CA Bordeaux, 2eme ch. civ., 25 février 2016, n° 14/06947
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
THE WINE MERCHANT (SAS)
Défendeur :
Société TIANJIN DYNASTY INTERNATIONAL WINE CO
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Monsieur Robert CHELLE
Conseiller :
Madame Chantal WAGENAAR
Avocats :
Maître Anne Laure BLEUZEN, Maître Vincent DORLANNE de la SCP CABINET LEXIA
La société The Wine Merchant, immatriculée à Bordeaux, a pour activité le négoce de vins. La société Tianjin Dynasty International Wine Co, basée à Tianjin, en Chine, lui a passé trois commandes en quelques semaines au cours de l'année 2011, qui sont l'objet du litige.
La première commande, en date du 19 août 2011, a porté sur un certain nombre de bouteilles de différents vins pour un montant total de plus de 270.000 euros. Ces vins ont été enlevés et payés par Tianjin Dynasty, à l'exception de 1.500 bouteilles de Château Cantemerle 2009, vendues au prix de 36.000 euros, qui n'étaient pas encore disponibles. Lorsqu'elles le sont devenues, Tianjin Dynasty ne les a ni payées ni enlevées.
La deuxième commande, du 29 août 2011, a porté notamment sur 18.000 bouteilles de Château Gruaud Larose 1994 au prix total de 702.000 euros, qui n'ont été ni enlevées ni payées par l'acquéreur, alors que les autres vins commandés le même jour l'ont été.
La troisième commande, le 29 septembre 2011, a porté sur 120 ensembles de différentes bouteilles des millésimes 2007 et 2008 pour un montant de 732.000 euros et n'a pas été suivie d'effet.
La société Wine Merchant a mis en demeure sa cocontractante le 5 octobre 2012 d'honorer ces trois commandes puis a saisi le tribunal de commerce de Bordeaux.
Par jugement du 9 octobre 2014, le tribunal de commerce a :
- rejeté la pièce n°6 pour défaut de traduction en français,
- condamné la société Tianjin Dynasty à payer 20.000 euros à titre de dommages et intérêts à la société Wine Merchant, ce au titre de la perte de valeur des 120 lots de vins des millésimes 2007 et 2008,
- débouté la société Wine Merchant de sa demande indemnitaire au titre de la commande des 1.500 bouteilles de Château Cantemerle 2009,
- condamné la société Tianjin Dynasty à payer 15.000 euros à titre de dommages et intérêts à la société Wine Merchant, ce au titre de l'annulation de la commande 1.500 caisses de Château Gruaud Larose 1994,
- débouté la société Wine Merchant de sa demande d'application d'intérêts de retard,
- condamné la société Tianjin Dynasty à la société Wine Merchant une indemnité de procédure de 3.000 euros,
- ordonné l'exécution provisoire à charge pour Wine Merchant de fournir valable caution à hauteur de la somme de 35.000 euros,
- condamné la société Tianjin Dynasty à payer les dépens.
La société Wine Merchant a formé appel le 27 novembre 2014.
Par dernières conclusions communiquées le 4 novembre 2015, l'appelante demande à la cour de :
'Déclarant la SAS THE WINE MERCHANT recevable et bien fondée en son appel et réformant dès lors la décision entreprise en ce qu'elle a limité le montant des condamnations de l'intimée,
Vu la Convention de Vienne du 11 avril 1980,
Vu les articles 1134, 1147, 1149, 1152 et 1184 du code civil,
Vu l'article L. 441-6 du code de commerce,
Vu les conditions générales de vente de la SAS THE WINE MERCHANT,
- constatant d'une part que la SAS THE WINE MERCHANT produit à l'appui de ses demandes des éléments de preuve recevables, et d'autre part que seule la société TIANJIN DYNASTY INTERNATIONAL WINE CO.,LTD a manqué à ses obligations contractuelles, CONSTATER la résolution des trois ventes intervenues les 19 août, 29 août et 29 septembre 2011 aux torts exclusifs de celle ci ;
- DÉBOUTER dès lors la société TIANJIN DYNASTY INTERNATIONAL WINE CO.,LTD de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
En conséquence,
A titre principal :
- cons ta t an t que l ' i nexécu t ion f au t ive pa r l a soc ié t é TIANJIN DYNASTY INTERNATIONAL WINE CO.,LTD de ses obligations contractuelles a causé un préjudice à la SAS THE WINE MERCHANT, la CONDAMNER à lui payer la somme de 494.283,95 € à titre de dommages et intérêts, augmentée, à compter de la mise en demeure du 5 octobre 2012, des intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points, soit 10,75%, jusqu'au 8 mai 2013 et 10,50 % depuis lors ;
Subsidiairement :
- cons ta t an t que l ' i nexécu t ion f au t ive pa r l a soc ié t é TIANJIN DYNASTY INTERNATIONAL WINE CO.,LTD de ses obligations contractuelles a causé un tel préjudice à la SAS THE WINE MERCHANT que la clause pénale convenue dans ses conditions générales de vente est manifestement dérisoire, réviser le montant de cette dernière et CONDAMNER l'intimée à payer à la concluante la somme de 494.283,95€, augmentée, à compter de la mise en demeure du 5 octobre 2012, des intérêts au taux appliqué
par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points, soit 10,75%, jusqu'au 8 mai 2013 et 10,50 % depuis lors ;
A titre infiniment subsidiaire :
- constatant d'une part l 'inexécution fautive par la société TIANJIN DYNASTY INTERNATIONAL WINE CO.,LTD de ses obligations contractuelles, et d'autre part l'applicabilité de la clause pénale convenue dans les conditions générales de vente de la SAS THE WINE MERCHANT, CONDAMNER l'intimée à payer à la concluante la somme de 220.500,00€, augmentée, à compter de la mise en demeure du 5 octobre 2012, des intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points, soit 10,75%, jusqu'au 8 mai 2013 et 10,50 % depuis lors ;
En tout état de cause :
- constatant qu'il serait particulièrement inéquitable de laisser à la charge de la SAS THE WINE MERCHANT l'ensemble des frais qu'elle a dû engager pour faire valoir ses droits, CONDAMNER la société TIANJIN DYNASTY INTERNATIONAL WINE CO.,LTD à lui payer une indemnité de 15.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens'.
La société Wine Merchant soutient que :
- les pièces produites sont parfaitement recevables puisqu'elles sont dûment traduites, y compris la pièce n°6 qui a été rejetée par le tribunal de commerce, étant souligné qu'aucun texte n'exige que la traduction de documents rédigés en langue étrangère soit réalisée par un traducteur assermenté,
- les 1.500 bouteilles de Château Cantemerle n'ont certes pu être livrées à la date prévue par le bordereau de commande mais les délais de production d'un millésime sont un aléa connu des professionnels du négoce de vin tels que l'intimée et ce contretemps ne peut être opposé à Wine Merchant qui a informé Tianjin Dynasty en toute bonne foi, de sorte que, en exécution des articles 47 et 48 de la Convention de Vienne, applicable aux relations contractuelles objet du litige, les parties se sont accordées un nouveau délai,
- un contrat s'est bien noué quant à la vente des 1.500 caisses de Château Gruaud Larose 1994 et la forme de ce contrat est sans importance puisque le consensualisme résultant d'un échange de courriels est banal dans le domaine du négoce de vin, consensualisme qui entre dans le champ de l'article 11 de la Convention de Vienne ; l'intimée a d'ailleurs parfaitement enlevé et réglé d'autres vins commandés dans le document qu'elle discute aujourd'hui,
- la commande de Wine Merchant elle même auprès du producteur de Gruaud Larose ne pouvait évidemment être annulée, une telle commande engageant la parole et le professionnalisme du négociant, y compris juridiquement puisqu'il s'agit d'un usage commercial reconnu comme règle de droit,
- le préjudice de Wine Merchant est constitué par la chute des cours des vins litigieux et la différence de prix qui pourrait donc être attendue pour les vins litigieux aujourd'hui, la perte de marge nette (différence entre prix de vente et prix de revient) ainsi que par le coût du stockage pendant trois ans des bouteilles qui n'ont pas été enlevées, la perte financière (exactement le manque à gagner) sur le financement des vins et l'encaissement de la marge,
- les conditions générales de vente de Wine Merchant étaient parfaitement connues de Tianjin Dynasty puisque les deux sociétés étaient déjà en relations d'affaires ; ces conditions
lui sont opposables puisqu'elles figurent au verso des documents commerciaux de Wine Merchant ; aussi la clause pénale qui y figure est elle applicable au litige ; cette clause ne doit pas être réduite sauf à encourager l'inexécution des contrats portant sur des sommes élevées,
- si la cour décide de limiter le montant de l'indemnisation de Wine Merchant au montant prévu en application de la clause pénale, elle devrait l'appliquer strictement et lui allouer la somme de 220.000 euros.
Par dernières écritures communiquées le 17 avril 2015, la société Tianjin Dynasty international Wine Co demande à la cour de :
'Vu la Convention des Nations Unies du 11 avril 1980,
Vu les articles 1134, 1146, 1315, 1603 et 1604 et suivants du code civil,
DIRE ET JUGER l'appel interjeté recevable mais mal fondé.
En conséquence,
CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX le 9octobre 2014 en toutes ses dispositions,
Et ainsi
DÉBOUTER la société THE WINE MERCHANT de sa demande indemnitaire au titre de lacommande des 1.500 bouteilles de Château Cantemerle 2009;
CONFIRMER la condamnation de la société TIANJIN DYNASTY à la seule somme de20.000 Euros au titre des dommages et intérêts dus relativement à la commande de 120 lots de vins millésimes 2007 et 2008;
CONFIRMER la condamnation de la société TIANJIN DYNASTY à la seule somme de 15.000 Euros au titre des dommages et intérêts dus relativement à la commande de 1.500 caisses de Château Gruaud Larose 1994,
DÉBOUTER la société THE WINE MERCHANT de sa demande d'application d'intérêts de retard;
DÉBOUTER l'appelante de l'ensemble de ses demandes;
CONDAMNER la société THE WINE MERCHANT à la somme de 8000 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER la société THE WINE MERCHANT aux entiers dépens de première instance et d'appel'
L'intimée fait valoir que :
- certaines des pièces produites (n°1, 6 et 7) ne sont pas traduites et doivent être rejetées ; par ailleurs, seule une traduction effectuée par un traducteur assermenté peut permettre au juge de s'assurer de l'exactitude de cette traduction, particulièrement lorsqu'il s'agit de documents en langue chinoise,
- C'est bien l'appelante qui n'a pas honoré la commande de Tianjin Dynasty en ce qui concerne la livraison des bouteilles de Château Cantemerle 2009 et en a d'ailleurs tenu compte dans la facturation finale; elle ne peut donc exciper aujourd'hui de ce que ce millésime était depuis lors devenu disponible et réclamer la résolution du contrat aux torts de l'intimée,
- le courriel du 29 août 2011 relatif aux 1.500 caisses de Château Gruaud Larose 1994 n'a pas valeur de contrat ; il n'a été suivi d'aucun bon de commande, contrairement aux usages établis entre les deux sociétés ; de plus, Wine Merchant a annoncé à l'intimée que cette commande devait être concrétisée par la signature d'un contrat particulier, ce qui n'a pas été le cas ; il appartient à l'appelante d'assumer les conséquences de sa propre commande auprès du producteur, étant relevé que preuve n'est pas rapportée de la réalité de cette commande passée par Wine Merchant,
- la société Tianjin Dynasty n'a pas annulé la troisième commande (29 septembre 2011) mais a simplement sollicité des délais, ce en raison de la crise des ventes de grands vins français sur le marché chinois,
- l'article 7 des conditions générales de vente de Wine Merchant - soit la clause pénale - est inopposable à Tianjin Dynasty car, puisqu'il figure au dos des factures émises par l'appelante, il n'a pu être préalablement approuvé par sa co contractante au moment de la commande ; de plus, Wine Merchant n'a produit aucune facture au titre des trois commandes litigieuses, de sorte que l'intimée n'a même pas été destinataire de ces conditions générales de vente ; enfin, cet article 7 sanctionne d'autres manquements que ceux qui sont allégués par l'appelante,
- les demandes indemnitaires de Wine Merchant ont été calculées de façon erronée par utilisation de références gonflées artificiellement ; de plus, l'appelante est à l'origine de son propre préjudice puisque, en ce qui concerne la troisième commande, il lui a été proposé de trouver d'autres débouchés, faute pour Tianjin Dynasty de pouvoir vendre les vins litigieux en Chine, mais Wine Merchant n'a pas donné suite à cette solution amiable.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 novembre 2015.
Motifs
SUR CE :
Attendu qu'il faut relever au préalable que les parties sont convenues de placer leurs relations contractuelles dans le cadre des dispositions de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 relative aux contrats de vente internationale de marchandises, à laquelle ont adhéré la Chine et la France ;
1. Sur le rejet des documents en langue étrangère
#1 Attendu que l'intimée tend au rejet des pièces versées par l'appelante qui sont établies en langues anglaise et chinoise ;
#2 Attendu qu'il faut rappeler que l'article 111 de l'ordonnance de Villers Cotterêts d'août 1539 dispose : «Et pour ce que telles choses sont souvent advenues sur l'intelligence des mots latins contenus dans lesdits arrêts, nous voulons dorénavant que tous arrêts, ensemble toutes autres procédures, soit de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soit de registres, enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments, et autres quelconques actes et exploits de justice, ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties, en langage maternel et non autrement» ;
Que cette ordonnance ne concerne que les actes de procédure et qu'il appartient au juge du
fond d'apprécier la force probante des éléments qui lui sont soumis ; que, si le juge peut écarter un document en langue étrangère, il n'est pas tenu de le faire et peut au contraire décider de le retenir à condition d'en indiquer la signification en français ;
#3 Attendu que la discussion porte ici sur les pièces numéro 1, 4, 6, 7, 8 et 9 de l'appelante ;
Que la pièce 1 en date du 19 août 2011, intitulée 'purchase order', comporte la mention identifiable du vendeur (l'appelante) et de l'acheteur (l'intimée) ainsi que leurs coordonnées complètes, la désignation des vins, l'indication de leur millésime, le nombre et la contenance des bouteilles, la quantité, le prix à l'unité et le prix total, enfin la date de livraison par le vendeur et le délai de règlement ; que ces mentions permettent à la cour d'identifier ce document comme un bon de commande parfaitement clair et peut être retenu dans les débats ;
Que la pièce 4 est l'impression de deux courriels du 29 août 2011 dont l'objet est intitulé en français 'confirmation de Dynasty par écrit', dont le deuxième est le transfert du premier avec un résumé en langue française réalisé par le dirigeant français de The Wine Merchant à l'intention de la maison mère ; que cette traduction succincte reprend les mêmes quantités, prix et références que le courriel initial rédigé pour le surplus en langue chinoise ; qu'il s'agit donc d'un bon de commande portant sur les quantités et prix indiqués de Château Gruaud Larose 1994 et d'Amiral de Beychevelle2008 ; que ce document peut être retenu dans les débats ;
Que les pièces 8 et 9, établies en langue anglaise, sont produites avec une traduction libre en français ; que la cour est en mesure de s'assurer de la conformité de cette traduction et peut vérifier que la pièce 8 est un courrier du 5 octobre 2012 qui résume par The Wine Merchant des commandes en cours non enlevées avec une invitation à régler la difficulté rapidement ; que la cour peut également vérifier que la pièce 9 est l'impression de deux courriels des 8 et 11 octobre 2012, dont le premier transmet en pièce attachée le courrier décrit plus haut, et le deuxième la réponse de Tianjin Dynasty ; que ces pièces seront retenues;
Que les pièces 6 et 7 sont semble t il des bons de commande, libellés en chinois et datés du 29 septembre et du 18 octobre 2011 mais ne comportent aucune référence précise aux vins concernés ; que ces pièces seront écartées des débats ;
Que la cour confirmera donc le tribunal de commerce en ce qu'il a retenu les pièces 1, 4, 8 et 9 et en ce qu'il a rejeté la pièce 6 mais l'infirmera en ce qu'il a retenu la pièce 7 ;
2. Sur la commande de Château Cantemerle
Attendu qu'il est établi que, le 19 août 2011, Tianjin Dynasty a commandé à The Wine Merchant divers vins pour un montant total de 273.720 euros ; que la commande comprenait en particulier 1.500 bouteilles de Château Cantemerle 2009 au prix unitaire de 24 euros la bouteille, soit un montant total de 36.000 euros ; que la date de livraison de la commande est fixée au 10 octobre suivant ; qu'il est constant que The Wine Merchant n'a pourtant pas livré ce vin à la date convenue ;
Attendu que l'appelante excipe à cet égard des articles 47 et 48 de la Convention de Vienne relatifs au délai que l'acheteur peut impartir au vendeur pour que ce dernier exécute ses obligations ; que The Wine Merchant rappelle également les usages en matière de négoce de vin relatifs à la mise à disposition des dernières récoltes ;
Attendu que l'article 47 de la Convention de Vienne offre en effet à l'acheteur la possibilité d'octroyer un délai au vendeur ; que, cependant, il n'est pas ici établi que Tianjin Dynasty
aurait imparti un tel délai à The Wine Merchant ; que, en effet, l'intimée produit un échange de courriels du 25 octobre 2011 ; que le premier message électronique émane de Tianjin Dynasty, laquelle rappelle à The Wine Merchant les détails de la commande DY110803, soit celle qui concerne le Château Cantemerle dont la livraison devait être réalisée le 10 octobre 2011, quelques jours plus tôt ; que la réponse de The Wine Merchant est ainsi libellée : 'Nous attirons votre attention sur le fait que le Ch. Cantemerle 2009 est actuellement indisponible au château. Nous ne seront pas en mesure de sortir les 1.500 bouteilles relatives à cette expédition' ;
Que l'appelante ne produit aucun élément qui établirait que l'intimée lui aurait consenti un délai pour la livraison de Château Cantemerle ;
#4 Qu'il n'est pas non plus établi que, conformément à l'article 48 alinéa 2 à 4 de la Convention de Vienne, The Wine Merchant aurait notifié à Tianjin Dynasty le délai dans lequel elle envisageait d'exécuter son obligation de mise à disposition, alors que les alinéas 3 et 4 de l'article 48 prévoient que, lorsque le vendeur notifie à l'acheteur son intention d'exécuter ses obligations dans un délai déterminé, il est présumé demander à l'acheteur de lui faire connaître sa décision ; que, de surcroît, une demande ou une notification faite par le vendeur à ce titre n'a d'effet que si elle est reçue par l'acheteur ;
Que, à cet égard, le tribunal de commerce a relevé à juste titre que la disponibilité du vin litigieux n'a été annoncée à Tianjin Dynasty que le 5 octobre 2012 dans le cadre d'une mise en demeure plus générale ;
Qu'il apparaît que The Wine Merchant ne s'est pas conformée aux dispositions de la Convention de Vienne qui réglementent le retard de livraison, de sorte que Tianjin Dynasty est fondée à se prévaloir de l'article 49 paragraphe 1 alinéa (a) de la Convention et exciper de la résolution du contrat pour inexécution de ses obligations par le vendeur ;
Que le tribunal de commerce sera confirmé de ce chef ;
3. Sur la commande de Gruaud Larose
#5 Attendu qu'il est établi que, par échange de courriels en date du 29 août 2011, Tianjin Dynasty a commandé à The Wine Merchant la livraison de 1.500 caisses de Gruaud Larose 1994, avec ajout de deux précisions quant à la présentation des bouteilles ; que cet échange est suffisant à faire la preuve de la commande litigieuse, ce par application de l'article 11 de la Convention de Vienne, lequel dispose : ' Le contrat de vente n'a pas à être conclu ni constaté par écrit et n'est soumis à aucune autre condition de forme. Il peut être prouvé par tous moyens, y compris par témoins' ;
#6 Attendu qu'un bordereau émis le 2 septembre 2011, par Arnaud B., courtier assermenté, atteste de l'achat effectif de 1600 caisses de Gruaud Larose par The Wine Merchant à la société anonyme Château Gruaud Larose ; qu'il est constant, en vertu des usages commerciaux en Bordelais, que le courtier agit en mandataire à la fois du producteur et du négociant, de sorte que l'émission de son bordereau suffit à caractériser la perfection de la vente ici entre la société Château Gruaud Larose et The Wine Merchant et donc l'engagement de cette dernière à payer sa commande, peu important que ledit paiement soit réalisé ultérieurement; qu'est donc inopérant le moyen tiré par Tianjin Dynasty de ce que The Wine Merchant n'aurait réglé son achat qu'au cours de l'année 2012 auprès du producteur et aurait donc pu annuler sa propre commande auprès de la société Gruaud Larose ;
Attendu que l'appelante s'est ainsi, avec diligence, mise en mesure de livrer à l'intimée le vin commandé ; qu'elle a amiablement interrogé sa co contractante sur son silence, ce par
message du 13 décembre 2011 ; qu'il résulte des termes du message de la société Meiqan, également intéressée à la vente, que Tianjin Dynasty n'a manifesté son souhait d'annuler la commande litigieuse que dans la semaine du 19 décembre 2011 ; que l'appelante lui a adressé le 5 octobre 2012 une mise en demeure, lui laissant cependant un délai supplémentaire, conformément à l'article 63 de la Convention de Vienne, en l'invitant à lui adresser rapidement un planning précis d'enlèvement et de règlement ; que, puisque sa co contractante n'a pas honoré son obligation de paiement et de réception de la marchandise régulièrement achetée, The Wine Merchant était fondée à se prévaloir des articles 64 et 74 de la Convention de Vienne relatifs à la résolution du contrat et à l'allocation de dommages et intérêts ;
Que le tribunal de commerce sera confirmé en ce qu'il a constaté la résolution du contrat au résultat des manquements de Tianjin Dynasty et consacré le principe du droit de The Wine Merchant au versement de dommages et intérêts ;
4. Sur la commande des 120 ensembles de bouteilles
Attendu que, nonobstant le fait que la pièce numéro 7, qui semble être le support écrit de cette commande, est écartée des débats, Tianjin Dynasty ne discute pas avoir commandé le 29 septembre 2011 à l'appelante 120 ensembles de bouteilles de différents vins pour un prix total de 732.000 euros ; qu'elle admet n'avoir ni réglé ni pris livraison de cette commande mais précise qu'elle a simplement sollicité des délais ;
Que, toutefois, la Convention de Vienne ne permet pas à l'acheteur qui contrevient à ses obligations de réclamer un délai pour les exécuter ; que, dans cette hypothèse, c'est le vendeur qui a la possibilité d'octroyer un tel délai, ce en vertu de l'article 63 de la Convention; que, au surplus, le message électronique de Tianjin Dynasty du 11 octobre 2012, en réponse à la mise en demeure de l'appelante, est ainsi rédigé : 'En ce qui concerne les commandes en instance, nous devons reporter les délais d'enlèvement à cause de la rigueur du marché chinois. Si vous avez d'autres clients intéressés par ces vins, vous pouvez encore les vendre à d'autres acquéreurs sous réserve de notre autorisation' ; que le fait d'informer sa co contractante qu'elle reportait ou repoussait les délais d'enlèvement ne peut s'analyser en une demande de délai, faute d'échéance précise, étant relevé de surcroît que l'intimée propose même à The Wine Merchant d'envisager d'autres acquéreurs ;
Que, puisque sa co contractante n'a pas honoré son obligation de paiement et de réception de la marchandise régulièrement achetée, l'appelante était fondée à se prévaloir des articles 64 et 74 de la Convention de Vienne relatifs à la résolution du contrat et à l'allocation de dommages et intérêts ;
Que le tribunal de commerce sera confirmé en ce qu'il a constaté la résolution de cette vente au résultat des manquements de Tianjin Dynasty et consacré le principe du droit de The Wine Merchant au versement de dommages et intérêts ;
5. Sur les dommages et intérêts
#7 Attendu que The Wine Merchant tend à titre principal à l'indemnisation de son préjudice dans toutes ses composantes, à titre subsidiaire à l'application de la clause pénale prévue aux conditions générales de vente figurant au verso de chacune de ses factures ;
Attendu que l'appelante explique que son préjudice est constitué de plusieurs éléments ; que la cour observe cependant que, puisque la pièce numéro 7, libellée en langue chinoise, a été écartée des débats faute de traduction et que ce document semble se rapporter à la commande litigieuse, elle n'est pas en mesure de s'assurer que les factures de Laurent Q. sont effectivement applicables à cette commande, de sorte que le préjudice lié à la perte de marge
et à la chute des cours du vin ne peut être apprécié ;
Que, également, la demande formée au titre des frais de stockage est fondée sur un tarif général dont il n'est pas établi qu'il s'appliquerait à la totalité des commandes ou à tout le moins à celle de Gruaud Larose, faute de production d'un document détaillant le stockage pour le compte de The Wine Merchant ;
Que la demande principale en indemnisation ne peut donc être accueillie ;
Attendu que l'appelante était déjà en relations d'affaires avec l'intimée au moment des commandes de Gruaud Larose le 29 août 2011 et des 120 ensembles de différents vins le 29 septembre 2011 ; que, ainsi, le 26 juillet 2011, The Wine Merchant a adressé une facture à Tianjin Dynasty au verso de laquelle figurent ses conditions générales de vente ; que les clauses de ces conditions sont donc opposables à l'intimée pour les deux commandes litigieuses ;
Que l'article 7 de ces conditions stipule au paragraphe 2 : 'Le défaut de paiement de nos fournitures à l'échéance fixée entraînera l'exigibilité à titre de dommage et intérêt par application de la présente clause pénale d'une somme égale à 15 % des sommes dues' ;
#8 Que, ici, les sommes dues pour la commande Gruaud Larose d'une part et la commande des 120 ensembles d'autre part est d'un montant total de 1.434.000 euros ; que la clause pénale applicable est en conséquence de 215.100 euros ; que la cour infirmera donc le tribunal de commerce en ce qu'il a modéré la clause pénale contractuellement prévue et, statuant de nouveau, condamnera Tianjin Dynasty à payer à l'appelante la somme de 215.100 euros, due à raison du seul fait de l'inexécution du contrat ;
Que, puisqu'il s'agit d'une somme forfaitaire allouée en exécution d'une clause pénale, le tribunal de commerce a indiqué à juste titre que les intérêts de retard au taux de la Banque centrale européenne majoré de dix points n'étaient pas applicables ;
Que, enfin, la cour confirmera le premier juge des chefs de l'indemnité de procédure et des dépens ;
#9 Attendu que Tianjin Dynasty, partie succombante, sera condamnée au paiement des dépens de l'appel ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire en dernier ressort,
CONFIRME le jugement prononcé le 9 octobre 2014 par le tribunal de commerce de Bordeaux, sauf en ce qu'il a retenu la pièce numéro 7 de l'appelante et en ce qu'il a minoré la clause pénale.
L'infirme de ces chefs et, statuant de nouveau,
REJETTE la pièce numéro 7 produite par la société The Wine Merchant.
CONDAMNE la société Tianjin Dynasty à payer à la société The Wine Merchant la somme de 215.100 euros.
VU l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Tianjin Dynasty à payer à la société The Wine Merchant la somme de 6.000 euros de ce chef.
CONDAMNE la société Tianjin Dynasty à payer les dépens de l'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Robert CHELLE, Président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.