Cass. 1re civ., 30 septembre 2020, n° 19-15.626
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme BATUT
La société Mainfreight France, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° C 19-15.626 contre l'arrêt rendu le 31 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Alpega, société anonyme, dont le siège est [...] ), défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la société Mainfreight France, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Alpega, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 janvier 2019), la société française Wim Bosman, devenue Mainfreight France, commissionnaire de transport, a conclu, le 19 mars 2013, avec la société française Téléroute France, aux droits de laquelle vient la société belge Alpega (anciennement Wolters Kluwer Transport Services) un contrat portant sur l'utilisation des services de la plateforme numérique de bourse de fret dénommée Téleroute. Par l'intermédiaire de cette plateforme, la société Mainfreight a confié, le 3 mars 2015, à la société italienne Apulia Tir, un transport de marchandises entre l'Italie et la France. Le chargement ayant été volé, la société Mainfreight, assignée par son client devant une juridiction française en réparation du préjudice subi, a appelé en garantie la société Alpega. Se prévalant de la clause attributive de juridiction au profit des tribunaux belges, stipulée dans ses conditions générales, celle-ci a décliné la compétence de la juridiction saisie.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
2. La société Mainfreight fait grief à l'arrêt de dire la juridiction française incompétente, alors « que l'application de l'article 25.1 du règlement Bruxelles I bis est subordonnée à la reconnaissance du caractère international de la situation qui s'apprécie, pour des motifs de sécurité juridique, au moment de la conclusion de la clause attributive de juridiction ; que la seule circonstance que l'exécution du contrat permette, par la suite, à l'un des cocontractants de conclure un contrat qui a un caractère international, n'est pas de nature à conférer à la situation, au moment de la conclusion du contrat, un caractère international ; qu'en retenant que le litige était né à l'occasion d'une opération de transport international, la cour d'appel a statué par un motif impropre à caractériser la situation internationale, à laquelle l'application de ce texte est subordonnée et qu'elle a violé. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 25.1 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (dit Règlement Bruxelles I bis) :
3. Selon ce texte, la validité de la clause attributive de compétence désignant la juridiction d'un Etat membre, est subordonnée à la reconnaissance du caractère international de la situation qui s'apprécie, pour des motifs de sécurité juridique, au moment de la conclusion de la clause.
4. Pour déclarer la juridiction française incompétente, l'arrêt retient que le différend trouve son origine dans un transport international de marchandises, ce qui constitue un élément d'extranéité suffisant.
5. En statuant ainsi, par un motif impropre à caractériser une situation internationale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Alpega aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Alpega et la condamne à payer à la société Mainfreight la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.