Cass. crim., 10 septembre 2008, n° 07-88.407
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dulin
Rapporteur :
Mme Labrousse
Avocat :
SCP Ghestin
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 432-10 du code pénal, des articles L. 332-15 et L. 410-1 du code de l'urbanisme et de l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit que les éléments constitutifs du délit de concussion étaient réunis et a condamné Francis X... à payer à Jean Y... la somme de 20 000 euros de dommages-intérêts ;
" aux motifs que le 8 novembre 1999, Francis X..., maire de Seyne-les-Alpes a pris un arrêté d'autorisation de lotir qui mentionne que les travaux d'extension du réseau d'eau potable situé à environ 250 mètres du lotissement seront réalisés par la commune avec une participation du lotisseur de 100 000 francs ; que cette participation financière dont l'attribution est réglementée par l'autorité publique constitue bien une contribution au sens de l'article 432-10 du code pénal ; que par jugement du 26 juin 2003 le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté en ce qu'il met à la charge du lotisseur une participation à l'extension du réseau d'eau potable ; que la cour administrative d'appel a rejeté la requête en annulation du jugement ; que si la cour administrative d'appel énonce qu'aucune disposition de l'autorisation de lotir ne comporte mention du mode d'évaluation de la participation mise à la charge de Jean Y..., c'est après avoir relevé qu'il résulte de l'instruction que le lotissement est situé à environ 100 mètres du réseau public d'eau potable ; que Jean Y... soutient sans être contredit que l'extension projetée du réseau public permettra de desservir des habitations extérieures au lotissement ; qu'ainsi les travaux projetés excèdent les besoins du lotissement et ne peuvent dès lors être regardés comme se rapportant à un équipement propre à l'opération au sens de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme ; que tel est l'avis de l'expert A... qui a conclu que l'alimentation du lotissement Hameau des Auches pouvait être réalisé soit à partir du réseau amont semblant être l'option en vigueur lors de la délivrance du certificat d'urbanisme et qui a été réalisé pour 45 000 francs HT, soit à partir du réseau aval qui semblait être l'option en vigueur lors de la délivrance de l'autorisation de lotir et qui a été réalisée pour une somme comprise entre 56 000 francs HT et 80 000 francs HT ; que dans les deux cas même si la participation s'est alignée sur le montant des travaux, elle reste très supérieure à leur montant ; que selon lui, la mairie a imputé au lotisseur le tronçon de 260 ml alors que celui de 130 ml aurait vraisemblablement suffi et a profité de cette opération pour réaliser le bouclage de réseaux dans le quartier, alors que vraisemblablement l'alimentation des 16 lots du Hameau des Hauches pouvait être réalisé à partir du réseau amont seulement ; que pour critiquer ces conclusions Francis X... explique qu'il n'a jamais imposé de se brancher à 250 mètres mais qu'il ressort de la demande de permis de lotir que c'était la seule possibilité de branchement ; qu'il était inenvisageable pour des raisons techniques de se brancher à 130 mètres comme retenu par l'expert ; que cependant le certificat d'urbanisme positif délivré par le maire en date du 22 décembre 1998 mentionne que l'eau potable est située à proximité à 100 mètres environ ; que la fiscalité applicable est la taxe locale d'équipement et que l'extension et le renforcement du réseau AEP sera réalisé par la commune ; que les dépositions contraires à la barre du tribunal de témoins qui ont la qualité d'employé municipal et d'adjoints au maire ne peuvent emporter la conviction ; qu'il en résulte que dépositaire de l'autorité publique, Francis X... a reçu exigé ou ordonné de percevoir une somme qui excédait ce qui était dû ; que ces faits ont été commis en toute connaissance de cause après que Francis X... ait reçu le 6 août 1999 de la DDE une lettre lui indiquant « par ailleurs vous voudrez bien me préciser la demande de participation financière au titre de l'extension du réseau d'eau potable à prévoir et rendue nécessaire par cette opération » ; qu'officier public le maire ne peut valablement soutenir qu'étant médecin et non juriste il n'a fait que suivre l'avis de la DDE sans savoir que la participation demandée au lotisseur était illégale ; que l'examen des correspondances échangées entre le maire et la partie civile montrent que Francis X... a agi délibérément, nuisant ainsi à la réalisation du lotissement qui était concurrent de celui dans lequel il avait un intérêt (arrêt attaqué p. 5, 6) ;
" 1°) alors que Francis X... avait soutenu dans ses conclusions d'appel que dans sa demande d'autorisation de lotir son terrain (cote D 38), Jean Y... avait mentionné qu'il était prévu de procéder au raccordement au réseau d'eau potable de la commune « sur la conduite DN 125 mm du réseau ; soit à 250 m environ de l'entrée du lotissement... », ce qui expliquait que la participation financière exigée de ce lotisseur ait été calculée en fonction des travaux nécessaires pour le raccordement ainsi précisé par Jean Y... lui-même d'une longueur de 250 mètres ; qu'en estimant néanmoins que cette participation financière aurait dû être moins élevée car le certificat d'urbanisme (délivrée antérieurement à la demande d'autorisation de lotir) mentionnait que l'eau potable est située à 100 mètres environ pour en déduire que Francis X... avait exigé une contribution qui excédait ce qui était dû, sans réfuter le moyen des conclusions démontrant le contraire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
" 2°) alors que Francis X... avait en outre démontré, en se fondant notamment sur le rapport d'expertise de M. Z... qui avait retenu un écart de 3, 5 % entre le montant des travaux de raccordement réalisés et le montant de la participation financière demandée au lotisseur, qu'il était techniquement impossible de procéder au raccordement du lotissement de Jean Y... en eau potable avec le réseau amont distant de 100 mètres environ et que c'est la raison pour laquelle le raccordement sur l'autre réseau distant de 250 mètres avait été retenu ; que Francis X... avait aussi démontré que le rapport de l'autre expert M. A... selon lequel le raccordement pouvait être effectué sur le réseau le plus proche était entaché de nombreuses erreurs techniques et que sa formulation révélait un parti pris délibéré en faveur de Jean Y... ; qu'en se bornant à faire état de l'avis de l'expert M. A... sur l'option entre les deux raccordements et la mention du certificat d'urbanisme concernant la proximité à 100 mètres du réseau d'eau potable sans mentionner l'avis contraire de l'expert Z... ni les critiques contre le rapport A... qu'elle n'a pas réfuté, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 3°) alors que le délit de concussion n'est caractérisé que si son auteur a exigé ou ordonné de percevoir une somme qu'il sait ne pas être due ; que l'arrêt attaqué relève que Francis X... aurait exigé de Jean Y... une participation financière au titre des travaux de raccordement du lotissement au réseau d'eau potable de la commune « qui excédait ce qui était dû » sans remettre en cause le principe de l'exigibilité de cette participation financière en son principe ; qu'en se bornant à affirmer que Francis X... aurait agi délibérément dans l'intention de nuire aux intérêts du lotisseur sans relever aucun élément de fait permettant d'établir qu'il avait connaissance du fait que la somme demandée allait excéder le montant des travaux réalisés en dépit du fait, invoqué par Francis X..., que les deux experts désignés par le magistrat instructeur avaient émis sur ce point deux avis contraires, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel du délit " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 432-10 du code pénal, des articles L. 332-15 et L. 410-1 du code de l'urbanisme et des articles 2 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Francis X... à payer à Jean Y... la somme de 20 000 euros de dommages-intérêts ;
" aux motifs que sur la demande de la partie civile, la juridiction pénale est compétente pour connaître des conséquences civiles d'un acte délictueux commis par un agent public même si la faute est commise dans l'exercice des fonctions si cet acte constitue une faute détachable des fonctions ; que tel est le cas de la faute commise par Francis X... qui relève d'un manquement volontaire et inexcusable à son devoir de probité et procède d'une intention caractérisée de nuire aux intérêts de son administré Jean Y... ; que celui-ci a fait valoir qu'il a dû prendre à sa charge les travaux d'amenée d'eau, que la vente des lots du lotissement Les Auches s'en est trouvé retardé, qu'il en est résulté un important rappel de droits d'enregistrement ; que la cour trouve dans les pièces de la procédure et les débats les éléments nécessaires pour fixer à la somme de 20 000 euros le montant des dommages-intérêts (arrêt attaqué p. 7) ;
" alors que seul un préjudice trouvant directement sa source dans l'infraction poursuivie peut donner lieu à réparation au profit de la partie civile ; que Francis X... avait soutenu dans ses conclusions d'appel que le redressement de droits d'enregistrement imposé à Jean Y..., que celui-ci invoquait à titre de préjudice, n'avait aucun lien avec les faits de concussion reprochés car s'il n'avait pas pu vendre les lots dans les 4 ans de son acquisition, ce qui avait justifié le redressement écartant l'exonération des droits applicable aux marchands de biens, c'était en raison du retard qui lui était exclusivement imputable de dépôt des pièces du lotissement chez le notaire qui doit être préalable à la vente des lots ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments les faits de concussion, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.