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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 5 mai 2011, n° 10/01679

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rosenthal

Conseillers :

Mme Poinseaux, M. Testut

Avoués :

SCP BOITEAU ET PEDROLETTI, SCP KEIME GUTTIN JARRY

TGI Versailles, 3e ch., du 16 févr. 2010…

16 février 2010

Par un jugement du 16 février 2010 le tribunal de grande instance de Versailles a :

* validé le congé partiel pour habiter, délivré le 29 juin 2007, en ce qu'il porte sur l'appartement du1er étage à usage d'habitation situé ...,

* autorisé la reprise du local d'habitation,

* dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

* condamné les époux D.S. à payer à M. A. la somme de 1.500 euros par application de l'article 700du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens avec recouvrement conformément à l'article 699du code de procédure civile.

M. Antonio D. Conceicao D.S. et son épouse ont interjeté appel à l'encontre de cette décision.

Dans leurs dernières écritures en date du 1er juillet 2010, les époux D.C.D. Silva demandent à la cour de ;

* infirmer la décision déférée,

* dire et juger que les époux D.S., bénéficient du statut des baux commerciaux,

* dire qu'ils n'ont pas changé d'activité ni de code APE,

* débouter M. A. de sa demande de résiliation du bail,

* débouter M. A. de sa demande de reprise du local d'habitation comprenant le garage fermé à gauche dans la cour afin de logement personnel du fils du demandeur Arnaud A.,

* condamner M. A. à leur payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures en date du 10 novembre 2010, M. A. demande à la cour de :

* dire acquise la clause résolutoire visée au commandement en date du 5 août 2010,

* ordonner l'expulsion des appelants,

* statuer sur le sort des meubles,

* condamner les mêmes à lui payer une indemnité mensuelle d'occupation de 1.000 euros par mois hors taxes et hors charges jusqu'à la remise des clés,

* confirmer le jugement en toutes ses dispositions et préciser que la reprise du garage suit celle de l'appartement repris,

* dans tous les cas, y ajouter 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

* condamner les époux D.S. aux dépens, avec distraction conformément aux dispositions de l'article699 du code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant qu'il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties pour un exposé complet des faits et de la procédure ; qu'il convient de rappeler que :

* les époux D.S. louent depuis le 17 juillet 2001 des locaux commerciaux et d'habitation appartenant à M. A. et destinés à l'exercice exclusif de l'activité de café-brasserie-presse,

* le bail, modifié par avenants des 18 mars 2002 et 18 janvier 2005, porte sur :

- la surface complète des locaux du rez-de-chaussée, y compris les WC réalisés par le bailleur (...), à l'exception de la partie commune

- la surface complète du 1er étage à usage d'habitation, à l'exception de la partie commune

- le garage fermé à gauche dans la cour

- toutes les caves à l'exception de celle réservée à l'appartement du 2ème étage ;

Considérant que M. A. a fait signifier 29 juin 2007 aux époux D.S. un congé avec offre de renouvellement partiel, pour la partie commerciale, et refus de renouvellement partiel, pour la partie habitation et le garage en vue de leur reprise par son fils, en vue de son habitation personnelle ;

que les époux D.S. ont refusé les modalités de ce renouvellement partiel en excipant d'un trouble dans leur activité professionnelle et de l'indivisibilité des locaux,

que M. A. les a fait assigner aux fins notamment d'entendre dire que, faute d'inscription de Mme D.Silva au registre du commerce, les époux D.S. ne bénéficiaient pas du statut des baux commerciaux, qu'il a demandé subsidiairement, de voir prononcer la résiliation à leurs torts exclusifs pour déspécialisation irrégulière;

Considérant que les époux D.S. font valoir, en premier lieu, que, mariés sous le régime communautaire, ils bénéficient tous deux du statut des baux commerciaux, ajoutant que Mme D.Silva est, en outre, inscrite au RCS au titre de conjoint collaborateur,

qu'ils contestent avoir modifié la destination des locaux, excipant d'une simple modification du code APE par l'INSEE, laquelle a imputé le code 5610A restauration traditionnelle à l’activité de café brasserie presse',

qu'ils rappellent qu'ils occupent le local d'habitation sis au 1er étage des locaux depuis 15 ans, d'abord en vertu du contrat de location-gérance conclu avec les anciens locataires, puis de leur acquisition du fond de commerce en 1999 et, enfin, selon les termes des avenants conclus avec le bailleur en 2002 et 2005;

qu'ils soulèvent que cette occupation, qui résulte d'un bail unique, portant à la fois sur le local commercial et la surface à usage d'habitation, leur permet de prétendre à un droit de renouvellement pour la totalité des locaux, qu'ils précisent, en dernier lieu, qu'à la date de signification du congé, le fils de M. A., mineur ou jeune majeur ne travaillant pas et vivant avec sa mère, ne pouvait être considéré comme une personne dépourvue d’habitation correspondant à ses besoins normaux et occupe seul l’appartement de 4 pièces sis au 2ème étage ,

Considérant que M. A. ne reprend pas en cause d'appel la critique du statut des baux commerciaux développée en première instance, ni les moyens tirés de la déspécialisation et autres manquements, écartés par le tribunal.

qu'il fait valoir que, le 5 août 2010, il a notifié un commandement de payer des charges d'entretien et de ménage visant la clause résolutoire et que faute de paiement dans le délai d'un mois imparti, le bail est contractuellement résilié aux torts des appelants depuis le 5 septembre 2010,

qu'il excipe par ailleurs de la régularité non contestée du congé donné pour reprise pour habiter,

qu'il soutient que les locaux d'habitation sont totalement divisibles et matériellement indépendants, aux termes d'une attestation d'architecte non contestée et du relevé de propriété des impôts fonciers précisant des revenus cadastraux distincts,

qu'il ajoute que les locataires conservent la possibilité de se loger à proximité, sans trouble pour leur exploitation, observant qu'en vertu de l'article L. 145-22 du code de commerce, le loyer du bail renouvelé devra tenir compte du préjudice causé, le cas échéant, au locataire dans l'exercice de son activité,

qu'il soutient que les locataires n'établissent pas que la privation de jouissance des locaux d'habitation apporterait un trouble grave à l'exploitation du fonds,

qu'il précise que, contrairement aux allégation des appelants, son fils était contraint, à l'époque de la procédure de première instance, à 21 ans, de subir une situation de colocation en raison de revenus insuffisants et qu'aujourd'hui il doit louer un studio à un loyer qu'il ne peut plus payer, ne percevant plus d'indemnités ASSEDIC, alors que son père, caution solidaire, ne peut plus l'aider, ni payer le loyer, en raison de la suspension du versement de son salaire depuis le 1er mars 2010,

qu'il invoque, en tout état de cause, les droits de son fils majeur d'avoir un logement indépendant et de n'être pas tenu de résider avec ses parents, et rappelle que sa demande de reprise vise également le garage, accessoire du local d'habitation,

Considérant que, pour se déterminer, le premier juge a relevé que M. D. Silva était inscrit au registre du commerce, que son épouse avait la qualité de conjoint collaborateur, qu'ainsi le droit au statut des baux commerciaux ne pouvait leur être dénié ;

que, pour rejeter la demande de résiliation, il a retenu que la modification du libellé du code APE « 5610 » a élargi à la restauration traditionnelle pour l'activité anciennement dénommée « café, brasserie » , ce qui n'emportait pas en soi modification de l'activité exercée;

que, pour les autres manquements invoqués à l'encontre de M. D. Silva, il a retenu que M. A. ne pouvait sérieusement se prévaloir de manquements qui ne ressortaient de dépôt de main-courantes émanant de lui-même, que les seules main-courantes émanant d'un tiers concernaient un différend personnel sans rapport avec les obligations contractuelles des preneurs,

qu'il a par contre admis la validité du congé partiel pour habiter en remarquant que l'appartement utilisé par les époux D.S. était au premier étage, bénéficiait d'un accès indépendant du commerce par l'escalier commun de l'immeuble et que la reprise dans l'intérêt d'un enfant majeur du propriétaire était donc justifié, sauf pour ce qui concerne le garage qui ne saurait être assimilé à un local d'habitation,

Considérant qu'il n' y a plus lieu de discuter sur le renouvellement partiel du bail commercial, M. A.ne reprenant pas en cause d'appel la critique du statut des baux commerciaux développée en première instance, ni les moyens tirés de la déspécialisation,

Considérant que l'article L145-22 du code de commerce prévoit que le bailleur peut refuser le renouvellement sur la partie concernant les locaux d'habitation accessoires pour les faire habiter parses descendants ou ceux de son conjoint, à condition que le bénéficiaire de la reprise ne dispose pas d'une habitation correspondant à ses besoins normaux ou à ceux des membres de sa famille vivant habituellement ou domiciliés avec lui,

Considérant que, si en première instance M. A. s'est borné à soutenir qu'un enfant majeur est endroit d'avoir un logement indépendant et n'est pas tenu de résider avec ses parents, la production de pièces complémentaires en cause d'appel permet de s'assurer que son fils, actuellement dans une situation de logement précaire, est éligible à une telle reprise du local d'habitation litigieux du fait de ses charges en colocation,

que par ailleurs les époux D.S. ne peuvent sérieusement prétendre que l'appartement qu'ils occupent présentement serait indivisible de l'exploitation du café-brasserie-presse , alors que l'appartement est au premier étage et dispose d'un accès autonome,

Considérant que le premier juge a fait exacte appréciation des dispositions de l'article L. 145-22 du code de commerce en ce qu'il a limité le droit de reprise partielle aux seuls locaux d'habitation, que le garage, qui n'est pas un local d’habitation, est un accessoire indissociable du bail commercial,

Considérant que M. A. demande à titre reconventionnel en cause d'appel l'acquisition de la clause résolutoire en suite d'un commandement en date du 5 août 2010,

Considérant cependant que ce commandement de payer ne porte pas sur le paiement du principal de bail mais uniquement sur des charges accessoires d'entretien et de ménage, charges dont le montant n'était pas certain, liquide et exigible puisqu'il est nécessaire de déterminer le montant de celles portant sur l'appartement litigieux dont le sort n'est fixé que par la présente décision,

que la demande ainsi formée par M. A. ne peut être accueillie,

Considérant que M. A. a dû engager en cause d'appel des frais irrépétibles que la cour fixe à lasomme de 2.000 euros,

que les dépens d'appel seront mis à la charge de les époux D.S. dont distraction au profit de la SCP Keime Guttin Jarry

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Déboute M. A. de sa demande incidente de résiliation du bail,

Condamne les époux D.C.D. Silva à payer à M. A. la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700du code de procédure civile,

Met les dépens d'appel à la charge des époux D.S. dont distraction au profit de la SCP Keime Guttin dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Mme Dominique ROSENTHAL, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.