indiquer qu'elle a proposé une solution à Mme [W] [M] pour remedier à la situation actuelle, outre qu'il n'est pas contesté que la banque a accordé une remise commerciale d'un montant de 644 euros en septembre 2017.

La Société générale réfute également cette affirmation de manière très claire dans son courrier adressé le 8 janvier 2018 adressé à la société Danacia dans lequel elle lui rappelle que les frais prélevés sont justifiés, au regard de la brochure tarifaire, par le fonctionnement anormal du compte qui, notamment, ne présente pas de provision suffisante quand des chèques sont émis, fonctionnement anormal, sur lequel elle indique avoir alerté sa cliente mais qui ne l'a pas modifié.

La société Danacia ne rapporte pas plus la preuve de dysfonctionnements internes à la Société générale tenant à des propos contradictoires tenus par ses différents interlocuteurs sur la possibilité d'un règlement amiable ainsi qu'à une erreur de date sur le courrier lui notifiant la fin du concours bancaire accordé, les premiers ne résultant pas des pièces produites et l'impact de la seconde sur sa situation financière n'étant pas démontré, la société Danacia ne contestant pas que ce courrier lui a été envoyé le 5 janvier 2018.

De même, le fait que la Société générale n'ait pas pris position sur les propositions de la société Danacia d'abonder le compte courant d'associé de M. [C] à hauteur de 10 000 euros ou de déposer l'équivalent de tous les chèques émis ne suffit pas à caractériser une faute de la banque alors que celle- ci n'a pas à s'immiscer dans les affaires de sa cliente et intervenir sur ses choix de gestion et que si des pourparlers étaient en cours, aucune promesse ni aucun engagement n'ont été pris par la Société générale.

Enfin, si le banquier dispensateur de crédit est tenu d'un devoir d'information, il n'est pas, en raison du devoir de non immixtion, tenu d'un devoir de conseil, sauf s'il a contracté une obligation spécifique à cet égard.

En l'espèce, il n'est pas établi que la Société générale est débitrice d'une obligation d'accompagnement ou de conseil au bénéfice de la société Danacia concernant le fonctionnement de ses comptes en l'absence de toute stipulation contractuelle en ce sens et la société Danacia ne conteste pas avoir été informée des tarifs pratiqués par la Société générale sur les comptes professionnels ni avoir reçu chaque mois ses relevés bancaires mentionnant les frais litigieux.

En revanche, la banque qui consent un prêt à un emprunteur non averti est tenu à son égard, lors de la conclusion du contrat, d'un devoir de mise en garde en considération de ses capacités financières et des risques d'endettement excessif né de l'octroi du prêt.

La Société générale a effectivement accordé deux crédits à la société Danacia utilisable par débit en compte courant d'un montant de 2 900 euros puis de 7 500 euros en août 2016 et septembre 2017 mais elle justifie que la société Danacia est, au travers la personne de sa gérante, un emprunteur averti, alors que cette société est immatriculée depuis janvier 2008 et que Mme [W] [M] ne conteste pas en être la gérante depuis mars 2008, de sorte que lors de la souscription des crédits litigieux, celle- ci avait une expérience de la gestion d'une société de plus de huit années et qu'elle était donc en mesure d'appréhender le coût des découverts autorisés souscrits ainsi que leurs implications financières sur la trésorerie de l'entreprise au vu d'un chiffre d'affaire moyen de l'ordre de 15 000 euros par mois sur la période de janvier 2016 à décembre 2017.

En tout état de cause, la société Danacia si elle justifie d'un poids financier certain des frais bancaires acquittés sur ces deux années en ce qu'ils représentent 7 % en moyenne de son chiffre d'affaire ne démontre pas pour autant que les deux autorisations de découvert dont elle a bénéficié ont fait naître pour elle un risque d'endettement excessif, la société étant d'ailleurs restée in bonis.

Enfin, les premiers juges ont retenu à juste titre que les dispositions de l'article L.442- 6 I 5° du code de commerce n'étaient pas applicables à la rupture des concours consentis par la Société générale comme à la rupture de la relation bancaire notifiées par courriers recommandés avec avis de réception le 5 janvier 2018 pour la fin du crédit d'un montant de 7 500 euros et du 20 février 2018 pour la clôture du compte, sous réserve, à chaque fois d'un délai de préavis de 60 jours, lesquelles relèvent des dispositions spécifiques de l'article L.313- 12 du code monétaire et financier.

La société Danacia ne conteste pas que le délai légal minimum de 60 jours imposé par ce texte a été respecté par la Société générale, la clôture de son compte étant intervenue le 20 avril 2018, de sorte qu'elle ne justifie pas d'une rupture abusive, la banque n'ayant pas à justifier d'un motif, en application de ce texte, sauf sur demande de son client, démarche que la société Danacia ne démontre pas avoir effectuée.

En outre, la société Danacia qui a ouvert un compte dans un autre établissement bancaire et n'indique pas être en cessation des paiements ne justifie pas des préjudices financiers qu'elle allègue comme résultant de cette clôture de la relation bancaire dont le caractère brutal ne peut pas plus être tiré du fait que les parties avaient échangé en novembre et décembre 2017 sur des possibilités de règlement amiable de la situation, échanges qui n'ont manifestement pas abouti.

Dans ces conditions, en l'absence de faute imputable à la Société générale, les demandes d'effacement de la dette comme d'indemnisation formées par la société Danacia tant à l'encontre de celle- ci que de la société Franfinance ont été à juste titre rejetées par les premiers juges.

La société Danacia ne développe par d'autres critiques sur le principe et le montant de la créance de la société Franfinance qu'elle a été condamnée à payer à hauteur de 18 085,72 euros au titre du solde débiteur de son compte courant.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Sur la demande de délais de paiement

En application de l'article 1244- 1 devenu 1343- 5 code civil : « Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

La société Danacia ne justifiant pas de sa situation actuelle, le dernier bilan qu'elle produit remontant à 2019 et ayant, de fait, bénéficié de larges délais de paiement, sa demande est rejetée.

La société Danacia, qui succombe en appel, supportera les dépens d'appel et ses frais irrépétibles.

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il est inéquitable de laisser à la charge de la Société générale et de la société Franfinance les frais non compris dans les dépens exposés en appel et il convient de condamner la société Danacia à leur payer à chacune la somme de 2 000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

REJETTE la fin de non recevoir soulevée par la Société générale,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

REJETTE la demande de délais de paiement de la société Danacia,

CONDAMNE la société Danacia aux dépens d'appel,

CONDAMNE la société Danacia à payer à la Société générale et à la société Franfinance la somme de 2 000 euros, à chacune, en application de l'article 700 du code de procédure civile.