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Décisions

Cass. com., 4 juillet 2018, n° 17-10.208

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Avocats :

SCP Gaschignard, SCP de Nervo et Poupet

Aix-en-Provence, du 10 nov. 2016

10 novembre 2016

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 novembre 2016), que, par un acte notarié du 24 mars 2009, Mme C... a vendu à la société Life Invest Fund 3 Inc (la société Life Invest) un bien immobilier pour un prix payé en partie sous la forme d'une rente viagère annuelle ; que le 30 avril 2012, la société Life Invest a été mise en redressement judiciaire ; que Mme C... a déclaré sa créance au titre des arrérages échus de février à avril 2012 ; que le 23 juillet 2012, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire, M. Z... étant nommé liquidateur ; que le 19 novembre 2012, Mme C... a signifié un commandement de payer visant la clause résolutoire et fondé sur les arrérages échus et impayés entre les mois de février 2012 et novembre 2012 ; que le 17 décembre suivant, le liquidateur et Mme A..., administrateur ad hoc de la société Life Invest, ont assigné Mme C... devant le tribunal de grande instance, afin de voir déclarer ce commandement privé d'efficacité, en application de l'article L. 622-21 du code de commerce ; que le 26 mars 2013, Mme C... a assigné le liquidateur et l'administrateur ad hoc en résolution de la vente et en paiement d'arrérages de la rente, échus avant et après le jugement d'ouverture, et de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme C... fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande de résolution de la vente alors, selon le moyen :

1°/ que la procédure collective de l'acquéreur, ne peut interdire au vendeur dans un état financier précaire de résilier le contrat de rente viagère et porter ainsi atteinte de manière disproportionnée à son droit de propriété au sens de l'article 1er du 1er protocole additionnel de la convention européenne des droits de l'homme et au principe à valeur constitutionnelle du respect de la dignité de la personne humaine ; qu'en considérant que Mme D... ne pouvait exercer une action en résolution du contrat de vente pour défaut de paiement des arrérages échus antérieurement ou postérieurement au jugement d'ouverture, faute d'avoir mis en oeuvre la clause résolutoire antérieurement au jugement ouvrant la procédure collective, sans tenir compte de ce que, âgée de 90 ans, elle avait vendu son seul bien immobilier en viager dans le seul but de percevoir jusqu'à son décès une rente lui permettant d'assurer un niveau de vie décent et de ce qu'en raison de l'arrêt de paiement de la rente et l'impossibilité de résilier le contrat que le débirentier et le liquidateur n'ont pas honoré, elle se trouvait dans un état de grande précarité, la cour d'appel a porté atteinte de manière disproportionnée au droit de propriété de Mme D... et à sa dignité, et violé l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne des droits de l'homme, le principe à valeur constitutionnelle du droit à la dignité de la personne humaine et l'article 1er de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 12 décembre 2007 ;

2°/ que compte tenu de la particularité du contrat de vente avec paiement de rente viagère qui est consenti par le crédit-rentier dans l'intention déterminante de percevoir une rente jusqu'à son décès, ce contrat ne peut être pleinement exécuté qu'au décès du crédit rentier ; que ce dernier auquel la rente a cessé d'être payée par le débiteur et les organes de la procédure collective ne peut être soumis à la suspension des poursuites et privé de son droit de résiliation du contrat ; qu'en décidant le contraire la cour d'appel a violé l'article L. 622-21 du code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses conclusions devant la cour d'appel que Mme C... ait soutenu que l'irrecevabilité de l'action en résolution de la vente pour non-paiement des arrérages de la rente échus antérieurement ou postérieurement au jugement d'ouverture, faute de mise en oeuvre de la clause résolutoire avant ce jugement, portait une atteinte disproportionnée à son droit de propriété et au respect de sa dignité, respectivement protégés par les articles 1er du premier protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 12 décembre 2007 ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

Et attendu, d'autre part, que, contrairement à ce que postule le moyen pris en sa seconde branche, l'article L. 622-21, I, 2°, du code de commerce, qui dispose que le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent, est applicable à tous les contrats, dont le contrat de vente assortie d'un paiement sous forme d'une rente viagère ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le second moyen :

Attendu que Mme C... fait encore grief à l'arrêt du rejet de sa demande de fixation de sa créance de dommages-intérêts alors, selon le moyen, que la créance de dommages intérêts naît au jour du fait générateur et donc de la réalisation du dommage ; que la cour d'appel qui a énoncé que la créance de dommages intérêts correspondant au préjudice résultant du défaut de paiement des arrérages de la rente viagère échus postérieurement au jugement d'ouverture trouvait son origine dans le contrat de vente alors que le manquement dont il était demandé réparation trouvait son origine dans l'inexécution du contrat à chaque échéance postérieure au jugement d'ouverture, a violé l'article L. 622-24 du code de commerce ;

Mais attendu que le non-paiement des arrérages de la rente échus après le jugement d'ouverture, qui s'impose tant au débiteur qu'aux organes de la procédure collective en application de l'article L. 622-7, I, du code de commerce, lequel interdit le paiement des créances postérieures non éligibles au traitement préférentiel, ne peut constituer une faute ; que le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.