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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re et 3e ch. réunies, 4 juin 2020, n° 17/18018

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Monsieur (B) M., Madame (M) M. épouse M.

Défendeur :

PCA MAISONS (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Marie-Brigitte FREMONT

Conseillers :

Béatrice MARS, Florence TANGUY

Avocats :

Me Layla T. de la SCP B.-T., Me Grégory K., Me Olivier S. de l'AARPI E.-S.-P.

CA Aix-en-Provence n° 17/18018

3 juin 2020

Par contrat de construction de maisons individuelles avec fourniture de plans signé le 30 avril 2014, M. Boris M. et Mme Magali M. épouse M. ont confié à la SAS PCA Maisons la construction d'une maison individuelle sur un terrain situé [...] pour un montant de 106 800 euros.

Le même jour, les époux M. ont conclu une promesse de vente de ce terrain.

La commune a délivré un permis de construire le 9 septembre 2014.

Le 12 novembre 2014, les époux M. ont sollicité de la commune le retrait de ce permis

de construire, ce qui leur a été accordé le 11 décembre 2014.

Par courrier du 19 janvier 2015, les époux M. ont informé la SAS PCA Maisons de leur décision de « mettre un terme définitif au projet de construction », en expliquant que les intempéries du 11 novembre 2014 avaient révélé un vice caché du terrain. Ils expliquaient que le compromis de vente avait été résilié amiablement le 19 décembre 2014.

Par courrier recommandé reçu le 4 février 2016, la SAS PCA Maisons a mis en demeure les époux M. de payer la somme de 21 360 euros, correspondant à 20 % du montant total

du contrat.

Par le biais de leur conseil, et au terme d'un courrier date du 10 février 2015, les époux M. se sont opposés à cette réclamation.

C'est dans ces conditions que la SAS PCA Maisons a, par acte du 11 mars 2016, assigné les époux M. devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins de les voir condamnés à lui payer la somme de 21 360 euros, outre intérêts au taux contractuel de 12 % l'an à compter du 17 janvier 2015.

Par jugement du 31 août 2017, le tribunal de grande instance de Draguignan a':

- Débouté M. Boris M. et Mme Magali M. épouse M. de l'ensemble de leurs demandes

- Condamné solidairement M. Boris M. et Mme Magali M. épouse M. à payer à la SAS PCA Maisons la somme de 21 360 euros au titre du contrat de construction de maison individuelle conclu entre les parties le 30 avril 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 2015, date de réception de la mise en demeure, et avec capitalisation des intérêts après une annuité, conformément à l'article 1154 ancien du code civil

- Condamné in solidum M. Boris M. et Mme Magali M. épouse M. aux dépens et autorisé Maître Patricia C. à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision

- Condamné in solidum M. Boris M. et Mme Magali M. épouse M. à payer à la SAS PCA Maisons la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

M. Boris M. et Mme Magali M. ont relevé appel de cette décision le 4 octobre 2017.

Vu les conclusions de M. Boris M. et Mme Magali M., appelants, signifiées le 2 juillet 2018, au terme desquelles il est demandé à la cour de':

A titre principal':

- Réformer le jugement du 31 août 2017 en ce qu'il :

* débouté M. Boris M. et Mme Magati M. épouse M. de l'ensemble de leurs demandes

* condamné solidairement M. Boris M. et Mme Magali M. épouse M. à payer à la SAS PCA Maisons la somme de 21 360 euros au titre du contrat de construction de maison individuelle conclu entre les parties le 30 avril 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 2015, date de réception de la mise en demeure, et avec capitalisation des intérêts après une annuité, conformément à l'article 1154 ancien du code civil

* Condamné in solidum M. Boris M. et Madame Magali M. épouse M. aux dépens et autorise Maître Patricia C. à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision

* condamné in solidum M. Boris M. et Madame Magali M. épouse M. à payer à la SAS PCA Maisons la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Par conséquent':

- Débouter la SAS PCA Maisons prise en la personne de son représentant légal, la SARL Neo Spi, de toutes ses demandes, fins et conclusions

- Dire et juger que la résiliation du compromis de vente date du 30 avril 2014 est intervenue en raison de l'existence d'un vice-caché

Vu l'interdépendance des contrats':

- Prononcer la caducité du contrat de construction de maison individuelle datée 30 avril 2014

- Dire et juger qu'aucune somme n'est due par M. Boris M. et Mme Magali M. épouse M. à la SAS PCA Maisons au titre du contrat de construction de maison individuelle daté du 30 avril 2014

Reconventionnellement':

- Condamner la SAS PCA Maisons prise en la personne de son représentant légal, la SARL Neo Spi, à payer à M. Boris M. et Mme Magali M. épouse M., la somme de 10 000 euros au titre de leur préjudice

A titre subsidiaire':

- Dire et juger que la clause 3-3 a) du contrat de construction de maison individuelle n'a pas vocation à s'appliquer aux parties en litige

- Dire et juger que le montant de 10% prévue à la clause 3-3 a) n'est pas dû par les époux M.

- Débouter la SAS PCA Maisons de toutes ses demandes fins et conclusions

Vu le caractère manifestement excessif du montant de la clause pénale':

- Minorer le montant de la clause pénale à l'euro symbolique

Encore plus subsidiairement':

- Diminuer la clause pénale, insérée comme clause 5-2 du contrat de construction de maison individuelle à un montant inférieur à 4500 euros

- Débouter la SAS PCA Maisons prise en la personne de son représentant légal, la SARL Neo Spi, de toutes ses demandes qui excéderaient la somme de 4500 euros

- Dire et juger que le taux d'intérêt contractuel applicable aux condamnations éventuelles est de 1 %

- Dire et juger que les parties conserveront les dépens à leurs charges respectives

En tout état de cause':

- Débouter la SAS PCA Maisons prise en la personne de son représentant légal , la SARL Neo Spi de toute demande de condamnation relative aux frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamner la SAS PCA Maisons prise en la personne de son représentant légal, la SARL Neo Spi à payer à M. Boris M. et Madame Magali M. épouse M., la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamner la SAS PCA Maisons prise en la personne de son représentant légal, la SARL Neo Spi aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de la SELARL K. & Associés aux offres de droit, conformément aux dispositions de l''article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions de la SAS PCA Maisons, intimée, notifiées le 30 septembre 2018, au terme desquelles il est demandé à la cour de':

- Confirmer le jugement déféré, et en conséquence :

- Dire et juger les époux M. irrecevables et pour le moins infondés en leurs demandes, fins et prétentions

- Dire et juger que les stipulations de l'article 5-2 des conditions générales du contrat régularisé entre la SAS PCA Maisons et les époux M. doivent recevoir application

- Condamner solidairement les époux M. à payer à la SAS PCA Maisons la somme de 21 360 euros, outre intérêts au taux contractuel de 12% l'an du 4 février 2015 jusqu'à parfait paiement, et capitalisation annuelle de ces intérêts

- Condamner in solidum les époux M. à payer à la SAS PCA Maisons la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Patricia C., avocat, sur son offre de droit, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile

Y ajoutant :

- Condamner in solidum les époux M. à payer à la SAS PCA Maisons la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts pour appel abusif

- Condamner in solidum les époux M. à payer à la SAS PCA Maisons la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Olivier S., Avocat, sur son offre de droit, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est en date du 22 janvier 2020.

MOTIFS DE LA DECISION':

- Sur la caducité du contrat de construction'de maison individuelle :

Les époux M. concluent à la caducité du contrat signé le 30 avril 2014 avec la SAS PCA Maisons en l'état de la résiliation du compromis de vente du terrain pour vice caché.

Ils soutiennent en effet, que le contrat de construction de maison individuelle et le compromis de vente ont été signés le même jour et s'inscrivent dans une même opération économique, que l'achat du terrain est une condition suspensive au contrat de construction et l'obtention d'un permis de construire une condition suspensive du compromis de vente du terrain, que dès lors, en application du principe d'interdépendance des contrats, la résiliation du compromis de vente du terrain a eu pour effet de rendre caduc le contrat construction de maison individuelle.

Le protocole d'accord notarié du 15 décembre 2014, signé entre les époux M. et Mme A., venderesse du terrain, portant résiliation du compromis de vente, mentionne': M. et Mme M. ont demandé le retrait dudit (permis de construire) au nom du principe de précaution suite aux intempéries. Suite aux intempéries exceptionnelles survenues au mois de novembre 2014 ayant entraîné des dégradations du terrain, M. et Mme M. ont informé Maître Charlotte d'E. ( '. ) de leur volonté de se désister des engagements qui les lient aux termes du compromis du 30 avril dernier. Les parties conviennent de résilier purement et simplement, amiablement, le compromis du 30 avril 2014 ».

Cet acte ne fait aucune référence à l'existence d'un vice du terrain justifiant de cette résiliation, la seule mention de « dégradations » survenues à la suite d'intempéries, dont le caractère « exceptionnel » est souligné, ne pouvant suffire à caractériser le vice reproché par les époux M., s'agissant du caractère inondable du terrain, ces derniers n'apportant, au surplus, aucun élément « sur une rédaction erronée de l'acte » reprochée au notaire, à l'encontre duquel il leur appartenait d'engager toute action utile.

Il résulte de l'acte du 15 décembre 2014, que les époux M. ont volontairement renoncé à l'acquisition du terrain, non en l'état d'un vice caché, mais en vertu « d'un principe de précaution » qui est acté dans l'acte notarié.

Dès lors, comme le retient à juste titre le premier juge, l'inaccomplissement de la condition suspensive tenant à l'acquisition du terrain résulte de leur seule volonté et ne peut donc entraîner la caducité du contrat de construction de maison individuelle.

Les époux M. reprochent également à la SAS PCA Maisons d'avoir connu le vice affectant le terrain et de l'avoir tu, cette société étant avisée de ce que la réalisation d'un puisard était nécessaire, démontrant en cela le caractère inondable du terrain.

L'obligation pour un particulier de réaliser un puisard n'établit pas en elle même que le terrain visé, sur lequel un permis de construire a été régulièrement délivré, doit être considéré comme inondable, mais uniquement, en l'absence de réseau communal d'évacuation des eaux pluviales, que cette mise en œuvre s'avère indispensable afin d'y pallier, en cas de précipitations importantes.

Enfin, le courrier du 11 novembre 2014, envoyé par les époux M. à Mme A., manifestant leur volonté de voir résilier le compromis de vente et lui reprochant d'avoir connu le caractère inondable du terrain, ne concerne que la venderesse et non la SAS PCA Maisons.

En outre, le fait qu'elle ait accepté de restituer le dépôt de garantie est sans influence sur la faute reprochée à cette société.

- Sur les sommes réclamées par la SAS PCA Maisons':

La SAS PCA Maisons sollicite le paiement d'une somme de 10 680 euros correspondant à 10 % du montant du marché, exigible au titre de l'avancement de l'exécution du contrat, conformément à l'article 3-3 du contrat de construction de maison individuelle signé.

Aux termes de cet article : le prix convenu ( ' ) sera payé suivant l'une des deux grilles d'appels de fonds reproduites ci après. Les parties conviennent du choix de l'option aux conditions particulières':

a) le constructeur justifie de la garantie de remboursement prévue à l'article R 238-1 du code de la construction et de l'habitation ( ' ) le pourcentage maximum cumulé exigible aux différents stades de la construction ( ' ) est fixé de la manière suivante': 5 % à la signature du contrat, 10 % à l'obtention du permis de construire, 15 % à l'ouverture du chantier ( ' )

b) le constructeur ne justifie pas de la garantie de remboursement ( ' ) le paiement du prix se fera alors de la manière suivante': 15 % à l'ouverture du chantier ( ' )

Les parties ayant choisi « l'option b », aucune somme n'est due par les époux M., la phase

« ouverture du chantier » n'ayant pas été mise en œuvre.

La décision du premier juge sur ce point sera infirmée.

La SAS PCA Maisons sollicite également la condamnation des époux M. au paiement d'une somme de 10 680 euros en application de l'article 5-2 du contrat de construction de maison individuelle.

Aux termes de cet article': la résiliation du contrat par le maître de l'ouvrage, en application de l'article 1794 du code civil, entraîne l'exigibilité, en plus des sommes correspondant à l'avancement des travaux, d'une indemnité forfaitaire évaluée à 10 % du prix convenu de la construction en dédommagement des frais engagés par le constructeur et du bénéfice qu'il aurait pu en retirer de la réalisation complète de la construction.

Les époux M. soutiennent que cette clause s'analyse en une clause pénale au sens de l'article 1226 du code civil ( dans sa version applicable à la présente instance ).

Ils sollicitent donc l'application de l'article 1231-5 du code civil et proposent de régler la somme de un euro, faisant valoir que le paiement de 10 % du montant total du marché est excessif au vu des diligences engagées par la SAS PCA Maisons, s'agissant du seul dépôt du permis de construire.

Aux termes de l'ordonnance du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, dont les dispositions sont entrées en vigueur le 1er octobre 2016, pour les instances introduites avant son entrée en vigueur, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne, ce qui doit être le cas en l'espèce, l'instance ayant été engagée par les époux M. par assignation délivrée par la SAS PCA Maisons du 11 mars 2016.

L'article 5-2 du contrat de construction de maison individuelle fait référence à l'article 1794 du code civil qui mentionne : le maître peut résilier, par sa seule volonté, le marché à forfait, quoique l'ouvrage soit déjà commencé, en dédommageant l'entrepreneur de toutes ses dépenses, de tous ses travaux, et de tout ce qu'il aurait pu gagner dans cette entreprise.

Dès lors, l'article 5-2 du contrat de construction de maison individuelle, qui consacre la faculté pour le maître de l'ouvrage de résilier unilatéralement le contrat a seulement pour objet de prévoir l'évaluation et la réparation du préjudice subi par son co-contractant du fait de cette résiliation et n'a pas pour but, par son caractère comminatoire, d'assurer l'exécution même du contrat. Elle ne peut donc s'analyser comme une clause pénale.

Les époux M. seront donc condamnés au paiement de la somme de 10 680 euros assortie de l'intérêt au taux contractuel de 1% par mois'tel que prévu à l'article 3-5 du contrat de construction de maison individuelle.

En l'état de la présente décision, la demande de dommages et intérêts d'un montant de 10 000 euros présentée par la SAS PCA Maisons pour « appel abusif » sera rejetée.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile':

Aucune considération d'équité ne justifie en la cause l'application de l'article 700 du code de procédure civile. Les parties seront déboutées de leur demande formée à ce titre.

PAR CES MOTIFS':

Infirme le jugement en date du 31 août 2017 en ce que M. Boris M. et Mme Magali M. épouse M. ont été condamnés solidairement à payer à la SAS PCA Maisons la somme de 21 360 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 2015,

Statuant à nouveau'de ce chef :

Condamne solidairement M. Boris M. et Mme Magali M. épouse M. à payer à la SAS PCA Maisons la somme de 10 680 euros en application de l'article 5-2 du contrat de construction de maison individuelle avec intérêt au taux contractuel de 1 % par mois'et capitalisation des intérêts après une annuité, conformément à l'article 1154 ancien du code civil,

Déboute la SAS PCA Maisons de sa demande de paiement d'une somme de 10 680 euros en application de l'article 3-3 du contrat de construction de maison individuelle,

Confirme pour le surplus et y ajoutant,

Déboute la SAS PCA Maisons de sa demande de dommages et intérêts,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens engagés dans la présente instance.