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Décisions

CA Versailles, 12eme ch., 16 juin 2022, n° 20/06593

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

François THOMAS

Conseiller :

Véronique MULLER

Avocats :

Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT, Me Frédéric WIZMANE de la SELEURL W Avocats, Me Mélina PEDROLETTI, Me Morgan JAMET de la SELEURL MJ AVOCAT

TJ de Versailles, 03 Déc. 2020

3 décembre 2020

Le 1er novembre 2012, la société Kerparly a consenti un bail commercial à la société First Wendy portant sur un local situé dans le centre commercial Parly 2, [Adresse 8], pour une durée de dix années.

Suivant avenant du 18 juillet 2013, la société Matana s'est substituée à la société First Wendy dans le bénéfice du bail. Le 31 mars 2016, la société Matana a cédé son fonds de commerce à la société MBS à effet du 1er mai 2016.

Le 15 février 2017, la société Kerparly a délivré à la société MBS un premier commandement de payer la somme en principal de 84.313,09 euros, visant la clause résolutoire du bail. Huit autres commandements ont été signifiés à la société MBS, du fait de sa défaillance, selon la société Kerparly, dans ses obligations de paiement des loyers et accessoires à l'échéance contractuelle et d'exploitation paisible des lieux loués dans le respect du règlement du centre commercial.

Par acte du 26 avril 2018, la société Kerparly a assigné la société MBS devant le tribunal judiciaire de Versailles aux fins de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail et voir cette dernière condamnée au paiement de la somme de 43.597,99 euros au titre de son arriéré locatif arrêté au 31 mars 2018.

Par jugement du 20 septembre 2018, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé le redressement judiciaire de la société MBS et a désigné la société JSA en qualité de mandataire judiciaire, et la société AJ associés en qualité d'administrateur judiciaire.

Par acte du 6 mars 2019, la société Kerparly a attrait les sociétés AJ associés et JSA à la procédure.

Par jugement du 30 avril 2020, le tribunal de commerce de Versailles a arrêté le plan de redressement de la société MBS, désignant la société AJ associés en qualité de commissaire à l'exécution du plan, et maintenant la société JSA en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 3 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Versailles a :

- Rejeté les conclusions signifiées par la société MBS le 24 septembre 2020 et sa pièce n°3 ;

- Déclaré recevables les demandes de la société Kerparly ;

- Débouté la société Kerparly de sa demande de constatation de la résiliation judiciaire du bail de plein droit ;

- Condamné la société MBS à payer à la société Kerparly la somme de 32.597,80 euros au titre de l'arriéré locatif né postérieurement au jugement de redressement judiciaire et arrêté au 16 décembre 2019 ;

- Dit que cette somme sera accrue des intérêts contractuels de retard au taux des avances de titres de la Banque de France majoré de trois points à compter de la date d'échéance de chaque poste de créance et jusqu'au jour du paiement ;

- Dit n'y avoir lieu à application de la clause pénale ;

- Rejeté la demande de délais de paiement formée par la société MBS ;

- Débouté la société Kerparly de sa demande de dommages et intérêts ;

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- Condamné la société MBS à payer à la société Kerparly la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire ;

- Condamné la société MBS aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 30 décembre 2020, la société MBS a interjeté appel du jugement.

 

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 30 septembre 2021, la société MBS, la société AJ Associés en qualité de commissaire à l'exécution du plan, et la société JSA en qualité de mandataire judiciaire, demandent à la cour de :

Sur les dispositions du jugement dont il est demandé la confirmation,

- Constater que la société SNC Kerparly ne saurait faire jouer la clause résolutoire au titre du commandement de payer du 7 juillet 2017 qui est antérieur à la procédure collective ;

- Constater que la société SNC Kerparly ne rapporte pas la preuve de la mauvaise foi de la société MBS ni d'un quelconque préjudice ;

- Constater que la société SNC Kerparly n'a pas respecté la clause 19.3 du bail qui impose une mise en demeure préalable ;

En conséquence,

- Confirmer le jugement du 3 décembre 2020 en ce qu'il a :

* débouté la société SNC Kerparly de sa demande de constatation de la résiliation judiciaire du bail de plein droit ;

* débouté la société SNC Kerparly de sa demande de dommages et intérêts;

* dit n'y avoir lieu à application de la clause pénale ;

Sur l'infirmation du jugement sur le surplus,

- Infirmer le jugement du 3 décembre 2020 en ce qu'il a :

* déclaré les autres demandes faites à la société MBS sont recevables (sic);

* condamné la société MBS à payer à la société SNC Kerparly la somme de 32.597,800 au titre de l'arriéré locatif né postérieurement au jugement de redressement judiciaire et arrêté au 16 décembre 2019 ;

* dit que cette somme sera accrue des intérêts contractuels de retard au taux des avances de titres de la Banque de France majoré de trois points à compter de la date d'échéance de chaque poste de créance et jusqu'au jour du paiement ;

* débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

* condamné la société MBS à payer à la société SNC Kerparly la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamné la société MBS aux dépens de l'instance ;

- Infirmer le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

- Juger irrecevable et infondée l'intégralité des demandes de la société SNC Kerparly ;

- Constater qu'il est sollicité le paiement de sommes nées antérieurement à l'ouverture de la procédure collective et/ou très imprécises ;

En conséquence,

- Débouter la société SNC Kerparly de sa demande de condamnation de paiement au titre de la taxe foncière 2018, de la reddition des charges 2018 et de la refacturation des travaux de rénovation ;

Sur les demandes incidentes formulées par la société SNC Kerparly,

- Débouter la société SNC Kerparly de sa demande de résolution judiciaire du bail aux torts de la société MBS ;

- Débouter la société SNC Kerparly de sa demande de condamnation à l'encontre de la société MBS ;

En tout état de cause,

- Débouter la société SNC Kerparly de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,

- Infirmer le jugement du 3 décembre 2020 en ce qu'il a débouté la société MBS de sa demande de délais de paiement ;

En conséquence et statuant à nouveau,

- Accorder un report de paiement de 24 mois pour les sommes auxquelles la société MBS serait éventuellement condamnée ;

En tout état de cause,

- Condamner la société SNC Kerparly à payer à la société MBS la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions notifiées le 15 février 2022, la société Kerparly demande à la cour de :

- Débouter la société MBS de son appel et, la société P2G (sic) et la société JSA, ès qualités de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

- Déclarer la société SNC Kerparly recevable en son appel incident et la dire bien fondée ;

Par conséquent,

- Confirmer le jugement querellé en ce qu'il a :

- Rejeté les conclusions signifiées par la société MBS le 24 septembre 2020 et sa pièce n°3 ;

- Déclaré recevables les demandes de la SNC Kerparly ;

- Condamné la société MBS à payer à la SNC Kerparly la somme de 27.482,99 euros se décomposant comme suit :

- 4.042,16 euros au titre de la taxe foncière afférente à l'année 2018;

- 8.227,51 euros au titre de la refacturation des travaux de rénovation;

- 15.213,32 euros au titre de la reddition des charges de l'année  2018 ;

- Dit que cette somme sera accrue des intérêts contractuels de retard au taux des avances de titres de la Banque de France majoré de trois points à compter de la date d'échéance de chaque poste de créance et jusqu'au jour du paiement ;

- Rejeté la demande de délais de paiement formée par la société MBS ;

- Condamné la société MBS à payer à la société SNC Kerparly la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- L'infirmer pour le surplus ;

Et statuant à nouveau,

- Prononcer la résolution judiciaire du bail aux torts de la société MBS ;

- Ordonner, en conséquence, l'expulsion de la société MBS ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec au besoin le concours de la force publique et l'aide d'un serrurier, du local qu'elle exploite à [Localité 7] au Niveau 1 du Centre Commercial Régional PARLY 2 ;

- Juger que la société SNC Kerparly pourra procéder à l'enlèvement et au déménagement des objets mobiliers garnissant les lieux, soit dans le Centre, soit dans un garde-meubles, au choix de la demanderesse, aux frais, risques et périls de la société MBS ;

- Condamner la société MBS à payer à la société SNC Kerparly une indemnité d'occupation, par jour de retard dans la libération des lieux loués à compter de la date d'effet de la résiliation, forfaitairement établie sur la base du double du loyer global de la dernière année de location, soit la somme journalière d'un montant de 963,55 euros et ce, jusqu'à justification de la libération effective des lieux et remise des clés entre les mains du bailleur ;

- Juger que le dépôt de garantie restera acquis à la société SNC Kerparly à titre de premiers dommages et intérêts ;

- Condamner la société MBS à payer à la société SNC Kerparly l'indemnité contractuelle de 10% due en application de l'article 19.3 du Bail et ce, jusqu'au jour du parfait paiement ;

- Condamner la société la société MBS à payer la somme de 12.000 euros au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

- Condamner la société la société MBS à payer à la société SNC Kerparly la somme de 12.000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;

Y ajoutant,

- Condamner la société la société MBS à payer à la société SNC Kerparly la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société la société MBS en tous les dépens dont le montant sera recouvré par Me Mélina Pedroletti, Avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 mars 2022.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 - sur la demande de résolution judiciaire du bail

La société Kerparly reprend en appel sa demande en résolution judiciaire du bail du fait du comportement fautif de la société MBS. Elle soutient que cette action, qui n'est pas fondée sur un défaut de paiement, n'est ni interrompue, ni interdite, de sorte qu'elle est recevable. Elle fait valoir que la société MBS ne respecte pas les dispositions contractuelles, notamment la clause de destination du bail, qu'elle a mis en place une enseigne et des banderolles publicitaires illicites, qu'elle utilise des pratiques de vente illicites.

La société MBS sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande de résiliation du bail, tant sur le fondement de l'acquisition de la clause résolutoire du bail, que sur le fondement de la résiliation judiciaire. Elle soutient que les manquements qui lui sont imputés ne sont nullement prouvés, qu'elle respecte la clause de destination, que les banderolles ont été apposées en 2016 en fin de période de soldes et que celles apposées en 2018 n'ont fait l'objet d'aucun courrier de réclamation avant la réalisation du constat. Elle ajoute qu'une résiliation pour ce seul motif serait disproportionnée. Elle soutient enfin n'avoir jamais mis en oeuvre de pratiques de vente illicites.

****

Le bailleur ne sollicite plus la résiliation du bail sur le fondement de la clause résolutoire, sa demande étant désormais limitée à la résiliation judiciaire pour manquement du preneur à ses obligations contractuelles.

Il résulte de l'article L. 622-21 du code de commerce que le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant : (...) 2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

En l'espèce, la demande de résolution du contrat n'est pas formée pour défaut de paiement d'une somme d'argent, mais pour manquement de la société MBS à ses obligations. L'action du bailleur - ayant été intentée avant le jugement d'ouverture, pour des faits antérieurs - peut être poursuivie après cette date, de sorte qu'elle est recevable.

Il résulte de l'article 1729 du code civil que si le preneur n'use pas de la chose louée raisonnablement ou emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, ou dont il puisse résulter un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail.

Il résulte de cette disposition que la résiliation ne peut être prononcée qu'en cas de manquement grave du locataire à l'une de ses obligations.

* sur le non-respect de la clause de destination du bail

Il résulte de l'article 1.4 'activités autorisées' du bail que : 'le preneur ne pourra exercer dans les lieux loués que les activités limitativement énumérées, à l'exclusion de toutes autres : vente de prêt à porter de moyen et haut de gamme Homme-Femme-Enfant, chaussures, maroquinerie et accessoires, sous l'enseigne 'First Madison'. Il est expressément convenu que le preneur devra exercer de manière permanente et conjointe dans la totalité des lieux loués l'ensemble des activités autorisées'. (souligné par la cour)

En l'espèce, la société Kerparly soutient que la société MBS ne respecte pas cette clause dès lors qu'elle vend des articles de bas de gamme, et ne vend que du prêt à porter Homme et Femme, sans aucun prêt à porter Enfant.

La société Kerparly ne justifie nullement que les articles vendus soient de bas de gamme ou dégriffés.

S'il résulte d'un constat d'huissier du 26 avril 2018 que la société MBS ne vend aucun article de prêt à porter enfant, ce qui contrevient à la clause de destination du bail obligeant le preneur à 'exercer de manière permanente' ' l'ensemble des activités autorisées', cette circonstance n'est toutefois pas d'une gravité telle qu'elle justifie la résiliation du bail, étant observé qu'au regard de la taille particulièrement importante du centre commercial, il n'est justifié d'aucun déséquilibre entre les commerces, ni d'aucun préjudice qui en serait résulté pour le bailleur.

* sur la mise en place d'une enseigne et des banderoles publicitaires illicites

Il résulte de l'article 10 du bail, intitulé 'esthétique-enseigne' que : 'd'une manière générale, tout ce qui est susceptible de porter atteinte à l'esthétique du centre commercial devra être soumis à l'approbation de l'architecte de l'immeuble, en particulier :

10.1 : ne pouvoir en aucun cas, apposer des affiches, bannières, banderoles et inscriptions sur les vitrines, sur la façade ou sur les façades communes sans avoir obtenu, au préalable, l'autorisation écrite du bailleur ou du syndic, laquelle à défaut de durée déterminée précisée, conservera un caractère précaire et révocable (...) (Souligné par la cour)

10.4 : devoir obtenir pour toutes enseignes l'autorisation de l'architecte de l'immeuble, appelé à vérifier que l'enseigne projetée est compatible avec l'esthétique générale et avec le standing du centre commercial en ce qui concerne son type, ses dimensions et son emplacement (...). Ne pouvoir installer d'enseigne au néon ou encore de type clignotant.'

En l'espèce, la société Kerparly fait valoir que la société MBS ne respecte pas cette clause et qu'elle n'a pas sollicité l'autorisation de l'architecte pour la pose de son enseigne, ajoutant qu'elle a apposé, sur ses vitrines, des banderoles publicitaires, ce qui caractérise des pratiques commerciales agressives ayant donné lieu à des observations de la direction du Centre commercial, et à des courriers de rappel.

A l'appui de ses allégations, la société Kerparly produit aux débats un courrier du syndicat de copropriété du centre commercial Parly 2 daté du 21 février 2016 reprochant au preneur l'apposition d'adhésifs sur la vitrine en contradiction avec le règlement intérieur du centre. Elle produit également le constat d'huissier du 26 avril 2018 justifiant de l'apposition de banderoles adhésives sur une partie importante des vitrines.

La cour observe que l'apposition de tels adhésifs ou banderoles n'est pas interdite par le bail, mais uniquement soumise à autorisation préalable du bailleur et du centre commercial. Le seul fait que la société MBS ait, à deux reprises, omis de solliciter une telle autorisation, de même que l'autorisation d'apposer une enseigne - dont les caractéristiques ne sont pas discutées par le bailleur - n'est pas d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du bail.

* sur les pratiques de vente illicites

La société Kerparly soutient encore que la société MBS se serait livrée à des pratiques de démarchage illicites ayant donné lieu à une enquête du service des pratiques commerciales, outre un incident ayant conduit à l'intervention des forces de police.

Il est justifié d'un incident avec une cliente en décembre 2016 (erreur conséquente sur un prix de vente multiplié par 10),et de trois observations de clients, dont l'une n'est ni datée ni signée, la troisième émanant d'une client accompagné d'une personne se disant 'gestionnaire du site', de sorte que son impartialité est sujette à caution. L'enquête du service commercial n'a donné lieu à aucune poursuite de la société MBS.

Ces incidents, à les supposer établis, ne présentent pas une gravité suffisante pour justifier la résiliation du bail.

Les seuls manquements imputables à la société MBS -même cumulés- n'apparaissent pas d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du bail, de sorte que cette demande sera rejetée, ainsi que les demandes accessoires d'expulsion, de fixation d'une indemnité d'occupation, et d'acquisition du dépôt de garantie.

2 - sur la demande principale en paiement

La société MBS sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 32.597,80 euros au titre de l'arriéré locatif postérieur au jugement d'ouverture de la procédure collective. Elle soutient, d'une part que les sommes réclamées sont nées antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure, de sorte que la demande est irrecevable, d'autre part que les sommes sont injustifiées.

La société Kerparly sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a 'condamné la société MBS à payer à la société Kerparly la somme de 27.482,99 euros' (sic). Elle indique que, depuis le jugement du 3 décembre 2020, la société MBS a réglé une somme de 5.114,90 euros venant en diminution de sa demande initiale. Elle se fonde notamment sur l'article 16.3 du bail et affirme qu'elle ne poursuit le paiement d'aucune somme échue antérieurement au jugement d'ouverture.

***

Il résulte de l'article L. 622-21 du code de commerce que le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant : 1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

Il résulte de l'article L.622-17 I que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance.

Le jugement d'ouverture de la procédure collective étant intervenu le 20 septembre 2018, le bailleur ne peut poursuivre le paiement des créances nées antérieurement à cette date, ni celui des créances nées postérieurement pour des besoins autres que celui du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur durant cette période.

La demande en paiement formée par le bailleur à hauteur de 27.482,99 euros porte sur les sommes suivantes :

- 4.042,16 euros au titre de la taxe foncière afférente à l'année 2018;

- 8.227,51 euros au titre de la refacturation des travaux de rénovation;

- 15.213,32 euros au titre de la réédition des charges afférentes à l'année 2018.

* sur la demande en paiement de la taxe foncière de l'année 2018

La société MBS soutient que la société Kerparly aurait dû effectuer un prorata et déclarer sa créance antérieure au 20 septembre 2018 au passif du redressement judiciaire.

La taxe foncière est due au prorata des jours postérieurs au jugement d'ouverture, soit pour la période du 20 septembre au 31 décembre 2018. S'agissant de la période antérieure au jugement d'ouverture, la société Kerparly n'est pas fondée en sa demande qui ne peut que faire l'objet d'une déclaration de créance.

La demande en paiement sera donc accueillie à hauteur de : 4.042,16 euros : 365 x 102 = 1.129,59 euros. La société MBS sera condamnée au paiement de cette somme au titre du prorata de taxe foncière 2018.

* sur la demande en paiement des travaux de rénovation

La société MBS fait valoir que cette demande n'est étayée par aucune pièce, ce qui ne lui permet pas de vérifier la réalité des travaux allégués.

La société Kerparly ne produit aux débats qu'un historique de compte, récapitulant les différentes factures qu'elle a émises, en ce compris une facture du 31 décembre 2018 pour un montant de 8.227,51 euros avec le libellé 'refacturation travaux rénovation'.

Force est toutefois de constater que la facture litigieuse n'est pas produite, et qu'il n'est produit aucun document permettant de s'assurer de la réalité des travaux et de leur imputabilité au locataire, de sorte que la demande en paiement sera rejetée. Le jugement sera infirmé de ce chef.

* sur la demande en paiement au titre de la reddition des charges de l'année 2018

Il résulte de l'article 16.3 du bail intitulé 'facturation des charges' que : 'le bailleur établira un budget prévisionnel annuel comprenant toutes les charges à répartir entre les exploitants. Le preneur devra verser à compter de la date de prise d'effet du bail, dès réception de la facture puis le 5ème jour de chaque trimestre civil et d'avance, sa quote part de provision pour charges, impôts et taxes, correspondant au quart de ces budgets annuels et le solde de la régularisation annuelle dans les 10 jours de l'appel de fonds.'

Il ressort de l'historique de compte produit aux débats que la demande en paiement ne porte pas sur des provisions pour charges (payables d'avance au début de chaque trimestre), mais sur la reddition des charges 2018 qui est intervenue le 30 juin 2019.

Cette reddition de charges 2018 constitue un accessoire des loyers et charges de sorte qu'elle prend naissance en même temps que les loyers et charges. Il convient donc d'opérer un pro-rata sur le montant de la reddition qui n'est due que pour la période postérieure au jugement d'ouverture, étant observé qu'il n'est pas contesté que cette créance postérieure soit née en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur durant cette période.

Le montant de la reddition de charges n'est pas contesté par la société MBS, de sorte que celle-ci sera condamnée au paiement de la somme de : 15.213,32 euros : 365 x 102 = 4.251,39 euros.

La société MBS sera donc condamnée au paiement des sommes de 1.129,59 euros au titre du prorata de taxe foncière 2018, et 4.251,39 euros au titre du pro-rata de la reddition de charges 2018, outre intérêts au taux contractuel, soit le taux des avances sur titres de la Banque de France, majoré de trois points.

Compte tenu de la situation financière particulière de la société MBS (plan de redressement en cours), il convient de faire droit à la demande de délais de paiement ainsi qu'il sera précisé au dispositif de la présente décision.

* sur la demande en paiement au titre de l'indemnité contractuelle

Il résulte de l'article 19.3 du bail que : 'à défaut de paiement du loyer, des accessoires et des sommes exigibles à chaque terme d'après le présent bail, 48 heures après une simple lettre recommandée restée sans effet, le dossier sera transmis à l'huissier et les sommes dues automatiquement majorées de 10% à titre d'indemnité forfaitaire de frais contentieux.'

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de cette indemnité au motif qu'il n'était pas justifié de la procédure de mise en demeure préalable, le bailleur n'apportant aucun élément nouveau à ce titre.

3 - sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive

Le bailleur sollicite paiement des sommes de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile (action en justice de manière abusive), outre 12.000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil (responsabilité quasi-délictuelle). Il soutient que le comportement de la société MBS est particulièrement abusif en ce qu'elle a tenté de se soustraire aux engagements pris au titre du bail, rappelant également ses méthodes agressives de vente, et les réclamations dont elle est l'objet.

Au regard de la situation financière précaire de la société MBS, caractérisée par son placement en redressement judiciaire, sa résistance au paiement - partiellement fondée - ne peut être qualifiée d'abusive de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée à ce titre.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Chacune des parties succombant partiellement, elle conservera la charge des dépens exposés en cause d'appel.

Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Versailles du 3 décembre 2020 en toutes ses dispositions, à l'exception, d'une part de la condamnation de la société MBS au paiement de la somme de 32.597,80 euros, d'autre part du rejet de la demande de délais de paiement,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la société MBS à payer à la société Kerparly les sommes de :

- 1.129,59 euros au titre du prorata de taxe foncière 2018,

- 4.251,39 euros au titre du prorata de la reddition de charges 2018,

Rappelle que ces sommes porteront intérêts au taux contractuel, soit le taux des avances sur titres de la Banque de France, majoré de trois points, à compter de la date d'échéance de chaque poste de créance et jusqu'à parfait paiement,

Dit que la société MBS pourra s'acquitter de ces sommes en 23 mensualités de 224 euros chacune, et une 24ème mensualité soldant la dette, la première le 10 juillet 2022, puis le 10 de chaque mois,

Dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance, et 10 jours après l'envoi d'une lettre de relance restée sans effet, la totalité de la dette redeviendra immédiatement exigible,

Rejette toutes autres demandes,

Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens exposés en cause d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.