DĂ©cisions

Cass. crim., 24 octobre 1990, n° 89-84.485

COUR DE CASSATION

ArrĂȘt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

PrĂ©sident :

M. Angevin

Rapporteur :

M. Guth

Avocat gĂ©nĂ©ral :

M. Libouban

Avocats :

SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, Me Henry

LA COUR,

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 379 du Code pénal, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions et manque de base légale :

 en ce que l'arrĂȘt attaquĂ© a dĂ©clarĂ© le demandeur coupable de vol simple, constituĂ© par l'apprĂ©hension de piĂšces relatives Ă  des clients de son employeur et autres documents produits dans une instance prud'homale ;

 aux motifs que le demandeur ne rapporte pas la preuve qu'il ait obtenu de son employeur l'autorisation de rĂ©aliser des photocopies Ă  des fins personnelles, utilisĂ©es Ă  l'appui d'un recours en contestation des motifs du licenciement qui lui avait Ă©tĂ© notifiĂ© ; qu'en dĂ©tenant ainsi, le temps nĂ©cessaire Ă  la rĂ©alisation des photocopies, des documents appartenant Ă  son employeur, il avait usurpĂ© les prĂ©rogatives de ce dernier de leur reproduction et commis, dans ces conditions, le vol qui lui est reprochĂ© en 1986 ;

 alors que, d'une part, dans ses conclusions le demandeur contestait tant avoir rĂ©alisĂ© des photocopies Ă  des fins personnelles que le droit de propriĂ©tĂ© de son employeur sur les documents litigieux ; qu'il faisait valoir qu'il s'agissait soit de documents dont il avait la possession en exĂ©cution de son contrat de travail, qu'il avait souvent lui-mĂȘme dressĂ©s, soit de documents dont la photocopie lui avait Ă©tĂ© remise par des tiers qui en Ă©taient propriĂ©taires ou en avaient la possession, soit d'ordres de service qui lui avaient Ă©tĂ© donnĂ©s, assimilables Ă  des courriers dont il Ă©tait le destinataire ; que la sociĂ©tĂ©, elle-mĂȘme, avait reconnu au cours de l'instruction que son droit de propriĂ©tĂ© Ă  cet Ă©gard Ă©tait largement contestable ; que faute d'avoir rĂ©pondu Ă  ce chef pĂ©remptoire des conclusions du demandeur, la Cour n'a pas lĂ©galement justifiĂ© sa dĂ©cision ;

 alors, Ă  tout le moins, qu'il appartenait aux juges du fond d'identifier les documents litigieux et de les qualifier ; que faute de l'avoir fait, ils n'ont pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrĂŽle ;

 alors que, d'autre part, la Cour n'a pas caractĂ©risĂ© la conscience de soustraire la chose d'autrui du demandeur (celui-ci contestant le droit de propriĂ©tĂ© de son employeur Ă  cet Ă©gard) ni son intention frauduleuse ; qu'elle n'a donc pas satisfait aux exigences de l'article 379 du Code pĂ©nal ;

 alors, en tout cas, qu'il rĂ©sulte des constatations de l'arrĂȘt attaquĂ© que les documents litigieux avaient Ă©tĂ© utilisĂ©s par le demandeur Ă  l'appui d'un recours en contestation des motifs du licenciement qui lui avait Ă©tĂ© notifiĂ© ; que l'obligation lĂ©gale de fournir au juge tous Ă©lĂ©ments nĂ©cessaires pour former sa conviction est exclusive d'une volontĂ© d'appropriation frauduleuse ; qu'en retenant cependant un vol Ă  la charge du demandeur, la Cour n'a pas tirĂ© de ses constatations les consĂ©quences lĂ©gales qui en rĂ©sultent nĂ©cessairement  ;

Attendu que pour le condamner du chef de vol, l'arrĂȘt attaquĂ© Ă©nonce que Denis X a reconnu devant le magistrat instructeur et ne conteste pas avoir produit Ă  l'audience devant le conseil des prud'hommes diverses piĂšces relatives aux clients de son entreprise ; que les juges ajoutent que Denis X ne rapporte pas la preuve qu'il ait obtenu de son employeur l'autorisation de rĂ©aliser des photocopies, Ă  des fins personnelles, utilisĂ©es Ă  l'appui d'un recours en contestation des motifs du licenciement, qui lui avait Ă©tĂ© notifiĂ© ; qu'ils en dĂ©duisent que le prĂ©venu, en dĂ©tenant ainsi le temps nĂ©cessaire Ă  la rĂ©alisation des photocopies des documents appartenant Ă  son employeur  a usurpĂ© la prĂ©rogative de ce dernier de leur reproduction, et a commis dans ces conditions le vol qui lui est reprochĂ©  ;

Attendu qu'en l'Ă©tat de ces motifs, la cour d'appel a justifiĂ© sa dĂ©cision ; que, d'une part, elle a caractĂ©risĂ©, dans tous ses Ă©lĂ©ments constitutifs tant matĂ©riels qu'intentionnel, le dĂ©lit de vol retenu Ă  la charge de X ; que, d'autre part, elle a rĂ©pondu comme elle le devait aux chefs pĂ©remptoires des conclusions prĂ©sentĂ©es devant elle, et n'Ă©tait nullement tenue, pour statuer sur le dĂ©lit de vol dont elle Ă©tait saisie, de dĂ©terminer si les photocopies avaient Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es en vue d'ĂȘtre produites dans une instance prud'homale ultĂ©rieure ;

Qu'il s'ensuit que le moyen doit ĂȘtre Ă©cartĂ© ;

Et attendu que l'arrĂȘt est rĂ©gulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.