CA Versailles, 3e ch., 6 janvier 2022, n° 20/00380
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bou
Conseillers :
Mme Bazet, Mme Derniaux
Avocats :
Me Planchou, Me Groc, Me Legal, Me Kuhn, Me Landais, Me Rossi Landi
FAITS ET PROCEDURE,
Suivant acte reçu le 12 octobre 2016 par Me F H, notaire, avec la participation de Me I, assistant le promettant, M. X D et Mme K L N D ont consenti à Mme Z M une promesse unilatérale de vente portant sur un pavillon à usage d'habitation situé ... de justice à Verneuil sur Seine, au prix de 560 000 euros, pour une durée expirant le 22 décembre 2016 à 16 heures.
La promesse a été conclue sous diverses conditions suspensives, dont celle de l'obtention d'un prêt.
Les parties ont convenu de fixer une indemnité d'immobilisation à hauteur de 56 000 euros, Mme M ayant versé la somme de 25 300 euros séquestrée dans la comptabilité de Me J
Les parties ont conclu le 13 décembre 2016 une convention d'occupation précaire par laquelle les promettants ont mis gratuitement à la disposition de Mme M le bien objet de la promesse pour une durée expirant le 30 décembre suivant.
Celle-ci a emménagé dans les lieux le 17 décembre 2016.
Suivant facture du 19 décembre 2016, Mme M a fait intervenir la société Chauffage Charles pour la remise en route du chauffe-eau, la facture mentionnant : « Attention ! Présence dans la chaufferie d'un extracteur « non-conformité gaz ». L'électricité de la chaufferie absolument pas aux normes ».
Mme M a quitté la maison le 19 décembre 2016 puis l'a réintégrée le 21 décembre 2016.
Suivant lettre du 23 décembre 2016, la société de couverture Feron a indiqué être intervenue la veille à la demande de Mme M pour une fuite de toiture venant de la cheminée dont l'entourage en zinc était défectueux et avoir vérifié la toiture. Le couvreur a fait état de tuiles « HS » et devenant poreuses. Il a établi un devis de réfection de la toiture, sans isolation, pour un montant de 47 307,61 euros.
Le 24 décembre 2016, Mme M a définitivement quitté les lieux puis, par lettre recommandée du 28 décembre 2016, a informé M. D qu'elle entendait renoncer à acheter la maison, compte tenu des nombreuses malfaçons cachées lors de ses visites.
Le 29 décembre 2016, Me F H a rédigé un document d'annulation de signature en raison des « désordres importants ne permettant pas la vente ».
Le même jour, Mme M a fait établir un rapport d'expertise par la société B, laquelle a notamment conclu que « les anomalies constatées affectent l'habitabilité et la solidité de l'ouvrage » et que « les malfaçons et désordres constatés sont suffisamment graves pour nécessiter des travaux d'urgence afin de rendre le logement décent ».
Mme M a également fait dresser un procès-verbal de constat le 29 décembre 2016 par Me Perrier, huissier de justice.
Le 12 janvier 2017, M. et Mme D ont signifié à Mme M une convocation à comparaître le 17 janvier suivant en vue de la signature de l'acte de vente. A cette date, un procès-verbal de carence a été dressé.
Par lettre de son conseil du 13 janvier 2017, Mme M a sollicité la restitution de la partie de l'indemnité d'immobilisation qu'elle avait versée, outre le remboursement de frais, vainement.
Suivant actes d'huissier des 14 février et 1er mars 2017, Mme M a assigné M. et Mme D devant le tribunal de grande instance de Versailles.
Par acte d'huissier du 27 mars suivant, les époux D ont assigné Mme M et M. J
Les affaires ont été jointes par ordonnance du 11 décembre 2017.
Par jugement du 3 décembre 2019, le tribunal a :
- déclaré la promesse unilatérale de vente en date du 12 octobre 2016 conclue entre M. X D et Mme K L N D et Mme Z M nulle,
- dit que la somme de 25 300 euros devra être restituée à Mme M,
- débouté M. X D et Mme K L N D de leurs demandes au titre de l'indemnité d'immobilisation et de leur préjudice distinct,
- condamné M. D et Mme L N D à payer à Mme M la somme de 5 062,68 euros en réparation de son préjudice matériel et celle de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral,
- condamné M. D et Mme L N D aux dépens qui pourront être recouvrés directement par Me Landais, à due concurrence.
Suivant déclaration du 21 janvier 2020, M. D et Mme L ont interjeté appel.
Par ordonnance du 1er avril 2021, le conseiller de la mise en état a donné acte à M. D et Mme L de leur désistement partiel d'appel à l'encontre de M. I et constaté l'extinction de l'instance entre M. D, Mme L et M. J
M. D et Mme L divorcée D, ci-après les consorts D L, prient la cour par dernières conclusions du 29 septembre 2021, de :
- recevoir M. et Mme D en leur appel et les déclarer bien fondés, statuant à nouveau :
- prendre acte que M. et Mme D se désistent de leur appel à l'encontre de Me Rémy, notaire,
- juger que ce désistement est parfait,
- débouter Mme M de l'intégralité de ses demandes,
- condamner Mme M à payer à M. et Mme D l'indemnité d'immobilisation d'un montant de 56 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'assignation,
- condamner Mme M à payer à M. et Mme D la somme de 24 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- ordonner l'exécution provisoire du 'jugement à intervenir nonobstant appel' et sans constitution de garantie,
- condamner Mme M à payer à M. et Mme D la somme de 7 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières écritures du 16 décembre 2020, Mme M prie la cour, au visa des articles 1112-1 et 1240 du code civil, de :
- juger Mme M recevable et bien fondée en ses demandes,
- débouter M. D et Mme L de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, par conséquent :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, statuant à nouveau :
- condamner M. D et Mme L à verser la somme de 5 000 euros à Mme M sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens, avec recouvrement direct conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 octobre 2021.
A l'audience, la cour a invité les parties à présenter leurs observations sur le point de savoir si le manquement à l'obligation d'information prévue à l'article 1112-1 du code civil suffit à entraîner la nullité du contrat ou s'il faut, en plus, invoquer et prouver un vice du consentement et à faire parvenir une note sur cette question au plus tard le 25 novembre suivant.
Mme M et les consorts D L ont respectivement adressé une note les 24 et 25 novembre 2021.
Motifs
1 MOTIFS DE LA DECISION
Sur le désistement de l'appel à l'encontre de M. I
Il n'y a pas lieu de statuer sur le désistement puisque, par ordonnance du 1er avril 2021, le conseiller de la mise en état a d'ores et déjà donné acte à M. D et Mme L de leur désistement partiel d'appel à l'encontre de M. I et constaté l'extinction de l'instance entre M. D, Mme L et M. J
Sur la nullité de la promesse
Le tribunal a, au visa de l'article 1112-1 du code civil, considéré que les désordres étaient établis par le rapport d'expertise de la société B, corroboré par les indications du chauffagiste et du couvreur ainsi que par le procès-verbal d'huissier, et qu'ils devaient nécessairement être portés à la connaissance du bénéficiaire de la promesse puisqu'ils affectaient l'habitabilité du bien et l'exposaient à des frais substantiels. Il a considéré qu'en s'abstenant de les révéler à Mme M, les époux D avaient manqué à leur obligation d'information et que ce manquement devait être sanctionné par la nullité de la promesse.
Les consorts D L font valoir que la promesse contient une clause exonératoire de garantie pour les vices cachés, que Mme M a visité à plusieurs reprises le bien et que plusieurs désordres allégués ne constituent pas des vices cachés mais apparents. Ils arguent que la maison n'étant plus habitée depuis plusieurs mois, il convenait de remettre en marche les installations électriques et de gaz et d'effectuer quelques réglages et que bien que n'y étant pas tenus, ils ont accepté de prendre en charge les travaux de réparation. Ils soutiennent que le rapport B, établi de manière non contradictoire, ne leur est pas opposable et que Mme M ne prouve pas leur connaissance des prétendus désordres constatés par la société C G relèvent que cette dernière a été informée des travaux qu'ils ont fait réaliser en 2010 et a pu consulter l'ensemble des documents contractuels relatifs à ces travaux. Ils ajoutent que dans le litige les opposant aux sociétés Lafuste et François Foucher, un jugement est intervenu le 6 mars 2018 à la suite du rapport d'expertise judiciaire de M. Y qui n'a constaté aucun des désordres évoqués par le rapport B alors que sa mission portait sur l'ensemble des travaux. Ils invoquent qu’à supposer les désordres constatés par Mme M existants, elle disposait d'un recours contre les entreprises en application de l'article 1792 du code civil. Ils prétendent que la maison a été vendue le 15 octobre 2018 dans les mêmes conditions que celles consenties à Mme M, sans la réalisation de travaux par leurs soins, et que cette dernière a en réalité renoncé à la vente par crainte de ne pas vendre le bien dont elle était propriétaire.
Dans leur note en délibéré, ils observent que devant le tribunal et la cour, Mme M ne conclut pas à l'existence de vices du consentement et que la clôture de l'instruction ayant été prononcée et les débats clôturés, Mme M est irrecevable à compléter et modifier les demandes fixées dans ses dernières écritures d'appel et, notamment, à demander à la cour de déclarer nulle la promesse sur le fondement des articles 1137 et 1133 du code civil. Ils notent que l'article 1112-1 du même code distingue le simple manquement à l'obligation d'information précontractuelle qui peut entraîner réparation d'un préjudice et l'annulation du contrat imposant la démonstration préalable du caractère intentionnel dudit manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci. Ils soulignent avoir fait preuve de transparence à l'égard de Mme M et que si la maison était inhabitable, Mme M l'aurait constaté lors de ses visites alors qu'ils ne pouvaient légitimement connaître les prétendues anomalies décelées par le rapport B.
Mme M réplique en substance que la nullité n'est pas fondée sur la garantie des vices cachés et que la maison n'est pas étanche, que l'installation électrique, non conforme, est dangereuse et que le système de ventilation est inexistant, ce qui rend le bien inhabitable. Elle conteste que les anomalies en cause relèvent de simples réglages, énumérant l'ensemble des désordres constatés en seulement quelques jours. Elle fait valoir à l'instar du tribunal que le rapport B est corroboré par plusieurs autres éléments. Elle estime que les vendeurs ne peuvent se retrancher derrière le rapport de M. Y aux motifs qu'elle n'était pas partie à cette expertise faite deux ans avant et qui ne portait pas sur les points objets de la présente procédure, outre qu'elle n'est corroborée par aucun élément. Elle soutient que l'existence et l'ampleur des désordres ne pouvaient être ignorés par les vendeurs dont elle affirme qu'ils avaient notamment dissimulé les murs de la cave en y entreposant des meubles. Elle note qu'il appartient aux débiteurs de l'information de prouver l'avoir fournie, ce qu'ils ne sont pas en mesure de faire. Elle conclut à la confirmation du jugement ayant prononcé la nullité de la promesse pour violation de l'article L. 1112-1 du code civil.
2 Dans sa note en délibéré, Mme M fait valoir que l'ordonnance du 10 février 2016 consacre une obligation précontractuelle d'information autonome du droit commun et que le manquement à cette obligation, dès lors qu'elle est autonome, suffit, à lui seul, à entraîner la nullité du contrat et à engager la responsabilité de son auteur. En tout état de cause, elle argue que l'existence d'un dol par réticence ayant entraîné une erreur sur les qualités essentielles de la chose est établie dans la mesure où les promettants ne lui ont pas révélé les nombreux désordres affectant la maison, la rendant inhabitable, alors qu'ils savaient sa volonté d'acheter un bien habitable et que si elle avait eu connaissance des désordres, elle n'aurait pas acquis le bien ou l'aurait acheté à un prix substantiellement différent, le coût de la remise en état de la toiture ayant été évalué à plus de 57 000 euros. En toute hypothèse, à défaut de vice du consentement, elle s'estime fondée à obtenir la confirmation du jugement au titre de la responsabilité délictuelle en ce que le manquement à l'obligation d'information précontractuelle constitue une faute qui est l'unique cause du versement de la somme de 25 300 euros et de ses préjudices financier et moral.
***
Aux termes de l'article 1112-1 du code civil créé par l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, :
Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.
3 Les articles 1130 et suivants précités sont relatifs aux vices du consentement et incluent notamment les articles 1132 à 1136 portant sur l'erreur ainsi que l'article 1137 portant sur le dol.
Il résulte de l'article 1112-1, alinéa 3, susvisé que la nullité est susceptible d'être prononcée lorsque le manquement à l'obligation précontractuelle d'information est à l'origine d'un vice du consentement, en particulier s'il a provoqué une erreur conformément aux articles 1132 à 1136 du code civil ou s'il est constitutif d'une réticence dolosive au sens de l'article 1137, mais que le seul défaut d'information ne peut entraîner la nullité du contrat, contrairement à ce que soutient Mme M dans sa note en délibéré.
Dès lors, le tribunal ne pouvait prononcer la nullité de la promesse de vente au seul constat d'un manquement à l'obligation d'information, celui-ci n'étant pas sanctionné à lui seul par l'annulation du contrat. En outre, dans ses dernières conclusions d'appel, au soutien de la nullité de la promesse, Mme M argue de la violation de l'article 1112-1 du code civil et du non-respect de l'obligation d'information pré contractuelle, sans invoquer expressément une erreur ou un dol, ni se prévaloir des articles précités relatifs à ces vices du consentement, ses conclusions visant exclusivement les articles 1112-1 et 1240 du code civil. Elle ne saurait par sa note en délibéré se fonder désormais sur l'existence d'un dol ainsi que sur les articles 1130, 1133 et 1137 du code civil, l'ordonnance de clôture ayant été rendue sans être révoquée et la note réclamée n'ayant eu pour but que de permettre aux parties de s'expliquer sur une question de droit soulevée par la cour sans les autoriser à élever un moyen nouveau.
En tout état de cause, l'existence d'un dol n'est pas caractérisée.
La facture du 19 décembre 2016 de la société Chauffage Charles fait état dans la chaufferie d'un extracteur « non-conformité gaz ». A supposer que ce défaut soit réel, il n'est pas démontré que les promettants en auraient eu connaissance puisque le diagnostic de l'installation de gaz visé dans la promesse de vente et produit par Mme M ne fait état d'aucune anomalie. Le manquement à l'obligation pré contractuelle d'information n'est pas caractérisé de ce chef.
4 Cette même facture mentionne que l'électricité de la chaufferie n'est absolument pas aux normes. Le rapport B indique que l'installation électrique comporte des anomalies qui la rendent dangereuse. Le constat d'huissier du 29 décembre 2016 relève un dysfonctionnement de l'installation électrique.
Il est de principe que hormis les cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence de celles-ci.
5 Or, le rapport B n'est pas un rapport d'expertise judiciaire et a été établi à la demande de Mme M, sans même que les consorts D L aient été appelés à y participer. Ses conclusions sont sommaires et résultent de constatations rapides, sans analyse technique étayée. A supposer même que la facture de la société Chauffage Charles et le constat d'huissier corroborent pour ce qui concerne les problèmes électriques les conclusions du rapport d'expertise, force est de constater que le diagnostic de l'installation électrique visé dans la promesse de vente et produit par Mme M mentionne des anomalies de celle-ci (prise de terre et installation de mise à terre et matériels électriques présentant des risques de contacts directs). Ainsi, les consorts D L ont, par ce diagnostic, informé Mme M de désordres affectant l'installation électrique avant de conclure la promesse. Si tant est que la facture de la société Chauffage Charles, le rapport B et le constat d'huissier établissent d'autres anomalies, rien ne prouve que les consorts D L, dont il n'est pas allégué qu'ils soient des professionnels de l'électricité, de la construction ou de l'immobilier, en auraient eu connaissance avant la promesse. Le manquement à l'obligation pré contractuelle d'information n'est donc pas davantage caractérisé de ce chef.
Le rapport B relève que les anomalies constatées affectent l'habitabilité et la solidité de l'ouvrage, que certaines anomalies sont relatives aux travaux réalisés depuis 2010 et que les malfaçons et désordres constatés sont suffisamment graves pour nécessiter des travaux d'urgence afin de rendre le logement décent. Il note qu'à la lecture des devis des travaux réalisés après 2010, les modifications apportées au plancher des combles et au garage pour le transformer en cuisine ont été entrepris sans la réalisation d'un diagnostic de la structure existante, que manifestement, les murs ne comportent pas assez de chaînage, qu'un drain et une étanchéité périmétrique sont à poser et que des renforts par restructuration de la maçonnerie sont nécessaires. Il relève encore que la structure de la charpente et le pose de la couverture sont incohérentes et que les tuiles nécessitent une reprise globale. Il fait état de la défaillance du système de ventilation.
Comme indiqué supra, les conclusions de la société B, société d'architecture qui s'est bornée à une seule visite et dont la compétence technique n'est pas documentée, sont sommaires et résultent de constatations rapides, sans analyse technique étayée.
6 S'agissant des manquements concernant les travaux effectués en 2010, la promesse de vente fait état de ces travaux (aménagement des combles et extension) et précise qu'un litige existe entre le promettant et les sociétés Lafuste et Foucher, ajoutant que le promettant s'engage à conserver le litige à sa charge. Les appelants font en outre justement remarquer que l'expertise judiciaire ordonnée à l'occasion de ce litige, qui portait sur l'ensemble des malfaçons et non façons et dont le rapport est antérieur de moins d'un an à la promesse litigieuse, n'a révélé pour l'essentiel que des problèmes concernant la dimension de la surface habitable et celle de certaines pièces. Même si ce rapport n'a pas été établi au contradictoire de Mme M, il ne peut que jeter un doute sur la crédibilité du rapport B, non contradictoire à l'égard des consorts D L. Les problèmes de structure évoqués dans ce rapport B ne sont en réalité pas corroborés par les documents de l'entreprise Feron qui ne portent que sur la toiture, ni par le constat d'huissier purement descriptif. En tout état de cause, il n'est pas démontré que les consorts D L, profanes, aient eu connaissance de problèmes de structure avant la promesse de sorte qu'un manquement à l'obligation pré contractuelle d'information n'est pas non plus caractérisé à cet égard.
Le rapport B concernant le système de ventilation n'est pas corroboré par d'autre pièce, le constat d'huissier ne faisant que noter la présence ou pas de ventilation mais sans se prononcer sur son efficacité ou son caractère suffisant ou non. Rien ne démontre en outre que les consorts D L aient eu connaissance de défauts ou de manques de ce système, le rapport d'expertise judiciaire précité n'en faisant pas état et les promettants étant des profanes.
S'il peut être considéré enfin s'agissant du manque d'étanchéité de la toiture que le rapport B, en dépit de son caractère très sommaire, est corroboré par l'intervention de la société Feron pour une fuite et ses constatations sur l'état des tuiles, il n'est pas établi avec la certitude requise que les consorts D L aient eu connaissance de telles difficultés avant la promesse. Il n'est pas justifié qu'ils aient eux-mêmes subi des fuites de la toiture antérieurement à la promesse, ni qu'ils aient été avisés du mauvais état de celle-ci et des risques en termes d'étanchéité par un professionnel, alors qu'ils sont profanes.
En conséquence, aucun défaut d'information ne saurait leur être reproché, étant de plus souligné que selon un courriel de l'agence immobilière, Mme M a visité trois fois le bien avant de conclure et n'a pu légitimement ignorer un certain nombre de désordres (peintures cloquées, fissures notamment extérieures...) visibles même pour un profane, la dissimulation derrière des meubles n'étant en particulier pas prouvée.
Il sera enfin observé que la dissimulation d'informations qui serait imputable aux consorts D L et son caractère intentionnel sont contredits par le fait qu'ils aient autorisé Mme M à habiter dans les lieux avant la signature de l'acte authentique de vente, qui plus est sans contrepartie financière, car c'était lui fournir le moyen le plus sûr de découvrir les désordres qu'ils avaient prétendument voulu cacher.
7 Partant, le jugement sera infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de la promesse unilatérale de vente, Mme M étant déboutée de sa demande.
8 Sur les demandes de Mme M de restitution de la somme de 25 300 euros et de réparation de ses préjudices matériel et moral
En l'absence de nullité de la promesse et de manquement des consorts D L à leur obligation d'information, Mme M doit être déboutée de ses demandes, le jugement étant infirmé en ce qu'il les a accueillies.
9 Sur les demandes des consorts D L en paiement de l'indemnité d'immobilisation et en dommages et intérêts
La promesse prévoyait une indemnité d'immobilisation de 56 000 euros. Il était stipulé que la somme de 25 300 euros réglée immédiatement, représentant partie de cette indemnité, serait versée au promettant à titre d'indemnité forfaitaire et non réductible, faute par le bénéficiaire d'avoir réalisé l'acquisition dans les délais et conditions prévus, toutes les conditions suspensives ayant été réalisées, et que le bénéficiaire s'obligeait à verser au promettant le surplus, soit 30 700 euros, pour le cas où, toutes les conditions suspensives ayant été réalisées, il ne signerait pas l'acte de vente de son seul fait.
Les appelants produisent l'offre de prêt obtenue par Mme M et le tableau d'amortissement. Ils versent aussi aux débats l'attestation de non-contestation de conformité d'un permis de construire et une attestation de raccordement au réseau public d'assainissement, autres conditions suspensives prévues dans la promesse.
Au demeurant, Mme M ne se prévaut pas de la non-réalisation des conditions suspensives. Le défaut de signature de l'acte de vente résulte du fait de cette dernière.
En conséquence, elle sera condamnée à payer aux consorts D L la somme de 56 000 euros à titre d'indemnité d'immobilisation, avec intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2017, date de l'assignation, le jugement étant infirmé en ce sens.
Les appelants invoquent qu'ayant autorisé Mme M à prendre possession des lieux, il ont été contraints de louer chacun un appartement, soit un préjudice évalué à trois mois de loyers correspondant à 24 000 euros. Toutefois, ils ne produisent pas de contrat de location, ni de justificatif de paiement de loyers. Le préjudice n'étant pas établi, ils seront déboutés de leur demande, le jugement étant de ce chef confirmé.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Mme M, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première d'instance et d'appel et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. En équité, il n'y a pas lieu de la condamner sur ce fondement.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, dans les limites de l'instance d'appel se poursuivant entre M. D et Mme L, d'une part, et Mme M, d'autre part, :
Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. D et Mme L de leur demande de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant :
Condamne Mme M à payer à M. D et Mme L la somme de 56 000 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation, avec intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2017 ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne Mme M aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie José BOU, Président et par Madame AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.