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Décisions

Cass. crim., 3 décembre 2008, n° 08-81.343

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dulin

Rapporteur :

Mme Labrousse

Avocats :

SCP Peignot et Garreau, SCP Waquet, Farge et Hazan

Nîmes, du 17 janv. 2008

17 janvier 2008

Vu l'article 575, alinéa 2, 3° du code de procédure pénale ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 432-10 du code pénal, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et de réponse à conclusions, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a constaté la prescription pour les faits de cumul d'emplois permanent de secrétaire général de la commune d'Auriol et de secrétaire du syndicat intercommunal de l'assainissement de la Haute Vallée de L'Huveaune ;

"aux motifs que la prescription en matière de concussion ne commence à courir qu'à compter de la dernière perception de sommes indues lorsque ces perceptions résultent d'opérations indivisibles ; que si sont indivisibles les faits visés au n° 1 - les diverses promotions dont a bénéficié Michèle X... - et 2 - le cumul du régime indemnitaire afférent au grade d'attaché territorial et à l'emploi fonctionnel de secrétaire général de la commune d'Auriol - en revanche leur sont « étrangers » et donc divisibles ceux relatifs au cumul de rémunérations entre l'emploi de secrétaire général de mairie et celui de secrétaire d'un syndicat intercommunal ; seule la rémunération visant cet emploi de secrétaire du syndicat peut être retenue au titre de l'article 432-10 du code pénal ; d'ailleurs le préjudice direct résultant de ces derniers faits ne peut avoir été causé qu'au syndicat intercommunal et non à la commune d'Auriol ; il n'est pas contesté par la partie civile que ce « cumul » et les rémunérations afférentes ont cessé début 1998 ; en conséquence, la plainte avec constitution de partie civile étant du 22 novembre 2001, ces faits sont couverts par la prescription de l'action publique telle que prévue par l'article 8 du code de procédure pénale ;

"alors, d'une part, que la prescription en matière de concussion ne commence à courir qu'à compter de la dernière perception de sommes indues lorsque ces perceptions résultent d'opérations indivisibles ; les faits reprochés à Michèle X..., consistant à avoir cumulé les fonctions de secrétaire général puis directeur général des service de la mairie et celles de secrétaire d'un syndicat intercommunal et d'avoir ainsi indûment perçu des rémunérations, primes et indemnités entre 1992 et 2002, constituaient une opération unique et complexe de telle sorte que la prescription n'a commencé à courir qu'à compter de la dernière des perceptions de sommes indues ; qu'en retenant néanmoins la prescription pour les faits liés au cumul de rémunérations entre l'emploi de secrétaire général de mairie et celui de secrétaire d'un syndicat intercommunal, la chambre de l'instruction a violé les textes et le principe susvisés ;

"alors, d'autre part, que Michèle X... a cumulé son emploi permanent à temps complet d'attaché territorial à la mairie d'Auriol avec celui à temps partiel de secrétaire du syndicat intercommunal d'assainissement de la Haute Vallée de L'Huveaune, de telle sorte qu'il s'agissait d'opérations indivisibles ; qu'en décidant néanmoins qu'il s'agissait de faits divisibles, au motif inopérant qu'ils seraient «étrangers» aux autres faits dénoncés dans la plainte, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"alors, de surcroît, que selon le mémoire d'appel de la commune d'Auriol, « pour compenser la perte de ses vacations au sein du syndicat intercommunal, suite au jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 juin 1998, annulant la délibération du 27 mars 1996, Michèle X... a abandonné contrainte et forcée son poste de secrétaire au sein du syndicat précité, fin 1998, estimant très certainement qu'il convenait par précaution de s'éloigner de fonctions ayant déjà attiré l'attention du juge administratif » (mémoire, p.11, in fine), ce dont il ressort que Michèle X... a bénéficié d'un cumul d'emplois et de rémunérations jusqu'à la fin de l'année 1998 ; qu'en affirmant, pour dire que la prescription était acquise au jour de la plainte avec constitution de partie civile du 22 novembre 2001, qu'« il n'est pas contesté par la partie civile que le cumul d'emplois permanent de secrétaire général de la commune d'Auriol et de secrétaire du syndicat intercommunal de l'assainissement de la Haute Vallée de L'huveaune et les rémunérations afférentes ont cessé début 1998 », la chambre de l'instruction a dénaturé le mémoire d'appel de la partie civile ;

"alors, en toute hypothèse, que, lorsque la concussion résulte de la perception indûe de rémunérations en raison d'un cumul d'emplois, chacune des personnes ayant versé une partie des rémunérations subit un préjudice direct et en conséquence est bien fondée à se constituer partie civile ; qu'en affirmant que seul le syndicat intercommunal avait subi un préjudice direct, du fait du cumul de rémunérations perçues à la fois du syndicat et de la commune, pour en déduire la prescription des faits reprochés par la commune d'Auriol, la chambre de l'instruction a méconnu les textes et le principe susvisés ;

"alors, enfin, que la dissimulation délibérée de l'infraction par son auteur interrompt la prescription jusqu'au jour où cette dissimulation prend fin ; qu'en l'espèce, en omettant de répondre au mémoire d'appel de la partie civile qui faisait valoir que les diverses dissimulations opérées par Michèle X... avaient eu pour effet de repousser le point de départ de la prescription au jour où les infractions ont pu être constatées dans les conditions permettant l'exercice des poursuites, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 22 novembre 2001, la commune d'Auriol a porté plainte et s'est constituée partie civile devant le juge d'instruction du chef notamment de concussion contre Michèle X..., qui avait exercé les fonctions de secrétaire général et de directeur général des services de la mairie ainsi que celles de secrétaire d'un syndicat intercommunal, en exposant que celle-ci avait perçu des rémunérations, primes et indemnités auxquelles elle ne pouvait prétendre ; qu'à l'issue de l'information, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu ;

Attendu que, pour constater la prescription des faits relatifs au cumul d'emplois permanents de secrétaire général de la commune d'Auriol et de secrétaire du syndicat intercommunal de l'assainissement de la Haute vallée de l'Huveaune, l'arrêt énonce que "ce cumul et les rémunérations afférentes", dont il n'est pas contesté par la partie civile qu'ils ont cessé début 1998, sont divisibles des autres faits visés dans la plainte et que le préjudice direct en résultant ne peut avoir été causé qu'au syndicat intercommunal précité et non à la commune d'Auriol ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que le point de départ du délit de concussion, infraction instantanée, ne peut être retardé à la date à laquelle la partie civile en a eu connaissance, la chambre de l'instruction, qui a fait l'exacte application de l‘article 8 du code de procédure pénale et répondu aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 432-10 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et de réponse à conclusions, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre contre Michèle X... du chef de concussion à raison de la perception des traitements correspondants aux diverses promotions dont elle a bénéficié ;

"aux motifs qu'il ne ressort d'aucune des pièces de la procédure que la mise en cause ait été, par son action personnelle et exclusive, à l'origine des divers actes administratifs critiqués et qui ont relevé de la seule compétence de l'autorité municipale ; aucune disposition n'impose par ailleurs à la personne visée par l'article 432-10 du code pénal de procéder elle-même et de son propre chef à une analyse de légalité de l'acte administratif dont elle a bénéficié et qui émane de l'autorité compétente alors même et au surplus que cet acte n'a donné lieu à aucun recours de la part de l'autorité de tutelle ;

"alors que ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale, l'arrêt de non-lieu qui omet de répondre aux articulations essentielles formulées par la partie civile dans ses mémoires ; que la commune d'Auriol, partie civile, soutenait devant la chambre de l'instruction que le caractère intentionnel des agissements de Michèle X... se déduisait nécessairement de son niveau de responsabilité et de qualification, de son expérience professionnelle d'une durée de seize ans à la date des faits reprochés et de son rôle personnel et exclusif dans la gestion de sa carrière, comprenant notamment la préparation et la rédaction des actes la concernant ; que la chambre de l'instruction a dénié toute intention frauduleuse chez Michèle X... de percevoir illégalement les traitements correspondant aux grades d'attaché principal puis d'attaché principal de première classe sans prendre en compte son niveau de responsabilité, sa qualification, son expérience professionnelle et son rôle personnel et exclusif dans la gestion de sa carrière ; qu'elle a ainsi omis de répondre à une articulation essentielle de l'argumentation de la partie civile" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 432-10 du code pénal, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et de réponse à conclusions, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre contre Michèle X... du chef de concussion à raison du cumul du régime indemnitaire afférent au grade d'attaché territorial et à l'emploi fonctionnel de secrétaire général de la commune d'Auriol ;

"aux motifs que le cumul des régimes indemnitaires dits de grade et de fonction est autorisé depuis la promulgation du décret du 18 mars 1998 qui a modifié le décret du 30 décembre 1987 et en y insérant un article 13-1 ; cette autorisation expresse de cumul doit, selon l'article 112-1 du code pénal qui régit l'application des lois pénales dans le temps, s'appliquer à l'analyse des faits commis antérieurement ; en l'espèce, le conseil municipal a décidé dans ses délibérations du 17 décembre 1997 du versement d'une prime de responsabilité égale à 15% du traitement au secrétaire général ; par arrêté du 22 décembre, la mairie a détaché Michèle X... sur l'emploi fonctionnel de secrétaire général de la commune d'Auriol à compter du 1er janvier 1998 ; ainsi le régime indemnitaire de Michèle X..., pour la période visée dans la plainte, avait été fixé par diverses décisions administratives formelles auxquelles s'étaient « ajoutées » de nouvelles dispositions réglementaires expressément plus favorables ; ainsi et pour les même motifs que ceux exposés supra, il ne peut lui être reproché d'avoir agi de mauvaise foi ;

"alors, d'une part, que la contradiction de motifs prive un arrêt, en la forme, des conditions essentielles de son existence légale ; que la chambre de l'instruction qui a retenu que le cumul des régimes indemnitaires dits de grade et de fonction n'est autorisé que depuis la promulgation du décret du 18 mars 1998 ; qu'elle ne pouvait, sans se contredire, affirmer que la délibération du conseil municipal d'Auriol en date du 17 décembre 1997, qui permettrait un tel cumul, trouvait un fondement légal dans un décret n°98-197 du 18 mars 1998 adopté postérieurement à la délibération ;

"alors, d'autre part, que ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale, l'arrêt de non-lieu qui omet de répondre aux articulations essentielles formulées par la partie civile dans ses mémoires ; que la commune d'Auriol, partie civile, faisait valoir devant la chambre de l'instruction que la délibération du 17 décembre 1997 ne pouvait anticiper sur des dispositions réglementaires à venir, sauf à être dépourvue de base légale, et que ce n'est qu'une délibération du conseil municipal en date du 24 novembre 2003 qui a régulièrement permis le cumul des régimes indemnitaires dont Michèle X... a illégalement bénéficié pendant 13 ans ; que la chambre de l'instruction a manifestement omis de répondre à cette articulation essentielle de l'argumentation de la partie civile ;

"alors, enfin, que ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale, l'arrêt de non-lieu qui omet de répondre aux articulations essentielles formulées par la partie civile dans ses mémoires ; que la commune d'Auriol, partie civile, soutenait devant la chambre de l'instruction que le caractère intentionnel des agissements de Michèle X... se déduisait nécessairement de son niveau de responsabilité et de qualification, de son expérience professionnelle d'une durée de seize ans à la date des faits reprochés et de son rôle personnel et exclusif dans la gestion de sa carrière, comprenant notamment la préparation et la rédaction des actes la concernant ; que la chambre de l'instruction a dénié toute intention frauduleuse chez Michèle X... de cumuler le régime indemnitaire afférent au grade d'attaché territorial et à l'emploi fonctionnel de secrétaire général de la commune d'Auriol sans prendre en compte son niveau de responsabilité, sa qualification, son expérience professionnelle et son rôle personnel et exclusif dans la gestion de sa carrière ; qu'elle a ainsi omis de répondre à une articulation essentielle de l'argumentation de la partie civile" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 85, 86, 211, 212, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué n'a pas statué sur le chef de concussion du fait de la perception par Michèle X... de traitement correspondant à des reprises d'ancienneté irrégulières ;

"alors que la chambre de l'instruction saisie de l'appel d'une ordonnance de non-lieu par la partie civile est tenue de statuer sur tous les chefs d'inculpation visés dans la plainte avec constitution de partie civile ; que la plainte avec constitution de partie civile de la commune d'Auriol reprochait notamment à Michèle X... de s'être rendue coupable du délit de concussion en percevant jusqu'à sa révocation la part de traitement afférente à deux reprises d'ancienneté injustifiées d'août 1988 et février 1994 ; que la chambre de l'instruction a omis de statuer sur ce chef d'inculpation" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le délit reproché, ni toute autre infraction ;

Que la demanderesse se borne à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article 575 du code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre de l'instruction en l'absence de recours du ministère public ;

Que, dès lors, les moyens sont irrecevables ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.