Cass. com., 8 avril 2008, n° 05-19.280
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
SCP Gatineau, SCP Nicolaý, de Lanouvelle, Hannotin, , SCP Piwnica et Molinié, SCP Thomas-Raquin et Bénabent
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mai 2005), que la société de droit hongrois Szolnoki mezogazdasagi gepgyarto vallatat es szolgaltatort (société Szolnoki) est titulaire d'un brevet français déposé le 29 mai 1991 sous priorité hongroise, publié sous le n° 2 662 570 ayant pour objet "une unité intermédiaire pour le raccord d'équipements raccordables, raccordés de façon uniforme et ayant des largeurs différentes à des ramasseuses-chargeuses de différents types" ; que la société Import distribution agricole sélection service (société IDASS) est bénéficiaire d'une licence d'exploitation de ce brevet; qu'après saisies-contrefaçon, les sociétés Szolnoki et IDASS, ont assigné en contrefaçon des revendications du brevet et en concurrence déloyale la société Bricaud Motor, devenue la société BMV, aux droits de laquelle sont successivement venues la société Motor équipement et la société Sofibrie (société Sofibrie) ; qu'elles ont également assigné la société Ateliers 3 T, fabricant de la société Sofibrie, et la société Car Ven, sous-traitant de la société Atelier 3 T ; que notamment la société Sofibrie a reconventionnellement conclu à la nullité des revendications du brevet pour insuffisance de description, défaut de nouveauté et défaut d'activité inventive ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal formé par la société Sofibrie et le second moyen du pourvoi incident relevé par la société Car Ven, réunis :
Attendu que les sociétés Sofibrie et Car Ven font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande en nullité du brevet déposé par la société Szolnoki, alors, selon le moyen :
1°/ que si les juges disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier si l'invention implique une activité inventive ou découle de manière évidente de l'état de la technique pour l'homme du métier, ils ne peuvent se borner à une simple affirmation dépourvue de toute motivation ; qu'en énonçant seulement que "l'état de la technique, tel qu'il résulte des pièces versées aux débats, ne rend pas l'invention évidente pour l'homme du métier", sans aucune explication ni aucune analyse sous ce rapport des "pièces versées aux débats", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 611-4 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ que la société Car Ven a versé aux débats, en cause d'appel, un document publicitaire émanant de la société IDASS, intitulé "Pick up adaptable à volonté", présentant des outils de récolte adaptables destinés à équiper des ensiliseuses automotrices de toutes marques ; que ce document décrivait en particulier un "châssis universel" ; autrement dit un adaptateur, dont la suspension à l'ensileuse était assurée au moyen d'un cadre d'attelage ; que la description était illustrée par des croquis similaires aux dessins figurant dans la description du brevet de la société Szolnoki ; qu'en affirmant, pour décider que la revendication 1 du brevet litigieux était nouvelle et témoignait d'une activité inventive, qu'aucun des documents produits par les parties n'envisageait de système équivalent à l'unité intermédiaire revendiquée par le brevet litigieux, la cour d'appel a dénaturé ce document et violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ que pour apprécier le caractère inventif d'un brevet, les juges du fond doivent comparer, de manière concrète, les éléments caractéristiques de l'invention revendiquée à l'art antérieur ; qu'en se bornant, pour affirmer que la revendication n° 1 du brevet de la société Szolnoki témoignait d'une activité inventive, à énoncer de manière générale que l'état de la technique, tel qu'il résultait des pièces versées aux débats, ne rendait pas l'invention évidente pour l'homme du métier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 611-10 et L. 611-14 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu, qu'après avoir constaté que l'objet de l'invention n'était pas un adaptateur mais une unité intermédiaire décrite par la revendication n° 1 du brevet et avoir examiné tant les brevets opposés que les fabrications antérieures ainsi que la publicité "Nouveauté 1989" diffusée par la société IDASS, dont elle retient par motifs propres et adoptés qu'elle ne divulgue aucun des moyens, objet des revendications du brevet, c'est par une appréciation souveraine de ces éléments de preuve, que la cour d'appel a estimé que l'état de la technique, tel qu'il résultait de ces pièces, ne rendait pas l'invention évidente pour l'homme du métier ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi formé par la société Sofibrie :
Attendu que la société Sofibrie reproche à l'arrêt d'avoir écarté la nullité des autres revendications du brevet, alors, selon le moyen, que si la nullité de la revendication principale entraîne celle des revendications dépendantes, en revanche, la validité de cette revendication principale n'implique pas nécessairement celle des revendications dépendantes ; qu'en statuant par ce seul motif sans rechercher, comme il était soutenu, si ces revendications subséquentes n'étaient pas entachées de nullité qui leur étaient propres (en particulier comme incompréhensibles ou incohérentes), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 611-14 du code de la propriété intellectuelle, ensemble les articles R. 612-17 et suivants du même code ;
Mais attendu, dès lors qu'elle constatait la validité de la revendication principale, que c'est à bon droit qu'elle a retenu la validité des revendications placées sous sa dépendance ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principaux et incident ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille huit.