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Décisions

Cass. soc., 25 septembre 2012, n° 11-17.542

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacabarats

Avocats :

SCP Bénabent, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Lyon, du 9 mars 2011

9 mars 2011

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 9 mars 2011), que Mme X...présente dans le groupe Emerson depuis début 1997, a été engagée par la filiale française, société Emerson Process Management (société Emerson) de la société américaine Emerson Electric Company, selon contrat à durée indéterminée du 12 novembre 2003 à effet le 1er janvier 2004 en qualité de directeur des ventes Afrique francophone ; qu'elle était placée sous la responsabilité hiérarchique de M. A..., vice-président ventes et marketing Europe du Sud et sous la responsabilité fonctionnelle de M. B..., puis en avril 2007, de M. C..., nouveau directeur général Ventes et Marketing France ; que le 15 mai 2008, elle a été promue avec effet rétroactif au premier janvier 2008 sans que sa situation hiérarchique en soit changée ; que par lettre du 28 mai 2008, M. A...lui a notifié un avertissement pour manquement aux règles de l'entreprise en dépit d'une consigne signifiée à plusieurs reprises ; que le 12 juin 2008, Mme X...a fait une déclaration en main courante au commissariat de police pour harcèlement sexuel par supérieur hiérarchique et a contesté l'avertissement étant donnée l'absence de procédure écrite et à jour ; que par lettre du 23 septembre 2008, elle s'est plainte auprès du directeur général et le lendemain, a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement et licenciée pour faute grave le 14 octobre 2008 pour non-respect renouvelé des règles et processus internes ; que le 28 janvier 2009, elle a déposé plainte pour harcèlement sexuel par M. A...et harcèlement moral par M. C..., plainte qui fut classée sans suite ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement sexuel de la part de M. A..., alors, selon le moyen, que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'elle exposait avoir été victime de sanctions réprimant son refus de continuer à voir son supérieur hiérarchique en dehors des temps et lieu de travail et dans des conditions anormalement luxueuses ; qu'en refusant de rechercher si les sanctions dont la salariée avait alors fait l'objet ne permettaient pas de présumer l'existence d'un harcèlement, la cour d'appel a violé les articles L. 1153-1 et suivants du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel qui n'avait pas à suppléer la carence des parties dans l'établissement de la preuve qui leur incombe, a retenu que compte tenu des courriels échangés par la salariée, du standing relatif du lieu de rendez-vous approprié aux parties, la salariée, qui adhérait à ce mode de rencontre, n'établissait pas de fait faisant présumer l'existence d'un harcèlement sexuel de la part de son supérieur hiérarchique ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la salariée fait aussi grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral de la part de M. C..., alors, selon le moyen, que pour dénoncer le harcèlement moral dont elle avait fait l'objet de la part de ce dernier, elle faisait notamment état, pièces à l'appui, du fait que M. C...correspondait directement avec les membres de sa propre équipe, qui ne relevait pourtant pas de sa responsabilité, dans le but de lui faire perdre sa crédibilité auprès de cette dernière, de reproches qu'il lui adressait quant à l'organisation de son travail, de son refus de la laisser assister à des réunions auxquelles elle devait participer, de l'annulation d'opérations prévues par elle ainsi que de sa réticence et de sa lenteur à régler ses notes de frais ; qu'en se bornant à examiner le grief tiré de la privation de la classe affaires sans aucunement examiner ces autres griefs, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1152-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu que la salariée n'avait qu'un lien hiérarchique en pointillé avec le directeur critiqué, qu'elle n'établissait pas de fait permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral faute d'établir des éléments objectifs tandis que le directeur général avait le souci de revenir à une certaine maîtrise des frais professionnels ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la salariée fait encore grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul, ou subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, qu'elle demandait qu'il soit constaté que le licenciement dont elle a été victime prend sa source dans les pratiques de harcèlement sexuel qu'elle a subi, est dénué de cause réelle et sérieuse ; que la cassation à intervenir sur les précédents moyens, relatifs au harcèlement sexuel et au harcèlement moral, ou même sur l'un d'entre eux, emportera par voie de conséquence et en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile la cassation du chef du dispositif critiqué au présent moyen ;

Mais attendu que les précédents moyens étant rejetés, la cassation par voie de conséquence devient sans objet ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que la salariée fait enfin grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en vertu de la règle non bis in idem, un salarié ne peut être sanctionné deux fois pour le même fait ; que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; qu'elle faisait valoir dans ses écritures d'appel que le grief tiré du non-respect de la délégation de signature avait d'ores et déjà été sanctionné par un courrier du 10 septembre 2008 ; que ce courrier faisait état de dérapages, procédait à un rappel des règles applicables et soulignait que le comportement jugé fautif ne devait se reproduire en aucun cas ; qu'en retenant que ce courrier ne constituait pas une sanction disciplinaire pour écarter l'application de la règle non bis in idem, la cour d'appel a violé l'article L. 1331-1 du code du travail ;

2°/ qu'en objectant qu'il n'était pas établi que le signataire de cet avertissement ait été investi d'un pouvoir de sanction, quand il lui incombait, pour écarter cet avertissement, de constater que son signataire n'était pas investi du pouvoir de sanction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1331-1 du code du travail ;

3°/ qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que l'employeur avait été avisé au plus tard le 24 juin 2008 de la démonstration faite en Tunisie le 4 mars 2008 avec des produits wireless sans autorisation d'importation ; qu'il en résulte que les faits reprochés étaient antérieurs de plus de deux mois à l'engagement des poursuites disciplinaires, survenu le 24 septembre 2008, et que l'employeur en avait également eu connaissance plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires ; qu'en jugeant justifié le licenciement disciplinaire prononcé à raison d'un fait prescrit, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du code du travail ;

4°/ qu'elle soutenait, et étayait cette affirmation par la production d'éléments de preuve, qu'elle n'avait pas la responsabilité de l'opération litigieuse et que la responsabilité d'obtenir une autorisation d'importation ne lui incombait en conséquence pas ; qu'en laissant sans réponse ce moyen déterminant de ses écritures d'appel, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article ;

5°/ que la Cour d'appel s'est fondée, pour retenir la faute grave, sur la considération qu'elle aurait à trois reprises en quelques mois préféré contourner les obstacles en éludant les procédures applicables au sein de la société quand elle n'a retenu que deux faits de cette nature ; que ce faisant, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires équivalant à un défaut de motif et violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que satisfaisant aux prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile et dans l'exercice du pouvoir qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, la cour d'appel a décidé que le licenciement de la salariée reposait sur une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.