Cass. crim., 5 février 2013, n° 12-80.573
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Avocat :
SCP Waquet, Farge et Hazan
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X..., gardien de la paix aux renseignements généraux du Var, chargé notamment de rechercher des informations sur des données à caractère personnel figurant dans le système de traitement des infractions constatées (STIC) et dans le fichier national automobile (FNA), est poursuivi pour avoir détourné ces informations de leur finalité en les exploitant à des fins personnelles ou en les communiquant à Mme Y..., dirigeant de fait, malgré une interdiction de gérer, de sociétés dans le domaine de l'immobilier, et poursuivie pour recel d'informations nominatives provenant de ce délit ; que les prévenus ont été déclarés coupables de ces chefs ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, 63 et suivants, 75 et suivants du code de procédure pénale dans leur rédaction issue de la loi 2011-392 du 14 avril 2011, en vigueur le 1er juin 2011, préliminaire au code de procédure pénale, 174, 593 et 802 du même code, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a limité les conséquences de la nullité de la garde à vue de M. X... à l'annulation de quatre procès-verbaux d'audition ;
"aux motifs que sur les nullités de la garde à vue, il se déduit, à la lueur des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, que toute personne placée en garde à vue doit, dès le début de cette mesure, être informée de son droit de se taire et, sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'espèce, pouvoir bénéficier, en l'absence de renonciation non équivoque, de l'assistance d'un avocat ; que les Etats adhérents à cette Convention sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme sans attendre d'être attaqués devant elle ni d'avoir modifié leur législation ; que lors de son placement en garde à vue le 10 juin 2008 à 10h10, M. X..., informé de la nature de l'infraction à raison de laquelle il était soumis à la mesure, atteintes aux droits de la personne résultant de détournements de données, informé des droits prévus aux articles 63-1 à 63-4 du code de procédure pénale alors en vigueur, a déclaré désirer faire prévenir un membre de sa famille, ne pas souhaiter bénéficier d'un examen médical, prendre acte qu'il peut s'entretenir avec un avocat dès le début de la mesure mais pour l'instant ne pas souhaiter voir son avocat dont il donnait le nom ; que sans qu'il soit besoin de prononcer sur les autres irrégularités alléguées, il est établi qu'en méconnaissance de la règle susvisée, M. X..., qui a renoncé à l'assistance d'un avocat, n'a pas été informé de son droit de se taire ; que les auditions recueillies de M. X... au cours de la garde à vue sont donc irrégulières et doivent être annulées ; que les effets de l'annulation ne peuvent être étendus qu'aux actes dont les auditions recueillies ont été le support nécessaire ; que la perquisition domiciliaire est un acte matériel qui n'exige pas d'autre forme que l'autorisation de la personne chez laquelle elle est pratiquée, qui ne comporte pas d'audition et est sans rapport avec les auditions annulées qui n'en ont pas été le support nécessaire ; qu'aucune des autres auditions et actes du dossier de l'enquête n'a pour support nécessaire les auditions annulées ; que l'exception n'est donc fondée en ses conséquences que pour l'annulation de quatre procès-verbaux d'audition ;
"1) alors qu'il appartenait aux juges du fond, après avoir constaté que les auditions recueillies au cours de la garde à vue étaient irrégulières, d'annuler non seulement ces auditions mais aussi tous les actes de procédure subséquents et ceux réalisés au cours de la mesure de garde à vue affectée de nullité, notamment la perquisition effectuée dans les bureaux de la SCI dont M. X... était le gérant, le 10 juin 2008 à 11h50, en présence de M. X..., gardé à vue, ayant autorisé la mesure au cours de la mesure litigieuse réalisée en violation des droits de la défense ; qu'en effet, ledit acte, au cours duquel M. X... était présent, a été interrogé sur la localisation des bureaux et a fait une déclaration, était nécessairement affecté par l'irrégularité de la garde à vue pendant laquelle la perquisition s'est déroulée sans que M. X... n'ait été assisté par un avocat, ni n'ait reçu notification du droit de se taire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"2) alors qu'une perquisition effectuée pendant l'exécution d'une mesure de garde à vue irrégulière est nécessairement nulle dès lors qu'elle lui est indissociablement attachée, pour avoir été réalisée en présence de la personne gardée à vue, qui n'avait pas reçu notification de ses droits et qui a consenti à ladite perquisition au cours de l'une des auditions annulées (procès-verbal d'audition n° 08/29 du 10 juin 2008 à 10h20) ; qu'ainsi, la cour d'appel qui constate que la perquisition domiciliaire n'exige pas d'autre forme que l'autorisation de la personne chez qui elle est pratiquée et estime qu'elle est sans rapport avec les auditions annulées qui n'en ont pas été le support nécessaire, puis se fonde sur les documents saisis au cours de cette perquisition pour établir la preuve matérielle du délit, n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les textes susvisés ;
"3) alors que la cour d'appel ne pouvait considérer que la prescription dont s'agit, qui n'exige pas d'autre forme que l'autorisation de la personne chez laquelle elle est pratiquée, est sans rapport avec les auditions annulées qui n'en ont pas été le support nécessaire, sans dénaturer le procès-verbal d'audition cité IGPN/MA/N° 08/29 d u 10 juin 2008 à 10h20, dans lequel M. X... indiquait consentir à la perquisition et fournir l'autorisation nécessaire, en sorte que la perquisition trouvait son support nécessaire dans ledit procès-verbal d'audition et était donc en lien avec les auditions annulées" ;
Attendu que M. X... s'est présenté sur convocation dans les locaux de police le 10 juin 2008 à 10 heures 10 et a été placé immédiatement en garde à vue pour atteintes aux droits de la personne résultant de détournements de données ; qu'il a été entendu une première fois, en enquête préliminaire, par un officier de police judiciaire jusqu'à 11 heures 10 puis a donné son autorisation expresse à une perquisition qui a été effectuée le même jour de 11 heures 50 à 14 heures 20 dans les locaux d'une société civile immobilière dont il était le gérant et lors de laquelle divers documents ont été découverts ;
Attendu qu'avant toute défense au fond, le prévenu a excipé de la nullité des actes relatifs à sa garde à vue ainsi que des actes subséquents ; que le tribunal a rejeté cette exception de nullité ;
Attendu qu'après avoir retenu que le prévenu n'avait pas été informé de son droit de se taire, l'arrêt prononce l'annulation des auditions recueillies lors de la garde à vue ainsi que d'un procès-verbal d'audition de Mme Y..., coprévenue ; que, pour refuser d'étendre l'annulation au procès-verbal de perquisition, les juges du second degré relèvent que cet acte n'exige pas d'autre forme que l'autorisation de la personne chez laquelle la perquisition est pratiquée, qu'il ne comporte aucune audition et ne présente aucun rapport avec les auditions annulées qui n'en sont pas le support nécessaire ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que ne sont nuls que les actes qui procèdent d'actes dont la nullité a été prononcée, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 226-21 du code pénal, du décret n° 2001-583 du 5 juillet 2001, des articles 6, 7, 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, du principe de la légalité des délits et des peines, et des impératifs de prévisibilité et de sécurité juridique ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de détournement de la « finalité » d'un traitement de données à caractère personnel ;
"aux motifs que devant le tribunal, M. X..., qui a déclaré qu'il contestait les faits et s'en trouvait outré comme attentatoires à son honneur, a précisé qu'il en était venu à vivre dans un état de stress permanent du fait de pressions exercées, de diverses origines, à raison de sa relation avec Mme Y..., que c'est parce qu'il était très perturbé qu'il a fait des recherches, notamment sur M. de Z..., ajoutant qu'en ce qui concerne toutes les personnes visées dans la citation, c'est qu'elles étaient en ramification avec d'autres dossiers, que cela n'a rien à voir avec Mme Y..., qu'en ce qui concerne les avocats, c'est parce que c'étaient les avocats de Mme Y..., qu'il s'agissait d'une curiosité professionnelle ; que devant la cour, M. X... fait des déclarations de même nature, affirme qu'il faisait l'entourage de Mme Y... comme on le lui avait demandé, qu'il ne faisait pas de notes de ses recherches mais rendait compte, précise que le nommé A... Rémi, visé dans la citation, était un ami de sa fille, puis ajoute qu'il était « placardisé », qu'il « tapait n'importe qui » ; qu'il en ressort en premier lieu que l'imputabilité des interrogations poursuivies n'est pas discutée ; que le délit de l'article 226-21 du code pénal incrimine « toute autre forme de traitement » ; que l'interrogation de la base nationale de données à caractère personnel entre donc bien dans les prévisions de la loi ; qu'il est vainement discuté que le système des infractions constatées STIC, autorisé par le décret n° 2001-583 du 5 juillet 2001, a pour la finalité, ainsi qu'il le précise, l'exploitation des informations contenues dans les procédures établies par les services de police, dans le cadre de leur mission de police judiciaire, aux fins de recherches criminelles et de statistiques ; qu'il est accessible aux personnes habilitées dans le cadre de certaines missions de police administrative ou de sécurité ; que les déclarations ci-dessus résumées de M. X... ne sont pas de nature à contredire le détournement de finalité reproché, tel qu'il résulte du caractère étranger de leurs sujets aux missions qui pouvaient être confiées à M. X..., et son caractère intentionnel ; que l'interrogation du fichier sur un ami de la fille du prévenu y est à l'évidence étrangère, ce que ne conteste pas le prévenu qui prétend l'imputer à un état psychologique que rien ne vient caractériser précisément et qui ne serait pas de nature à ôter aux faits leur caractère délictueux ; que M. X... discute vainement le détournement de finalité reproché en ce qui concerne les personnes qui sont concernées par les activités professionnelles de Mme Y... comme signataires de promesses de vente, ou une personne figurant sur une liste de propriétaires de parcelles de terrain, un salarié, deux avocats, et sont étrangères aux fins autorisées du traitement du STIC ainsi que l'ont confirmé les chefs du prévenu ; que la procédure révèle par ailleurs que le secteur dans lequel opérait M. X... lorsqu'une enquête lui avait été confiée concernant Mme Y..., le secteur de Hyères lui avait été retiré par ses chefs au mois d'octobre 2005, la plupart des interrogations reprochées étant postérieures et, parmi elles, nombre qui ont été faites alors qu'il entretenait une relation personnelle avec l'intéressée et même vivait avec elle à partir de 2006 ; que la culpabilité du prévenu est donc établie dans les termes de la prévention, aucune requalification n'ayant lieu d'être puisque c'est bien le délit de l'article 226-21 retenu par le tribunal qui était poursuivi par la citation ;
"alors que selon l'article 111-3 du code pénal susvisé, nul ne peut être puni pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi ; que ne saurait, en raison de son imprécision, servir de fondement à une poursuite du chef de « détournement de la finalité d'un traitement de données à caractère personnel », l'article 226-21 du Code pénal, qui renvoie indifféremment, en ce qui concerne la définition de ladite « finalité », à la disposition législative, l'acte réglementaire ou la décision de la commission nationale de l'informatique et des libertés autorisant le traitement automatisé, ou aux déclarations préalables à la mise en oeuvre de ce traitement ; qu'en s'abstenant ainsi de fixer le champ d'application de la loi et de définir le délit en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire, et en soumettant la définition de l'objet même du délit à d'autres dispositions résultant d'une énumération évasive d'actes en eux-mêmes indéfinis, l'article 226-21 du code pénal ne saurait édicter une obligation claire et accessible, pénalement sanctionnée, et est, comme tel, insusceptible de fonder la condamnation de M. X... ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué, incomplètement reprises au moyen, permettent à la Cour de cassation de s'assurer qu'en déclarant M. X... coupable du délit prévu par l'article 226-21 du code pénal, qui comporte des dispositions claires et précises, la cour d'appel n'a nullement méconnu les textes légaux et conventionnels invoqués par le demandeur ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Finidori conseiller rapporteur, Mme Guirimand conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Téplier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;