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Décisions

Cass. crim., 24 octobre 1990, n° 89-84.485

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Angevin

Rapporteur :

M. Guth

Avocat général :

M. Libouban

Avocats :

SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, Me Henry

Nîmes, ch. corr., du 11 mai 1989

11 mai 1989

LA COUR,

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 379 du Code pénal, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions et manque de base légale :

 en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable de vol simple, constitué par l'appréhension de pièces relatives à des clients de son employeur et autres documents produits dans une instance prud'homale ;

 aux motifs que le demandeur ne rapporte pas la preuve qu'il ait obtenu de son employeur l'autorisation de réaliser des photocopies à des fins personnelles, utilisées à l'appui d'un recours en contestation des motifs du licenciement qui lui avait été notifié ; qu'en détenant ainsi, le temps nécessaire à la réalisation des photocopies, des documents appartenant à son employeur, il avait usurpé les prérogatives de ce dernier de leur reproduction et commis, dans ces conditions, le vol qui lui est reproché en 1986 ;

 alors que, d'une part, dans ses conclusions le demandeur contestait tant avoir réalisé des photocopies à des fins personnelles que le droit de propriété de son employeur sur les documents litigieux ; qu'il faisait valoir qu'il s'agissait soit de documents dont il avait la possession en exécution de son contrat de travail, qu'il avait souvent lui-même dressés, soit de documents dont la photocopie lui avait été remise par des tiers qui en étaient propriétaires ou en avaient la possession, soit d'ordres de service qui lui avaient été donnés, assimilables à des courriers dont il était le destinataire ; que la société, elle-même, avait reconnu au cours de l'instruction que son droit de propriété à cet égard était largement contestable ; que faute d'avoir répondu à ce chef péremptoire des conclusions du demandeur, la Cour n'a pas légalement justifié sa décision ;

 alors, à tout le moins, qu'il appartenait aux juges du fond d'identifier les documents litigieux et de les qualifier ; que faute de l'avoir fait, ils n'ont pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle ;

 alors que, d'autre part, la Cour n'a pas caractérisé la conscience de soustraire la chose d'autrui du demandeur (celui-ci contestant le droit de propriété de son employeur à cet égard) ni son intention frauduleuse ; qu'elle n'a donc pas satisfait aux exigences de l'article 379 du Code pénal ;

 alors, en tout cas, qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les documents litigieux avaient été utilisés par le demandeur à l'appui d'un recours en contestation des motifs du licenciement qui lui avait été notifié ; que l'obligation légale de fournir au juge tous éléments nécessaires pour former sa conviction est exclusive d'une volonté d'appropriation frauduleuse ; qu'en retenant cependant un vol à la charge du demandeur, la Cour n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en résultent nécessairement  ;

Attendu que pour le condamner du chef de vol, l'arrêt attaqué énonce que Denis X a reconnu devant le magistrat instructeur et ne conteste pas avoir produit à l'audience devant le conseil des prud'hommes diverses pièces relatives aux clients de son entreprise ; que les juges ajoutent que Denis X ne rapporte pas la preuve qu'il ait obtenu de son employeur l'autorisation de réaliser des photocopies, à des fins personnelles, utilisées à l'appui d'un recours en contestation des motifs du licenciement, qui lui avait été notifié ; qu'ils en déduisent que le prévenu, en détenant ainsi le temps nécessaire à la réalisation des photocopies des documents appartenant à son employeur  a usurpé la prérogative de ce dernier de leur reproduction, et a commis dans ces conditions le vol qui lui est reproché  ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision ; que, d'une part, elle a caractérisé, dans tous ses éléments constitutifs tant matériels qu'intentionnel, le délit de vol retenu à la charge de X ; que, d'autre part, elle a répondu comme elle le devait aux chefs péremptoires des conclusions présentées devant elle, et n'était nullement tenue, pour statuer sur le délit de vol dont elle était saisie, de déterminer si les photocopies avaient été réalisées en vue d'être produites dans une instance prud'homale ultérieure ;

Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.