CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 3 décembre 2021, n° 19/12278
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Intens France (Sté)
Défendeur :
Lixxbail (SA), Marmott (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ardisson
Conseillers :
Mme Primevert, Mme L'Eleu de La Simone
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties.
Il sera succinctement rapporté que la société Intens France avait pour activité, notamment, la fourniture et la vente de téléviseurs à des hôtels cherchant à équiper leurs chambres.
Le 7 juin 2011, la société Hotel Du Mont Blanc, devenue la société Marmott, a conclu avec la société Lixxbail un contrat de location ayant pour objet le financement de téléviseurs fournis par la société Intens France, pour une durée de 72 mois moyennant un loyer mensuel de 1.750 euros H.T. Le matériel a été livré le 20 juin 2011.
Le 20 novembre 2015, la société Marmott a informé la société Intens France avec copie à la société Lixxbail de sa volonté de résilier le contrat. Le 27 novembre 2015, la société Lixxbail a invité la société Marmott à contacter la société Intens France pour cette résiliation. Le 11 janvier 2015, la société Marmott a payé par chèque à la société Intens France la somme de 39.795 euros qu'elle estimait devoir au titre de l'indemnité de résiliation. Elle a ensuite cessé de payer les loyers à Lixxbail à compter de janvier 2016.
N'ayant pas été informée de ce règlement, après plusieurs mises en demeure, le 2 juin 2016, la société Lixxbail a notifié la résiliation du contrat et a demandé la restitution des téléviseurs et le paiement des impayés, outre une indemnité de résiliation.
Par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 4 septembre 2018, la société INTENS France a été placée en liquidation judiciaire, Maître S. étant désigné liquidateur judiciaire.
Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 22 mai 2019 qui a :
- débouté la SA Marmott de sa demande de nullité ou de caducité du contrat de location financière ;
- constaté la résiliation du contrat de location n° 276805BF0, conclu en date du 7 juin 2011, est intervenue de plein droit le 2 juin 2016 ;
- condamné la SA Marmott à payer à la SA Lixxbail la somme de 11.186,11 € TTC au titre des loyers impayés et des accessoires, majorée des intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2016, date de la première mise en demeure par courrier RAR ;
- condamné la SA Marmott à payer à la SA Lixxbail la somme de 24.325 € au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation, majorée des intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2016, déboutant pour le surplus ;
- ordonné la capitalisation des intérêts précités à compter du 2 juin 2016 ;
- débouté la société Lixxbail de sa demande de paiement à titre d'indemnité d'utilisation ;
- dit que l'instance opposant les sociétés Lixxbail, Marmott et Intens France sera opposable à Maître Bernard S., ès qualités de liquidateur de la société Intens France ;
- débouté la SA Marmott de sa demande de condamner Maître Bernard S., ès qualités de mandataire-liquidateur de la société Intens France à relever et garantir la société Marmott de toutes condamnations à intervenir au titre des demandes de la société Lixxbail ;
- fixé au passif de la société Intens France la somme de 39.795 € au titre de la restitution de l'indemnité de résiliation due à la société Marmott ;
- condamné Maître S. ès qualités de mandataire-liquidateur de la SAS Intens France à mettre à disposition de la société Lixxbail le matériel en sa possession ;
- fixé au passif de la SAS Intens France la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la société Marmott ;
- condamné la SA Marmott et Maître S. ès qualités de mandataire-liquidateur de la société Intens à payer à la SA Lixxbail la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
- ordonné l'exécution provisoire, sans constitution de garantie ;
- condamné la société Marmott et Maître Bernard S. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Intens France aux dépens de l'instance.
Maître Bernard S. a, par acte du 17 juin 2019, relevé appel de ce jugement.
Par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 19 décembre 2019, soit postérieurement à la liquidation judiciaire, la Selarl M., représentée par Maître Pierre M., a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société Intens France, en lieu et place de Maître S..
Aux termes de ses dernières conclusions remises par le RPVA le 7 septembre 2021 la Selarl M. prise en la personne de Maître Pierre M., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Intens France demande à la cour de :
Vu les articles 328 et 329 du code de procédure civile,
- juger recevable et fondée l'intervention volontaire de la Selarl M., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Intens France,
Vu les articles L. 624-9 et L. 641-11 du Code de commerce,
- Juger que ni la société Lixxbail, ni la société Marmott n'ont formé de demande en revendication dans les délais légaux auprès de Maître S., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Intens France,
- Réformer en conséquence le jugement entrepris en ce que Maître S., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Intens France a été condamné à restituer le matériel remis par la société Marmott à la société Intens France avant liquidation judiciaire,
Statuant A Nouveau,
- débouter la société Lixxbail et la société Marmott de toute demande tendant à voir condamner le liquidateur judiciaire de la société Intens France, à restituer le matériel litigieux,
- subsidiairement, juger qu'à supposer qu'il n'y ait pas lieu à soumission aux articles L. 624-9 et L. 641-11 du Code de commerce, il y avait de lieu de justifier et de prouver l'existence du matériel litigieux en nature au jour de l'ouverture de la procédure collective, qu'en l'espèce cette preuve n'était pas rapportée par la société Lixxbail,
- réformer en conséquence le jugement entrepris en ce que Maître S., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Intens France a été condamné à restituer le matériel remis par la société Marmott à la société Intens France avant liquidation judiciaire,
Statuant A Nouveau,
- débouter la société Lixxbail et la société Marmott de toute demande tendant à voir condamner le liquidateur judiciaire de la société Intens France, à restituer le matériel litigieux,
- A titre infiniment subsidiaire, réformer le jugement entrepris en ce que Maître S., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Intens France a été condamné à restituer le matériel remis par la société Marmott à la société Intens France avant liquidation judiciaire,
Statuant A Nouveau,
- juger que le liquidateur judiciaire de la société Intens France ne peut être tenu à restituer que le matériel litigieux susceptible d'avoir été en sa possession, ès-qualités, à l'exclusion des matériels qui n'ont jamais été en sa possession, ès-qualités,
- condamner solidairement la société Lixxbail et la société Marmott au paiement d'une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction, pour ceux la concernant au profit de Me H. de la SELARL 2H AVOCATS et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions remises par le RPVA le 28 septembre 2021 la Sa Lixxbail demande à la cour de :
Vu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016,
Vu les pièces versées aux débats,
- débouter la SELARL M., pris en la personne de Maître Pierre M., ès qualités de liquidateur de la société Intens France, de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- confirmer en son intégralité le jugement du Tribunal de Commerce de PARIS en date du 22 mai 2019 [RG n° J2019000241] ;
Y ajoutant,
- condamner la SELARL M., prise en la personne de Maître Pierre M., ès qualités, à payer à la société Lixxbail la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens d'appel.
Aux termes de ses dernières conclusions remises par le RPVA le 28 novembre 2019 la Sa Marmott demande à la cour de :
Vu les articles 1104 et suivants du code civil,
Vu les articles 1303 et suivants du code civil,
- confirmer en toutes ses dispositions le Jugement entrepris ;
Y ajoutant,
- condamner Maître S. ès qualité de Liquidateur de la société Intens France à payer à la société Marmott la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'appel.
Vu l'ordonnance de clôture du 7 octobre 2021,
SUR CE, LA COUR,
A titre préliminaire, il y a lieu de relever que les société Lixxbail et Marmott demandent la confirmation du jugement de première instance, Me M. limitant la demande d'infirmation de ce jugement à la question de la restitution du matériel, tribunal ayant condamné Me S., premier liquidateur désigné, à mettre à disposition de la société Lixxbail le matériel en sa possession.
En l'espèce, s'agissant de la restitution des téléviseurs par la société Marmott à la société Intens France, contestée par Me M., il y a lieu de relever que dans sa lettre à la société Marmott du 4 décembre 2015 (pièce 6 Marmott), la société Intens France indique : « vous devez nous restituer l'intégralité du matériel soit 42 écrans LCD blanc 22'', 42 télécommandes, une baie satellite. Vous devrez nous restituer le matériel au [...] (69570) ».
Par courrier électronique du 11 décembre 2015 la société Marmott a indiqué à la société Intens France qu'il n'y avait que 39 téléviseurs, Intens France rétorquant le 17 décembre 2015 qu'elle était d'accord sur ce nombre ; en suite de quoi le même jour par courriel, la société Marmott a indiqué qu'elle organisait rapidement le retour des téléviseurs (pièce 7 Marmott), confirmant par courrier du 11 janvier 2016 que son transporteur se mettrait en contact avec les services d'Intens France pour restituer les téléviseurs (pièce 8).
Par courrier électronique du 9 février 2016 la société Intens France a confirmé la réception du matériel restitué, précisant d'ailleurs que deux téléviseurs présentaient un problème concernant la haute définition et qu'un téléviseur portait une rayure. Si la société Intens France a indiqué par courrier du 12 février 2016 renvoyer les deux téléviseurs présentant un problème de haute définition sur les 39 téléviseurs restitués, aucune pièce n'atteste de ce retour ou de sa réception par la société Marmott.
Ainsi, il est rapporté aux débats que le 9 février 2016 les téléviseurs initialement pris en location auprès de la société Lixxbail ont été restitués à la société Marmott.
Faute d'inventaire complet établi à l'ouverture de la procédure collective, lequel aurait démontré l'absence des téléviseurs dans les biens de la société Intens France, qui n'est ni produit ni évoqué, alors que cet inventaire est obligatoire en application de l'article L622-6 du code de commerce, la preuve que le bien revendiqué, précédemment détenu par le débiteur, n'existe plus en nature au jour du jugement d'ouverture, incombe au liquidateur. Or en l'espèce, Maître M. ne produit aucune pièce à cet égard, renversant la charge de la preuve.
Les demandes de Maître M. à ce titre doivent donc être rejetées.
Par ailleurs, il suit de l'article L. 624-9 du code de commerce, applicable en matière de liquidation judiciaire suivant les dispositions de l'article L. 641-14 du même code, que la revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure.
Toutefois, l'action en revendication qui a été engagée avant l'ouverture de la procédure collective du débiteur n'est pas soumise aux dispositions de l'article L. 624-9 et doit être seulement, en application de l'article L. 622-23 du même code, poursuivie contre le liquidateur judiciaire sans que la mise en cause de celui-ci soit enfermée dans le délai de trois mois.
En l'espèce, la société Lixxbail a engagée l'instance portant notamment demande en restitution des téléviseurs tels que désignés à l'annexe 1 des conditions particulières du contrat de location, par acte d'huissier en date du 17 août 2016 à l'encontre de la société Marmott, comme il résulte des termes du jugement.
La société Marmott a assigné en intervention forcée la société Intens France le 19 janvier 2017. Cette dernière a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 4 septembre 2018, soit postérieurement à l'introduction de l'instance, laquelle a été régularisée à l'égard de Maître Bernard S., en qualité de liquidateur, par exploit d'huissier en date du 6 novembre 2018 à l'initiative de la société Lixxbail, puis régularisée par l'intervention volontaire de la Selarl M., en qualité de liquidateur de la société Intens France en lieu et place de Maître Bernard S..
En conséquence, c'est à juste titre que le jugement a reçu la demande en restitution de la société Lixxbail et a condamné Maître S. ès qualités de mandataire-liquidateur de la SAS Intens France à mettre à disposition de la société Lixxbail le matériel en sa possession.
Le jugement sera en conséquence confirmé dans l'ensemble de ses dispositions, en celles-ci comprises celles statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.
La Selarl M., prise en la personne de Maître Pierre M., en qualité de liquidateur de la société Intens France, déboutée, sera condamnée aux dépens de l'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.
Tenue aux dépens, elle sera condamnée à payer à la sa Lixxbail et à la sa Marmott, chacune, la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement,
Y ajoutant :
Condamne la Selarl M., prise en la personne de Maître Pierre M., en qualité de liquidateur de la société Intens France, aux dépens,
Condamne la Selarl M., prise en la personne de Maître Pierre M., en qualité de liquidateur de la société Intens France, à payer à la sa Lixxbail la somme de 2.000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Selarl M., prise en la personne de Maître Pierre M., en qualité de liquidateur de la société Intens France, à payer à la sa Marmott la somme de 2.000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.