Cass. crim., 31 janvier 2007, n° 06-81.273
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Rognon
Avocat général :
M. Charpenel
Avocats :
Me Jacoupy, SCP Laugier et Caston
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 432-10 du code pénal, 8, 10, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale : "en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Nicolas Z... coupable du délit de concussion pour avoir, durant les années 1989 à 1998, en tant que maire de la commune de L'Hôpital, octroyé gratuitement à Fernando A... la jouissance d'un logement de la commune sans délibération du conseil municipal, et l'a condamné à payer à la commune de L'Hôpital, partie civile, la somme de 26 068,78 euros à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs qu'il résulte des pièces du dossier et des débats que le conseil municipal de la commune de L'Hôpital avait par une délibération du 28 janvier 1988 fixé le loyer du logement communal à la somme mensuelle de 1 800 francs ; que lorsque Fernando A... est venu occuper ce logement en octobre 1989, aucune délibération contraire du conseil municipal n'est venue autoriser l'installation à titre gratuit de Fernando A... et de sa famille dans ledit logement communal ;
que le prévenu ne le nie pas, expliquant que la décision qu'il qualifie curieusement "d'erreur administrative" avait été prise par la seule commission maire-adjoints ; qu'en conséquence le prévenu, en dispensant sciemment, sans être autorisé par une délibération du conseil municipal, Fernando A... du paiement mensuel d'un loyer pour l'occupation d'un logement communal, s'est rendu coupable du délit de concussion visé à l'article 432-10, alinéa 2, du code pénal ; que Jean-Nicolas Z... invoque à sa décharge qu'en contrepartie de l'attribution de ce logement à titre gratuit Fernando A... remplissait une mission de surveillance du bureau de police situé au dessous de son appartement, de l'école et de la mairie ;
qu'il assurait "un rôle de gardiennage", la commune devant faire face à l'époque à de gros problèmes de dégradations volontaires à L'Hôpital ; que cependant ce moyen ne saurait prospérer ; qu'en effet, l'article 432-10, alinéa 2, du code pénal dispose que les motifs qui ont ou auraient déterminé le prévenu à consentir à l'exonération des droits, contributions, impôts ou taxes publics sont indifférents ; qu'ils ne peuvent donc être pris en considération ;
que le préjudice subi par la partie civile, couvrant la période allant du 1er octobre 1989 au 31 août 1998, soit 95 mois, est de 1 800 francs x 95 = 171 000 francs, soit 26 068,78 euros ;
"alors, d'une part, que le délit de concussion n'est constitué qu'autant que l'exonération du droit a été accordée "en violation de textes légaux ou réglementaires" ; qu'il ne résulte d'aucun texte qu'un employé communal ne pourrait se voir concéder, en contrepartie de ses services, la jouissance gratuite d'un logement communal ; qu'ainsi, en énonçant que le moyen de Jean-Nicolas Z... tiré de ce que Fernando A... remplissait une mission de surveillance et de gardiennage ne saurait prospérer dès lors que les motifs qui ont déterminé le prévenu à consentir l'exonération des droits sont indifférents, la cour d'appel, qui a confondu les éléments constitutifs de l'infraction et le mobile, a violé l'article L. 432-10 du code pénal ;
"alors, d'autre part, que la cour d'appel, qui constatait par ailleurs que la commune de L'Hôpital n'avait porté plainte avec constitution de partie civile que le 11 juillet 2001, ce dont il résultait que les faits antérieurs à juillet 1998 étaient prescrits, ne pouvait, sans violer les articles précités, déclarer Jean-Nicolas Z... coupable d'avoir à L'Hôpital "durant les années 1989 à 1998" octroyé gratuitement à Fernando A... la jouissance d'un logement de la commune sans délibération du conseil municipal et le condamner à payer à la commune de L'Hôpital, partie civile, une somme représentant le loyer du logement précité couvrant la période allant du 1er octobre 1989 au 31 août 1998" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Jean-Nicolas Z..., alors maire de la commune de L'Hôpital (Moselle), a attribué gratuitement, du 1er octobre 1989 au 31 août 1998, un logement communal à Fernando A... pour que celui-ci entraîne le club de football local, alors que le conseil municipal avait, par une délibération antérieure, fixé, pour ce logement, un loyer mensuel de 1 800 francs ; que la commune a porté plainte et s'est constituée partie civile le 11 juillet 2001 du chef de concussion ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu, qui soutenait qu'en contrepartie de l'attribution de ce logement, son occupant exerçait une mission de surveillance de certains locaux, et le déclarer coupable de concussion, l'arrêt et le jugement qu'il confirme prononcent par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Que, d'une part, contrairement à ce qui est soutenu au moyen, les faits commis plus de trois ans avant la plainte avec constitution de partie civile n'étaient pas prescrits, la prescription ne commençant à courir, lorsque la concussion résulte d'opérations indivisibles, qu'à compter de la dernière des exonérations accordées indûment ;
Que, d'autre part, le caractère illégal de l'exonération de droits résulte de ce que cette exonération n'a pas été autorisée par une délibération du conseil municipal prise conformément aux prescriptions des articles L. 2121-29 et L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.