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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 22 juin 2022, n° 21/14840

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

MPCA Ingénierie (SARL)

Défendeur :

Foncière B2 Hôtel Invest (SAS), B&B Hôtels (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Depelley, Mme Lignières

Conseillers :

Me Delay Peuch, Me Benhamou , Me Coulon

T. com. Rennes, du 22 juin 2021, n° 2019…

22 juin 2021

La société MPCA Ingénierie (ci-après dénommée MPCA) est spécialisée dans le secteur d'activité de l'ingénierie et des études techniques du bâtiment et effectue la maîtrise d'œuvre, de pilotage et de suivi d'exécution de travaux.

La SAS B&B hôtels (ci-après dénommée B&B) créée en 1990 exploite une chaîne hôtelière, par des succursales, des filiales, en gérance mandat ou en franchise.

La SAS Foncière B2 Hôtel Invest (ci-après dénommée B2) a pour objet l'acquisition de terrains, immeubles et droits immobiliers, notamment dans le secteur de l'hébergement.

La société B&B rénove chaque année ses hôtels. Les études de travaux de rénovations sont confiées à la société MPCA, sur des hôtels dont les murs sont détenus par la société B2, et dont les hôtels sont exploités par B&B hôtels.

Les travaux sont à la charge, soit de B2 en tant que bailleur, soit à la charge de la société B&B, en tant qu'exploitant.

La société B&B intervient en qualité de maître d'ouvrage délégué, pour les travaux immobiliers bailleur, et de maître d'ouvrage, pour les travaux exploitants.

A l'automne 2017, la société B&B a lancé son programme de rénovation 2018 portant sur 160 hôtels. En raison des retards existants, la société B&B a émis des réticences quant au fait de confier les nouveaux travaux pour 2018 à MPCA, lors d'une réunion du 26 septembre 2017 mais lui a tout de même confié les chantiers pour 2018.

Courant 2018, invoquant notamment le fait que certains chantiers de 2017 n'étaient pas achevés, la société B&B a pris la décision de ne plus confier de chantiers à MPCA.

MPCA prétend être victime d'une rupture brutale des relations commerciales établies de la part des sociétés B&B et B2.

C'est dans ce contexte que par acte du 6 novembre 2019, la société MPCA a saisi le tribunal de commerce de Rennes afin d'obtenir réparation de la rupture brutale et sans préavis des relations commerciales qu'elle entretenait avec le groupe B&B.

Par jugement du 22 juin 2021, le tribunal de commerce de Rennes s'est déclaré compétent pour connaître de la présente action relative à la rupture abusive de relations commerciales établies et a :

- Dit qu'une relation commerciale s'était établie, entre les sociétés B&B HÔTELS et FONCIERE B2 HÔTEL INVEST et la société MPCA INGENIERIE.

- Dit que cette relation commerciale établie a été rompue par les sociétés B&B HÔTELS et FONCIERE B2 HÔTEL INVEST au cours de l'année 2018.

- Dit que la société MPCA INGENIERIE a fait preuve d'inexécution dans ses obligations, et que c'est de bon droit que les sociétés B&B HÔTELS et FONCIERE B2 HÔTEL INVEST ont rompu la relation commerciale avec la société MPCA INGENIERIE.

- Débouté la société MPCA INGENIERIE de sa demande de se voir allouer la somme de 519 281,61 euros. Sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6-I-5° (ancien) du Code de Commerce.

- Condamné les sociétés B&B HÔTELS et FONCIERE B2 INVEST HÔTEL à payer à la société MPCA INGENIERIE la somme de 58 694,63 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 20I8 pour la société B&B HÔTELS et du 22 novembre 2018 pour la société FONCIERE B2 HÔTEL INVEST.

- Débouté la société B&B HÔTELS de sa demande reconventionnelle de paiement d'une somme de 62 474,27 euros.

- Dit que c'est à raison que la société MPCA INGENIERIE a attrait la société FONCIERE B2 HÔTEL INVEST a l'affaire et déboute la société B&B HÔTELS de sa demande de la voir exclue du litige.

- Déboute la société MPCA INGENIERIE de sa demande de publication du jugement dans deux journaux nationaux. Et que ces frais soient supportés par les sociétés B&B HÔTELS et FONCIERE B2 HÔTEL INVEST.

- Dit que pour le paiement il n'y a pas lieu d'y ajouter une astreinte, et déboule la société MPCA INGENIERIE de sa demande à ce titre.

- Dit qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de I'article 700 du CPC, et déboule les parties de leurs demandes formées sur ce chef.

- Dit que l'exécution provisoire du jugement n'est pas de droit et qu'il n'est pas pertinent de la prononcer.

- Débouté les parties de toutes leurs autres demandes. Fins, ou conclusions.

- Fait masse des dépens de la présente instance, qui seront supportés par moitié par chacune des parties.

- Liquidé les frais de greffe à la somme de 84.48 euros tels que prévu aux articles 695 et 70l du Code de Procédure Civile.

Le 28 juillet 2021, la société MPCA a interjeté appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Rennes en date du 22 juin 2021 devant la présente Cour.

Vu les dernières conclusions de la société MPCA, appelante, déposées et notifiées 26/10/2021 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

- JUGER la société MPCA INGENIERIE recevable en son appel et bien fondée, et en conséquence :

- CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a jugé que la relation commerciale était établie ;

- CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a jugé que la relation commerciale a été rompue par les sociétés B&B HÔTELS et FONCIERE B2 HÔTEL INVEST au cours de l'année 2018 ; et le précisant, JUGER que ladite rupture est intervenue sans préavis - fin septembre 2018 ;

- JUGER que le respect d'un préavis de 18 mois était rendu nécessaire ;

- INFIRMER le jugement et JUGER que les intimées ne rapportent pas la preuve de l'existence d'une faute grave imputable à la société MPCA INGENIERIE consistant en l'utilisation d'une grue mobile trop lourde pour la dalle de parking de l'hôtel B&B Vénissieux, ou d'un retard imputable à la société MPCA dans les chantiers, justifiant de la brutalité de la rupture ;

- INFIRMER le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation, et statuant à nouveau, CONDAMNER les sociétés B&B HÔTEL et FONCIERE B2 HÔTELS INVEST au paiement de la somme de 519.281, 61 euros, correspondant à la perte de marge brute escomptées pour une période de 18 mois du préavis qu'il convenait raisonnablement de laisser à la société MPCA INGENIERIE ;

- CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a condamné solidairement les sociétés B&B HÔTEL et FONCIERE B2 HÔTELS INVEST à payer à la société MPCA INGENIERIE la somme de 58.694, 63 euros outre les intérêts aux taux légal à compter de du 30 octobre 2018 pour la société B&B HÔTELS, et du 22 novembre 2018 pour la société FONCIERE B2 HÔTEL INVEST ;

- CONFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté la société B&B HÔTELS de sa demande reconventionnelle de paiement de la somme de 62.474, 27 euros ;

- INFIRMER le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de publication, et statuant à nouveau, ORDONNER la publication du jugement à intervenir dans deux journaux nationaux, et CONDAMNER les intimées à supporter les frais y afférents ;

- INFIRMER le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation sous astreinte, et statuant à nouveau, ASSORTIR sa condamnation au principal d'une astreinte d'un montant de 1.000 euros par jours de retard ;

- INFIRMER le jugement en ce qu'il a dit ne pas y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes formulées sur ce chef, et jugé que les dépens seraient supportés par moitié par chacune des parties ;

Statuant à nouveau, CONDAMNER les intimées au paiement de la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, outre dépens de première instance et d'appel, dont distraction au bénéfice du cabinet VBA & ASSOCIES, avocat sur offre de droit.

Vu les dernières conclusions des sociétés B&B et B2, intimées, déposées et notifiées le 25 janvier 2022 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu l'article L. 442-6 5° I du Code de commerce (ancien),

Vu l'article 1315 du Code civil,

Vu l'article 9 et l'article 700 du Code de procédure civile,

A TITRE PRINCIPAL,

- INFIRMER le jugement en ce qu'il a considéré que la société MPCA INGENIERIE et sociétés B&B HÔTELS et FONCIERE B2 HÔTEL INVEST étaient liées par une relation commerciale établie.

- INFIRMER le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de mise hors de cause de la société FONCIERE B2 HÔTEL INVEST.

- CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a considéré que la société MPCA INGENIERIE, d'une part, et les sociétés B&B HÔTELS et FONCIERE B2 HÔTEL INVEST n'étaient pas liées par une relation commerciale établie.

- CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a considéré que les fautes commises par la société MPCA INGENIERIE justifient la rupture des relations commerciales.

- CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a décidé que la société MPCA INGENIERIE n'était pas en situation de dépendance économique vis-à-vis des sociétés B&B HÔTELS et FONCIERE B2 HÔTEL INVEST.

EN CONSÉQUENCE :

- CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société MPCA INGENIERIE de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, contre les sociétés B&B HÔTELS et FONCIERE B2 HÔTEL INVEST au titre de la rupture brutale de relation commerciale.

A TITRE SUBSIDIAIRE,

- DÉCIDER que la société MPCA INGENIERIE a bénéficié d'un préavis de plus de 11,5 mois, suffisant au regard des caractéristiques des relations ayant existé entre la société MPCA INGENIERIE, d'une part, et les sociétés B&B HÔTELS et FONCIERE B2 HÔTEL INVEST, d'autre part.

EN CONSÉQUENCE :

- CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société MPCA INGENIERIE de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, contre les sociétés B&B HÔTELS et FONCIERE B2 HÔTEL INVEST au titre de la rupture brutale de relation commerciale.

A TITRE EXTREMEMENT SUBSIDIAIRE :

- DÉCIDER que le montant de l'indemnisation de la rupture brutale alléguée due par les sociétés B&B HÔTELS et FONCIERE B2 HÔTEL INVEST à MPCA INGENIERIE ne saurait excéder un montant maximal de 1 037,58 euros par mois de préavis.

A TITRE RECONVENTIONNEL ET INCIDENT,

- INFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a condamné les société B&B HÔTELS et FONCIERE B2 HÔTEL INVEST à payer la société MPCA INGENIERIE un montant de 58.694,63 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2018 pour la société B&B HÔTELS et du 22 novembre 2018 pour la société FONCIERE B2 HÔTEL INVEST ;

- INFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes des sociétés B&B HÔTELS de condamnation de la société MPCA à verser à la société B&B HÔTELS la somme de 62 474,27 € à parfaire en réparation du préjudice subi par B&B du fait des manquements de la société MPCA.

En tout état de cause,

- CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société MPCA INGENIERIE de ses demandes de publications de la décision à intervenir ;

- CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société MPCA INGENIERIE de sa demande d'astreinte ;

- CONDAMNER MPCA au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- CONDAMNER MPCA aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée en date du 5 avril 2022.

SUR CE, LA COUR,

Sur la rupture de la relation commerciale.

L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige, dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

*Sur le caractère établi de la relation.

Le groupe B&B invoque le fait que les sociétés de maîtrise d'œuvre sont retenues sur une base annuelle, cependant, elle ne conteste qu'il a existé un flux constant d'affaires avec MPCA depuis septembre 2013 jusqu'à la rupture courant 2018, ce qui est d'ailleurs confirmé par les comptes clients de MPCA. Il s'ensuit qu'a existé une relation établie entre les parties.

*Sur la brutalité de la rupture.

La société B&B fait valoir que l'article L. 442-6 I 5° devenu L. 442-1 II du code de commerce ne fait pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Elle estime avoir été contrainte de cesser ses relations commerciales avec MPCA en raison des fautes de celle-ci.

La société B&B prétend que le préavis de rupture des relations sous condition est issu des courriers du 2 octobre et du 9 novembre 2017. Elle affirme que ces courriers demandaient à la société MPCA de "redresser la barre" et que les chantiers de 2018 lui seraient confiés sous réserve d'achèvement des chantiers de 2017 avant le 31 décembre 2017 et qu'elle aurait informé la société MPCA de la rupture des relations dès la mi-juillet 2018.

En réplique, la société MPCA soutient qu'elle n'a pas été mise en garde de manière réitérée et que la qualité insuffisante des prestations n'est pas démontrée. Elle considère que le courrier du 2 octobre 2017 ne serait pas une mise en demeure ou un préavis de rupture des relations mais un courrier adressant le planning des chantiers de 2018.

Sur ce ;

L'article L. 442-6 I 5° devenu L. 442-1 II du code de commerce vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis.

Il n'est pas contesté en l'espèce que la relation commerciale a été rompue à l'initiative des sociétés B&B et B2, sans fixer de préavis par écrit.

Pour justifier cette rupture sans préavis explicitement notifié, les sociétés B&B et B2 invoquent de graves manquements qui auraient été commis pas XX, tels que :

- De multiples retards pour les chantiers de l'année 2017.

- Et, sur un chantier de 2018 de l'hôtel B&B de Lyon Vénissieux, une faute susceptible de mettre en danger l'ouvrage et autrui, du fait de l'installation d'une nacelle de 22 tonnes sur une dalle ne pouvant supporter ce poids.

MPCA conteste l'existence de manquements graves justifiant une rupture immédiate de la relation.

Au vu des pièces produites, il apparaît que le seul écrit dans lequel il est clairement notifié la rupture est la lettre de B&B Hôtels en date du 26 novembre 2018 adressée à MPCA en ces termes :

« En considération des engagements pris par votre cliente au cours de cette réunion, en toute bonne foi, B&B HOTELS lui a adressé, le 2 octobre 2017, un planning prévisionnel pour l'année 2018 « sous réserve de notre conversation ». Par cette précision, il est très clair que les parties sont convenues que cette liste prévisionnelle constituait le volume des chantiers envisagés sous réserve que les chantiers 2017 soient achevés au plus tard le 31 décembre 2017. Il ne s'agissait donc pas d'une garantie puisque l'attribution de l'ensemble des chantiers de la liste prévisionnelle restait nécessairement associée à l'achèvement des chantiers 2017 dans le délai imparti. Votre cliente a manifesté son accord sans réserve ni équivoque.

Dans le cadre d'une nouvelle réunion en date du 24 janvier 2018, les parties sont convenues d'un nouveau délai d'achèvement des chantiers 2017, jusqu'au 19 février 2018.

Au 19 février 2018, les chantiers 2017 n'étaient toujours pas achevés.

En parallèle, votre cliente initiait les premiers chantiers 2018.

Toutefois, au cours de l'ouverture du chantier de l'hôtel B&B de Lyon Vénissieux, le 11 juin 2018, la société Pro-Façade sous le contrôle de votre cliente sur site, envisageait d'installer une nacelle de 22 tonnes sur une dalle qui ne pouvait supporter un tel poids, projetant ainsi de mettre en danger l'ouvrage ainsi qu'autrui. Par chance, Monsieur [T] [E], chef de projet B&B HOTELS, présent sur place, est intervenu immédiatement pour mettre fin à ce projet irresponsable.

Face à cette accumulation d'inexécutions graves, B&B HOTELS a décidé que le chantier de [Localité 10] [Localité 17] serait le dernier confié à votre cliente, ce qui lui a été confirmé.

C'est en conséquence en raison des fautes de MPCA que B&B HOTELS n'a eu d'autres choix que d'arrêter toute collaboration avec MPCA ».

- Sur les retards de chantiers de 2017.

Les retards des chantiers prévus pour l'année 2017 ont été évoqués lors d'une réunion organisée entre B&B et MPCA le 26 septembre 2017 (Pièce n° 3 : Extrait de l'Agenda de Monsieur [W] [H], Directeur Projets de B&B HOTELS) et MCPA a promis de « redresser la barre ».

Or, les sociétés B&B et B2 font valoir que :

- Au mois de septembre 2018, soit 9 mois après la fin de la période de rénovation, les 12 chantiers suivants n'étaient pas achevés : Hotels B&B de [Localité 5], [Localité 7], [Localité 8], [Localité 9] Université, [Localité 10] Grand stade Meyzieu, [Localité 11] Estaque, [Localité 13].

[Adresse 1] Bonnet de Mure et [Localité 12] 1 ;

- A fin novembre 2018, soit 11 mois après la fin de la période de rénovation, les 6 chantiers suivants n'étaient pas achevés : Hotels B&B de [Localité 8], [Localité 9] Université Lyon Grand stade Meyzieu, Saint Etienne La Terrasse, Lyon Saint-Bonnet de Mure et Montpellier 1.

Si ces retards pouvaient justifier de cesser la relation pour l'année future en 2019, néanmoins ils ne pouvaient justifier une rupture immédiate puisque des retards avaient déjà été constatés dès la fin 2017 et n'avaient pas empêché les donneurs d'ordres de renouveler en octobre 2017 leurs commandes auprès de MPCA en transmettant le planning prévisionnel pour l'année 2018 et n'avaient donc pas été considérés comme un fait suffisamment grave pour cesser immédiatement la relation.

- Sur la mise en danger par l'installation d'une nacelle :

Pour justifier d'une rupture immédiate, B&B Hôtels invoque un incident datant du 11 juin 2018, au cours duquel elle a reproché à MPCA d' «avoir envisagé d'installer une nacelle de 22 tonnes sur une dalle qui ne pouvait supporter un tel poids, projetant ainsi de mettre en danger l'ouvrage ainsi qu'autrui », cependant, d'une part, il est contesté par MPCA la dangerosité de sa proposition et d'autre part, la Cour relève que cet incident n'a pas provoqué un arrêt immédiat de leur collaboration puisque la notification de la rupture n'est intervenue que plusieurs mois après, par courrier du 26 novembre 2018.

Au vu de ces éléments, il en ressort que les faits invoqués ne constituaient pas des manquements justifiant une rupture immédiate, la rupture initiée par la société B&B aurait dû faire l'objet d'une notification par écrit avec la fixation d'une durée de préavis accordée explicitement permettant à son cocontractant de se réorganiser.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Il n'est par ailleurs pas contesté que la société B2 était également donneur d'ordre des commandes d'études passées auprès de MPCA pour la rénovation des hôtels du groupe et que la rupture de la relation a concerné les deux sociétés du groupe B&B, les sociétés intimées ont donc toutes deux engagé leur responsabilité à l'égard de MPCA du fait d'une rupture brutale de leur relation établie.

*Sur la durée du préavis qui était nécessaire pour se réorganiser.

MPCA soutient avoir été dans un état de dépendance économique total qui nécessitait un préavis minimum de dix-huit mois.

Les sociétés du groupe B&B répondent que le préavis a débuté par les courriers des 2 octobre et 9 novembre 2017 pour une rupture mi-septembre 2018, que la durée du préavis a donc été de 11 mois et demi, ce qui était suffisant. Elles ajoutent que la victime d'une rupture ne peut pas se prévaloir du préjudice de dépendance économique si elle n'a pas respecté son obligation de diversifier sa clientèle.

Sur ce,

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

En l'espèce, il n'est pas pertinent de la part du groupe B&B de soutenir qu'un préavis a été effectif dès octobre 2017 alors qu'il a été démontré que la seule notification claire de la rupture à l'égard de MPCA est la lettre du 28 novembre 2018 qui ne prévoit aucun préavis.

Quant à la dépendance économique alléguée par MPCA, elle justifie cet état non par la part du chiffre d'affaires tirée de sa relation avec le groupe B&B mais du fait qu'après la rupture elle a subi un résultat net déficitaire.

En outre, rien au dossier ne prouve qu'une exclusivité, même de fait, n'était imposée par le groupe B&B à MPCA, aussi cette dernière ne peut légitimement se prévaloir de cette situation de dépendance alors qu'elle aurait pu diversifier sa clientèle.

Au vu de la durée et de l'intensité de la relation et en tenant compte du fait que les plannings annuels pour les chantiers futurs sont adressés au début de l'automne pour l'année suivante, MPCA aurait eu besoin de 3 mois pour prospecter de nouveaux clients afin d'obtenir de nouveaux chantiers pour le début de l'année 2019.

Sur l'évaluation du préjudice,

Le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture est constitué par la perte de la marge dont la victime pouvait escompter bénéficier pendant la durée du préavis qui aurait dû lui être accordé. La référence à retenir est la marge sur coûts variables, définie comme la différence entre le chiffre d'affaires dont la victime a été privée sous déduction des charges qui n'ont pas été supportées du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture.

En l'espèce, MPCA se prévaut d'une marge brute quasi égale à son chiffre d'affaires alors que les sociétés du groupe B&B soutiennent qu'il convient de déduire toutes les charges d'exploitation pour fixer la marge pertinente à retenir pour le calcul du gain manqué.

S'agissant d'une activité de prestation intellectuelle, la Cour retient comme pertinent, au vu des éléments au dossier, un taux de marge brute à 70 %.

Il ressort des pièces comptables et notamment des comptes clients du groupe B&B pour les trois années précédant la rupture (pièces 13 à 20 de MPCA) que le chiffre d'affaires annuel est de :

- 267.322,17 euros pour 2016.

- 356.763,71 euros pour 2017.

- 415.682 euros pour 2018, c'est à dire une moyenne annuelle de 346.589 euros.

Soit pour 3 mois, la marge brute à retenir est la suivante : 70 % de (346.589 euros/12 x 3 mois), soit la somme arrondie de 60.650 euros.

Dès lors les sociétés du groupe B&B seront condamnées in solidum à payer à MPCA la somme de 60.650 euros à titre d'indemnité en réparation de la rupture brutale.

Sur l'appel incident des sociétés du groupe B&B,

Sur les factures à payer à MPCA,

Les sociétés du groupe B&B contestent la condamnation à payer les factures telles que prononcées par le tribunal de commerce en première instance en faisant valoir que soit les contrats relatifs à ces chantiers n'étaient pas encore formalisés.

Cependant, comme l'ont relevé les premiers juges à bon escient, il s'agit de factures impayées qui certes concernent des chantiers qui n'ont pas été réalisés mais pour lesquels des études préliminaires étaient nécessaires. Au vu des factures et échanges d'e-mails versés aux débats par l'intimée, il est justifié à la fois de la commande et de l'exécution de ces études pour un montant total de 58.694, 63 euros. (Pièces 21 à 26 de MPCA).

Il est ainsi justifié des factures émises par MPCA à l'encontre de B2 (propriétaire des murs) comme suit :

- Chantier [Localité 6] 2 : 12.497, 38 euros TTC,

Il est justifié par MPCA des factures émises à l'encontre de B&B pour un total de 46.197,25 euros comme suit :

- Chantier [Localité 15] : 8.846, 34 euros TTC,

- Chantier [Localité 16] [Localité 14] : 8.771, 34 euros TTC,

- Chantier [Localité 18] Village : 5.575, 18 euros TTC,

- Chantier [Localité 10] Gambetta : 11.839, 37 euros TTC et 11.165, 02 euros TTC,

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle en paiement de la somme de 62 474,27 euros.

Les intimées soutiennent que la société MPCA devait mettre en demeure en sa qualité de maître d'œuvre la société Phéonix SD de s'acquitter de son obligation de souscrire une garantie au bénéfice de sous-traitant (en vertu de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975) et que la société B&B a été condamnée par le tribunal de commerce de Brest du 25 septembre 2020 à payer à la société Labbe la somme de 59.401,05 euros auxquels s'ajoute 3.000 euros au titre de l'article 700 soit un total de 62.474,27 euros, alors qu'il s'agissait des seules inexécutions contractuelles de MPCA.

Cependant, au seul vu du jugement de tribunal de commerce de Brest versé aux débats, il n'est pas suffisamment démontré la faute invoquée envers MPCA pour justifier qu'elle supporte une condamnation à ce titre.

Il sera donc confirmé le jugement de première instance en ce qu'il a débouté la société B&B de cette demande reconventionnelle en paiement de la somme de 62.474,27 euros.

Sur les dépens et les frais irrépétibles.

Les sociétés du groupe B&B, succombant pour l'essentiel, seront condamnées aux entiers dépens.

En application de l'article 700 du code de procédure civile en appel, elles seront également déboutées de leur demande au titre des frais irrépétibles et condamnées à payer à MPCA la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société MPCA Ingénierie de sa demande de se voir allouer la somme de 519 281,61 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6-I-5° (ancien) du code de Commerce.

Statuant de nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Condamne in solidum les sociétés B&B Hôtels et B2 Hôtel Invest à payer à la société MPCA Ingénierie la somme de 60.650 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale de la relation commerciale.

Déboute les sociétés B&B Hôtels et B2 Hôtel Invest du surplus de leurs demandes.

Condamne in solidum les sociétés B&B Hôtels et B2 Hôtel Invest aux dépens d'appel.

Condamne in solidum les sociétés B&B Hôtels et B2 Hôtel Invest à payer à la société MPCA Ingénierie la somme globale de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.