Cass. crim., 22 janvier 2013, n° 12-86.594
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Avocat :
SCP Blanc et Rousseau
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 112-1, 226-1, 226-2, 226-3, 226-15 du code pénal, 80-1, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation de la mise en examen de M. X... intervenue le 28 septembre 2011 ;
"aux motifs que contrairement à ce que soutenait le mis en examen, les déclarations suivantes faites par M. Y... à M. Z... : « franchement je crains pour votre vie et pour eux vous êtes plus intéressant mort que vif » avaient nécessairement été formulées à titre confidentiel dans la mesure où leur objet était pour M. Y... d'alerter son interlocuteur sur les risques qu'il encourait pour son intégrité physique ; que le caractère confidentiel de ces propos était d'autant plus caractérisé que le contenu même de cette confidence, si son objet était avéré, exposait M. Y... lui-même à de possibles atteintes à sa propre intégrité physique de la part de ceux dont le projet était d'attenter à la vie de M. Z... et qui, de par son initiative, risquaient de voir leur projet mis en échec ; que les indices graves du délit d'atteinte à la vie privée étaient donc bien caractérisés ; que la mise en examen de M. X... était donc régulière ; que constituait une atteinte au secret des correspondances le fait, commis de mauvaise foi, de divulguer des correspondances émises et transmises par la voie électronique ; que l'objet de ce texte était de protéger les correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications, correspondances dites dématérialisées car elles ne disposaient pas de support tangible susceptible d'appréhension physique ; que le support ne fixait pas en l'espèce l'information transmise par le biais de la correspondance mais se bornait à la conduire ; que la publication en pleine connaissance de cause dans l'hebdomadaire Maroc Hebdo de la correspondance téléphonique entre M. Y... et M. Z... caractérisait donc bien les indices graves du délit d'atteinte au secret des correspondances à l'encontre de M. X... ; qu'il n'existait pas de cumul idéal entre les deux infractions en raison de la différence de leurs éléments constitutifs ;
"1°) alors que ne constitue pas une atteinte à l'intimité de la vie privée l'enregistrement d'une conversation téléphonique par l'un des interlocuteurs à l'insu de l'autre lorsque cette conversation porte sur l'activité professionnelle des intéressés même si les propos ont été tenus dans un lieu privé ; qu'en ayant estimé qu'il existait des indices graves de ce délit quand l'entretien téléphonique entre M. Y..., grand reporter et M. Z..., ancien agent des services de sécurité marocains, était lié au rapt et à la disparition de Ben Barka et avait de ce fait un caractère professionnel, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2°) alors que la loi pénale modifiant une incrimination ne peut être appliquée à des faits commis antérieurement à sa promulgation et non encore définitivement jugés lorsqu'elle modifie les éléments de cette incrimination dans un sens défavorable au prévenu ; qu'en appliquant à des faits remontant à la semaine du 23 au 29 novembre 2007 la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 ayant modifié l'article 226-15, alinéa 2, du code pénal, la chambre de l'instruction a violé la règle de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère ;
"3°) alors que ne constitue pas une interception la lecture et la retranscription de messages lorsqu'elles ne nécessitent ni dérivation ou branchement et sont effectuées sans artifice ni stratagème ; qu'en ayant estimé qu'existaient des indices graves du délit d'atteinte au secret des correspondances quand l'enquête avait seulement établi l'enregistrement d'une conversation par M. Z... à l'insu de M. Y... et non l'utilisation de moyens techniques opérant une écoute, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. Joseph Y..., journaliste, a porté plainte avec constitution de partie civile en raison de la publication, par l'hebdomadaire Maroc Hebdo, des termes d'une conversation téléphonique qu'il avait eue avec M. Miloud Z..., ancien officier marocain, accusant celui-ci de l'avoir enregistrée à son insu ;
Attendu que M. X..., directeur de publication de ce journal, a, sur le fondement de l'article 80-1 du code de procédure pénale, demandé à la chambre de l'instruction d'annuler sa mise en examen des chefs de diffusion de documents portant atteinte à la vie privée, et violation du secret des correspondances, en soutenant qu'il n'existait pas à son encontre d'indices graves et concordants d'avoir participé à la commission de ces infractions ;
Attendu que, pour rejeter cette requête, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui caractérisent la réunion par le juge d'instruction d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable que la personne mise en examen ait pu participer comme auteur ou comme complice à la commission des infractions dont il est saisi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Monfort conseiller rapporteur, Mme Guirimand conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;