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Décisions

Cass. com., 3 juillet 2019, n° 16-28.543

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Monod, Colin et Stoclet, SCP Richard

Paris, du 25 oct. 2016

25 octobre 2016

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Converse Inc. (la société Converse), titulaire des marques internationales désignant l'Union européenne « Converse All Star » n° 924 653 et « All Star » n° 929 078, respectivement enregistrées le 16 et le 15 mai 2007 et renouvelées le 24 mars et le 21 mars 2017, pour désigner des articles chaussants, et de la marque française « Converse All Star Chuck Taylor » n° 1 356 944, déposée le 30 mai 1986 et régulièrement renouvelée les 22 mars 2006 et 5 février 2016, pour désigner les chaussures, ayant fait procéder à des constats d'achat sur internet par huissier de justice les 3 et 7 décembre 2009 puis à une saisie-contrefaçon, pratiquée les 5 et 22 février 2010 au siège de la société International Discount Developpement (la société IDD), qui ont révélé un stock de chaussures revêtues de ces marques, et la société Royer sport, licenciée et distributeur exclusif en France des marques précitées, ont assigné cette société et la société Sport négoce international (la société SNI), fournisseur des produits, en contrefaçon ; que les sociétés IDD et SNI ont assigné en intervention forcée leur propre fournisseur, la société Dieseel AG (la société Dieseel) ; qu'à la suite de la cession à son profit des marques, la société All Star CV (la société All Star) est intervenue volontairement à l'instance ; que les sociétés IDD et SNI ont reconventionnellement demandé l'annulation des procès-verbaux de constat et de saisie-contrefaçon et ont, avec la société Dieseel, invoqué l'épuisement des droits des sociétés Converse et All Star sur les marques susvisées pour les produits en cause ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés IDD et SNI font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation du procès-verbal de constat d'achat sur le site internet « [...] » établi les 3 et 7 décembre 2009 alors, selon le moyen, que le droit à un procès équitable, consacré par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, commande que la personne qui assiste l'huissier instrumentaire lors de l'établissement d'un procès-verbal de constat soit indépendante de la partie requérante ; que, pour rejeter la demande d'annulation du procès-verbal de constat d'achat des 3 et 7 décembre 2009, la cour d'appel a relevé que l'huissier avait procédé à ses constatations « en présence de M. L... X..., juriste en charge de la marque Converse » et qu'il avait utilisé l'adresse électronique, le mot de passe et les coordonnée bancaires qui lui avaient été communiquées par M. X..., de sorte que l'achat avait été réalisé par un représentant des marques prétendument contrefaites bien que les produits aient été livrés à l'adresse indiquée de l'huissier de justice ; qu'en statuant ainsi, sans tirer les conséquences légales de ses constatations, elle a méconnu le texte susvisé, ensemble l'article 9 du code de procédure civile et le principe de loyauté dans l'administration de la preuve ;

Mais attendu que les sociétés IDD et SNI qui, devant la cour d'appel, fondaient leur demande d'annulation du procès-verbal de constat litigieux sur le fait que l'huissier de justice s'était livré à des manoeuvres déloyales, en constatant une opération d'achat sur le site internet, sans avoir décliné sa qualité et en ne précisant pas que l'adresse à laquelle la marchandise devait être livrée était celle d'une étude d'huissier de justice, ne sont pas recevables à soutenir, pour la première fois devant la Cour de cassation, que la personne ayant assisté l'huissier lors de l'établissement du procès-verbal litigieux n'était pas indépendante de la partie requérante ; que le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, est irrecevable ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article L. 716-7 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 ;

Attendu que pour rejeter la demande d'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon des 5 et 22 février 2010, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que l'ordonnance sur requête du 28 janvier 2010 l'autorisant à « effectuer toutes recherches et constatations utiles afin de découvrir l'étendue des faits incriminés, la provenance et la destination des objets ou produits litigieux, l'identité de leurs auteurs (
) », l'huissier de justice pouvait obtenir une liste des produits Converse ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartient à l'huissier de justice d'effectuer les opérations de saisie conformément aux dispositions de l'ordonnance autorisant la mesure et qu'en l'espèce, seules étant incriminées les atteintes portées aux marques « Converse All Star » n° 924 653, « All Star » n° 929 078 et « Converse All Star Chuck Taylor » n° 1 356 944, les recherches et constatations ne pouvaient être étendues aux autres marques « Converse », la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation prononcée sur le deuxième moyen entraîne, par voie de conséquence, celle des chefs de l'arrêt qui condamnent les sociétés IDD et SNI, ainsi que la société Dieseel, pour contrefaçon des marques « Converse All Star » n° 924 653, « All Star » n° 929 078 et « Converse All Star Chuck Taylor » n° 1 356 944, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare valable le procès-verbal de saisie-contrefaçon des 5 et 22 février 2010, dit qu'en ayant détenu, offert à la vente, vendu des chaussures revêtues des marques internationales désignant l'Union européenne « Converse All Star » n° 924 653 et « All Star » n° 929 078, et de la marque française « Converse All Star Chuck Taylor » n° 1 356 944, les sociétés International Discount Developpement, Sport négoce international et Dieseel ont fait un usage illicite de ces marques, condamne in solidum ces sociétés à payer à la société All Star CV la somme de 30 000 euros en réparation de l'atteinte portée à ses marques et à la société Royer sport la somme de 60 000 euros en réparation de son préjudice commercial, prononce des mesures d'interdiction et de publication, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 25 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne les sociétés Converse Inc., All Star CV et Royer sport aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et condamne les sociétés Converse Inc. et All Star CV à payer aux sociétés Sport négoce international et International Discount Developpement la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille dix-neuf.