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Décisions

Cass. com., 1 juillet 2020, n° 18-22.905

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Grenke location (SAS)

Défendeur :

Locam (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Fontaine

Colmar, 1re ch. civ., A, du 28 mars 2018

28 mars 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 28 mars 2018), la société ODD-Optique D. Ducey (la société ODD), qui exploite deux magasins d’optique, et la société La Haye P. Optique (la société LHPO), qui exploite un seul magasin d'optique, ont le même gérant et, pour leurs magasins respectifs, ont chacune conclu avec la société Imagin’R Net (la société Imagin’R) une convention dite « Street optic » ayant pour objet la fourniture d'un système d'animation de vitrine devant permettre à l’opticien de diffuser de la publicité.

2. Le matériel nécessaire a été financé au moyen de deux contrats de location financière souscrits auprès des sociétés Locam et Grenke Location (la société Grenke) par la société LHPO et auprès de la société Locam par la société ODD.

3. Invoquant la carence du prestataire de services, les deux sociétés d’optique ont assigné les sociétés Imagin’R, Grenke Location et Locam en annulation des contrats, remboursement des loyers versés et indemnisation. Mme M. a été assignée en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Imagin’R.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner à la cassation.

Mais sur le moyenrelevé d’office

5. Conformément aux articles 620, alinéa 2, et 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties.

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

6. Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants. Les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance sont réputées non écrites et l'anéantissement de l'un quelconque des contrats interdépendants entraîne la caducité des autres.

7. Pour prononcer la nullité du contrat de location financière conclu entre les sociétés LHPO et Grenke, l’arrêt confirmatif, après avoir constaté que la convention liant les sociétés LHPO et Imagin’R était nulle en raison des manoeuvres dolosives commises par la société prestataire, retient que les contrats sont certes successifs mais que l’intention commune des parties était de les rendre indivisibles et que, du fait de cette interdépendance, les clauses des contrats inconciliables avec celle-ci sont réputées non écrites.

8. En statuant ainsi, alors que, du fait de l’interdépendance du contrat conclu entre les sociétés LHPO et Imagin’R et du contrat de location financière de la société Grenke, l’anéantissement du premier ne pouvait entraîner que la caducité du second, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. La société Grenke fait grief à l'arrêt de la condamner à payer aux sociétés LHPO et ODD chacune la somme de 2 500 euros alors :

« 1) que le bailleur financier n’a pas à s’assurer que le contrat d’animation et de maintenance annexe à la location financière est respecté par le prestataire ; qu’en ayant jugé le contraire, la cour d’appel a violé l’article 1147 ancien du code civil ;

2) que le bailleur financier ne peut être tenu pour responsable des fautes du fournisseur/prestataire de service qui a fait signer au preneur un second contrat de location financière avec un tiers, dont le premier bailleur financier ne peut avoir connaissance ; qu’en ayant jugé le contraire, la cour d’appel a violé l’article 1382 ancien du code civil ;

3) que le bailleur financier ne peut être tenu pour responsable d’une livraison et d’une installation de matériels défectueuses, dont il est déchargé contractuellement ; qu’en ayant jugé le contraire, la cour d’appel a violé l’article 1147 ancien du code civil ;

4) que le bailleur financier ne peut être tenu in solidum des conséquences des fautes commises par un autre bailleur ; qu’en ayant condamné la société Grenke Location, solidairement avec la société Locam, à indemniser la société ODD Optique D. Ducey à laquelle l’exposante n’avait jamais eu affaire, un seul contrat de location financière ayant été conclu avec la société Locam, la cour d’appel a violé l’article 1382 ancien du code civil ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 1147 et 1382 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

10. Aux termes du premier de ces textes, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Aux termes du second, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

11. Pour condamner la société Grenke, solidairement avec la société Locam, à payer des dommages-intérêts tant à la société ODD qu’à la société LHPO, l’arrêt retient que les sociétés d’optique ont manifestement subi un préjudice du fait du comportement des sociétés de location financière, qui financent des acquisitions de matériel et d’animation sans s’assurer que le fournisseur est à même d’effectuer ces prestations d’animation et de maintenance, et sans contrôler ni les sièges sociaux du fournisseur, qui utilise deux adresses, ni la livraison et l’installation effectives du matériel.

12. En statuant ainsi, en retenant des manquements à des obligations qui ne pesaient pas sur la société Grenke, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. Le pourvoi étant formé par la seule société Grenke, la cassation prononcée sur le moyen relevé d’office portera sur la seule annulation du contrat de location financière conclu entre la société LHPO et la société Grenke.

14. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

15. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond sur le point atteint par la cassation sur le moyen relevé d’office.

16. Le contrat conclu entre les sociétés LHPO et Imagin’R ayant été annulé par un chef de dispositif non cassé, il y a lieu, en raison de l’interdépendance entre cette convention et le contrat de location financière consenti à la première par la société Grenke, non critiquée par le pourvoi, de constater la caducité de ce contrat de location.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il prononce la nullité du contrat de location financière conclu entre les sociétés La Haye P. Optique et Grenke location et en ce que, infirmant le jugement, il condamne la société Grenke location à payer des dommages-intérêts, solidairement avec la société Locam, aux sociétés Optique D. Ducey et La Haye P. Optique, l'arrêt rendu le 28 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar.