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Décisions

Cass. com., 13 février 2019, n° 17-21.409

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Marlange et de La Burgade

Lyon, du 18 mai 2017

18 mai 2017

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 17 février 2015, pourvoi n° 13-22.986), que le 9 janvier 2007, la société Manitowoc Crane groupe France (la société Manitowoc), fabricant de grues, a passé une commande de tôles d'acier auprès de la société Commercio Materie Prime SPA (la société CMP), société de droit italien, grossiste en produits sidérurgiques, qui a acquis le matériau auprès de la société Ilva et a confié à la société Steel & Co, société de droit luxembourgeois, diverses prestations, dont le transport de la marchandise ; que selon le bon de commande, la vente devait donner lieu à la remise de certificats d'usine, de type « 3.1 B », garantissant de la part du producteur la conformité à la commande, avec l'indication des résultats de contrôle spécifique ; que chaque lot de tôles livré par la société Steel & Co était accompagné d'un certificat, joint au bon de livraison, établi sous en-tête du fabricant, la société Ilva ; que le mât d'une grue s'étant effondré le 26 juillet 2007, la société Manitowoc a imputé l'accident à la non-conformité de la tôle d'acier ; que le 6 juillet 2010, elle a assigné la société CMP en paiement de dommages-intérêts et M. V..., en qualité de curateur à la faillite de la société Steel & Co, en fixation de sa créance au passif de cette société en application de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises (la CVIM) ; que la société CMP lui a opposé la déchéance de son droit de se prévaloir de la non-conformité des marchandises en application des articles 38-1 et 39-1 de la même Convention ; que M. M... est intervenu en remplacement de M. V..., ès qualités ;

 

Sur la recevabilité des deux moyens, en ce qu'ils sont dirigés contre le curateur à la faillite de la société Steel & Co :

 

Attendu que l'arrêt ayant rejeté les demandes formées contre le curateur de la société Steel & Co aux motifs que cette société n'avait pas fabriqué ni vendu l'acier litigieux et n'était donc tenue à aucun contrôle de la qualité des tôles livrées, les moyens qui ne critiquent pas ces motifs sont irrecevables contre M. M..., ès qualités ;

 

Mais sur le premier moyen, en ce qu'il est dirigé contre la société CMP :

 

Vu les articles 30, 34 et 35 de la CVIM ;

 

Attendu que pour rejeter les demandes formées par la société Manitowoc contre la société CMP, après avoir constaté que celle-ci était contractuellement tenue de livrer des tôles d'acier de nuance normalisée S355JO, dont la conformité à cette norme devait être garantie par la remise de certificats d'usine émanant de l'aciériste et de type 3.1 B, qu'à chaque bon de livraison était joint un certificat d'usine de ce type mais que l'expertise judiciaire établissait la non-conformité des tôles testées au regard des documents contractuels, l'arrêt retient que les certificats remis à l'acquéreur présentaient des anomalies flagrantes, aisément décelables par un opérateur professionnel normalement diligent, s'agissant notamment de la mention « test report » incompatible avec la référence d'un certificat 3.1 B ; qu'il en déduit qu'il appartenait à la société Manitowoc de ne pas s'en tenir à l'apparente certification de la qualité de la marchandise par le fabricant mais au contraire de procéder à une vérification générale et approfondie de la qualité, ce qui lui aurait permis de mettre immédiatement en évidence que la nuance commandée n'était pas respectée pour plus d'une tôle sur deux ;

 

Qu'en statuant ainsi, alors que la remise des certificats de type 3.1 B, selon les normes en vigueur au moment des faits, qui garantissait à la société Manitowoc la conformité de la marchandise livrée aux spécifications contractuelles, dispensait l'acheteur, nonobstant les anomalies présentées par ces documents, du contrôle de la qualité des produits vendus, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

 

Et sur le second moyen :

 

Vu l'article 74 de la CVIM ;

 

Attendu qu'en application de ce texte, les dommages-intérêts pour une contravention au contrat commise par une partie sont égaux à la perte subie et au gain manqué par l'autre partie par suite de la contravention ; que ces dommages-intérêts ne peuvent être supérieurs à la perte subie et au gain manqué que la partie en défaut avait prévus ou aurait dû prévoir au moment de la conclusion du contrat, en considérant les faits dont elle avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance, comme étant des conséquences possibles de la contravention au contrat ;

 

Attendu que pour rejeter les demandes en paiement de la société Manitowoc, l'arrêt retient qu'en présence d'une traçabilité seulement hypothétique entre les tôles fournies, les pièces usinées et les grues, la preuve n'est pas rapportée d'un lien de causalité direct et certain entre le défaut de conformité à la commande des tôles livrées et le dommage allégué ;

 

Qu'en statuant ainsi, alors que les préjudices correspondant au remboursement du prix des tôles non conformes, aux pertes relatives aux pièces primaires et éléments mécano-soudés ainsi qu'au remplacement des grues susceptibles d'être affectées par la non-conformité de l'acier livré résultaient nécessairement de la non-conformité, établie, des marchandises vendues, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement entrepris, il rejette les demandes de la société Manitowoc Crane groupe France dirigées contre la société Commercio Materie Prime SPA et la condamne à payer la somme de 10 000 euros à la société Commercio Materie Prime SPA au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il condamne la société Manitowoc Crane groupe France à payer à la société Commercio Materie Prime SPA la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, l'arrêt rendu le 18 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom.