CA Nîmes, 4e ch. com., 15 juin 2022, n° 20/02249
NÎMES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
LE BOSPHORE (S.A.R.L.)
Défendeur :
PROVENCE ET COMMERCES (S.C.I.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Christine CODOL
Conseillers :
Corinne STRUNK, Claire OUGIER
Avocats :
Me Jean-yves BOREL, Me Philippe CANO de la SCP CANO/CANO
Par contrat du 1er mai 2005, une société A. a donné à bail commercial à Monsieur D. -aux droits duquel vient la société appelante, des « locaux destinés à l'exploitation d'un restaurant, cafétéria, bar, brasserie, glacier, restauration à emporter », dans un ensemble immobilier commercial sis à [Localité 3].
L'ensemble immobilier est ensuite revendu fin 2010 par la société A à la SCI intimée qui devient bailleur.
Par exploit du 19 juin 2019, le preneur a fait assigner son bailleur devant le tribunal judiciaire de Carpentras en indemnisation de son préjudice, lui reprochant de ne pas avoir pris les mesures nécessaires au maintien d'une activité dans la galerie commerciale lui appartenant.
Reconventionnellement, le bailleur se prévalait d'un commandement de payer délivré le 7 février 2020 et resté infructueux pour demander à ce que soit constatée la résiliation du bail et ordonné le paiement des loyers et charges échus.
Par jugement du 21 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Carpentras a, principalement, :
débouté le preneur de toutes ses prétentions,
constaté la résiliation de plein droit du bail commercial à compter du 8 mars 2020,
ordonné en conséquence l'expulsion du preneur et de tout occupant de son chef des locaux concernés, dans le délai de trois mois après signification du jugement, et à défaut, par toute voie de droit y compris avec le concours de la force publique et d'un serrurier,
fixé l'indemnité d'occupation au montant du dernier loyer charges incluses et condamné le preneur à s'en acquitter à compter de mars 2020 jusqu'à parfaite libération des lieux,
condamné le preneur à payer au bailleur la somme de 11.042,43 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés au mois de février 2020 inclus,
condamné le même aux dépens de l'instance incluant le coût du commandement de payer.
Le preneur a relevé appel de ce jugement pour le voir infirmer en toutes ses dispositions.
***
L'appelante fait tout d'abord valoir que c'est par simple erreur qu'elle a interjeté appel sous son ancienne dénomination sociale, ce qui ne constitue qu'un vice de forme insusceptible d'être cause de nullité en l'absence de tout grief, relevant qu'en tout état de cause l'irrecevabilité soulevée de ce chef ne répond pas aux exigences de l'article 914 du code de procédure civile.
Elle se prévaut sur le fond de l'obligation de délivrance pesant en vertu de l'article 1719 du code civil sur le bailleur et des dispositions contractuelles, pour reprocher à l'intimée divers manquements : état d'abandon de la galerie marchande, intérieur, extérieur, et état du bâtiment lui-même, absence de climatisation comme de chauffage de la galerie marchande, absence d'éclairage du parking.
Elle expose que les manquements sont à l'origine de la perte de sa clientèle et de la fermeture à titre conservatoire du commerce.
Elle ajoute que le bail portant sur un local au sein d'un centre commercial, le bailleur était tenu de maintenir cet environnement commercial en s'assurant de l'occupation de tous les locaux.
Or, en l'état de la désertification de la galerie, le bailleur ne justifie pas des actions mises en oeuvre pour y remédier et doit donc répondre du préjudice qui en résulte pour son locataire.
L'appelante se prévaut d'un préjudice qui résulterait de la perte de valeur de son fonds, tenant la diminution du chiffre d'affaires. Fermé durant l'hiver 2020 faute de chauffage, le commerce n'aurait pu rouvrir ensuite du fait du confinement et l'ensemble immobilier aurait ensuite été revendu en mai 2020 à une société qui fermait les lieux pour travaux.
Ainsi, le préjudice s'élèverait à 239.161,00 euros pour la perte des éléments incorporels du fonds de commerce, et 150.000 euros pour la perte de chiffre d'affaires pour 2019.
S'agissant des demandes reconventionnelles formulées par le bailleur, l'appelante fait valoir que le paiement du reliquat de charges impayées en 2018 porte sur le seul poste « chauffage et climatisation » et qu'il n'est pas dû compte tenu de l'inexécution des prestations auxquelles il correspond, de même pour les charges 2019.
Elle se prévaut encore de l'exception d'inexécution pour les loyers restés impayés à compter du 1er janvier 2020 à la suite de la fermeture de l'établissement dûe à l'impossibilité de continuer son activité.
Enfin, l'appelante soutient que la clause résolutoire ne peut être invoquée par l'intimée, avec laquelle elle n'a qu'un bail verbal, et qu'aucun commandement de payer ne lui a été signifié.
Au terme de ses dernières écritures, l'appelante demande donc à la Cour de :
« Juger que (le bailleur) n'a pas rempli son obligation en vertu de l'article 1719 du code civil de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail et qu'elle a engagé sa responsabilité (à son égard) du fait de la perte totale de valeur du fonds de commerce,
Condamner en conséquence en vertu des articles 1146 et 1147 anciens du code civil repris aux articles 1231 et suivant du même code la société (intimée) à (lui) payer la somme de 239.161,00 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la perte de valeur totale de son fonds de commerce,
Condamner sur la même base la société (intimée) à (lui) payer la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de chiffres d'affaires durant les exercices 2018 et 2019 et le préjudice subi du fait des difficultés occasionnées dans l'exercice de son commerce,
En vertu de l'article 1219 du code civil rejeter les demandes reconventionnelles de la société (intimée) en paiement des loyers, des charges et de l'indemnité d'occupation,
Condamner la société (intimée) à (lui) payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner la même en tous les frais et dépens tant de première instance que d'appel dont distraction ».
***
L'intimée soutient à titre liminaire que l'appel est irrecevable dès lors qu'il a été interjeté par une société qui n'existait alors plus.
De même, sont irrecevables les conclusions déposées ensuite en son nom, lesquelles ne respectent pas les exigences de l'article 954 du code de procédure civile en s'abstenant de toute critique du jugement déféré et en n'indiquant pas à l'appui de chaque prétention les pièces invoquées et leur numérotation.
Sur le fond, elle fait valoir que le contrat de bail ne prévoit pas de stipulation obligeant le bailleur à garnir les autres lots, que les impérities de l'enseigne installée initialement sur le site ne relèvent pas d'une mauvaise gestion de sa part du centre commercial. Au départ de celle-ci, elle n'a pas ménagé ses efforts pour y pallier et établir un projet viable de commercialisation des espaces vacants de ce petit centre commercial, mais s'est heurtée au refus de l'appelante de voir le site évoluer -alors même qu'elle ne s'acquittait plus de ses loyers et charges, et au refus de financement des établissements financiers.
La situation résulte ainsi de ces multiples causes étrangères et ne relève donc pas de sa responsabilité.
S'agissant de l'obligation de délivrance, l'intimée soutient avoir continué à entretenir et réparer le centre commercial, relève qu'il n'est aucunement démontré que l'exploitation du commerce de l'appelante ait été empêchée par l'absence d'autres lots exploités, et conteste l'existence d'un lien de causalité entre le manquement prétendu et la baisse du chiffre d'affaires -dont le chiffrage même est remis en cause.
Elle soutient que le preneur aurait refusé l'installation d'un chauffage de remplacement et que c'est celui-ci qui a décidé de fermer le commerce et de quitter volontairement les lieux loués depuis le 31 décembre 2019.
A titre reconventionnel, l'intimée observe que l'intimée n'occupe plus les lieux depuis fin 2019, ne s'acquitte plus d'aucune somme depuis, et reste redevable de charges impayées depuis 2017.
Un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail lui a été délivré le 7 février 2020, en vain, et ce contrat de bail est parfaitement opposable à la société intimée qui vient aux droits du preneur initial, Monsieur D.
L'intimée demande donc à la Cour de :
« A titre liminaire,
Rejeter l'appel adverse comme étant irrecevable, en l'état de l'absence d'existence de la SARL (appelante),
A tout le moins,
Vu l'article 954 du code de procédure civile,
Rejeter comme étant irrecevables toutes écritures adverses ne respectant pas les dispositions de ce texte,
En toute hypothèse et sur le fond,
Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,
Confirmer purement et simplement le jugement dont appel, si ce n'est à substituer à la société (appelante) toute autre nouvelle structure venant aux droits de celle-ci, en ses lieu et place, ('),
Condamner la société (appelante ou toutes sociétés venant à ses lieu et place, à payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner (la même) aux entiers dépens (dont distraction). »
***
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la procédure :
L'article 914 du code de procédure civile dispose que « les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions spécialement adressées à ce magistrat, tendant à :
- prononcer la caducité de l'appel,
- déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ('),
- déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910,
- déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l'article 930-1.
Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée que postérieurement. ('). »
De même, depuis le décret du 11 décembre 2019 applicable en l'espèce dès lors que l'instance d'appel a été introduite après le 1er janvier 2020, le conseiller de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir par application des articles 907 et 789 du code de procédure civile.
En l'espèce, l'intimée conclut non pas à une irrégularité de la déclaration d'appel devant entrainer sa nullité, mais à son irrecevabilité, ainsi qu'à l'irrecevabilité des conclusions.
Or les fins de non-recevoir ainsi soulevées par l'intimée sont irrecevables devant la cour pour n'avoir pas été soulevées devant le conseiller de la mise en état dessaisi depuis la clôture et ne résulter d'aucun élément survenu postérieurement.
En tout état de cause et à titre surabondant, il peut être rappelé que le fait pour la société appelante de se présenter sous une dénomination qui ne correspond pas à sa dénomination sociale actuelle ne la prive pas de la capacité d'ester en justice laquelle est attachée à la personne quelle que soit sa désignation.
De même, les conclusions déposées par l'appelante sont formellement conformes aux prescriptions de l'article 954 du code de procédure civile, pour contenir, contrairement à ce que soutient l'intimée, une critique du jugement déféré par l'exposé de motifs contraires, ainsi qu'un renvoi dans ses conclusions aux pièces soutenant les moyens -pièces récapitulées dans un bordereau joint.
Sur le fond :
L'appelante écrit que la clause résolutoire « ne peut être invoquée à (son) encontre puisque (elle) n'a pas de bail écrit avec la société (appelante), elle a seulement un bail verbal ».
Pourtant, elle produit elle-même en pièce 1 de son bordereau le contrat de bail commercial conclu le 1er mai 2015 et, dans ses conclusions, se fonde expressément sur ce contrat pour formuler ses prétentions (page 2 notamment).
Il est ainsi acquis comme résultant des écritures concordantes des parties que la société intimée vient aux droits de la SCI bailleur initial, et que la société appelante vient aux droits du preneur initial, dans l'exécution du contrat de bail commercial conclu le 1er mai 2015.
Sur les demandes de l'appelante :
Dans l'exposé préalable de ce contrat, il est mentionné que le bailleur est propriétaire d'un ensemble immobilier sur lequel est édifié un bâtiment, qu'il a décidé de valoriser cet ensemble dans le cadre de locations à destination commerciale et s'est rapproché du « preneur exploitant de supermarchés à l'effet de s'accorder sur une location commerciale visant à la création d'un supermarché (...) dans partie des locaux ». Il est également précisé que « le preneur ayant accepté la proposition du bailleur », une demande de création d'une zone commerciale d'une surface totale de vente de 1.492 m² composée d'un supermarché à prédominance alimentaire pour une surface de vente de 952 m et d'une dizaine de commerces spécialisés annexes pour une surface de vente de 540 m² a été déposée le 9 novembre 2006 auprès de la commission départementale d'équipement commercial de Vaucluse, l'autorisation étant délivrée par celle-ci le 13 février 2007. Il est encore fait état du dépôt le 19 juin 2007 d'une demande de permis de construire pour des travaux de « reconditionnement » de l'ensemble commercial à cet effet, et sont annexés à l'acte la décision du 13 février 2007, la demande de permis de construire, les plans de masse et d'aménagement, le cahier des charges des « travaux qui seront réalisés et livrés pour partie au preneur », les aménagements mis à la charge du preneur, et le « règlement intérieur du centre commercial ».
Dans ce cadre, le bail commercial porte sur « les locaux destinés à l'exploitation d'un restaurant, cafétéria, bar, brasserie, glacier, restauration à emporter », soit le local n°5 comprenant une surface totale de 201 m².
La société appelante soutient que le bailleur aurait manqué à son obligation de délivrance et d'entretien, ainsi qu'à son obligation de « maintenir l'environnement commercial de la galerie marchande ».
L'article 1719 du code civil met à la charge du bailleur l'obligation de délivrer la chose louée, obligation qui ne se limite pas à la remise des clefs et des éléments accessoires indispensables à l'utilisation normale des locaux, mais comporte également l'obligation de réparer et entretenir la chose louée afin de permettre au preneur d'en jouir paisiblement pendant la durée du bail et de l'exploiter conformément à la destination convenue et aux stipulations du bail.
En revanche, le bailleur n'a aucune obligation de garantir la chalandise des lieux loués ni de délivrer un environnement commercial favorable et, en l'absence d'obligation particulière et expresse du bailleur liée à l'existence du centre commercial, le bailleur n'est tenu d'aucune autre obligation que celle d'entretien et de jouissance paisible de la chose louée (Civ 3è 12 juillet 2000 Bull civ III n°137 D2000). Seule une clause pourrait permettre au preneur d'obtenir la condamnation du bailleur en cas de baisse de la fréquentation de la zone commerciale, clause qui n'existe pas au contrat du 1er mai 2015 régissant les relations entre les parties, de sorte que c'est vainement qu'il est fait état -et justifié- de la faible fréquentation des lieux et de la fermeture de commerces dans la galerie.
Aussi, à défaut de stipulation particulière, l'obligation de délivrance et d'entretien à la charge du bailleur porte sur la mise à disposition et le maintien du bien loué en l'état de servir à l'usage pour lequel il a été loué et faire pendant la durée du bail toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires autres que locatives.
A priori, cette obligation d'entretien ne devrait porter que sur le local, assiette du bail, mais, parce que le bailleur est tenu d'entretenir la chose louée en l'état de servir à l'usage convenu, et qu'en l'espèce le contrat de bail stipule expressément que ce bail du local s'inscrit dans un ensemble immobilier constituant un centre commercial, son obligation déborde le strict cadre des locaux loués et le défaut d'entretien des parties communes du centre commercial qui aurait pour effet de priver le preneur des avantages qu'il tient du bail constitue un manquement du bailleur à son obligation contractuelle. Civ 3è 31 octobre 2006 n°05-18.377
En l'espèce, le preneur produit au soutien de ses prétentions plusieurs procès verbaux dressés par huissier de justice les 24 juillet et 3 aout 2018, les 10, 14 et 18 décembre 2018, le 26 juillet 2019 et encore le 26 décembre 2019 (pièces 10 à 13).
Il ressort du constat établi le 24 juillet 2018 à partir de 15h45, que :
-« des herbes hautes » « aux abords de l'allée de circulation périphérique du bâtiment » démontrent « l'absence d'entretien »,
- que l'enduit de la façade est et sud-est comporte des taches noiratres et jaunatres,
- que le dispositif d'évacuation des eaux pluviales est « dépourvu d'équipement de drainage » et comporte « un segment principal absent »,
- que le boitier EDF se trouvant dans un placard ouvert du local EDF a une porte « ouverte et manifestement défectueuse »,
- que l'assiette du parking comporte un « enrobé détérioré à de nombreux endroits »,
- que de la poussière et des toiles d'araignées sont présentes sur les devantures des locaux commerciaux côté sud,
- que le dispositif métallique de stationnement des vélos n'est plus fixé au sol,
- que les communs du centre commercial ne sont pas climatisés,
- que le local du salon de coiffure voisin, comme celui exploité ne le sont pas davantage, les diffuseurs se trouvant au plafond du restaurant ne fonctionnant pas et la température y étant pour ce dernier de 30,2 degrés celsius,
- que l'accès pour les livraisons est sale, « le sol jonché de nombreux détritus »,
- que, à 16h45, l'éclairage du parking est allumé depuis quelques minutes, trois sports sur quatre fonctionnant.
Le 3 août 2018 à partir de 21H45 il est encore constaté que seul le lampadaire le plus proche de la route fonctionne avec trois spots sur quatre comme précédemment, et que la majeure partie du parking et du centre commercial sont dans l'obscurité, l'accès des livraisons étant toujours aussi sale (pièce 10).
L'huissier de justice requis constate encore les 10, 14 et 18 décembre 2018 à 11H40, 18h30 et 8h25 respectivement, qu'il fait « un froid évident » dans le centre commercial et que le thermomètre mural du restaurant affiche 16°C puis 14,8° et 12,6°C, mais également que, le 14 décembre à 18H50, le parking du centre commercial est totalement dépourvu d'éclairage (pièce 11).
Le 26 juillet 2019 à 13h25 et 13h55, l'huissier constate que l'entrée du centre commercial est fermée au moyen d'un rideau de fer, que le dispositif de climatisation se trouvant au plafond souffle de l'air tiède, que la salle du restaurant n'est manifestement pas climatisée et qu'il y fait une température de 31,1° puis 31,2°C (pièce 12).
Enfin, le 26 décembre 2019 à partir de 17h55, l'huissier requis constate que de l'air froid sort de la climatisation réversible lorsqu'elle est manuellement programmée à 23°C, et qu'à 18h25, il fait moins de 16°C dans le local. Il est encore relevé que « certains réverbères » sur le parking de l'ancien supermarché ne sont pas allumés et que le parking situé devant la terrasse du commerce est « plongé dans le noir » lorsque l'éclairage de la terrasse est éteint. Enfin, est constatée la présence d'ordures sur le sol du parking du restaurant.
Les manquements à l'obligation d'entretien du bailleur procèderaient ainsi, selon l'appelante, de trois faits : un éclairage défaillant, une régulation de la température (chauffage et climatisation) inexistante ou inefficace, et un service d'hygiène et de réparation de l'immobilier insatisfaisant.
Cette obligation s'apprécie au regard des stipulations contractuelles : contrat de bail du 1er mai 2005, mais également règlement intérieur du centre commercial qui y est annexé et que l'appelante produit en pièce 2.
Il est précisé dans l'article 2 du contrat de bail, relatif aux « locaux, objet du bail », que « le bailleur bénéficiera de la jouissance partagée avec les autres exploitants du centre commercial des aires de stationnement et de circulation, le mail, le sas d'entrée, les toilettes communes, etc...comprises dans l'ensemble immobilier dans lequel sont situés les locaux objet du présent bail ».
L'article 3 ajoute que « les locaux sont compris dans un ensemble immobilier à usage commercial (lequel), constitué de magasins et services, est organisé, conçu, planifié, réalisé et géré en vue de satisfaire les besoins de la clientèle ».
L'article 9 met à la charge du preneur une obligation de « respecter les clauses et stipulations du règlement intérieur (') et tout particulièrement à respecter les horaires d'ouverture de l'ensemble immobilier commercial », et l'article 10, celle de « maintenir le local ouvert, chauffé ou réfrigéré et éclairé selon les horaires et conditions conformes au règlement intérieur sans pouvoir cesser de l'exploiter, même momentanément ».
Enfin, l'article 11-4 du contrat stipule que « l'ensemble immobilier commercial a une vocation spécifique, une zone de chalandise prévisionnelle tendue et un positionnement qui doit lui permettre de bénéficier d'une image très qualitative. Il en résulte l'absolue nécessité pour le preneur de pouvoir offrir aux clients de l'ensemble immobilier commercial un concept et des aménagements qualitatifs afin de permettre au centre commercial de créer et maintenir son image dans son environnement ».
Le règlement intérieur prévoit qu'en terme d'horaires d'ouverture au public, les commerces et services suivront les horaires du supermarché sans interruption du lundi au samedi et qu'en cas d'ouverture du supermarché le dimanche ou jour férié, les boutiques le seront également de 8h30 à 19h00.
Il précise que « les équipements de sécurité des boutiques doivent être maintenus en bon état de fonctionnement et vérifiés périodiquement par des organismes agréés. Les installations électriques, les installations de climatisation et chauffage doivent être maintenues en bon état de fonctionnement et vérifiées périodiquement par des organismes agréés » et que « les surfaces de vente ou accueillant du public devront obligatoirement être chauffées ou climatisées pendant les heures d'ouverture au public. Aucune exception ne sera admise à la contribution obligatoire des exploitants dans les dépenses de conditionnement d'air, même dans l'hypothèse où, en cas de force majeure, ils seraient contraints de laisser leur magasin fermé pendant une certaine période. En outre la température des locaux doit être maintenue en permanence « hors gel » ».
Le règlement stipule, concernant l'éclairage, que « les exploitants sont tenus de conserver leurs vitrines et enseignes et toutes parties de leur magasin immédiatement visibles du mail, éclairés pendant l'horaire d'ouverture du centre commercial et jusqu'à une heure plus tardive en cas d'opération exceptionnelle », et, concernant l'entretien et le nettoyage que « les exploitants devront maintenir en bon état d'entretien, de fonctionnement et de propreté l'ensemble des locaux, les vitres, les accessoires, l'équipement de la devanture » et que « les travaux extérieurs de nettoyage et d'entretien des locaux seront effectués en priorité en dehors des heures d'ouverture à la clientèle ».
Et il ressort des écritures des parties comme des pièces produites que le supermarché installé dans le centre commercial a fermé fin juin 2018 sans être remplacé (pièces 7 et 10-48 de l'appelante et 6-4 de l'intimée).
S'agissant de l'éclairage, il n'est aucunement démontré par l'appelante que le bailleur se soit engagé à maintenir un éclairage général et constant du parking de sorte qu'il serait fautif pour un éclairage inexistant le 14 décembre 2018 et insuffisant le 26 décembre 2019 sur la même tranche horaire de 18 à 19 heures, ou encore le 3 aout 2018 à 21h45.
S'agissant de la climatisation/chauffage, la lecture des documents contractuels révèlent que c'est le preneur qui a l'obligation de maintenir le local loué chauffé l'hiver et climatisé l'été et de veiller au bon fonctionnement de son installation à cet effet, de sorte que l'appelante est pour le moins malvenue à se plaindre d'un défaut d'entretien qui lui incombe.
Pour les parties communes, s'il est acquis qu'elles ne sont ni climatisées en juillet 2018 et juillet 2019, ni chauffées en décembre 2019 -alors qu'elles devraient l'être du fait de la « cotisation obligatoire », ce défaut, quand bien même il résulterait d'un manque d'entretien ne prive pas le preneur des avantages qu'il tient de son bail dès lors que son commerce est accessible depuis l'extérieur et qu'il lui appartient d'y apporter une température qui puisse être agréable à sa clientèle -laquelle pourrait alors même être tentée de s'y rendre spécialement à cet effet.
Enfin, les photographies et constatations effectuées par les huissiers de justice sur les lieux quant au revêtement du parking, à l'état des murs, à la végétation, etc, ne sont pas révélatrices d'une manque d'entretien de l'ensemble immobilier mais seulement d'un lieu qui n'est manifestement plus animé par une activité commerciale quotidienne et dont les petits défauts deviennent plus visibles de ce fait.
Le bailleur ne répondant, comme il a été rappelé, que du défaut d'entretien des parties communes qui priverait le preneur des avantages qu'il tient du bail et non pas de l'activité commerciale du centre commercial où se trouve le local, aucune faute n'est établie à sa charge de ce fait, et ce d'autant moins qu'il justifie de multiples dépenses d'entretien et nettoyage de 2016 à 2019 (factures en pièce 10-1).
Aucun manquement contractuel du bailleur n'étant ainsi démontré, l'appelante ne peut qu'être déboutée de ses prétentions.
sur les demandes reconventionnelles de l'intimée :
L'intimée justifie de la délivrance d'un commandement de payer visant la clause résolutoire à la société appelante par acte du 7 février 2020 (pièce 15).
Les non-paiements dont il est argué ne sont pas contestés par l'appelante qui entend seulement justifier sa carence par exception d'inexécution.
C'est vainement qu'elle conteste le principe d'une facturation du poste climatisation et chauffage, ainsi que pour l'éclairage du parking, notamment, pour 2018 et 2019 alors même qu'elle procède d'un relevé de compteur EDF pour la consommation d'électricité dont le montant n'a jamais été contesté sinon dans le cadre de l'instance en cours et dont les précédentes échéances avaient manifestement été acquittées sans difficulté (pièce 11).
C'est tout aussi vainement qu'elle revendique comme indû le paiement des loyers à compter de décembre 2019 où elle cesse l'exploitation du local, alors même qu'il a été retenu qu'aucun manquement contractuel du bailleur n'était démontré et qu'elle était pour sa part tenue contractuellement de poursuivre son activité sur site.
La clause résolutoire est donc acquise et c'est à juste titre que le premier juge a constaté la résiliation du bail, ordonné l'expulsion de la société intimée et de tout occupant de son chef, fixé l'indemnité d'occupation et condamné à paiement l'intimée au titre des loyers et charges impayés ainsi que de cette indemnité d'occupation -condamnation dont les modalités et montants ne sont pas contestés par les parties.
Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les frais de l'instance :
L'appelante, qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance et payer à l'intimée une somme équitablement arbitrée à 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déclare l'appel et les conclusions de l'appelante recevables ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf à préciser que la SARL Le Bosphore est désormais dénommée SARL Lary ;
Y ajoutant,
Dit que la SARL Lary supportera les dépens d'appel et payera à la SCI Provence et commerces une somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que Maître [M] [H] de la SCP d'avocats [X] [H] et [M] [H] pourra recouvrer directement contre la partie ci-dessus condamnée, ceux des dépens dont il aura fait l'avance sans en recevoir provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.