Cass. com., 5 mai 1987, n° 85-16.892
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudoin
Rapporteur :
M. Le Tallec
Avocat général :
M. Jeol
Avocats :
M. Barbey, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard.
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 juillet 1985), M. X... a assigné la société Wood Milne Hutchinson Mapa et Cie (société Wood Milne) et la société Moules Industries Services (société MIS) pour contrefaçon du brevet d'invention n° 1 546 521 délivré le 14 octobre 1968 concernant une semelle pour chaussures et le procédé et l'outillage pour sa fabrication ; que la Fédération nationale de l'industrie de la chaussure de France (la Fédération) est intervenue devant la cour d'appel pour faire délimiter la portée du brevet et que M. X... a demandé la condamnation de la Fédération au paiement de dommages-intérêts pour faute ;
Sur les deux premiers moyens réunis, pris en leur première branche :
Attendu que M. X... fait grief à la cour d'appel d'avoir dit que les semelles fabriquées par la société Wood Milne et les moules fabriqués par la société MIS et utilisés par la société Wood Milne ne constituaient pas la contrefaçon du brevet en cause alors que, selon le pourvoi, d'une part, M. X... avait invoqué dès l'assignation l'arrêt définitif de la cour d'appel de Paris du 13 novembre 1978 qui avait validé la caractéristique essentielle du brevet X..., à savoir des nervures de la matrice présentant entre elles une faible épaisseur et délimitant avec la coquille de moulage un logement dont l'épaisseur est sensiblement constante dans toute son étendue ; qu'à cet égard, cet arrêt a précisé que cette caractéristique n'était pas reproduite dans le brevet Senfleben n° 3266 770 où la semelle obtenue n'avait pas une épaisseur constante contrairement au brevet Favraud où il y avait épaisseur constante sur toute l'étendue de la semelle ; et que l'autorité de chose jugée de cet arrêt avait un effet absolu en vertu de l'article 50 bis de la loi modifiée du 2 janvier 1968, ce qui interdisait à l'arrêt de restreindre la portée de cette même caractéristique essentielle du brevet X... à l'aide de la même antériorité Senfleben ; que l'arrêt a donc violé ce texte légal et alors que, d'autre part, dans l'hypothèse où l'arrêt a éliminé du champ de la brevetabilité du moule la caractéristique de comporter des nervures matricielles à espace de faible épaisseur, et délimitant avec la coquille de moulage un logement dont l'épaisseur est sensiblement constante dans toute son étendue, il a violé l'article 50 bis de la loi modifiée du 2 janvier 1968, puisque cette caractéristique a été reconnue essentielle, prise isolément, en vertu de l'autorité absolue de la chose jugée par un arrêt définitif rendu par la cour d'appel de Paris le 13 novembre 1978, et invoqué aux écritures de M. X... ;
Mais attendu que l'article 50 bis, dans son paragraphe 1, de la loi du 2 janvier 1968 modifiée ne confère un effet absolu de la chose jugée qu'aux décisions judiciaires d'annulation d'un brevet d'invention ; d'où il suit que la première branche d'aucun des deux moyens n'est fondée ;
Sur les deux premiers moyens réunis, pris en leurs diverses autres branches :
Attendu que M. X... fait également grief à la cour d'appel d'avoir statué comme elle l'a fait alors que, selon le pourvoi, d'une part, l'arrêt a méconnu la " loi " du brevet X... qui décrit la caractéristique essentielle de la combinaison des nervures matricielles à intervalle de faible épaisseur pour délimiter avec la coquille de moulage un espace de hauteur sensiblement constante dans toute son étendue et même dans les parois verticales, s'appliquant donc nécessairement, non seulement à la partie semelle proprement dite, mais à toute la semelle y compris le talon et sans restriction pour les semelles à forme dite compensée ; qu'en effet cette caractéristique générale était précisée notamment à la page 2, colonne 2, paragraphe 6, de la description et était reprise aux 3° et 4° du résumé, sur lesquels l'arrêt ne s'est pas expliqué pour ne retenir à tort qu'un passage particulier aux semelles compensées ; que l'arrêt a donc violé les articles 1134 du Code civil, 1er, 5, 30 et suivants de la loi du 5 juillet 1844, alors que, d'autre part, dans l'hypothèse où l'arrêt a éliminé du champ de la brevetabilité du moule la caractéristique de comporter des nervures matricielles à espace de faible épaisseur et délimitant la coquille de moulage un logement dont l'épaisseur est sensiblement constante dans toute son étendue, l'arrêt a méconnu la " Loi " du brevet X... qui décrit expressément cette caractéristique notamment à la page 2, colonne 2, paragraphe 6, de la description et la reprend encore expressément aux 3° et 4° du résumé ; que l'arrêt a donc violé les articles 1134 du Code civil, et 1er, 5 et suivants, 30 et suivants de la loi du 5 juillet 1844 ; et alors qu'enfin, dans la mesure où l'arrêt a reconnu valable cette caractéristique, il a méconnu la règle d'après laquelle la reproduction d'une caractéristique essentielle de l'invention brevetée suffit à caractériser la contrefaçon ; qu'en effet il ne pouvait affirmer que les moules saisis ne reproduisaient pas les caractéristiques essentielles de la structure de moule décrite par M. X... en omettant de s'expliquer sur le point de savoir si ceux-là ne comportaient pas une matrice ayant des nervures délimitant entre elles une faible épaisseur et avec la coquille de moulage un logement d'épaisseur sensiblement constante, comme il y était invité par les conclusions de l'exposant ; que l'arrêt est donc entaché d'un défaut de base légale pour violation des articles 51 et suivants de la loi modifiée du 2 janvier 1968 ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé la description du brevet en cause, la cour d'appel constate que M. X..., par une dénaturation de son brevet, revendique des caractéristiques qui ne s'y trouvent pas ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations la cour d'appel n'a fait que donner souverainement au texte du brevet l'interprétation rendue nécessaire par son ambiguïté et n'avait pas à rechercher dans les moules prétendument contrefaisants l'existence d'une caractéristique qu'elle avait écartée ;
D'où il suit qu'aucune de ces branches des deux premiers moyens n'est fondée ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... fait également grief à la cour d'appel d'avoir dit recevable l'intervention de la Fédération aux motifs, selon le pourvoi, que cette intervention est justifiée par la nécessité de délimiter la portée du brevet X... afin de préciser les droits de ses nombreux adhérents et que la Fédération avait le droit de répondre à l'accusation de boycottage portée contre elle dans les conclusions de M. X... du 18 avril 1985 alors que, d'une part, l'arrêt n'a pas ainsi tranché le point de savoir si cette accusation de boycottage était ou non justifiée, eu égard notamment aux décisions de justice antérieures définitives qui avaient reconnu la validité du brevet X..., auquel cas la Fédération aurait dû être déclarée responsable pour faute grave envers M. X..., même indépendamment de la contrefaçon dans l'instance actuelle, ainsi que le faisaient valoir les conclusions du 24 avril 1985 ; que l'arrêt est donc entaché d'un défaut de base légale par violation de l'article 1382 du Code civil et alors que, d'autre part, il est entaché de défaut de réponse à conclusions et méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que M. X... sous couvert de griefs de manque de base légale et de défaut de réponse à conclusions se plaint d'une omission de statuer qui, réparable par application de l'article 463 du nouveau Code de procédure civile, ne peut donner ouverture à cassation ; d'où il suit que le moyen est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi