CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 22 juin 2022, n° 20/12547
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Coopérative Parfumeurs Passion Beauté (SA)
Défendeur :
ODS Beauté (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
Mme Depelley, Mme Lignières
Avocats :
Me Boccon Gibod, Me Censier, Me Ohana, Me Collions, Me Rochette
La société Coopérative Parfumeurs Passion Beauté est un groupement de parfumeurs indépendants constitué sous forme de coopérative permettant à chaque parfumeur revendeur d'être actionnaire de la structure « tête de réseau » de l'enseigne.
La société ODS Beauté, créée le 1er juin 2017, dont la gérante est Mme [P], est spécialisée dans le secteur d'activité du commerce de détail de parfumerie et de produits de beauté en magasin spécialisé.
Le 30 novembre 2015 un « Avant-Contrat d'Adhésion » est signé entre Mme [P], et la Coopérative Passion Beauté (ci-après « Passion beauté») ayant pour objet d'encadrer les relations préalables des parties durant l'intégration de son point de vente et la réalisation des mises aux normes jusqu'à l'adhésion définitive du postulant.
Le 10 mai 2017, la société ODS Beauté a souscrit à une part sociale de la coopérative, en acceptant les statuts et son règlement intérieur.
Un an après l'ouverture de son point de vente, la société ODS Beauté est placée en procédure de sauvegarde puis de liquidation judiciaire le 24 octobre 2018.
Par acte du 3 octobre 2018, la Société ODS Beauté et Mme [P] assignent la Société Coopérative Passion beauté devant le tribunal de commerce de Créteil.
Par jugement du 21 Juillet 2020, le tribunal de commerce de Créteil :
- Constate le vice de consentement de la société ODS beauté à signer le contrat d'adhésion à la société Coopérative Parfumeurs Passion Beauté.
- Dit que la société Coopérative Parfumeurs Passion Beauté a manqué à son devoir général d'information.
- Prononce la nullité du contrat d'adhésion liant la société ODS beauté à la société Coopérative Parfumeurs Passion Beauté et tous les engagements afférents pris par la Société ODS Beauté et déboute Me [S] en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ODS Beauté et Mme [P] de leur demande de prononcer la nullité de l'avant-contrat.
- Condamne la société Coopérative Parfumeurs Passion Beauté à payer la somme de 499.885,00 euros à titre de dommages et intérêts à Me [S] en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ODS Beauté et déboute Me [S] en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ODS Beauté et Mme [P] du surplus de leur demande.
- Dit Me [S] en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ODS beauté et Mme [P] mal fondés en leur demande de dommages et intérêts au titre de l'indemnisation de la perte de revenus et les en déboute.
- Condamne la société Coopérative Parfumeurs Passion Beauté à payer la somme de 6.000,00 euros au titre de l'article 700 du CPC à Me [S] en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ODS Beauté, déboute Me [S] en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ODS Beauté et Mme [P] du surplus de leur demande et déboute la société Coopérative Parfumeurs Passion Beauté de sa demande formée de ce chef.
- Condamne la société Coopérative Parfumeurs Passion Beauté aux dépens.
Par déclaration, la Société Coopérative Passion Beauté a interjeté appel de ce jugement.
Par des dernières conclusions déposées et notifiées le 8 février 2022, la société Coopérative Passion Beauté prie la Cour de :
Vu les articles 1136 et suivants du code civil,
Vu les articles L. 330-3 et R. 330-3 du code de commerce,
- CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Créteil du 21 juillet 2020 en ce qu'il a « dit Me [S] en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ODS BEAUTE et Mme [P] mal fondées en leur demande de dommages et intérêts au titre de l'indemnisation de la perte de revenus et les en [a] débout[és] »,
- INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Créteil du 21 juillet 2020 en ce qu'il a :
' Constaté le vice de consentement de la société ODS BEAUTE à signer le contrat d'adhésion à la société COOPERATIVE PARFUMEURS PASSION BEAUTE,
' Dit que la société COOPERATIVE PARFUMEURS PASSION EAUTE a manqué à son devoir général d'information,
' Prononcé la nullité du contrat d'adhésion liant la société ODS BEAUTE à la société COOPERATIVE PARFUMEURS PASSION BEAUTE et tous les engagements afférents pris par la société ODS BEAUTE,
' Condamné la société COOPERATIVE PARFUMEURS PASSION BEAUTE à payer la somme de 499.886,00 euros à titre de dommages et intérêts à Me [S] en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ODS BEAUTE,
' Condamné la société COOPERATIVE PARFUMEURS PASSION BEAUTE à payer la somme de 6.000,00 euros au titre de l'article 700 du CPC à Me [S] en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ODS BEAUTE, et débouté la société COOPERATIVE PARFUMEURS PASSION BEAUTE de sa demande formée de ce chef.
' Condamné la société COOPERATIVE PARFUMEURS PASSION BEAUTE aux dépens.
' Liquidé les dépens à recouvrer par le Greffe à Ca somme de 145,97 euros TTC (dont 20% de TVA).
Et statuant à nouveau de :
- DEBOUTER Me [D] [S] es qualité de liquidateur de la société ODS BEAUTE et Mme [O] [P] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- CONDAMNER Me [D] [S] es qualité de liquidateur de la société ODS BEAUTE et Mme [O] [P] à payer à la société COOPERATIVE PARFUMEURS PASSION BEAUTE la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- CONDAMNER Me [D] [S] es qualité de liquidateur de la société ODS BEAUTE et Mme [O] [P] aux entiers dépens dont distraction,
Par des dernières conclusions Maître [D] [S] ès qualités de liquidateur de la société ODS beauté et Mme [O] [P] déposées et notifiées le 9 mars 2022, demandent à la Cour de :
Révoquer l'ordonnance de clôture
Vu les articles 1130 et suivants ainsi que l'article 1240 du Code civil, ensemble les articles L. 124-1 et suivants, L. 330-3 et R. 330-1 et suivants du Code de Commerce,
- CONFIRMER le Jugement rendu par le Tribunal de Commerce de CRETEIL en ce qu'il a :
'Constaté l'existence d'un vice du consentement affectant la relation contractuelle entre la SARL ODS Beauté et la COOPERATIVE PARFUMEURS PASSION BEAUTE ;
'Constaté les manquements de la COOPERATIVE PARFUMEURS PASSION BEAUTE à son devoir général d'information ;
'Prononcé la nullité du contrat liant la SARL ODS Beauté et la COOPERATIVE PARFUMEURS PASSION BEAUTE ;
- INFIRMER le Jugement rendu par le Tribunal de Commerce de CRETEIL en ce qu'il a :
'Condamné la COOPERATIVE PARFUMEURS PASSION BEAUTE au seul paiement de la somme de 766 123,53€ au titre de dommages-intérêts en remboursement des investissements réalisés au profit de Me [S] pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ODS BEAUTE
'Rejeté le surplus des demandes, notamment celles concernant des dommages intérêts complémentaires,
Et ce, statuant à nouveau,
CONDAMNER la COOPERATIVE PARFUMEURS PASSION BEAUTE au paiement de la somme de 766 123,53€ au titre de dommages-intérêts en remboursement des investissements réalisés au profit de Me [S] pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ODS BEAUTE
CONDAMNER la COOPERATIVE PARFUMEURS PASSION BEAUTE au paiement de la somme de 100.000€ au titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral, du préjudice né de la perte de revenus et de chance au profit de Mme [P],
CONDAMNER la COOPERATIVE PARFUMEURS PASSION BEAUTE aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 20.000 € au profit de Me [S] pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ODS BEAUTE et à la somme de 20.000 € au profit de Mme [P], sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La clôture de l'instruction ordonnée le 8 février 2022 a été révoquée le 9 mars suivant et une ordonnance de clôture a été rendue ce même jour.
SUR CE, LA COUR
Sur la nullité du contrat pour vice du consentement
La société Passion Beauté demande d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu une erreur sur la rentabilité économique du point de vente, faisant valoir :
* en premier lieu que l'erreur sur la rentabilité économique n'est pas une cause de nullité pour vice de consentement fondé sur l'article 1116 du code civil en ce que :
- l'aléa chasse l’erreur,
- la rentabilité économique s'analyse en une erreur sur la valeur qui est indifférente au contraire de l'erreur sur la substance, ne s'agissant que de la finalité attendue de l'opération, étrangère à l'objet des prestations,
- en l'espèce Mme [P] savait qu'elle prenait un risque en créant un nouveau point de vente, risque d'autant plus grand qu'il s'agissait de conquérir la clientèle de Sephora, qu'elle était accompagnée par un expert pour le volet économique et financier et jouissait en outre d'une grande expérience dans la gestion d'un point de vente ;
* en second lieu, elle n'est pas à l'origine des données financières et prévisionnelles qui ont été réalisées pour la validation du projet en ce que :
- Mme [P] et son expert-comptable sont les auteurs des projections économiques,
- c'est l'expert-comptable de Mme [P] qui a transmis l'étude prévisionnelle et le plan de trésorerie sur 3 ans figurant dans le dossier de présentation du projet de l'intéressée ;
- les informations qu'elle a transmises correspondent pour une part à des chiffres externes qui ne sont pas contestables et d'autre part à de simples objectifs, insuffisants en tant que tels pour construire des projections économiques,
- son rôle était de coordonner la relation entre le candidat à l'ouverture du point de vente et les intervenants extérieurs et il appartenait au franchisé d'apprécier la valeur économiaque du projet ;
- qu'en tout état de cause, ces prévisions sont différentes de celles retenues par l'expert-comptable dans son étude prévisionnelle et n'ont pas pu déterminer le consentement de Mme [P] dans la mesure où seules les projections financières réalisées par l'expert-comptable de celle-ci sous-tendent son projet et figurent à son dossier, de sorte que l'écart entre les projections financières réalisées et le chiffre d'affaires réellement enregistré par ODS Beauté la première année ne peut lui être imputé ;
* en troisième lieu et au surplus, aucune erreur ni inexactitude n'est démontrée concernant les données qu'elle a transmises et la découverte tardive d'un manque de clientèle ou du défaut d'attractivité du centre commercial n'est pas démontrée et en tout état de cause ne peut être imputée qu'au franchisé qui a choisi de se contenter de l'étude de marché réalisé par Immochan alors qu'il lui appartenait de contribuer à réaliser l'étude du marché local ;
* en quatrième lieu, l'erreur commise, à la supposer démontrée, serait forcément inexcusable, eu égard à la qualité de professionnelle aguérie de Mme [P] au surplus assistée de son propre expert-comptable, qui ont établi le prévisionnel,
ajoutant que :
- les capacités d'autofinancement négatives pour la première année n'ont pu échapper à l'expert-comptable qui a ensuite présenté 3 comptes d'exploitation prévisionnels aboutissant à des capacités d'autifinancement tout justes nécessaires pour assurer le remboursement,
- l'expert-comptable a revu à la hausse (de 30%) le chiffre d'affaires pour la première année par rapport à l'objectif initial dans le but de 'rassurer les prêteurs'.
Mme [P] et Maître [S] ès qualités rétorquent que l'ensemble des informations transmises par la société Passion Beauté pour constituer le projet l'ont amenée à contracter contre son gré et l'ont induite en erreur faisant valoir que :
- les projections économiques étaient exagérément optimistes (environ 5 fois supérieures à la réalité économique) et avaient un caractère déterminant ;
- Passion beauté n'a fait preuve d'aucune prudence, exagérant au contraire la rentabilité du projet de manière coupable alors que la coopérative avait une bonne connaissance du marché local et ne pouvait ignorer l'état du marché et de ses fréquentations ayant de nombreux franchisés sur cette partie de la France.
Sur ce,
A la suite de l'avant-contrat d'adhésion signé entre la société Coopérative Parfumeurs Passion Beauté et Mme [P] le 23 novembre 2015, un document d'information précontractuelle a été remis 12 janvier 2017 par la première à la seconde.
Le 10 mai 2017 a été remis un « document contractuel » composé de la souscription le 10 mai 2017 d'une part sociale de Passion Beauté par la société ODS Beauté dont Mme [P] était la gérante, des statuts de la société Passion Beauté ainsi que de son règlement intérieur, de l'information du contrat d'affacturage conclu par cette dernière avec la société Natixis Factor et d'une attestation de versement de la somme de 10 000 euros par la société ODS Beauté le 10 mai 2017 destiné au fonds de garantie de la société dans le cadre de l'ouverture d'un point de vente à [Localité 6]/[Localité 4].
La création de ce point de vente dans le centre commercial Mistral 7 a été précédée de la remise par la société ODS Beauté d'un projet comportant notamment un plan de financement, un compte d'exploitation prévisionnel prévoyant la première année une marge HT de 349 830 euros, la seconde année de 394 680 euros, la troisième année de 408 135 euros et un résultat avant impôts la première année de 42 309,50 euros, la seconde année de 43 659 euros et la troisième année de 49 401 euros. La liste des documents à fournir en annexe mentionne que l'étude de marché est celle d'Immochan.
La situation comptable de la société ODS Beauté affiche au cours de la première et dernière année d'exercice (mai 2017/avril 2018) un chiffre d'affaires net de 149 899 euros la première année et un résultat d'exploitation négatif de 105 269 euros.
ODS Beauté a été placée en liquidation judiciaire dès le 24 octobre 2018.
Aux termes de l'article 1130 du code civil : « L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
L'article 1131 du même code dispose : « Les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.
Selon l'article 1132 : « L'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.
L'article 1133 précise : « Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.
L'erreur est une cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie.
L'acceptation d'un aléa sur une qualité de la prestation exclut l'erreur relative à cette qualité.
La qualification de contrat de franchise retenu par le tribunal n'est pas contestée en cause d'appel.
L'erreur invoquée porte sur la rentabilité de l'activité entreprise. Il convient de rechercher si une telle erreur déterminante du consentement du franchisé ne peut se déduire des chiffres prévisionnels remis par le franchiseur exagérément optimistes au regard des écarts très importants qu'ils présentent avec ceux réalisés par le franchisé auquel il n'est reproché aucune faute de gestion alors que les données fournies portent sur la substance même du contrat de franchise pour lequel l'espérance de gain est déterminante.
En l'espèce, il est reproché au franchiseur d'avoir fourni des projections plus de 5 fois supérieures à la réalité économique locale.
Mais, ODS Beauté qui s'est contentée de l'état du marché résultant de la plaquette fournie par Immochan transmise par Passion Beauté alors qu'il appartenait au postulant de contribuer à élaborer un état local du marché selon l'avant contrat du 30 juin 2015 et qui a fait réaliser par son expert-comptable un état prévisionnel du projet sur 3 ans, ne rapporte la preuve d'aucune erreur déterminante de son consentement imputable à Passion Beauté.
A cet égard, il convient d'observer que l'état prévisionnel transmis le 12 décembre 2016 financement et exploitation sur 3 ans (sa pièce 2) mentionne certes la première année un chiffre d'affaires TTC de 720 000 euros, mais aussi un résultat net avant remboursement des emprunts de 22 120€ et une « CAF » (capacité d'autofinancement) négative après remboursement des emprunts de 13 670€, de - 21 119€ la seconde année et de - 15 258€ la troisième année alors que ces données ont été revues par l'expert-comptable du postulant qui a procédé à une étude prévisionnelle sur 3 exercices ( sa pièce 4) mentionnant un résultat de l'exercice de 24 263€ la première année, de 25 373€ la seconde année et de 30 297€ la troisième année avec une capacité d'autofinancement net sur la période respectivement de 10 241€, 10 287€ et de 14 120€. Plus encore, le compte d'exploitation prévisionnel fourni par la postulante pour la validation du projet est encore plus optimiste en ce qu'il mentionne un chiffre d'affaires TTC la première année de 936 000 euros et un résultat avant impôts de 42 309,50 euros, ce dernier passant à 43 659 euros la seconde année et à 49 401 euros la troisième année, sans qu'il soit justifié ou même allégué de la transmission d'éléments nouveaux ayant pu justifier de telles nouvelles projections.
Il sera ajouté que s'agissant des données erronées voire mensongères alléguées sur la zone d'implantation qui situent la zone commerciale Mistral 7 en lieu et place de la zone commerciale Auchan Nord (sa pièce 4) à côté d'Ikea et reliée à l'autoroute A7, une telle erreur ne peut en tout état de cause avoir vicié le consentement de la postulante en ce qu'elle avait visité la galerie commerciale en cause et en connaissait sa situation.
En conséquence, le jugement est infirmé en ce qu'il a annulé le contrat pour cause d'erreur.
S'agissant de la nullité du contrat pour cause de dol, les intimés qui font valoir que la société ODS n'a jamais eu de marge de manoeuvre et s'est engagée sur la base d'informations exagérément optimistes, ne rapportent la preuve d'aucune erreur provoquée par le franchiseur et qui aurait été déterminante de leur consentement ainsi qu'il résulte des éléments développés ci-dessus s'agissant de l'erreur.
Sur le manquement au devoir général d'information et au devoir de conseil
La société Passion Beauté soutient que :
- le manquement à l'obligation générale d'information et de conseil est incompatible avec le constat selon lequel elle a satisfait à l'obligation spéciale renforcée de fournir l'ensemble des documents listés à l'article R. 330-3 du Code de commerce ;
- elle est allée au-delà de son obligation spéciale puisqu'elle a fourni à Mme [P] et à son expert-comptable l'ensemble des informations objectives à sa disposition concernant le marché local et la clientèle, concernant la concurrence ;
- sur le manquement à son obligation de conseil en ce que Mme [P] n'aurait pas été entendue dans le cadre de la commission validation, le rôle et la fonction de cette-dernière tels qu'ils ont été conçus dans les statuts, n'est pas d'intervenir pour éclairer ou guider l'adhérent dans la construction de son projet, lequel doit par définition être abouti devant la commission mais de valider le projet pour autoriser la signature des documents d'adhésion, que le dossier étant complet et ne posant pas de difficulté, aucune audition n'était nécessaire, étant observé qu'une telle audition n'est pas exigée par la loi et que si elle devait fournir au candidat toute information utile à sa disposition, elle n'était pas tenue de conseiller le candidat en lieu et place de son expert-comptable.
Mme [P] et Maître [S] ès qualités rétorque que :
- les informations transmises n'étaient pas sincères et encore moins prudentes, que le DIP ne comportait pas d'élément concernant les données économiques locales ni aucune information concernant l'implantation de la zone d'activité, les informations ont été communiquées de manière diffuse et parcellaire, et les documents communiqués à l'expert-comptable comportaient de nombreuses erreurs et omissions coupables. ;
- les données économiques locales ont été surévaluées par rapport à la situation réelle et les données de la carte d'implantation sont erronées ou mensongères, et que, n'étant pas originaire de la région, elle ne pouvait déceler ces mauvaises informations ;
- les conséquences sont considérables puisque la société ODS n'a eu d'autre solution que de saisir le tribunal de commerce d'Avignon aux fins d'ouverture d'une procédure en liquidation judiciaire, occasionnant la perte de tous les investissements réalisés.
Ils demandent à la Cour de constater que la Coopérative a engagé sa responsabilité délictuelle sur le fondement de l'article 1240 du code civil par le préjudice qu'elle a causé tant à la Société ODS Beauté qu'à Mme [P] par son manquement au devoir général d'information qui pesait sur elle qui a vicié le contrat et la confirmation du jugement qui condamne la Coopérative à indemniser le préjudice subi et à payer une somme équivalente à tous les investissements réalisés.
Sur ce,
La Cour retient que les intimés ne démontrent pas un manquement caractérisé de Passion Beauté à son devoir général d'information alors qu'elle a fourni les documents prescrits par les articles L 330-3 et R 330-1 du code de commerce, même si l'information concernant l'état local du marché de la parfumerie a été fournie postérieurement à la remise du DIP au cours de l'élaboration du projet ainsi qu'il résulte de la pièce 4 des intimés sur laquelle figure notamment une carte de la zone de chalandise (p 9/20) dont l'exactitude n'est pas remise en cause, seule l'erreur sur la localisation s'agissant de l'accessibilité optimale (p 10/20) étant invoquée.
Ce seul élément à le supposer erroné ne peut suffire à retenir le manquement du franchiseur à son obligation de donner des informations sincères permettant au franchisé de s'engager en connaissance de cause au regard des autres informations données, notamment l'existence d'un magasin Séphora dans le centre commercial et l'ouverture d'un magasin Kiko, étant ajouté que les intéressés ont visité le centre commercial au mois de décembre 2018 ainsi qu'il résulte du courriel de M [K] (Passion Beauté) du 6 décembre 2016.
Par ailleurs, la circonstance que Mme [P] n'ait pas été convoquée devant la commission pour la validation de son projet, comme prévu dans l'avant-contrat (article 1) et les statuts (article 10), est indifférente s'agissant du manquement au devoir de conseil dès lors que la commission n'est pas tenue de conseiller le candidat.
En l'absence de manquements de Passion Beauté susceptibles d'engager sa responsabilité, il convient, infirmant le jugement entrepris, de débouter les intimés de toutes leurs demandes.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
Les intimées qui succombent, seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la société Passion Beauté la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, le jugement étant infirmé en ce qu'il a condamné Passion Beauté à leur verser une somme à ce titre.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement sauf en ce que le tribunal a débouté Me [S] en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ODS Beauté et Mme [P] de leur demande de prononcer la nullité de l'avant-contrat ainsi que de leur demande de dommages et intérêts au titre de l'indemnisation de la perte de revenus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute Maître [D] [S] ès qualités de liquidateur de la société ODS beauté et Mme [O] [P] de toutes leurs demandes ;
Les condamne aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la société Coopérative Parfumeurs Passion Beauté la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.