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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 17 juin 2022, n° 20/00269

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Youpass (SA) , SCP BTSG² (ès qual.)

Défendeur :

Mind Media (SARL), Colt Technology Services (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ardisson

Conseillers :

Mme Primevert, Mme L'Eleu de La Simone

Avocats :

Me Bouzzi-Fabre, Me Finet, Me Teytaud, Me Iteanu, Me Guerre, Me Jaunet

T. com. Paris, du 20 nov. 2019, n° J1900…

20 novembre 2019

FAITS ET PROCEDURE

La société Viva Multimédia est un intermédiaire technique qui met à disposition une solution de paiement (Monelib) via des numéros spéciaux, mis à disposition par l'opérateur Colt Technology Services et attribués au service de la société « Remboursez votre forfait » devenue Megatransfert puis Youpass, pour le paiement des services de cette dernière par ses clients.

La société Megatransfert commercialisait en effet un service permettant aux abonnés de forfaits mobiles d'obtenir le remboursement de leur forfait inutilisé par le biais d'appels ou d'envois de SMS à des numéros surtaxés. Pour les besoins de ce service la société Megatransfert a contracté avec la société Viva Multimédia le 26 juillet 2011 afin que celle-ci mette à sa disposition des numéros spéciaux et lui reverse les sommes acquittées par les utilisateurs au titre de son service et transférées par les différents opérateurs impliqués dans la chaîne des reversements.

A l'automne 2012, la société Colt a été informée par SFR de l'existence de trafics anormaux et frauduleux sur trois numéros spéciaux exploités dont elle était attributaire et mis à disposition de la société Viva Multimédia. La majeure partie des appels réalisés à destination de ces numéros émanait de cartes SIM volées ou acquises à l'aide de chèques ou de cartes bancaires volées. SFR a donc procédé au blocage du reversement des sommes afférentes à ces numéros spéciaux et Colt n'a pu en bénéficier. Le 28 décembre 2012, la société Colt a informé la société Viva Multimédia d'une contestation importante portant sur les numéros surtaxés attribués à la société Megatransfert.

La société Viva Multimédia n'a pas réglé les différentes factures émises par la société Megatransfert entre décembre 2012 et mai 2013 pour un montant de 223.409,86 euros, soutenant que les sommes bloquées par Colt et SFR correspondaient précisément aux sommes réclamées par Megatransfert.

Suivant acte du 19 novembre 2013, la société Megatransfert a fait assigner en référé-provision la société Viva Multimédia devant le président du tribunal de commerce de Paris et les opérateurs Colt et SFR ont été appelés successivement en intervention dans la procédure. Suivant ordonnance du 14 mars 2014, la société Megatransfert a été déboutée de toutes ses demandes.

Le 16 décembre 2013, la société Colt a confirmé à la société Viva Multimédia le non-paiement des reversements correspondant au service de la société Megatransfert. 

Suivant exploit du 2 juin 2014, la société Youpass, anciennement Megatransfert, a fait assigner la société Viva Multimédia en paiement devant le tribunal de commerce de Paris.

L'instance a été enregistrée sous le numéro de RG 2014034115.

Suivant acte du 26 août 2014, la société Viva Multimédia a fait assigner en garantie la société Colt Technology Services devant le tribunal de commerce de Paris.

L'instance a été enregistrée sous le numéro de RG 2014049611.

Par jugement du 10 avril 2019, le tribunal de commerce de Paris a :

Prononcé la jonction des deux instances enregistrées au répertoire général sous les numéros RG 2014034115 et RG 2014049611.

Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer.

Par jugement du 20 novembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a :

- Débouté la société Youpass de sa demande de paiement de la somme de 223.409,86 euros.

- Condamné la société Youpass à payer à la société Viva Multimédia la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné la société Youpass à payer à la société Colt Technology Services la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.

- Condamné la société Youpass aux dépens.

La société Youpass a formé appel du jugement par déclaration du 18 décembre 2019 enregistrée le 7 janvier 2020.

Suivant jugement du 3 mars 2021, le tribunal de commerce de Nice a prononcé l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Youpass.

Suivant ordonnance du 20 mai 2021, a été constatée l'interruption de l'instance et le délai fixé au 11 juin 2021 pour accomplir les diligences prévues à l'article R. 622-20 du code de commerce.

La SCP BTSG, prise en la personne de Maître [Y] [T] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Youpass, est intervenu volontairement à l'instance par conclusions du 9 juin 2021.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 25 novembre 2021, la SCP BTSG prise en la personne de Maître [Y] [T] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Youpass, demande à la cour :

Vu l'article 784 du code de procédure civile,

De renvoyer le dossier en mise en état.

Vu l'article 373 et 554 du code de procédure civile,

Vu l'article 378 du code de procédure civile,

Vu l'article R 622-20 du code de commerce,

De prononcer un sursis à statuer dans l'attente de l'instruction et/ou des enquêtes en cours.

Vu l'article R. 622-20 du code de commerce,

Vu l'article 373 et 554 du code de procédure civile,

De donner acte à la SCP BTSG, prise en la personne de Me [Y] [T], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SA Youpass de son intervention volontaire à la procédure.

De constater valable et régulière la reprise de l'instance.

Vu l'article L. 641-9 du code de commerce,

D’infirmer le jugement rendu par le tribunal de Commerce de Paris du 20 Novembre 2019 en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

À titre principal,

- De condamner la société Viva Multimédia à payer à la SCP BTSG prise en la personne de Maître [Y] [T], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SA Youpass, la somme de 223.409,86 euros TTC au titre des 11 factures impayées minorée de la commission de chacun des opérateurs intervenant dans la chaîne, outre intérêts au taux légal à compter du 11 juin 2013.

À titre subsidiaire,

- De condamner la société Viva Multimédia à payer à la SCP BTSG prise en la personne de Maître [Y] [T], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SA Youpass, la somme de 80.170.22 euros TTC au titre des factures n° 2012-254, 2013-256, 2013-262, 2013-266 et 2013-314.

Vu l'article 1240 du code civil,

- De condamner la société Viva Multimédia à payer à BTSG prise en la personne de Maître [Y] [T], agissant en sa qualité de représentant de l'intérêt collectif des créanciers la somme de 230.000 euros au titre des préjudices subis par Youpass du fait de son comportement abusif qui a causalement provoqué une perte financière à l'entreprise qu'elle se doit de réparer.

- De condamner la société Viva Multimédia à payer à la SCP BTSG prise en la personne de Me [Y] [T], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SA Youpass la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ceux y compris le procès-verbal de constat d'huissier établi le 27 juin 2013.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 2 décembre 2021, la société Viva Multimédia demande à la cour :

Vu l'article 1134 du code civil,

Vu les articles 1289 et suivants du code civil,

Vu les articles 1376 et suivants du code civil,

Vu les articles 334 et suivants du code de procédure civile,

Vu l'article 554 du code de procédure civile,

Vu l'article 564 du code de procédure civile,

Vu l'article 7.2 du contrat 26 juillet 2011,

- De confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 20 novembre 2019 en ce qu'il a :

- Débouté la société Youpass (anciennement Megatransfert) de sa demande de paiement de la somme de 223.409,86 euros à l'encontre de la Société Viva Multimédia désormais Mind Media.

- Condamné la société Youpass (anciennement Megatransfert) à payer à la société Viva Multimédia désormais Mind Media la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné la société Youpass (anciennement Megatransfert) à payer à la société Colt Technology Services la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné la société Youpass aux dépens de l'instance.

Sur la demande nouvelle de la SCP BTSG agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Youpass en cause d'appel et au visa de l'article 1240 du code civil :

- De prononcer l'irrecevabilité de la demande nouvelle de la SCP BTSG agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Youpass (anciennement Megatransfert) tendant à voir condamner la Société Viva Multimédia désormais Mind Media à lui payer la somme de 230.000 euros au titre de la prétendue perte financière provoquée à l'entreprise, cette demande étant parfaitement identique à la demande principale de condamnation au titre des factures réclamées par la SCP BTSG es qualité de liquidateur judiciaire, et en tout état de cause n'ayant pas pour objet de traiter une question née de son intervention, ou du fait de la survenance d'un fait nouveau.

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire la cour de céans venait à infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris :

- De condamner la société Colt Technology Services à payer la société Viva Multimédia désormais Mind Media toutes sommes auxquelles cette dernière serait condamnée au titre de la présente procédure.

En tout état de cause :

- De condamner la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [Y] [T] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Youpass (anciennement Megastransfert) et la société Colt Technology Services à payer chacune à la société Viva Multimédia désormais Mind Media la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

- De débouter Youpass (anciennement Megatransfert) et la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [Y] [T] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Youpass (anciennement Megatransfert) de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 16 novembre 2021, la société Colt Technology Services demande à la cour, au visa des articles 334 et suivants du code de procédure civile et de l'article 1103 (anciennement 1134) du code civil :

A titre principal :

- De constater que Viva Multimédia était en droit de ne pas procéder aux reversements en application des stipulations contractuelles la liant à Megatransfert ;

- De constater qu'en toute hypothèse, Colt était en droit de ne pas procéder aux reversements en raison du caractère anormal et frauduleux du trafic et des impayés qu'elle a subi en amont de la part des autres opérateurs ; 

- En conséquence, de dire et juger que l'appel en garantie formé par Viva Multimédia à l'encontre de Colt est sans objet et de débouter Viva Multimédia de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de Colt ;

A titre subsidiaire :

- De dire et juger que les demandes formées par Viva Multimédia à l'égard de Colt dans le cadre de l'appel en garantie sont infondées et en conséquence de débouter Viva Multimédia de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de Colt ;

- A défaut, de dire et juger que les demandes formées par Viva Multimédia à l'égard de Colt dans le cadre de l'appel en garantie sont surestimées et réduire les condamnations à due conséquence ;

En tout état de cause :

- De rejeter l'appel repris par le Liquidateur contre le Jugement rendu le 20 novembre 2019 par le Tribunal de commerce de Paris ;

- De confirmer le jugement rendu le 20 novembre 2019 par le Tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions et de débouter le liquidateur de l'ensemble de ses demandes ;

- De condamner le liquidateur et Viva Multimédia à verser à Colt 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- De condamner le liquidateur au paiement des entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Pellerin "De Maria" Guerre conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 2 décembre 2021.

SUR CE, LA COUR,

Sur la demande de sursis à statuer.

Aux termes de l'article 378 du code de procédure civile : « La décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine. »

La SCP BTSG ès qualités sollicite un sursis à statuer dans l'attente de l'instruction et/ou des enquêtes en cours. Elle soutient que dans la mesure où les sociétés Viva Multimédia et Colt fondent la quasi-intégralité de leur argumentation sur le fait qu'elles ne pouvaient procéder aux versements et reversements en raison du caractère anormal et frauduleux du trafic, il est nécessaire que les juridictions pénales se prononcent préalablement sur ces agissements prétendument frauduleux.

Elle n'apporte cependant aucun élément justifiant cette attente, se contentant d'affirmer qu'il serait nécessaire d'obtenir l'issue des procédures pénales en cours sans donner d'indication sur leur réalité et leur influence sur la présente instance.

Il convient par conséquent de débouter la SCP BTSG de sa demande à cette fin.

Sur la recevabilité de la demande nouvelle.

La société Viva Multimédia conclut à l'irrecevabilité de la demande formée par la SCP BTSG ès qualités sur le fondement de l'article 1240 du code civil à hauteur de la somme de 230.000 euros, demande identique à la demande principale et qui n'a pas pour objet de traiter une question née de l'intervention du liquidateur ni du fait de la survenance d'un fait nouveau.

La SCP BTSG soutient qu'en tant que liquidateur judiciaire, elle représente l'intérêt collectif des créanciers et est recevable à mettre en œuvre la responsabilité d'un tiers en raison du préjudice subi par la collectivité des créanciers. Elle fait valoir que ce préjudice n'est pas identique à la prétention originelle se rapportant au paiement des factures et entend engager la responsabilité délictuelle de la société Viva Multimédia qui, en s'abstenant de répercuter les informations qu'elle avait elle-même reçues de SFR dans des délais raisonnables et de transmettre la justification, les détails et relevés des appels frauduleux, lui a causé un grave préjudice.

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile : « A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »

En vertu de l'article 565 du même code : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. »

Aux termes de l'article 566 du même code : « Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. »

La demande de dommages-intérêts nouvellement formée sur un fondement délictuel par le liquidateur judiciaire de la société Youpass tend, d'après l'appelante, à sanctionner le comportement abusif de la société Viva Multimédia qui lui a causé une perte financière. Cependant, la cour relève que le montant réclamé est quasi identique au montant des factures dont le paiement est sollicité. Le préjudice dont il est fait état correspond à l'absence de règlement des factures par la société Viva Multimédia. Cette demande peu étayée ne peut être être considérée comme l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de la demande en paiement de factures soumise aux premiers juges, elle se confond quasiment avec la demande initiale mais n'est pas formée à titre subsidiaire.

Cette demande apparaît donc comme étant nouvelle et sera par conséquent déclarée irrecevable.

Sur le fond,

La SCP BTSG soutient que la retenue opérée par la société Viva Multimédia est abusive d'un point de vue contractuel dans la mesure où la clause n'est pas limitée dans la durée et illégale au regard des dispositions du code monétaire et financier, Viva Multimédia et Colt n'étant pas des prestataires de services de paiement bien qu'ils en exercent l'activité et ne justifient pas d'un agrément. L'appelante fait valoir en outre que la preuve n'est pas rapportée de l'imputabilité du trafic anormal à la société Youpass. Elle soutient que Viva Multimédia n'apporte pas la preuve de l'attribution exclusive du numéro 0899239170 à Youpass, numéro attribué à tous les clients Monelib. Enfin le liquidateur soutient qu'il y a manifestement un déséquilibre significatif dans la rédaction de l'article 7-2 du contrat en ce que cette clause autorise une suspension de paiement des gains pour une durée indéterminée.

La société Viva Mutimédia indique ne pas avoir été réglée par la société Colt Technology Services qui elle-même n'a pas été réglée par SFR qui retenait les fonds. Elle oppose les dispositions contractuelles issues de l'article 7.2 du contrat Monelib qui prévoient qu'en cas de non-paiement par l'opérateur, la société Megatransfert ne sera pas payée par Viva Multimédia. Elle indique avoir procédé à la compensation des paiements indus avec les factures postérieures de la société Megatransfert, n'ayant pas été payée par la société Colt de la somme de 224.000 euros correspondant aux appels litigieux justifiés par les pièces produites par l'opérateur.

La société Colt Technology Services fait valoir qu'elle ne peut reverser à la société Viva Multimédia que les sommes qui lui ont été reversées en amont par les opérateurs de boucle locale. Elle soutient donc n'avoir pu, en raison du blocage par SFR des sommes relatives à trois numéros spéciaux sur lesquels un trafic anormal et frauduleux avait été constaté, reverser ces sommes à la société Viva Multimédia.

Aux termes de l'article 1134 ancien du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.                              Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.                                                                                                                                                  Elles doivent être exécutées de bonne foi. ».

Le contrat signé entre la SAS Remboursez votre forfait devenue Megatransfert puis Youpass et la société Viva Multimédia le 26 juillet 2011 contenant les conditions générales d'utilisation du service Monelib, dont toutes les pages ont été paraphées par le président de Remboursez votre forfait, contient un article 7.2 Impayés et garantie ainsi libellé :

« Si, pour quelque raison que ce soit, les opérateurs utilisés par les services Monelib ne procèdent pas aux versements des sommes normalement dues à Viva Multimédia, cette dernière sera en droit de ne pas procéder aux paiements demandés par l'utilisateur et de déduire ces impayés ainsi que d'éventuels frais des sommes dues à l'utilisateur.

Si au moins l'un des opérateurs informe Viva Multimédia d'une utilisation contraire ou abusive de ses services, celle-ci se réserve le droit de suspendre les paiements à l'utilisateur pour une durée indéterminée.

Il est rappelé que, sauf dans le cas d'une faute imputable à Viva Multimédia, tout risque d'impayé de quelque nature que ce soit est à la charge de l'utilisateur.

L'utilisateur s'engage à payer directement toute taxes nécessaires et redevance liées à son activité et à ses prestations.

Viva Multimédia se réserve le droit, après en avoir informé l'Utilisateur par voie électronique, d'effectuer une retenue partielle ou totale des gains si un risque d'impayé était constaté.

Cette éventuelle retenue ne pourra excéder une durée de 1 an.

En cas de non-respect des présentes conditions d'utilisation par l'utilisateur, Viva Multimédia peut demander à celui-ci le remboursement des sommes perçues, ou retenir toutes sommes dues à compter du jour de la constatation du manquement aux présentes conditions d'utilisation et suspendre ses demandes de paiement en cours ou à venir. »

La SCP BTSG ès qualités verse aux débats onze factures éditées entre le 19 décembre 2012 et le 2 février 2013 d'un montant total de 223.409,86 euros TTC qu'elle a émises à destination de la société Viva Multimédia et qui n'ont pas été réglées.

La société Viva Multimédia opposant au reversement des fonds sollicités les dispositions de la clause 7-2 du contrat Monelib, la SCP BTSG ès qualités de liquidateur de la société Youpass argue en premier lieu d'un caractère abusif et déséquilibré de cette clause sans toutefois viser un fondement textuel précis. L'article 442-6, I, 2° du code de commerce dans sa version applicable en la cause sanctionne précisément le fait « [d]e soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

Cependant la société Viva Multimédia n'est qu'un intermédiaire dans une chaîne de flux financiers et ne peut reverser au fournisseur de service "Youpass" que les sommes que lui sont reversées en amont par les autres opérateurs, déduction faite de sa commission. La clause litigieuse prévoit d'ailleurs l'hypothèse d'une « faute imputable à Viva Multimédia » de sorte que l'intimée ne bénéficie pas d'un avantage disproportionné par rapport à son cocontractant. Il s'en déduit que cette clause n'est pas constitutive d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties sanctionné par l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce. Elle ne revêt pas davantage un caractère abusif « moyen également soulevé par l'appelante sans visa textuel particulier hormis l'article 1134 ancien du code civil et l'obligation de bonne foi et de loyauté »  en ce que la clause est claire et organise les différentes étapes de la chaîne, chaque acteur ayant un rôle bien précis et dépendant de la mise en œuvre de flux téléphoniques, de flux internet et de flux financiers.

La SCP BTSG ès qualités de liquidateur judiciaire de Youpass objecte ensuite toujours pour s'opposer à l'application de la clause litigieuse - que l'activité exercée par les sociétés Viva Multimédia et Colt n'est pas conforme au code monétaire et financier. Après avoir soutenu que ces deux sociétés ne justifiaient pas d'un agrément pour exercer leur activité, l'appelante en conclut que « La cour devra donc nécessairement tenir compte de cela dans son appréciation des faits » sans que le lien avec la présente instance qui traite des relations entre intermédiaires dans le cadre de la mise à disposition de numéros surtaxés ne soit réellement explicité. L'appelante évoque ainsi le fait que « contrairement à Youpass, Viva Multimédia et Colt ne disposent encore aujourd'hui d'aucun agrément de l'ACPR et ne peuvent être considérés comme des prestataires de services de paiement (PSP), cependant qu'ils en exercent l'activité. ». Pourtant la société Megatransfert, qui a diversifié ses activités par la suite, était en 2012 seulement en charge du site www.remboursezvotreforfait.com et n'avait ni le statut d'opérateur de communications électroniques ni n'était agréée comme prestataire de service de paiement auprès des autorités de contrôle en charge des activités bancaires et financières. La société Youpass se prévaut encore du fait que l'Autorité Bancaire Européenne a qualifié cette chaîne de valeur dans laquelle Youpass intervient de chaîne de prestation de services de paiement dans un avis publié le 6 septembre 2019. Elle ne justifie cependant pas qu'à la date des faits litigieux, en 2012, elle ait été ou Viva Multimédia et Colt aient dû être prestataires de services de paiement agréés, sachant au demeurant que l'entité agréée par l'autorité de contrôle britannique est Youpass Payments Europe, autre entité de son groupe, agréée depuis 2016 soit postérieurement au présent litige. La société Youpass, par la voix de son liquidateur, ne démontre ni que la réglementation invoquée, notamment les articles L. 522-1 et L. 523-1 du code monétaire et financier dans leur version en vigueur à l'époque des faits, ni que la qualité d'opérateur SVA (Service à Valeur Ajoutée) de Viva Multimédia et d'opérateur de collecte pour Colt empêchaient les retenues pratiquées et notamment celle contractuellement prévue par le contrat Megatransfert/Viva Multimédia.

De la même façon, le moyen tiré de l'interdiction d'une suspension des fonds au regard du code précité est étranger au présent litige dans la mesure où l'opérateur "ici SFR" a, après avoir constaté une fraude, retenu le paiement auprès des intermédiaires de sorte qu'aucun flux financier n'a été généré. Le moyen est donc inopérant et sera rejeté, la clause 7-2 du contrat Monelib trouvant ici application.

La SCP BTSG ès qualités souligne en second lieu que le trafic considéré comme anormal par SFR ne peut lui être imputé.

Il est établi que la société Viva Multimédia a reçu le 28 décembre 2012 un courriel de la société Colt concernant une contestation portant sur le mois de novembre avec trafic anormal sur des numéros en 899. Le 16 décembre 2013, la société Colt a confirmé le blocage « dû à la fraude constatée en amont par SFR sur les numéros 0899 23 91 70, 0899 23 14 74 et 0899 23 1010 » des reversements à hauteur de 224.000 euros TTC. La société Colt verse aux débats en pièce 26 un relevé détaillant en 4132 pages - les appels passés depuis les trois numéros litigieux en octobre, novembre et début décembre 2012. Dans un courrier officiel du 24 octobre 2017, la société Colt explique que cette pièce n° 26 suffit à démontrer l'existence des appels concernant les trois numéros en cause. Elle confirme que la société SFR a bloqué les reversements concernant ces trois numéros pour la période d'octobre à décembre 2012. Par courrier officiel du 18 janvier 2018 la société Colt confirmait qu'au sein des fichiers transmis, il n'y avait aucune distinction entre les appels ayant fait l'objet de reversement et ceux n'ayant pas été réglés puisque la société SFR avait bloqué les reversements pour les trois numéros en cause pour l'intégralité de la période concernée soit d'octobre à décembre 2012. La société Viva Multimédia a fait réaliser un procès-verbal de constat par un huissier de justice le 9 novembre 2015 afin de faire constater « l'ensemble des éléments permettant d'établir que la société Megatransfert a utilisé les numéros 0899 23 91 70, 0899 23 14 74, 0899 23 10 10 sur la période en octobre et novembre 2012 et la facturation correspondante. ». L'huissier de justice a ainsi pu constater pour le numéro 0899 23 91 70 sur la période octobre-novembre 2012 une somme de 151.676,94 euros HT qui correspond exactement à la somme reversée à la société Megatransfert en HT sur la période sélectionnée soit 181.405,62 euros TTC. Une autre facturation, de 10,20 euros HT soit 12,20 euros TTC concernant le numéro 0899 23 10 10 est également mise en évidence. La société Viva Multimédia expose donc qu'au montant de 181.417,82 euros TTC doit être ajoutée sa propre marge d'environ 23 % soit un total de 224.000 euros qui correspond à la retenue de la société Colt.

Il ressort de ces développements et des pièces fournies que la société Viva Multimédia justifie avoir été prévenue tardivement - le 28 décembre 2012 du trafic frauduleux généré par Megatransfert et pour lequel elle avait déjà effectué des reversements en octobre et novembre 2012, dans l'ignorance de la fraude et du blocage ultérieur par Colt. L'intimée justifie également « par les différents éléments fournis par Colt et le procès-verbal de constat du 9 novembre 2015 » de la correspondance des trois numéros surtaxés attribués à Megatransfert « affectation attestée par le gérant de la société Viva Multimédia le 19 décembre 2013 - avec la fraude constatée et le montant retenu en amont par Colt. Cette exacte correspondance des montants en jeu » associée aux éléments produits par Colt - suffit à rendre inopérant le moyen tiré de l'absence d'exclusivité dévolue à Youpass sur le numéro 0899239170 dont cette dernière se prévaut.

La société Viva Multimédia ayant déjà réglé à la société Megatransfert les sommes relevant de la période octobre-novembre 2012, a été contrainte d'opérer ultérieurement sa propre retenue, en janvier et février 2013, en effectuant une compensation à hauteur de 223.409,86 euros sur les factures postérieures de la société Megatransfert, dans la mesure où elle-même n'a pas été réglée par Colt de la somme de 224.000 euros. Aucune faute ni défaillance de la part de la société Viva Multimédia n'est démontrée dans la gestion des flux financiers résultant de cette chaîne d'acteurs, et il ne peut lui être reproché d'avoir réalisé une compensation, en application des articles 1289 et suivants du code civil, entre les sommes qu'elle n'aurait pas dû reverser à la société Megatransfert n'étant pas elle-même destinataire des versements de Colt ce qu'elle ignorait au moment desdits paiements, et celles résultant des factures postérieures de Megastransfert.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Youpass, désormais représentée par son liquidateur judiciaire la SCP BTSG, de sa demande en paiement de la somme de 223.409,86 euros.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

La SCP BTSG ès qualités succombant à l'action, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d'appel, elle sera aussi condamnée aux dépens, dont distraction au profit des avocats en ayant fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Seule la SCP BTSG étant partie succombant dans le présent litige, les demandes réciproques formées par les sociétés Viva Multimédia et Colt Technology Services l'une à l'encontre de l'autre au titre des frais irrépétibles seront rejetées.

Il n'est pas inéquitable de condamner la SCP BTSG à verser à la société Viva Multimédia la somme de 5.000 euros et à la société Colt Technology Services celle de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

DEBOUTE la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [Y] [T] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Youpass, de sa demande de sursis à statuer ;

DECLARE irrecevable la demande de la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [Y] [T] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Youpass, tendant à la condamnation de la société Viva Multimédia à lui payer la somme de 230.000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant ;

CONDAMNE la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [Y] [T] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Youpass aux dépens, dont distraction au profit des avocats en ayant fait la demande ;

CONDAMNE la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [Y] [T] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Youpass à payer à la société Viva Multimédia la somme de 5.000 euros et à la société Colt Technology Services la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.