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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. civ., 6 octobre 2020, n° 18/00338

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ipso Facto (SAS)

Défendeur :

Win System International Limited (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chelle

Conseillers :

Mme Fabry, Mme Brisset

Avocats :

Me Taillard, Me Darrigade, Me Gonthier, Me Demard

T. com. Bordeaux, du 9 janv. 2018, n° 20…

9 janvier 2018

EXPOSE DU LITIGE

La société Win System International Limited (la société Win System) a pour objet principal la réalisation de transactions financières et d'opérations de commerce transfrontières.

Au début de l'année 2011, elle a commandé à la société Ipso Facto différents vins bordelais destinés à l'exportation, commande qui a donné lieu à l'émission de deux factures datées du 12 février 2011 pour un montant total de 4 682 388 euros, qui ont été réglées par les sociétés Wai Hing Money, Sunny Wide et Sun Sing, habilitées à cet effet, pour respectivement 2 000 000 euros, 2 100 000 euros et 582 388 euros.

Un litige est survenu entre les sociétés Win System et Ipso Facto, la première soutenant que la seconde n'avait livré qu'une partie de la commande (pour 2 510 388 euros) et lui devait la somme de 2 172 000 euros.

Dans le même temps, un litige est né entre la société Ipso Facto et la société Usa Piilii, autre société du groupe Win System, portant sur une commande de vins d'un montant de 17 236 869,08 euros, dans lequel le tribunal de commerce de Bordeaux, par jugement du 09 avril 2013, a condamné la société Usa Piilii à payer à la société Ipso Facto le solde des factures pour 9 545 892,73 euros. Devant la cour, la société Usa Piilii a demandé que les sommes versées par la société Win System soient prises en compte comme ayant été versées pour son compte, ce qui a été refusé par la cour par arrêt du 26 mars 2015.

Par exploit d'huissier en date du 18 juin 2015, les sociétés Win System et Sun Sing ont assigné la société Ipso Facto en référé en remboursement de la somme de 4 682 388 euros et subsidiairement aux fins de la voir condamner à livrer les vins commandés.

Le juge des référés, considérant l'existence d'une contestation sérieuse, s'est déclaré incompétent pour statuer.

Le tribunal de commerce de Bordeaux a été saisi pour le compte de la société Win System, la société Sun Sing n'intervenant plus à l'instance.

Par jugement contradictoire en date du 09 janvier 2018, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- débouté la société Ipso Facto de ses exceptions soulevées in limine litis sur la forclusion et la qualité et l'intérêt à agir,

- dit que la société Win System International Limited était recevable en son action,

- prononcé la résiliation judiciaire des contrats de vente des vins Chevalier de Lascombes 2009, pour un montant de 372 000,00 euros, ainsi que Château Lascombes 2009 pour un montant de 1 800 000,00 euros, soit au total 2 172 000,00 euros, ces vins n'ayant jamais été livrés,

- condamné la société Ipso Facto à restituer à la société Win System International Limited la somme de 2 172 000,00 euros,

- condamné la société Ipso Facto à verser à la société Win System International Limited la somme de 200 000,00 euros à titre de dommages et intérêts,

- ordonné l'exécution provisoire

- condamné la société Ipso Facto à verser à la société Win System International Limited la somme de 10 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

- condamné la société Ipso Facto aux entiers dépens de l'instance.

La société Ipso Facto a relevé appel du jugement par déclaration en date du 19 janvier 2018 énonçant les chefs de jugement expressément critiqués intimant la société société Win System International Limited.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 15 janvier 2020, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, la société Ipso Facto demande à la cour de :

- vu l'article 117 du code de procédure civile,

- vu les pièces versées aux débats,

- vu la convention des Nations Unis sur la vente de marchandises > internationales, dite convention de < Vienne > du 11 avril 1980,

- vu les articles 31 et 32 du code de procédure civile,

- vu le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui

- la juger recevable et bien fondée en son appel

- in limine litis,

- juger la société Win System International Limited irrecevable en toutes demandes, fins et prétentions pour défaut d'existence comme ayant été, à son initiative, radiée du registre du commerce et des sociétés de Hong Kong depuis le 12 janvier 2018

- juger tout acte accompli par la société Win System International Limited à cette même date comme nul et de nul effet

- plus subsidiairement, la déclarer irrecevable, les demandes de la société Win System International Limited se heurtant à une fin de non-recevoir pour cause de forclusion à défaut d'action dans le délai raisonnable

- surabondamment,

- juger la société Win System International Limited irrecevable pour défaut de qualité et d'intérêt à agir,

- à titre infiniment subsidiaire et au fond,

- juger que la société Win System International ne rapporte aucune preuve fondant ses demandes

- en conséquence,

- la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions comme étant dépourvues de fondement

- la condamner à lui payer une légitime indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- la condamner aux entiers dépens d'instance, en ce compris les dépens de première instance.

La société Ipso Facto fait notamment valoir que :

- sur la nullité des actes accomplis par la société Win System à compter du 12 janvier 2018, que la société Win System, lorsqu'elle a fait signifier le jugement (le 16 janvier 2018), et pratiquer une saisie attribution sur son compte au Crédit Lyonnais (le 13 janvier 2018), avait été dissoute et définitivement radiée du RCS de Hong Kong depuis le 04 septembre 2017 (publié les 22 septembre 2017 et 12 janvier 2018) de sorte qu'elle était dépourvue d'existence légale et de personnalité morale et donc de la capacité d'agir en justice ; qu'elle a donc fait assigner l'intimée le 16 mars 2018 devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de voir constater l'irrégularité de fond et donc la nullité des actes délivrés (article 117 cpc) ; que le jugement du JEX, qui a rejeté le moyen au motif que la société Win System avait été réinscrite au RC le 08 juin 2018, de sorte qu'elle a retrouvé rétroactivement la personnalité morale et que la cause de nullité avait disparu au moment où il a statué, a été infirmé par arrêt du 25 octobre 2019 qui a prononcé la nullité et donc la mainlevée de la saisie attribution au motif que l'irrégularité doit s'apprécier au moment où l'acte accompli en son nom a été réalisé, peu important les effets rétroactifs de la réinscription au RCS ; que l'irrégularité n'est pas susceptible d'être couverte par son inscription ultérieure ; qu'en conséquence, elle ne peut valablement ni constituer avocat ni intervenir dans le cadre de la procédure ;

- sur la forclusion, qu'en application de la convention des Nations Unies appelée convention de < Vienne >, l'acheteur est déchu du droit de se prévaloir d'un manquement contre le vendeur faute de l'avoir dénoncé dans un délai raisonnable à partir du moment où il a constaté ou aurait dû constater le manquement ; qu'il est déchu dans tous les cas s'il ne dénonce pas au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la date où les < marchandises > lui ont été effectivement remises ; qu'il en est de même pour la demande en résolution du contrat ; qu'en l'espèce, elle a assigné en 2017 pour une < livraison > en 2011 ; que l'assignation en référé de juin 2015 ne constitue pas une réclamation puisque la société Win System contestait tout contrat et réclamait le remboursement au titre de la répétition de l'indû ;

- sur le défaut d'intérêt et de qualité à agir (articles 31 et 32 cpc), que la société Win System ne lui a jamais commandé de vin ; qu'elle n'a jamais effectué aucun règlement ni réceptionné les < marchandises > livrées ; que les justificatifs produits ne mentionnent pas que le paiement a été effectué pour son compte, et qu'elle ne prouve pas avoir un lien avec les sociétés qui ont émis les virements et qui, pour deux d'entre elles, ont été déclarées postérieurement aux ordres de virement ; que dans son assignation du 18 juin 2015, l'intimée soutenait d'ailleurs qu'aucun contrat ne s'était formé entre elles, et que les sommes avaient été indûment versées ; qu'elle ne justifie pas de sa qualité de cocontractant ;

- sur le fond, que les factures proforma dont se prévaut la société Win System sont des faux, fabriqués pour les besoins de la cause à partir de deux devis émis pour une autre société, ce qui ressort notamment du lieu de < livraison > mentionné à Hong Kong ce qui ne correspond pas aux < livraisons > litigieuses ; qu'elle n'a rien commandé, rien réceptionné, rien payé.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 27 janvier 2020, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, la société Win System International Limited demande à la cour de :

- vu les articles 1134, 1147, 1184 et 1236 anciens du code civil,

- vu la convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de < marchandises >

- vu les pièces versées aux débats

- vu la jurisprudence citée,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Ipso Facto

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- assortir la condamnation au paiement d'une astreinte de 10 000 euros par jour de retard passé un délai de 10 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société Ipso Facto à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Ipso Facto aux entiers dépens, en ce compris les dépens de première instance.

L'intimée oppose :

- sur la nullité, que la dissolution d'une société n'a pas pour effet de faire disparaître sa personnalité morale ; qu'il y a une contradiction entre le corps des écritures de l'appelante qui soutient la nullité des actes de procédure postérieurs au 12 janvier 2018 et leur dispositif qui conclut à l'irrecevabilité des demandes ; qu'il s'agit bien d'une exception de procédure (article 117) et non d'une fin de non-recevoir (article 122) ; qu'elle a été réinscrite au RCS de Hong Kong le 1er juin 2018 avec effet au 08 ; que selon l'article 768 du Companies Ordinance, « si une société est réinscrite au RC dans les conditions prévues (') elle doit être considérée comme ayant toujours existé comme si elle n'avait jamais été dissoute » ; que la prétendue irrégularité a donc été rétroactivement anéantie par l'effet de sa réinscription ; qu'aucune irrégularité ne peut être invoquée ; qu'elle a pu valablement constituer avocat ; que de plus elle a régularisé une nouvelle constitution depuis sa réinscription RC ; que le moyen est purgé ;

- sur la forclusion, que si elle n'a pas formé plus tôt une réclamation, c'est en raison du litige avec la société USA PIILII ; que la convention de < Vienne > n'est pas applicable ; que dès lors, selon l'article 3 de la convention de la Haye du 15 juin 1955 la loi applicable est celle du pays du siège social du vendeur donc la France ; qu'il n'y a donc pas de prescription (article 2224 du code civil) ;

- sur le défaut d'intérêt et de qualité à agir, qu'elle prouve sa qualité de cocontractante par les justificatifs qu'elle produit ainsi que par les propres comptes de l'appelante ;

- sur le fond, que la société Ipso Facto, qui reconnaît avoir reçu les sommes litigieuses, se contente de produire des factures adressées à la société USA PIILII pour dire que celles versées par elle sont fausses ; que la comparaison des montants démontre pourtant que seules ces dernières sont authentiques ; que les bons de < livraison > confirment que 24 000 bouteilles Chevalier de Lascombes et 30 000 Château Lascombes 2009 n'ont pas été livrées ; enfin, que l'extrait de compte clients de la société société Ipso Facto fait apparaître un solde créditeur de 2 172 000 euros.

Elle demande aussi confirmation du jugement qui lui a alloué 200 000 euros alors qu'elle a versé à la société Ipso Facto une somme représentant 36 % de son chiffre d'affaires pour l'exercice concerné et que l'appelante a osé soutenir qu'elle lui était totalement inconnue, que les contrats seraient des faux ; qu'il y a faute dolosive lorsque le débiteur, de propos délibéré, se refuse à exécuter ses obligations contractuelles, même si ce refus n'est pas dicté par l'intention de nuire à son cocontractant, et sollicite une astreinte dans la mesure où malgré l'exécution provisoire, la société Ipso Facto n'a jamais exécuté.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 janvier 2020. L'affaire, fixée à l'audience du 11 février 2020, a été renvoyée à celle du 08 septembre 2020 en raison du mouvement de grève des barreaux.

Motifs

MOTIFS DE LA DECISION sur la demande principale :

Pour s'opposer à la demande en paiement, la société Ipso Facto invoque les moyens suivants :

- l'irrecevabilité des demandes, fins et prétentions de la société Win System et la nullité des actes accomplis par elle à compter du 12 janvier 2018

- l'irrecevabilité des demandes en raison de la forclusion de l'action (article 122)

- subsidiairement, l'irrecevabilité des demandes pour défaut de qualité et d'intérêt à agir (articles 31 et 32 du code de procédure civile)

- à titre infiniment subsidiaire et au fond, le rejet des demandes.

sur l'irrecevabilité des demandes et la nullité des actes accomplis par la société WS à compter du 12 janvier 2018 :

La société Ipso Facto fait valoir que la société Win System, lorsqu'elle a fait signifier le jugement (le 16 janvier 2018), et pratiquer une saisie attribution sur son compte au Crédit Lyonnais (le 13 janvier 2018), avait été, à son initiative, radiée du registre du commerce et des sociétés de Hong Kong et dissoute depuis le 12 janvier 2018, de sorte qu'elle était dépourvue d'existence légale et de personnalité morale et donc de la capacité d'agir en justice, de sorte que tous les actes accomplis par elle à cette même date sont nuls et de nul effet, et qu'elle ne pouvait valablement ni constituer avocat ni intervenir dans le cadre de la procédure, ce qui doit conduire à déclarer toutes ses demandes et prétentions irrecevables au visa des articles 32, 117 et 121 du code de procédure civile.

L'intimée oppose que la dissolution d'une société n'a pas pour effet de faire disparaître sa personnalité morale ; qu'elle a été réinscrite au RCS de Hong Kong le 1er juin 2018 avec effet au 08 juin 2018 ; que selon l'article 768 du Companies Ordinance, « si une société est réinscrite au RC dans les conditions prévues (') elle doit être considérée comme ayant toujours existé comme si elle n'avait jamais été dissoute » ; que la prétendue irrégularité ayant été rétroactivement anéantie par l'effet de sa réinscription, l'appelante ne peut se prévaloir d'aucune irrégularité opposable ; qu'elle a pu valablement constituer avocat et conclure, d'autant qu'elle a régularisé une nouvelle constitution depuis sa réinscription au registre du commerce ; que le moyen est purgé.

Aux termes de l'article 32, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

#1 Selon l'article 117, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte notamment le défaut de capacité d'ester en justice.

L'article 121 dispose quant à lui que dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

La déclaration d'appel est datée du 19 janvier 2018, les conclusions d'appelant du 13 avril 2018, et celles de l'intimée du 13 juillet 2018, à une date où elle était de nouveau inscrite au RCS de Hong Kong.

#2 L'appelante, qui soutient que l'irrégularité doit s'apprécier au moment où l'acte a été réalisé, peu important les effets rétro actifs de la régularisation, ne tire pas les conséquences de sa propre argumentation dans la mesure où en application de l'article 32 du code de procédure civile, l'irrégularité qu'elle invoque devrait aussi et surtout affecter la validité de sa déclaration d'appel, régularisée contre la société Win System à une date où celle ci était dépourvue de la personnalité juridique, ce que ni l'appelante ni l'intimée n'a soutenu, et qu'aucune n'est plus fondée à faire. Dès lors qu'en revanche l'intimée avait retrouvé sa personnalité morale à la date où elle a notifié ses conclusions, et que la cause de l'irrégularité a disparu, le moyen sera rejeté, et elle sera déclarée recevable en ses demandes.

sur la forclusion :

L'appelante soutient ensuite, au visa de l'article 122 du code de procédure civile, l'irrecevabilité de l'action en faisant valoir qu'en application de la convention des Nations Unies dite convention de < Vienne >, applicable depuis le 11 avril 1980, dont la France et la Chine sont signataires, qui régit les ventes internationales de < marchandises >, l'acheteur est déchu du droit de se prévaloir d'un manquement contre le vendeur faute de l'avoir dénoncé dans un délai raisonnable à partir du moment où il a constaté ou aurait dû constater le manquement, et déchu dans tous les cas s'il ne dénonce pas au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la date où les < marchandises > lui ont été effectivement remises (articles 39-1 et -2 de la convention) ; qu'il en est de même pour la demande en résolution du contrat (article 49-2) ; que l'assignation ayant été délivrée en 2017 par la société Win System pour une < livraison > survenue en 2011, et l'assignation en référé de juin 2015 ne constituant pas une réclamation puisque la société Win System contestait tout contrat et réclamait le remboursement au titre de la répétition de l'indû, le délai est expiré.

Le tribunal a rejeté le moyen en considérant que la convention du 11 avril 1980 n'était pas applicable d'une part parce qu'elle s'appliquait aux contrats de fourniture de < marchandises > à fabriquer ou à produire, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ; d'autre part, parce que le siège de la société Win System était à Hong Kong, de sorte qu'en application de l'article 3 de la convention de la Haye du 15 juin 1955, la loi applicable était celle de la France ; que l'assignation, délivrée la première fois en juin 2015 pour une < livraison > en 2011, avant l'expiration du délai de 5 ans prévu par l'article 2224 ancien du code civil, n'était pas prescrite.

L'intimée, qui explique son retard à former réclamation par le litige opposant l'appelante à la USA PIILII, soutient que la convention de < Vienne > n'est pas applicable en soulignant d'une part, à juste titre que la vente de vins n'est pas constitutive d'un contrat de vente au sens de cette convention (article 3-1) ; que d'ailleurs les parties ont tacitement exclu son application, notamment la société Ipso Facto qui n'y a jamais fait mention devant le juge des référés, ni dans le cadre du litige l'opposant à la société USA PIILII, se fondant toujours sur des textes de droit interne français.

C'est aussi à bon droit qu'elle rappelle que son siège est à Hong Kong, région administrative spéciale régie par les articles suivants de la convention :

- 93 1) tout Etat contractant qui comprend deux ou plusieurs unités territoriales dans lesquelles, selon sa constitution, des systèmes de droit différent s'appliquent dans les matière régies par la présent Convention pourra, au moment de la signature, de la ratification, de l'acceptation, de l'approbation ou de l'adhésion, déclarer que la présent Convention s'appliquera à toutes ses unités territoriales ou seulement à l'une ou plusieurs d'entre elles et pourra à tout moment modifier cette déclaration en faisant une nouvelle déclaration.

- 93 2) ces déclarations seront notifiées au dépositaire et désigneront expressément les unités territoriales auxquelles la Convention s'applique

93 4) si un Etat contractant ne fait pas de déclaration en vertu du paragraphe 1 du présent article, la Convention s'appliquera à l'ensemble du territoire de cet Etat.

Il en résulte que la convention de < Vienne > est applicable aux unités territoriales de système juridique différent en l'absence de déclaration spéciale de la part de l'Etat signataire.

La question de l'applicabilité de la convention à Hong Kong (où elle ne s'appliquait pas avant la rétrocession par le Royaume Uni) depuis son rattachement à la République Populaire de Chine, signataire, a été soumise à la 1ère chambre civile de la cour de cassation qui a rendu le 02 avril 2008 l'avis n° 04-17726 suivant : « la convention de < Vienne > n'est pas applicable sur le territoire de Hong Kong dans la mesure où il est possible d'inclure ou d'exclure des unités territoriales or la République Populaire a déposé le 20 mai 1997 auprès du secrétaire général des Nations Unies une déclaration indiquant les conventions applicables au territoire de Hong Kong ; la convention de < Vienne > n'y figure pas, elle n'est donc pas applicable à cette région administrative spéciale ».

#3 La convention de Vienne n'étant pas applicable, en application de l'article 3 de la convention de la Haye du 15 juin 1955 (« A défaut de loi déclarée applicable par les parties, la vente est régie par la loi interne du pays où le vendeur a sa résidence habituelle au moment où il reçoit la commande »), la loi applicable est celle du pays du siège social du vendeur, donc la France. C'est donc à bon droit qu'au visa de l'article 2224 du code civil, le tribunal a écarté la prescription, considérant par ailleurs à juste titre que l'assignation en référé de juin 2015 par laquelle la société Win System réclamait le remboursement au titre de la répétition de l'indû avait utilement interrompu le délai.

Le jugement qui a déclaré l'action recevable sera confirmé.

sur le défaut d'intérêt et de qualité à agir :

L'appelante soutient ensuite que la société Win System ne justifie pas être son co contractant ; qu'elle ne lui a jamais commandé de vin ni n'a réceptionné les < marchandises > livrées ; que les factures proforma dont elle se prévaut ont été fabriquées pour les besoins de la cause à partir de deux devis émis pour une autre société, ce qui ressort notamment du lieu de < livraison > mentionné à Hong Kong ce qui ne correspond pas aux < livraisons > litigieuses ; qu'elle n'a jamais effectué aucun règlement ; que les justificatifs produits ne mentionnent pas que le paiement a été effectué pour son compte ; qu'elle ne prouve pas avoir un lien avec les sociétés qui ont émis les virements et qui, pour deux d'entre elles, ont été déclarées postérieurement aux ordres de virement ; que la société Sunny Wide a été dissoute le 14 octobre 2011.

C'est pourtant à bon droit que l'intimée oppose qu'elle prouve sa qualité de cocontractante par six virements bancaires émanant certes d'autres sociétés mais mentionnant son nom (et ses coordonnées bancaires identiques aux factures) dont le montant total est strictement le même à la fois que celui des deux factures émises à son nom par la société Ipso Facto (4 682 388 euros ' sa pièce 2) et que celui qui figure au crédit de son compte client dans les propres comptes de l'appelante (sa pièce 20). Dès lors que son nom est mentionné sur les ordres de virements et que la société Ipso Facto n'a jamais refusé les fonds, la société Win System, au visa de l'article 1236 du code civil (1342-1 nouveau) est fondée à faire valoir que l'intervention d'un tiers dans le paiement ne lui retire pas sa qualité pour agir.

Le grief sera lui aussi rejeté.

sur le fond :

L'appelante conclut enfin, à titre infiniment subsidiaire et au fond, au débouté de la société Win System en soutenant que l'intimée ne rapporte aucune preuve fondant ses demandes. Elle reprend ici la même argumentation que celle développée supra, selon laquelle les factures proforma dont se prévaut l'intimée (qui indiquent comme adresse de facturation et de < livraison > celle de Win System) sont des faux, qu'elle n'a rien commandé, rien réceptionné, rien payé.

Il est vrai que les liens entre les diverses sociétés chinoises et la confusion qui règne du fait des deux procédures compliquent un peu la situation. Pour autant, au vu des pièces produites par l'intimée, dont rien ne permet de mettre la validité en doute, il est établi que six virements ont été réalisés en son nom en février 2011 (ses pièces 4,6,15) pour un montant de 4 682 388 euros strictement identique à celui des deux factures pro forma du 12 février 2011 émises à son nom par la société Ipso Facto (pièce 2 de l'intimée). Sa créance est par ailleurs corroborée par les bons de < livraison (dans les locaux de l'entrepositaire ' ses pièces 19 19 bis) qui, par comparaison avec les commandes (sa pièce 23), confirment les manquants (24 000 bouteilles Chevalier de Lascombes (372 000 euros) et 30 000 Château Lascombes 2009 (1 800 000 euros)). Enfin, cette créance est confirmée par les propres comptes de l'appelante qui font apparaître la même somme au crédit du compte client Win System (compte 4191WINS ' libellé Win System pour Usa Piilii 2 172 000 euros (4 682 388 ' 2 510 388) ' pièce 20 de l'intimée). Les dénégations de la société Ipso Facto, qui aurait invoqué devant le tribunal une erreur d'écriture sans cependant s'expliquer davantage, ne pourront qu'être écartées.

En conséquence, la preuve de la créance étant rapportée, le jugement qui a condamné la société Ipso Facto au paiement de la somme de 2 172 000 euros sera confirmé.

sur les dommages et intérêts :

La société Win System demande la confirmation du jugement qui a condamné la société Ipso Facto à lui verser la somme de 200 000,00 euros à titre de dommages et intérêts. L'appelante ne formule aucune observation sur ce point. Dès lors que les circonstances du litige permettent de retenir sa mauvaise foi et sa résistance dolosive, et que l'intimée peut soutenir que la privation d'une somme de cette importance lui a causé un préjudice économique important, le jugement sera confirmé.

sur l'astreinte :

La demande d'astreinte formée par l'intimée sera rejetée, l'intéressée disposant d'autres moyens pour assurer l'exécution forcée de la condamnation, s'agissant du paiement d'une somme d'argent.

sur les demandes accessoires :

#4 Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société Win System les sommes exposées par elle dans le cadre de l'appel et non comprises dans les dépens. La société Ipso Facto sera condamnée à lui payer, outre l'indemnité mise à sa charge en première instance, une somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante sera condamnée aux entiers dépens.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort

Déboute la société Ipso Facto de l'exception tirée de l'irrecevabilité des demandes pour défaut d'existence légale

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 09 janvier 2018

Condamne la société Ipso Facto à payer à la société Win System International Limited une somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel

Condamne la société Ipso Facto aux entiers dépens de l'appel.