Cass. com., 12 janvier 2010, n° 08-22.000
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Riffault-Silk
Avocat général :
M. Bonnet
Avocats :
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Thomas-Raquin et Bénabent
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 7 août 2008) que la société Kalenda aux droits de la société Somera bailleresse de la société Sodexca et débitrice envers la Société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Lamentin (la Semavil) d'une somme de 900 000 euros, a cédé à celle-ci la totalité des loyers futurs dus par sa locataire dans la limite de 36 mois à compter du 1er avril 2005 ; que la cession de créance a été signifiée à la société Sodexca, débiteur cédé, par acte du 1er avril 2005 ; que les loyers ne lui étant plus payés à compter du mois de mai 2006, la Semavil, cessionnaire de la créance, a assigné en référé le débiteur cédé, qui s'est prévalu d'une contestation sérieuse ;
Attendu que la Semavil fait grief à l'arrêt d'avoir, confirmant l'ordonnance déférée, rejeté sa demande visant à voir la société Sodexca condamnée à lui payer à titre provisionnel la somme de 129 017,70 euros au titre des loyers échus et celle de 8 143,32 euros par mois jusqu'au départ effectif des locaux, alors, selon le moyen :
1°/ que le débiteur cédé ne peut opposer au cessionnaire les exceptions qu'il aurait opposées au cédant que si celles-ci sont nées antérieurement à l'accomplissement de la formalité de l'article 1690 du code civil ; qu'en jugeant pourtant que la société Sodexca, débiteur cédé, pouvait se prévaloir à l'encontre de la société Semavil, cessionnaire, de l'exception d'inexécution qu'elle pourrait opposer la société Kalenda, cédante, même si l'exception était apparue postérieurement à la notification de la cession, la cour d'appel a violé les articles 1690 du code civil et 873 alinéa 2 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge ne peut refuser d'allouer une provision lorsque la créance du demandeur n'est pas contestée et que le défendeur se contente d'opposer, pour refuser le paiement, une créance réciproque qui n'est ni certaine, ni liquide, ni exigible ; qu'en l'espèce, la créance de loyers de la société Semavil était incontestable quand la société Sodexca n'invoquait que l'exception d'inexécution pour s'opposer au paiement, sans que la créance née de cette exception d'inexécution soit certaine, liquide et exigible ; qu'en refusant pourtant de faire droit à la demande de provision formée par l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile ;
3°/ que le juge ne peut refuser d'allouer une provision qu'après avoir constaté l'existence d'une contestation sérieuse ; qu'en l'espèce, si la société Sodexca se prévalait de l'exception d'inexécution pour tenter d'échapper au paiement, l'exposante expliquait que les conditions d'application de cette exception n'étaient pas réunies, dès lors notamment qu'il n'était pas établi que l'inexécution reprochée à la société Kalenda n'était pas imputable à un défaut de paiement des travaux émanant de la société Sodexca elle-même ; qu'en déboutant pourtant l'exposante de sa demande de provision en se fondant sur l'existence d'un manquement de la société Kalenda à ses obligations, sans rechercher si ce manquement n'était pas imputable à la société Sodexca, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile ;
4°/ que le juge ne peut refuser d'allouer une provision qu'après avoir constaté l'existence d'une contestation sérieuse ; qu'en l'espèce, le premier juge n'avait caractérisé l'existence d'une inexécution par la société Kalenda de ses obligations qu'à compter du mois d'octobre 2006, en se fondant sur un procès-verbal d'huissier en date du 10 octobre et des procès-verbaux ultérieurs, comme l'avait relevé l'exposante dans ses écritures ; qu'en déboutant pourtant l'exposante de sa demande de provision formée, à titre subsidiaire, pour les loyers correspondant aux mois de mai à octobre 2006, sans caractériser l'existence d'une contestation sérieuse au titre de cette période, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'en cas de cession de créance, le débiteur peut invoquer contre le cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette même si elles sont apparues postérieurement à la notification de la cession ; que la cour d'appel a retenu à bon droit, par motifs adoptés, que la société Sodexca pouvait opposer au cessionnaire l'exception d'inexécution ;
Attendu, en second lieu, qu'ayant relevé par motifs propres et adoptés, que la société Kalenda s'était engagée, nonobstant les travaux en cours, à assurer à la société Sodexca la jouissance paisible des lieux loués dans les termes et conditions définis dans un protocole d'accord, et qu'il résultait de plusieurs constats d'huissier de justice que la première ne respectait pas ses obligations, la cour d'appel a pu en déduire qu'il existait une contestation sérieuse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société d'économie mixte et d'aménagement de la ville du Lamentin aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Sodexca la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille dix.