Cass. crim., 4 février 2020, n° 19-86.945
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soulard
Avocat :
SCP Spinosi et Sureau
M. Q... M... a formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1re section, en date du 11 octobre 2019, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes en relation avec une entreprise terroriste, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. Q... M..., et les conclusions de Mme Le Dimna, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, M. Bonnal, Mme Ménotti, M. Maziau, M. Seys, conseillers de la chambre, M. Barbier, M. Violeau, conseillers référendaires, Mme Le Dimna, avocat général, et M. Bétron, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 6 octobre 2017, M. M... a été mis en examen du chef d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes en relation avec une entreprise terroriste et placé en détention provisoire.
3. Sa détention provisoire a été prolongée par ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 20 septembre 2019.
4. M. M... a fait appel de cette décision.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé par M. M... en personne le 22 octobre 2019
5. M. M... ayant épuisé son droit de se pourvoir en cassation contre l'arrêt attaqué, par la déclaration de pourvoi faite par son avocat au greffe de la chambre de l'instruction le 16 octobre 2019, le pourvoi formé par lui le 22 octobre 2019 au chef de l'établissement pénitentiaire où il est détenu, n'est pas recevable.
6. Seul est recevable le pourvoi formé le 16 octobre 2019 par son avocat.
Examen des moyens
Sur le second moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches
7. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu"il a confirmé l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire de M. Q... M... aux termes d'un débat tenu avec utilisation de la visioconférence, alors « que les dispositions du quatrième alinéa de l'article 706-71 du code de procédure pénale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, en ce qu'elles ne font pas obstacle à ce qu'en matière criminelle, une personne placée en détention provisoire soit privée, pendant une année entière, de la possibilité de comparaître physiquement devant le juge appelé à statuer sur la détention provisoire, portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et, plus précisément, aux droits de la défense et à l'équilibre des droits des parties, tels qu'ils sont garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2019-802 QPC du 20 septembre 2019 à l'occasion de l'examen de ce texte dans sa rédaction antérieure ; que consécutivement à la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, l'arrêt attaqué se trouvera privé de base légale. »
Réponse de la Cour
9. Par arrêt de ce jour, la chambre criminelle a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 706-71, alinéa 4, du code de procédure pénale.
10. L'article 23-5, alinéa 4, de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi, le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation sursoit à statuer jusqu'à ce qu'il se soit prononcé. Il en va autrement quand l'intéressé est privé de liberté à raison de l'instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé.
11. Il est rappelé que, dans sa décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, le Conseil constitutionnel a jugé que si l'alinéa 4 de l'article précité peut conduire à ce qu'une décision définitive soit rendue dans une instance à l'occasion de laquelle le Conseil constitutionnel a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité et sans attendre qu'il ait statué, dans une telle hypothèse, ni cette disposition, ni l'autorité de la chose jugée ne sauraient priver le justiciable de la faculté d'introduire une nouvelle instance pour qu'il puisse être tenu compte de la décision du Conseil constitutionnel.
Sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
12. Le moyen, en sa première branche, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire de M. Q... M... alors, « que lorsque la durée de la détention provisoire excède un an en matière criminelle, les décisions ordonnant sa prolongation doivent comporter les indications particulières qui justifient en l'espèce la poursuite de l'information ; que la délivrance de l'avis de fin d'information n'affranchit nullement la juridiction de faire état de ces indications ; que dès lors, en se bornant, pour confirmer l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire de M. M..., détenu depuis plus de deux ans, à mentionner la délivrance d'un avis de fin d'information en date du 22 juillet 2019, sans autre précision, s'abstenant ainsi de faire état d'indications particulières sur l'évolution de la phase de règlement de la procédure, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 137, 144, 145-3, 175, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
13. Pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, l'arrêt énonce notamment que l'avis de fin d'information ayant été délivré le 22 juillet 2019, le délai prévisible d'achèvement de la procédure peut être évalué en conséquence à un mois, sauf éléments nouveaux.
14. En statuant ainsi, par une motivation répondant aux exigences de l'article 145-3 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction, qui n'était pas tenue de mentionner d'indications particulières sur le déroulement du règlement de la procédure a, sans méconnaître les dispositions conventionnelles susvisées, justifié sa décision.
15. Dès lors, le moyen doit être écarté.
16. Par ailleurs l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi formé le 22 octobre 2019
LE DECLARE IRRECEVABLE ;
Sur le pourvoi formé le 16 octobre 2019 :
LE REJETTE ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre février deux mille vingt.