Cass. com., 22 mars 2016, n° 14-16.585
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Waquet, Farge et Hazan
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 6 février 2014), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 8 novembre 2011, pourvoi n° V 10-24.691), que la société Getec a commandé à la société Sagita industries, devenue la société Bystronic Laser AG, des presses plieuses de marque Beyeler qui ont présenté des dysfonctionnements ; qu'en 2004 et 2005, elle a conclu une transaction avec les sociétés Bystronic Laser AG, Beleyer Maschinenbau, devenue la société Bystronic Maschinenbau, et Beleyer France, devenue la société Bystronic France, chargées du service après vente (les sociétés Bystronic) ; que cette transaction prévoyait la reprise d'anciennes machines et la livraison de nouvelles ainsi que la compensation de diverses créances ; que faisant valoir que cet accord n'avait pas été respecté, la société Getec a assigné les sociétés Bystronic en résolution des ventes et paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Getec fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de résolution des ventes alors, selon le moyen :
1°/ que l'acquéreur perd le droit de déclarer le contrat résolu s'il lui est impossible de restituer les marchandises dans un état sensiblement identique à celui dans lequel il les a reçues, à moins que cette impossibilité ne soit pas due à un acte ou à une omission de sa part ; que la date d'appréciation de cette impossibilité est la date à laquelle l'acquéreur déclare le contrat résolu, soit au plus tard à la date d'assignation en résolution ; qu'en retenant que la société Getec ne pouvait se prévaloir d'une résolution, en raison d'une impossibilité de sa part de restituer les machines dans un état sensiblement identique à celui dans lequel il les avait reçues, après une utilisation de six ans, quand la période ainsi prise en compte pour déterminer l'état des machines était postérieure à la date à laquelle la société Getec, acquéreur, avait déclaré le contrat résolu en assignant les sociétés Bystronic à cette fin et à laquelle le juge devait se placer pour apprécier l'état des machines, la cour d'appel a violé l'article 82 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises, ensemble l'article 49 de la même convention ;
2°/ que l'acquéreur perd le droit de déclarer le contrat résolu s'il lui est impossible de restituer la marchandise dans un état sensiblement identique à celui dans lequel il l'a reçue, à moins que cette impossibilité ne soit pas due à un acte ou à une omission de sa part ; qu'en retenant une impossibilité de restituer les machines dans un état sensiblement identique à celui dans lequel la société Getec les avait reçues, en raison de leur utilisation pendant six ans, cette utilisation fût-elle postérieure à l'assignation en résolution, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette impossibilité de restituer les machines dans un état sensiblement identique à l'état initial n'était pas due à un acte ou à une omission de la part de la société Getec, mais était plutôt la conséquence des manquements des sociétés venderesses qui n'avaient pas permis de maintenir les machines en cet état, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 82 2° a) de la onvention de Vienne du 11 avril 1980 ;
3°/ que l'inexécution par le vendeur de l'une quelconque de ses obligations qui constitue une contravention essentielle au contrat justifie sa résolution par l'acheteur ; que le caractère essentiel de la contravention au contrat peut résulter de la répétition de manquements, même de moindre importance ; qu'à supposer que la cour d'appel ait pu se placer à la date à laquelle elle statuait pour apprécier la contravention au contrat par les sociétés Bystronic, en écartant le caractère essentiel de cette contravention, au motif que les pannes constatées jusqu'en novembre 2013 n'avaient pas été durables et avaient pu être résolues, la plupart du temps sans recours à un intervenant extérieur, quand la répétition de ces manquements, fussent-ils de moindre importance, donnait un caractère essentiel à la contravention au contrat qui prévoyait la livraison de machines ayant vocation à fonctionner de manière continue et simultanée, sans pannes récurrentes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 25 et 49 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir énoncé à bon droit que, selon l'article 25 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises (la CVIM), une contravention au contrat commise par l'une des parties est essentielle lorsqu'elle cause à l'autre partie un préjudice tel qu'elle prive substantiellement cette dernière de ce qu'elle était en droit d'attendre du contrat, soit qu'elle le réduise à néant, soit qu'elle en affecte considérablement la valeur, l'arrêt retient que l'acheteur ne peut exiger que les marchandises soient parfaites ou sans faille, mais seulement qu'elles soient propres aux usages auxquels elles sont normalement destinées ; que l'arrêt relève encore que la société Getec a continué d'utiliser les machines et qu'il est impossible d'affirmer que tous les défauts des machines ont été dirimants ou imputables au vendeur ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles elle a déduit l'absence de contravention essentielle au contrat des sociétés Bystronic, la cour d'appel a, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la deuxième branche, légalement justifié sa décision ;
Attendu, en second lieu, que la seule déclaration de résolution suffit, selon l'article 81, alinéa 1er, de la CVIM, à libérer les parties de leurs obligations et, selon l'article 82, alinéa 2, à faire naître des droits à restitution en cas d'exécution totale ou partielle du contrat ; que si c'est à tort que la cour d'appel, pour apprécier l'impossibilité de restituer la marchandise dans un état sensiblement identique aux sociétés Bystronic, s'est placée après la date de déclaration de résolution en tenant compte de l'utilisation ultérieure de cette marchandise, l'arrêt se trouve justifié par l'absence de contravention essentielle au contrat des sociétés Bystronic ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Getec fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation des préjudices causés par le dysfonctionnement des machines après l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 26 mai 2010 alors, selon le moyen, que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'elle ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ; qu'en opposant l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 20 mai 2010, qui avait indemnisé le préjudice alors subi par la société Getec, aux demandes de dommages-intérêts formées par cette société devant la cour d'appel de renvoi, tandis que ces demandes portaient sur des chefs de préjudices résultant des événements postérieurs à l'arrêt du 20 mai 2010, de sorte qu'aucune autorité de chose jugée ne pouvait être opposée à cette demande d'indemnisation de chefs distincts de ceux déjà indemnisés par l'effet de la décision initiale, la cour d'appel a violé par fausse application les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il résulte des conclusions de la société Getec devant la cour d'appel de renvoi que sa demande portait sur l'indemnisation complémentaire, non, comme le soutient le moyen, du seul préjudice causé par le dysfonctionnement des machines après l'arrêt du 26 mai 2010, mais, sans distinction, de celui subi depuis mars 2007 ; que le moyen manque donc en fait ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.