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Décisions

Cass. com., 19 mai 2021, n° 19-18.230

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Etablissements Romanet (SARL)

Défendeur :

Boutant Sébastien (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Fontaine

Avocats :

SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller

Limoges, du 25 mars 2019

25 mars 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 25 mars 2019), la société Boutant [Q] (la société Boutant) a acheté à la société [I] (le vendeur) un container avec porte-souffleuse et pesée embarquée, ainsi que divers accessoires, à monter sur un de ses tracteurs.

2. Alléguant des dysfonctionnements du matériel, la société Boutant a refusé de payer le solde du prix et, assignée en paiement par le vendeur, a demandé reconventionnellement la résolution de la vente et le paiement de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

4. La société Boutant fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la société [I] à la somme de 21 129,43 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, alors « que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur ; que le vendeur professionnel est tenu de connaître les vices de la chose vendue ; qu'en se bornant à affirmer, pour écarter la demande indemnitaire de la société Boutant relative aux pertes de résultat causées par les vices du matériel vendu, qu'il n'était pas démontré en l'espèce que la société [I] avait connaissance des vices affectant le matériel livré à la date de la vente, sans rechercher, comme il lui était demandé, si cette dernière n'était pas tenue, en sa qualité de vendeur professionnel, de connaître les vices de la chose vendue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1645 du code civil. »

Recevabilité du moyen

5. La société [I] conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que, sous le couvert d'un grief de défaut de motivation, il ne tend qu'à réparer une omission de statuer, qui ne peut ouvrir la voie à la cassation.

6. Cependant, le grief, qui reproche à la cour d'appel de ne pas s'être expliquée sur l'éventuelle qualité de vendeur professionnel de la société [I], ne tend pas à réparer une omission de statuer.

7. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Réponse de la Cour

Vu l'article 1645 du code civil :

8. Il résulte de ce texte une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, qui l'oblige à réparer l'intégralité de tous les dommages qui en sont la conséquence.

9. Pour ne condamner la société [I] qu'au paiement d'une certaine somme, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré qu'elle avait connaissance des vices affectant le matériel livré à la date de sa vente.

10. En se déterminant ainsi, sans s'expliquer sur la qualité de vendeur professionnel de la société [I], que la société Boutant invoquait dans ses conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

11. La société [I] fait grief à l'arrêt de dire que le matériel sera restitué dans le mois du paiement de la somme acquittée et, en conséquence, de dire qu'à défaut pour elle de reprendre possession de ce matériel dans le délai, la société [I] [lire la société Boutant] sera autorisée à le vendre ou à le faire détruire, alors « que lorsqu'il prononce la résolution de la vente, le juge est tenu d'ordonner la restitution réciproque et concomitante du prix de la vente par le vendeur et de la chose vendue par l'acquéreur, sans pouvoir différer l'une ou l'autre de ces restitutions pour quel que motif que ce soit ; qu'en disant, après avoir prononcé la résolution de la vente conclue le 30 juin 2015 entre la société [I] et la société Boutant, que le matériel vendu sera restitué au vendeur dans le mois suivant la restitution du prix de la vente à l'acquéreur, la cour d'appel a violé l'article 1644 du code civil, ensemble les articles 544 et 1184 (devenu 1224) du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1644 du code civil :

12. Selon ce texte, en cas de résolution d'une vente à raison des défauts cachés de la chose vendue la rendant impropre à l'usage auquel on la destinait, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par experts.

13. Après avoir prononcé la résolution de la vente conclue entre la société [I] et la société Boutant, l'arrêt dit que le matériel sera restitué dans le mois du paiement de la somme acquittée.

14. En statuant ainsi, alors que la résolution de la vente entraîne l'anéantissement rétroactif du contrat et, de plein droit, la remise des parties en l'état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion, sans que l'exécution d'une des restitutions puisse être subordonnée à l'exécution préalable de l'autre, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation, sur le troisième moyen du pourvoi principal, du chef de dispositif disant que le matériel sera restitué dans le mois du paiement de la somme acquittée entraîne la cassation du chef de dispositif disant qu'à défaut pour le vendeur de reprendre possession du matériel dans le délai imparti la société Boutant sera autorisée à le vendre ou le faire détruire, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

16. La cassation ne portant pas sur le chef de dispositif concernant la résolution de la vente du fait de la garantie du vendeur pour vice caché, il n'y a pas lieu de casser l'arrêt attaqué en ce qu'il condamne la société [I], le vendeur, au paiement des dépens et en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, infirmant le jugement, il prononce la résolution de la vente conclue entre la société [I] et la société Boutant Sébastien et statue sur les dépens de première instance et d'appel et sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 25 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.