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Décisions

CA Rennes, 1re ch. B, 4 décembre 2008, n° 07/03456

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Vadobag BV (Sté)

Défendeur :

Emi Accessoires Mode (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Simonnot

Conseillers :

Mme Nivelle, M. Gimonet

Avoués :

SCP Bazille Jean-Jacques, SCP Guillou & Renaudin

Avocats :

Me Héry, Selarl Lemasson & Associés

T. com. Saint-Brieuc, du 12 mars 2007

12 mars 2007

 EXPOSE DES FAITS – PROCÉDURE - OBJET DU RECOURS

Le 15 avril 2005 la SARL EMI ACCESSOIRES MODE passait commande auprès de la Société VADOBAG B.V., société de droit néerlandais, de cinq mille sacs en bandoulière P. Pets au prix de 5,85 € pièce et de cinq mille sacs P. Girl au prix de 4,56 € pièce ;

Le 6 mai 2005 la SARL EMI ACCESSOIRES MODE annulait sa commande ;

Par acte en date du 12 janvier 2006, la Société VADOBAG B.V. a saisi le Tribunal de Commerce de Saint-Brieuc d'une demande de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de vente ;

Par jugement en date du 12 mars 2007 le Tribunal de Commerce de Saint-Brieuc a débouté VADOBAG de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à la SARL EMI ACCESSOIRES MODE la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Suivant déclaration en date du 4 juin 2007 la Société VADOBAG B.V. a interjeté appel de cette décision ;

Elle demande à la Cour, aux termes de ses conclusions en date du 16 janvier 2008 de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'application de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 ;

De l'infirmer pour le surplus et de dire que la SARL EMI ACCESSOIRES MODE a rompu fautivement le contrat de vente ;

De la condamner en conséquence au paiement, à titre de dommages et intérêts, de la somme de 39 028,72 euros correspondant au prix de vente des marchandises commandées par EMI ACCESSOIRES MODE avec intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure, capitalisables par anatocisme, sous déduction, à compter du 24 octobre 2006, des sommes perçues par la Société VADOBAG B.V. au titre de l'écoulement de ses articles (20 860,80 euros) ;

De condamner la S.A.R.L. EMI ACCESSOIRES MODE à lui payer la somme de 6 000 euros au titre des frais d'entreposage et de préparation de la commande injustement refusée par elle ;

De la condamner enfin au paiement de la somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Dans ses conclusions en date du 20 février 2008, la S.A.R.L. EMI ACCESSOIRES MODE conclut au contraire à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement dont appel et demande la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties la Cour se réfère à la décision attaquée et aux écritures des parties régulièrement signifiées ;

Motifs

MOTIFS DE LA COUR

#1 Considérant que la Société VADOBAG B.V., société de droit néerlandais a démarché, par l'intermédiaire de son agent commercial, Monsieur R., la S.A.R.L. EMI ACCESSOIRES MODE afin de commercialiser ses produits auprès de distributeurs, notamment les grandes surfaces ;

Que c'est dans ces conditions que le 15 avril 2005, la S.A.R.L. EMI ACCESSOIRES MODE adressait à la Société VADOBAG B.V. un courriel aux termes duquel elle passait commande de deux fois 5000 pièces de pochettes P. ;

Considérant que par un courriel en date du 6 mai 2005 la S.A.R.L. EMI ACCESSOIRES MODE annulait sa commande au motif que son propre client, la société AUCHAN, ne donnait pas suite à son projet ;

#2 Considérant qu'au soutien de son recours, la Société VADOBAG B.V., qui demande que soit appliquée au contrat la Convention de Vienne du 11 avril 1980, soutient que son offre était parfaitement conforme aux termes de cette convention ; que la commande avait été passée régulièrement par la S.A.R.L. EMI ACCESSOIRES MODE et que le refus d'en prendre livraison constitue une faute qui lui a causé préjudice dans la mesure où, au vue de la commande de EMI ACCESSOIRES, elle avait immédiatement lancé la fabrication en Chine de ses produits ;

Qu'elle est fondée à demander réparation du préjudice subi par elle du fait du comportement de la S.A.R.L. EMI ACCESSOIRES MODE ;

#3 Considérant que la S.A.R.L. EMI ACCESSOIRES MODE, sans remettre en cause l'application au cas d'espèce de la Convention de Vienne, soutient au contraire que l'offre préalable faite par la Société VADOBAG B.V. ne constituait pas une offre précise au sens de l'article 14 de cette Convention ;

Que le courriel du 15 avril 2005 constituait en fait non pas une commande mais une proposition de contracter à laquelle la Société VADOBAG B.V. n'a pas donné suite ;

Mais considérant que quelles que soient les conditions et les formes dans lesquelles l'offre de fourniture de pochettes P. a été présentée par la Société VADOBAG B.V. à la S.A.R.L. EMI ACCESSOIRES MODE, il est évident que le courriel du 15 avril 2005, adressé par la S.A.R.L. EMI ACCESSOIRES MODE à la Société VADOBAG B.V. constituait une commande et démontrait que les parties, y compris la S.A.R.L. EMI ACCESSOIRES MODE, étaient d'accord sur la chose objet de la vente et le prix, étant observé que l'article 18 de la Convention de Vienne précise que : une déclaration ou autre comportement du destinataire indiquant qu'il acquiesce à une offre constitue une acceptation' ;

#4 Considérant en effet que dans son courriel la S.A.R.L. EMI ACCESSOIRES MODE indiquait le nombre de pièces commandées, leur référence au catalogue de VADOBAG et leur prix, ce qui démontre que EMI avait reçu des informations suffisamment précises sur la marchandise au moment où l'offre d'achat lui avait été faite par VADOBAG ;

#5 Considérant qu'il résulte d'autre part d'une attestation de Monsieur R., agent commercial qui avait mis en relation VADOBAG et EMI, que les tarifs et les fiches des produits avaient bien été remis au représentant de cette société, Monsieur E., afin qu'il puisse se faire une opinion ; que ce dernier avait alors indiqué que VADOBAG devait mettre rapidement les produits en fabrication pour respecter le délai de livraison de la commande pour le mois de septembre ;

Considérant ainsi que la S.A.R.L. EMI ACCESSOIRES MODE ne peut sérieusement contester avoir passé commande auprès de VADOBAG, la livraison devant intervenir la première semaine d'août 2005 ;

#6 Considérant que le 6 mai 2005 la S.A.R.L. EMI ACCESSOIRES MODE annulait cette commande auprès de VADOBAG, les termes même du message électronique ne laissant aucune ambiguïté sur la nature des relations commerciales entre les parties, Monsieur E., pour la S.A.R.L. EMI ACCESSOIRES MODE, demandant à la Société VADOBAG B.V. de stopper la production des produits ;

#7 Considérant qu'aux termes de l'article 53 de la Convention de Vienne, l’acheteur s oblige dans les conditions prévues au contrat à payer le prix et à prendre livraison des marchandises' ;

Que l'article 60 de cette Convention précise que l’obligation de l’acheteur de prendre livraison consiste à accomplir tout acte qu'on peut raisonnablement attendre de lui pour permettre au vendeur d'effectuer la livraison et à retirer la marchandise' ;

Considérant qu'il n'est pas contesté en l'espèce que la S.A.R.L. EMI ACCESSOIRES MODE n'a jamais pris livraison des sacs et pochettes commandés à VADOBAG et n'en a jamais payé le prix ;

Que le contrat de vente a dès lors été résolu sans qu'il soit utile de rechercher en l'espèce la cause réelle de cette résolution, étant observé qu'il ressort des débats et des écritures des parties que la S.A.R.L. EMI ACCESSOIRES MODE n'a en fait pas réussi à écouler la quantité de marchandise prévue chez ses propres clients sans que le comportement déloyal reproché à la Société VADOBAG B.V. ne soit démontré ;

#8 Considérant que la Société VADOBAG B.V. est donc en droit d'obtenir réparation de la S.A.R.L. EMI ACCESSOIRES MODE à hauteur de la perte subie et du gain manqué du fait du comportement de cette dernière ;

Considérant que les produits vendus à la S.A.R.L. EMI ACCESSOIRES MODE étaient facturés 39 028,72 euros ;

Qu'il convient de déduire de cette somme le montant de la revente de ces mêmes produits un an plus tard, à un prix inférieur, s'agissant d'objets démodés, soit pour la somme de 20 860,80 euros ;

Que la S.A.R.L. EMI ACCESSOIRES MODE sera en conséquence condamnée à payer à la Société VADOBAG B.V. la somme de :

39 028,72 € - 20 860,80 € = 18 167,92 € ;

#9 Considérant que la Société VADOBAG B.V. n'apporte aucun justificatif au soutien de sa demande relative au frais d'entreposage et de préparation de la commande ;

Qu'elle sera déboutée de sa demande de ce chef ;

#10 Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelante les frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel et qu'il y a lieu en conséquence de condamner la S.A.R.L. EMI ACCESSOIRES MODE à payer à la Société VADOBAG B.V. la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Que succombant en appel la S.A.R.L. EMI ACCESSOIRES MODE supportera les dépens de première instance et d'appel.