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Décisions

Cass. com., 4 janvier 1994, n° 91-19.915

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. BEZARD

Rapporteur :

M. Gomez

Avocat général :

M. de Gouttes

Cass. com. n° 91-19.915

3 janvier 1994

Attendu, selon les énonciations de l'arrêt déféré (Paris, 27 juin 1991), que M. X..., titulaire du brevet d'invention déposé le 27 juillet 1979, enregistré sous le numéro 79-19.503, ayant pour objet un "procédé et appareil abrasif pour le nettoyage des dents", a cédé, le 18 juillet 1980, tous ses droits sur le brevet "à la société Dentron, absorbée par la Cavitron Corp., devenue par suite d'une modification de sa dénomination sociale, Novitrac Inc. qui, par actes des 13 janvier, 2 février 1984, a cédé ses droits sur le brevet litigieux à la société Ultrasonics Inc., devenue par suite de la modification de sa dénomination sociale Cavitron Inc. ; que, le 23 mars 1987, cette dernière société a cédé ses droits à la société Dentsply research and development, qui, le 1er avril, a concédé à la société Dentsply Detrey la licence exclusive d'exploitation du brevet ; que la société Electro medical systems (Société EMS) a assigné la société Cavitron en nullité du brevet ; que les sociétés Dentsply research et development corporation et Dentsply Detrey sont intervenues à l'instance et ont
reconventionnellement demandé la condamnation de la société EMS pour contrefaçon ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° Z 91-21.431 :

Attendu que la société EMS fait grief à l'arrêt d'avoir admis la validité des revendications 1 à 3 et des revendications dépendantes des précédentes 11 à 24 du brevet litigieux alors, selon le pourvoi, qu'il résulte de l'article 10 de la loi du 2 janvier 1968 modifiée, qu'une invention ne peut être considérée comme impliquant une activité inventive que si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique, ce que les juges du fond doivent expressément constater ; que, pour combattre l'évidence pour l'homme du métier constatée par les premiers juges, l'arrêt ne pouvait se borner, comme il l'a fait au regard des revendications 1, 2 et 3 du brevet n° 79-19.503, à procéder à une analyse des ensignements des brevets Black, Laing et Schachter, fût-ce en l'attribuant à l'homme du métier ; qu'il se devait également de relever que l'invention ne découlait pas d'une manière évidente de l'état de la technique, ce qu'il n'a pas fait et qu'il est donc entaché d'un défaut de base légale au regard du texte suscité ;

Mais attendu que la cour d'appel a procédé à l'examen de l'état antérieur de la technique, dont elle a retenu qu'outre les trois brevets Black, Laing et Schachter, il résultait des enseignements contenus dans le manuel CRC de physique et de chimie ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a déduit qu'il était évident pour l'homme du métier d'associer les enseignements de ces trois brevets pour aboutir à la revendication n° 1 et aux revendications dépendantes n° 2 à 11, et a ainsi justifié légalement sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi n° Z 91-21.431 :

Attendu que la société EMS reproche en outre à l'arrêt d'avoir déclaré valable la revendication 25 et les revendications dépendantes 26 et 27, alors, selon le pourvoi, que la cassation obtenue sur le premier moyen, aboutissant à ruiner la validité du procédé revendiqué en raison de l'annulation des revendications 1 à 11, doit avoir pour conséquence nécessaire d'entraîner l'annulation de la revendication 25, puisque ces divers éléments techniques ne pourront plus ainsi concourir à un résultat commun ;

Mais attendu que le premier moyen est rejeté ; que le moyen est, par suite, sans fondement et ne peut qu'être rejeté ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, du pourvoi n° B 91-19.915 :

Attendu que la société Cavitron Inc fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la nullité de la revendication 12 et par voie de conséquence celle des revendications 13 à 24 alors, selon le pourvoi, d'une part, que la revendication 12 porte sur l'"envoi" des jets d'une manière non convergente ; qu'en statuant comme s'il était revendiqué une non convergence des jets et non pas seulement une non convergence de l'envoi de ces jets, la cour d'appel dénature cette revendication et viole l'article 1134 du Code civil, ensemble les articles 6 et 28 de la loi du 2 janvier 1968 ; alors, d'autre part, que la partie de la description à laquelle s'attache la cour d'appel et qui consiste à prévoir la convergence des jets par l'effet d'une aspiration de l'un par l'autre n'exclut nullement la possibilité d'un "envoi" initial de ces mêmes jets d'une manière non convergente ; que la motivation ainsi placée dans l'arrêt ne donne en conséquence aucun fondement valable à celui-ci au regard des articles 6, 13 et 28 de la loi du 2 janvier 1968 ; alors, enfin, que la description du brevet fait expressément état de l'existence de tubes dont l'un entoure l'autre avec un certain espace, en sorte que la cour d'appel n'était pas autorisée à dire, par motif adopté, que n'était décrit aucun dispositif permettant un envoi de jets non convergents ; que l'arrêt viole aussi, quant à ce, l'article 1134 du Code civil, ensemble les articles 6 et 28 de la loi du 2 janvier 1968 ;

Mais attendu que l'arrêt, confirmatif de ce chef, ayant constaté que la description était relative à un dispositif mettant en oeuvre deux moyens permettant la projection de deux jets séparés et revendiquait l'envoi de ces jets d'une manière non convergente, retient, par motifs propres et adoptés, que l'ensemble des éléments figurant dans la description, y compris la disposition de deux tubes, l'un entourant l'autre avec un certain espace, faisait apparaître la nécessité d'une convergence des deux courants ; que, justifiant ainsi sa décision, la cour d'appel a pu déduire de ces constatations et appréciations que la revendication de l'envoi de deux jets d'une manière non convergente n'était pas décrite et que, de ce fait, les revendications litigieuses étaient nulles ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi n° B 91-19.915 :

Attendu que la société Cavitron Inc fait en outre grief à l'arrêt d'avoir décidé qu'elle n'était pas recevable à agir en contrefaçon, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'expression "tous droits, titres et intérêts" ne comporte, par nature, aucune exclusive ; qu'en lui refusant, étant bénéficiaire d'une cession assortie d'une telle clause, le droit de poursuivre des faits de contrefaçon antérieurs, la cour d'appel a ajouté à cette cession du 13 janvier 1984 une exclusion qu'elle ne comporte pas et a, par là-même, violé l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'ayant constaté que la société Cavitron, devenue Norvitac, était titulaire du droit de poursuivre des faits de contrefaçon antérieurs à la cession faite le 18 juillet 1980 et qu'elle-même avait cédé le 13 janvier 1984 à Ultrasonics Inc., devenue Cavitron Inc., "tous droits, titres et intérêts" concernant le brevet, la cour d'appel, qui retient néanmoins que la société Norvitac n'a pas cédé à la société Ultrasonics (Cavitron Inc.) le droit dont elle était titulaire de poursuivre des faits antérieurs, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant à ce titre aussi l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu la cour d'appel, après avoir relevé que seul le contrat de cession entre le titulaire du brevet et le premier cessionnaire, la société Dentron Inc.., prévoyait la possibilité donnée à cette dernière de poursuivre les faits de contrefaçon antérieurs à la cession et que ce droit était nécessairement échu à la société Cavitron, devenue Novitrac, par suite de la fusion-absorption avec la société Dentron Inc., a retenu, par une interprétation rendue nécessaire par l'ambiguïté de la clause litigieuse contenue dans le contrat de cession du brevet conclu entre les sociétés Novitrac et Ultrasonics, devenue Cavitron Inc., qu'il n'apparaissait pas que ce droit de poursuite des faits de contrefaçon antérieurs à la cession ait été transmis à cette dernière par ladite clause ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision de déclarer irrecevable la société Cavitron Inc. à agir en contrefaçon du brevet litigieux ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens respectifs ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du quatre janvier mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.