Cass. com., 31 octobre 2006, n° 05-11.149
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
M. Sémériva
Avocats :
SCP Thomas-Raquin et Bénabent, SCP Célice, Blancpain et Soltner
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Over foring, titulaire d'un brevet français délivré le 23 août 1996 couvrant un dispositif de fixation occipitale d'un casque de cycliste, ainsi que d'une demande de brevet européen portant sur la même invention, déposée sous priorité de ce brevet français le 9 mai 1995, et publiée le 22 novembre 1995, a cédé ses droits sur ces titres à la société Time sport international (la société Time sport) le 14 février 1997 ; que la cession du brevet français a été inscrite au registre national des brevets le 9 juillet 1997, celle des droits attachés à la demande de brevet européen au registre européen des brevets n'intervenant que par la suite, sur demande présentée le 29 octobre 1999 ; qu'entre-temps, la société Time sport a, le 15 juin 1998, présenté requête en saisie contrefaçon du brevet français à raison de faits reprochés à la société Euro Bell, devenue par la suite la société Fagerdala Pactuco, dont certains actifs ont été transmis à la société Bell sports Europe, aux droits de laquelle est à présent la société Bell sports ;
que l'autorisation ainsi sollicitée a été accordée le 17 juin 1998, les opérations pratiquées le 23 juin 1998, et l'assignation au fond délivrée le 2 juillet 1998 ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Bell sports fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré valable la revendication n° 9 du brevet n° 94.06014, alors, selon le moyen, qu'une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique, lequel est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant le dépôt de la demande ; qu'en se bornant à approuver l'appréciation portée par les premiers juges, cependant que le brevet US Dye était invoqué pour la première fois en appel et qu'il était longuement démontré en quoi sa combinaison avec le brevet Mickel détruisait l'activité inventive au regard d'un état de la technique incluant ce brevet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 611-11 et L. 611-14 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que la cour d'appel a cité le brevet US Dye 2846683 au rang des antériorités pertinentes, et en a apprécié l'effet, ainsi que celui des autres documents produits en défense à propos de l'état de l'art antérieur, en décidant qu'aucun d'entre eux ne combinait un dispositif de fixation tel que celui revendiqué par le brevet litigieux ; que le moyen manque en fait ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 614-14, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que, selon ce texte, par dérogation à l'article L. 613-9 du code de la propriété intellectuelle, le transfert ou la modification des droits attachés à la demande de brevet français ou au brevet français n'est rendu opposable aux tiers par son inscription au registre national des brevets que dans la mesure où le même transfert ou la même modification des droits attachés à la demande de brevet européen ou au brevet européen a été inscrit au registre européen des brevets ;
Attendu que pour décider que la société Time sport avait qualité pour demander et faire pratiquer une saisie contrefaçon au mois de juin 1998, et déduire des seules constatations résultant de cette saisie la preuve des faits constitutifs de contrefaçon, l'arrêt retient que cette société était propriétaire du brevet français, dont la cession avait déjà été transcrite le 9 juillet 1997 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'effet de cette inscription était suspendu jusqu'à transcription de la demande de brevet européen ou du brevet européen au registre européen des brevets, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article 53 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que pour statuer ainsi, la cour d'appel retient encore que l'action en contrefaçon a été rendue recevable par la disparition en cours d'instance du défaut de qualité de la société Time sport, résultant de la publication de la cession au registre européen des brevets, et que les opérations de saisie contrefaçon sont partie intégrante de l'action en contrefaçon ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'instance en contrefaçon n'étant introduite que par la demande soumettant au juge cette prétention, les opérations antérieures de saisie contrefaçon n'en sont pas partie intégrante, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche :
Vu les articles L. 615-5 et R. 615-1 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour statuer ainsi, l'arrêt retient, enfin, que par bordereau du 30 juin 2003, la société Time sport a communiqué le justificatif de l'inscription à son profit du brevet européen, que son action en contrefaçon est recevable au regard des articles L. 613-9 du code de la propriété intellectuelle et 126 du nouveau code de procédure civile, et que cette action étant recevable, les opérations de saisie contrefaçon sont régulières ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait qu'à la date de présentation de la requête en saisie contrefaçon, la cession consentie à la société Time sport n'avait pas été publiée, ce dont il résultait que la régularisation ultérieure, qui rendait recevable son action en contrefaçon, était sans incidence sur son absence de qualité à requérir une saisie, faute d'opposabilité de ses droits aux tiers à la date de sa requête, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré nulles les revendications 1 et 6 et du brevet d'invention français déposé sous le numéro 94.06014 le 10 mai 1994, et déclaré valable la revendication numéro 9 de ce brevet, l'arrêt rendu le 18 octobre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Time sport international aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille six.