Cass. com., 3 mai 1995, n° 92-19.396
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Mester systèmes (Sté)
Défendeur :
Alibel (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Gomez
Avocat général :
M. Raynaud
Avocats :
SCP Ancel et Couturier-Heller , Me Thomas-Raquin
Sur le moyen unique pris, en ses deux branches :
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Lyon, 16 juillet 1992), que MM. Jean-Robert et Jean-Marc Z ont mis au point un procédé de traitement de légumes en vue de leur présentation à la vente qui a fait l'objet du dépôt, le 25 mai 1981, par la société Mester systèmes, d'une demande de brevet, enregistrée sous le n 81-10.303 ;
que cette société a conclu avec la société Etablissements Mester (société Mester) un contrat de concession de licence d'exploitation ;
que la société Mester a été déclarée, en 1984, en règlement judiciaire et M. B désigné en qualité de syndic a cédé dans le cadre d'un traité à forfait, à la Société d'application des procédés Mester, le fonds de commerce de négoce et de transformation de légumes exploité par la société Mester ;
que le 24 juillet 1985, une convention a été conclue entre d'un côté MM. Jean-Robert et Jean-marc Demeulemeester et M. A, ce dernier agissant en qualité de président du conseil d'administration de la société A industrie alimentaire par laquelle cette dernière, notamment, acquérait soixante quinze pour cent du capital de la société d'Application des Procédés Mester ;que la société Mester Système a, le 9 janvier 1986, consenti à la Société d'application des procédés Mester un contrat de licence pour l'exploitation du brevet Mester en France ;
que la Société d'application des procédés Mester, la société A industries alimentaires et la filiale de celle-ci, la société Alibel, invoquant l'impossibilité d'exploitation du brevet ont assigné, la société Mester Système et M. et Mme Jean-Robert Z, pour annulation dudit brevet, pour défaut de nouveauté et insuffisance de description et pour annulation du contrat de licence et du contrat du 24 juillet 1985 ;
Attendu que la société Mester Systèmes fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé l'annulation du brevet et du contrat de licence conclu entre elle et la Société d'application des procédés Mester le 9 janvier 1986, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'inefficacité d'un procédé breveté au regard du but poursuivi doit être appréciée en comparant le résultat décrit par le brevet et le résultat effectivement obtenu et ne saurait être établie par référence au contenu d'une réglementation ou à de simples voeux intervenus postérieurement, dès lors que l'invention n'apparait pas contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs ;
qu'en estimant que le "procédé Mester" ne permettait pas la conservation des aliments à la température ambiante et n'était donc pas brevetable, au seul motif que des avis des autorités sanitaires françaises insistaient sur la nécessité de conserver les semi-conserves en gardant la chaîne du froid, la cour d'appel a opéré une confusion entre les résultats du procédé et les questions de réglementation, violant ainsi les articles 7 et 49 de la loi du 2 janvier 1968 dans leur rédaction issue de la loi du 13 juillet 1978 ;
alors, d'autre part, qu'en s'abstenant de rechercher si, indépendamment des avis contradictoires émis par les autorités sanitaires sur la nécessité de maintenir la chaîne du froid pour les semi-conserves, le "Procédé Mester" n'était pas, sur le plan technique, parfaitement apte à assurer la conservation des légumes à température ambiante, ainsi que l'attestaient les nombreuses expertises versées aux débats par elle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 49 de la loi du 2 janvier 1968, dans sa rédaction issue de la loi du 13 juillet 1978 ;
Mais attendu que l'arrêt relève d'un côté que l'invention tendait à permettre la conservation des aliments traités selon le procédé dans des locaux à température quelconque donc supérieure à vingt degrés centigrades et d'un autre côté que M. Jean-Marc Z, en 1986, dans un descriptif de l'application du procédé, indique : "nous préconisons de distribuer et commercialiser ces produits à température réfrigérée de 1 degré à 6 degrés" ;
qu'à partir de ces constatations, après avoir recherché si, sur le plan technologique, le procédé dont la protection était revendiquée, permettait la conservation des légumes à température ambiante, et, après avoir énoncé que "si l'étendue de la protection conférée par le brevet est déterminée par la teneur des revendications, il n'en demeure pas moins que la description doit permettre de révéler aux tiers tous les éléments de l'invention", la cour d'appel a pu retenir que si le résultat imparfait ne pouvait pas permettre l'annulation du brevet dans la mesure où la température ne figurait pas dans les revendications, en revanche, le moyen décrit par la revendication était inefficace par rapport à l'effet technique annoncé, ce dont il résultait que la revendication litigieuse dépassait la consistance de la description ;
d'où il suit que le moyen pris en ses deux branches n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.