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Décisions

Cass. com., 17 décembre 2013, n° 12-23.998

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Cour d'appel de Paris, 25 janv. 2012

25 janvier 2012

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 janvier 2012), que la société Socinter a commandé en avril 2006 à la société Wallace corporation ltd (la société Wallace) plusieurs tonnes de viande d'agneau fraîche réfrigérée sous vide ; que la marchandise, transportée par voie maritime puis terrestre dans trois conteneurs référencés 1555, 1583 et 1595, a été reçue par la société Socinter respectivement les 26 avril, 7 et 13 juin 2006 ; qu'invoquant des analyses bactériologiques défavorables et des défauts d'étiquetage, la société Socinter a assigné le 20 avril 2007 en résolution des ventes et dommages-intérêts la société Wallace qui a demandé reconventionnellement le paiement de factures ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Wallace fait grief à l'arrêt d'avoir constaté la résolution de la vente des lots de viande d'agneau se rapportant au container 1555 et de l'avoir, en conséquence, condamnée à payer à la société Socinter diverses sommes au titre de la perte de marge et de destruction des marchandises invendues, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en décidant que l'erreur d'étiquetage sur deux cartons de viande du container 1555 était avérée, motif pris que ceux-ci portaient une date de production du 24 février 2006, d'emballage du 27 février 2006 et de consommation au 11 mai 2006, que les parties étaient convenues de respecter un délai de 73 jours après emballage et que selon le certificat de l'autorité sanitaire de Nouvelle-Zélande, la date de production se situait entre le 24 février et le 1er mars 2006, pour en déduire que la date limite de consommation aurait dû être au 8 mai 2006, la cour d'appel, qui a fait courir le délai de 73 jours à compter de la date de production et non de la date d'emballage dont les parties étaient contractuellement convenues, et qui n'a pas constaté que la date réelle d'emballage de la viande aurait été antérieure au 27 février 2006, n'a, en l'état de tels motifs, caractérisé aucune faute de la société Wallace et violé les articles 25 et 49 de la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises ;

2°/ que l'acheteur peut déclarer le contrat résolu si l'inexécution par le vendeur de l'une quelconque de ses obligations constitue une contravention essentielle au contrat ; qu'une contravention au contrat commise par l'une des parties est essentielle lorsqu'elle cause à l'autre partie un préjudice tel qu'elle la prive substantiellement de ce que celle-ci était en droit d'attendre du contrat ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que la société Wallace avait commis une faute qui justifiait la résolution de la vente des lots de viande se rapportant au container 1555, que deux caisses de viandes sur neuf cent vingt huit comportait une erreur d'étiquetage de la date limite de consommation de trois jours sur soixante dix sept, sans constater qu'une telle faute, qui ne portait pas sur la dangerosité des lots de viande ou leur caractère impropre à la consommation humaine, aurait constitué une faute d'une gravité telle qu'elle aurait constitué une contravention essentielle au contrat justifiant sa résolution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 25 et 49 de la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises (CVIM), ensemble au regard de l'article 1134 du code civil ;

Attendu, que répondant aux conclusions de la société Socinter selon laquelle l'erreur d'étiquetage de deux cartons de viande ayant révélé des incertitudes et incohérences sur les dates de production et de péremption, ce qui avait provoqué la saisie de 660 kilogrammes de viande par les services vétérinaires et le rejet de la totalité de marchandise, l'arrêt retient que la société Wallace ne démontrait pas que cette erreur d'étiquetage n'avait pas affecté l'ensemble des cartons provenant du conteneur n° 1555 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, établissant que la société Wallace avait commis une contravention essentielle au contrat justifiant sa résolution, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens, réunis, rédigés en termes similaires :

Attendu que la société Wallace fait grief à l'arrêt d'avoir constaté la résolution de la vente des lots de viande d'agneau se rapportant aux conteneurs 1583 et 1595 et de l'avoir, en conséquence, condamnée à rembourser à la société Socinter diverses sommes, outre les frais d'import de transport et de destruction de la marchandise invendue, alors, selon le moyen :

1°/ qu'un transport par mer ou voie navigable intérieure opéré sous l'Incorterm CIF opère un transfert des risques à la charge de l'acheteur, couverts par une assurance-transport souscrite en sa faveur, dès que les marchandises ont passé le bastingage du navire au port d'embarquement ;
qu'en décidant que la société Socinter rapportait la preuve que les lots de viande se rapportant aux conteneurs 1583 et 1595 présentaient un taux anormal d'entérobactéries et de bactéries lactiques au moyen des analyses microbiologiques versées aux débats, après avoir pourtant constaté que la vente était soumise à l'Incorterm CIF, ce dont il résultait que les risques avaient été transférés à la société Socinter dès l'embarquement de la marchandise et qu'en conséquence, les analyses microbiologiques n'avaient pas été réalisées dès que la société Socinter avait pris les risques à sa charge, la cour d'appel a violé les articles 25 et 49 de la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises (CVIM), ensemble l'article 1134 du code civil ;

2°/ que les « critères d'hygiène des procédés » visés au chapitre 2 de l'annexe I du règlement (CE) n° 2073/2005 de la Commission du 15 novembre 2005 sont, selon l'article 2 dudit règlement, des critères indiquant l'acceptabilité du fonctionnement du procédé de production ; qu'ils ne sont pas applicables aux produits mis sur le marché et fixent « une valeur indicative de contamination dont le dépassement exige des mesures correctives destinées à maintenir l'hygiène du procédé conformément à la législation sur les denrées alimentaires » ; qu'en décidant néanmoins, pour prononcer la résolution de la vente des lots de viande se rapportant aux conteneurs 1583 et 1595, que les taux d'entérobactéries révélés n'étaient pas satisfaisants et que si les critères de sécurité des denrées alimentaires visés à l'annexe I du règlement (CE) 2073/2005 ne prennent pas en comptes les entérobactéries, les critères d'hygiène des procédés prévus par le règlement pour les carcasses de bovins, d'ovins, de caprins et d'équidés s'y réfèrent, bien que les « critères d'hygiène des procédés » aient fixés des taux indicatifs de contamination aux entérobactéries inapplicables aux produits mis sur le marché, la cour d'appel a violé l'article 2 et l'annexe I, chapitre 2, du règlement (CE) n° 2073/2005 de la Commission du 15 novembre 2005 ;

3°/ que le chapitre 2 de l'annexe I du règlement (CE) n° 2073/2005 de la Commission du 15 novembre 2005 relatif aux critères d'hygiène des procédés ne vise, s'agissant des taux d'entérobactéries, que les carcasses animales après habillage et avant ressuage ; que la société Wallace faisait valoir dans ses conclusions d'appel que cette réglementation ne lui était pas applicable, dès lors que les lots de viande se rapportant aux conteneurs 1583 et 1595 étaient composés de viande d'agneau conditionnée sous vide à l'exclusion de toute carcasse animale ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de la société Wallace sur l'inapplicabilité du règlement (CE) n° 2073/2005 au regard du conditionnement sous vide de la viande qu'elle avait vendue à la société Socintec, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions de la société Wallace que celle-ci a soutenu devant la cour d'appel que la vente étant soumise à l'Incorterm CIF, les risques ont été transférés à la société Socinter dès l'embarquement de la marchandise ; que le moyen, mélangé de fait et de droit, est nouveau ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient, par motifs adoptés, que les règlements CE - 862/2004 et 853/2004 prévoient que les guides de bonnes pratiques d'hygiène constituent des outils précieux afin de garantir le respect des règles d'hygiène alimentaire et qu'en l'absence de critères précis définis par les textes réglementaires, la société Socinter s'est justement référée aux recommandations formulées par le Centre national d'études et de recommandations sur la nutrition et l'alimentation (CNERNA) en matière d'entérobactéries pour déterminer le caractère impropre ou non de la viande à la consommation humaine ; que l'arrêt retient encore, par motifs propres, que selon les recommandations du CNERNA les maxima admissibles en ce qui concerne les entérobactéries 30°C/g pour les pièces conditionnées sous vide sont en critère m de 1000 ; qu'il retient enfin que, pour le container 1595, le taux d'entérobactéries révélé sur deux examens sur trois atteignait 1 500 000 pour 1 000 et que, pour le container 1583, un échantillon n'était pas satisfaisant en raison du taux de bactéries lactiques supérieur à 3 000 000 000 pour un critère fixé à 1 000, un client de la société Socinter ayant d'ailleurs retourné la marchandise comme nauséabonde ; que par ces seuls motifs, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre aux conclusions de la société Wallace que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Wallace corporation limited aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Socinter la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille treize.