Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 9 septembre 2021, n° 21/02363

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Véhicules Sans Permis Location (SARL)

Défendeur :

M010 (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Calloch

Conseillers :

Mme Berquet, Mme Combrie

Avocats :

Me Lafran, Me Barthe, Me Ermeneux , Me Bouirat, Me Boumellil

T. com. Salon de Provence, du 4 févr. 20…

4 février 2021

EXPOSE DE L'AFFAIRE

La société VEHICULES SANS PERMIS (ci-après VSP LOCATION) qui exerce son activité sous l'enseigne « CAR'GO » est spécialisée dans la location et véhicules légers.

La société M010 a pour activité la mise à disposition temporaire de personnel, et a recours aux services de location de véhicules pour le transport des intérimaires sur les chantiers.

Un litige est né entre les deux sociétés concernant une facture de frais de remise en état d'un véhicule.

La société VSP LOCATION soutient avoir loué à la société M010, sur commande de cette dernière, un véhicule CITROEN PICASSO COLLECTION immatriculé EK 331 EG, en lui ayant mis à disposition ce véhicule le 25 février 2017 pour le transport de M. X Z F, intérimaire. En novembre 2017, une plainte a été déposée, le véhicule ayant disparu en août 2017. Il était retrouvé en mars 2018 à Aubagne, et la société VSP LOCATION indique l'avoir récupéré le 23 août 2018 dans un état dégradé. Après plusieurs tentatives de résolution amiable du litige à l'amiable, elle a fait assigner la société M010 devant le tribunal de commerce de Salon de Provence par acte du 17 mai 2019 pour obtenir le paiement de la somme de 14.725,38 euros

Par jugement du 4 février 2021, le tribunal de commerce de Salon de Provence a :

- Reçu la société M010 en son exception d'incompétence,

- S'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Chambéry,

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

La société VSP LOCATION a relevé appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 16 février 2021.

En application des dispositions de l'article 84 du code procédure civile, elle a été autorisée à assigner à jour fixe la société M010 à l'audience du 31 mai 2021

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 27 mai 2021, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société VSP LOCATION demande à la cour de :

- REFORMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 04/02/2021 par le Tribunal de commerce de Salon de Provence dans l'instance RG n° 2019 003060 et statuant sur sa seule compétence ;

- DIRE ET JUGER que le Tribunal de commerce de Salon de Provence est compétent pour connaitre du litige susvisé entre les sociétés VSP LOCATION et M010 ; E l'affaire au Tribunal de commerce de Salon de Provence, l'instance devant se poursuivre à sa diligence ;

- CONDAMNER la société M010 au paiement de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'appui de son appel, elle soutient que le tribunal de commerce de Salon de Provence est compétent en application de l'article 46 du code de procédure civile, comme étant le tribunal dans le ressort duquel a été remise la chose, s'agissant d'un contrat.

Elle soutient que la société M010 ne peut affirmer qu'aucun contrat n'aurait été conclu et qu'elle aurait réglé par erreur plus d'un an de loyer alors :

- qu'un bon de commande a été adressé pour le compte de la société M010 par M. C A Y F le 9 février 2017,

- qu'une fiche de remise du véhicule a bien été adressée lors de la remise du véhicule à l'intérimaire qui a signé également un contrat de location à cette occasion (et au dos duquel figure les conditions générales de vente de location),

- que les factures ont été réglées pendant plus d'un an, sans contestation par la société M010,

- qu'une plainte a été déposée par M. C A Y F en novembre 2017, aux termes de laquelle il reconnait la prise en location du véhicule, l'identité du conducteur, la commissions d'infraction sur ce véhicule.

Elle fait valoir également que le tribunal de Salon de Provence est compétent en vertu du contrat cadre conclu entre les groupes respectifs, à savoir les sociétés ACTION et AGIR et toutes les agences franchisées du réseau porteuses de l'enseigne CAR'GO d'une part et la société AGORUM d'autre part, B D et M010 étant adhérentes ou affiliées à AGORUM, ce contrat cadre rendant opposables à la société M010 ses conditions et générales de vente, étant observé que les parties sont en relations commerciales suivies, que le contrat de location de courte durée du 10 février 2017 signé par le conducteur du véhicule comporte les conditions générales de vente à son verso.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 19 mai 2021, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société M10 demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Salon de Provence en toutes ses dispositions,

- Recevoir la société M10 en son exception d'incompétence,

- Dire et juger que le tribunal de commerce de Salon de Provence est incompétent au profit du tribunal de commerce de Chambéry,

- Dire qu'application de l'article 84 du code procédure civile, le greffier transmettra le présent dossier au greffe du tribunal de commerce de Chambéry,

- Condamner la société VSP LOCATION à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et la condamner aux entiers dépens.

La société M010 soutient en particulier que la société VSP LOCATION ne peut se prévaloir d'aucun contrat, ni de conditions générales de vente.

Elle affirme que

- le contrat cadre invoqué est conclu avec des sociétés tierces et ne lui est pas opposable, précisant que la société AGORUM est une centrale d'achat, qu'elle ne peut se voir opposer une clause attributive de compétence qui n'a pas été connue d'elle et acceptée au moment de la formation du contrat, que l'existence de relations commerciales suivies est à elle seule insuffisante à défaut de faire la preuve d'une acceptation à l'occasion d'opérations antérieures de même nature, que la clause attributive de compétence doit être spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à laquelle elle est opposée

- la société VPS LOCATION ne peut se prévaloir d'aucun contrat, relevant que la pièce n° 24 comporte une signature non identifiable, et est différente du contrat versé en première instance en pièce 5, que le bon de commande ne mentionne pas le véhicule litigieux, ni le même conducteur, qu'aucun bon de remise du véhicule à la société M010 signé par cette dernière n'est produit, ni aucun contrat de location entre février 2017 et août 2018, dates des facturations.

Elle soutient que l'appelante ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 46 du code de procédure civile, en l'absence de justification de la remise du véhicule litigieux à la société M010 à l'agence de Vitrolles.

Motifs

#1 MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article 46 du code de procédure civile « Le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, :

En matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu d'exécution de la prestation de service, »

Selon les dispositions de l'article 48 du code de procédure civile, « toute clause qui, directement ou indirectement déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée ».

Une clause attributive de juridiction entre des personnes ayant contracté en qualité de commerçant ne peut ainsi produire d'effets juridiques qu'à l'égard de ses signataires, et pour autant qu'elle figure de façon très apparente au contrat.

#2 La société VPS LOCATION invoque une clause attributive de compétence insérée dans le contrat cadre N° 2010 11 entre les sociétés ACTION et AGORUM, et dans les conditions générales de vente inscrites au verso du contrat de location de courte durée du 10 février 2017 signé selon elle par le conducteur du véhicule.

Le contrat cadre versé aux débats n'est pas signé et ne peut dès lors être valablement opposé à la société M010. La pièce 24 versée aux débats qui s'intitule « contrat location courte durée N° A MREQBD C 170358 10/02/2017 » et comporte une signature non identifiable, ne permet pas de retenir que les conditions générales auraient été acceptées par la société M010 en l'absence de signature de cette société et d'apposition de son tampon.

Le fait invoqué par la société VPS LOCATION que les deux sociétés seraient en relation d'affaires est indifférent, dès lors qu'il n'est pas démontré que la société M010 aurait commandé et reçu le véhicule litigieux, en l'absence de bon de commande et de bon de remise dudit véhicule signé par celle-ci. A cet égard si la société VPS LOCATION se prévaut d'un bon de commande « n° 09022017 MDI » en date du 9 février 2017, alors que ce bon de commande mentionne un autre véhicule, n'est pas signé par la société M010, ni ne comporte son tampon. Il sera observé que dans la plainte déposée par M. C A Y F, ce dernier déclare être responsable de l'agence CELTIC et porter plainte pour abus de confiance concernant cette entité, et non pour la société M010.

Ainsi la clause attributive de compétence au profit du tribunal de commerce de salon de Provence ne peut être opposable à la société MO, et la preuve de la remise du véhicule litigieux à Vitrolles à la société M010 n'est pas faite. C'est dès lors, c'est à juste titre que le tribunal de commerce de Salon de Provence s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Chambéry, dans le ressort duquel la société M010 a son siège social, en application des dispositions de l'article 46 du code de procédure civile.

En conséquence, le jugement à la motivation duquel il convient de se référer pour le surplus est confirmé en toutes ses dispositions, les demandes présentées par la société VPS LOCATION étant rejetées.

Sur les demandes accessoires

La société VPS LOCATION, partie perdante est condamnée à payer à la société M010 une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.