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Décisions

Cass. 3e civ., 5 octobre 2011, n° 09-70.571

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacabarats

Avocats :

SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Basse-Terre, du 21 sept. 2009

21 septembre 2009

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse Terre, 21 septembre 2009), rectifié par un arrêt du 15 mars 2010, que la société Clasa a fait édifier, dans l'île de Saint-Martin, la première tranche d'un immeuble à usage de résidence hôtelière, dénommée " Hôtel Mont Vernon ", vendu par lots de copropriété à des investisseurs bénéficiant des dispositions fiscales prévues par la loi du 11 juillet 1986, dite " loi Pons " ; que, par acte notarié, reçu le 26 décembre 1989 par la société civile professionnelle (SCP) Gerald Y..., Patrick Y... et Z..., devenue la SCP Y..., C..., A... et D... (la société notariale), la société Favese, constituée entre les époux B... le 21 décembre 1989, a acquis les lots n° 135 et 136 ; que par un second acte du même jour, la société Le Comptoir des entrepreneurs, aux droits de laquelle ont succédé la société Entenial, puis la société Crédit foncier de France (société CFF), a consenti un prêt à la société Favese avec la caution des époux B... ; que la société Favese a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 5 janvier 1990 ; qu'en 1998, la société Favese a assigné en annulation des actes de vente et de prêt la société Clasa, la société notariale et ses assureurs, les Mutuelles du Mans assurance IARD Assurances mutuelles et Mutuelles du Mans assurances IARD (les MMA), ainsi que la société Le Comptoir des entrepreneurs ; que les époux B... ont été assignés en intervention forcée ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° B 09-72. 855 et le premier moyen du pourvoi n° U 09-70. 571, réunis :

Attendu que les sociétés Clasa et MB, ès qualités, et, la société notariale et les MMA font grief à l'arrêt, pour les sociétés Clasa et MB, ès qualités, de constater la nullité absolue du contrat de vente et de condamner la société Clasa à verser à la société Favese la somme de 298 841, 23 euros correspondant au prix d'acquisition des lots, et, pour la société Notariale et les MMA, de prononcer la nullité des contrats de prêt et de vente, et, de les condamner in solidum, d'une part, à garantir les restitutions, par la société Clasa à la société Favese de la somme de 298 841, 23 euros, et, par la société Favese à la société CFF de la somme de 163 535, 16 euros correspondant au capital prêté non remboursé, d'autre part, à payer à cette société la somme de 197 050, 08 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la nullité du contrat de prêt, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en omettant de répondre au moyen tiré par la société Clasa dans ses conclusions d'appel de ce que seul le cocontractant de la société en cours de formation était susceptible d'invoquer, au titre du défaut d'une condition de la reprise des engagements souscrits par la société après son immatriculation, l'absence de mention que l'acte était conclu au nom de la société en formation, de sorte que la société Favese ne saurait s'en prévaloir, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en toute hypothèse, en omettant de réfuter les motifs du jugement entrepris qu'elle infirme et que la société Clasa s'était appropriés en demandant sa confirmation, aux termes desquels les premiers juges avaient retenu que la nullité de l'acte de vente du 26 décembre 1989, invoquée par la société Favese était susceptible d'être confirmée dès lors qu'elle n'était destinée à protéger que les tiers avec lesquels la société contracte et que la confirmation tacite de la vente était établie par son exécution volontaire, en toute connaissance de cause, par la société Favese, alors dotée de la personnalité juridique, la cour d'appel a, de nouveau, violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en tout état de cause, si l'acte nul de nullité absolue ne peut être rétroactivement confirmé, il est loisible aux parties de renouveler leur accord ou de maintenir leur commune volonté lorsque la cause de la nullité a cessé ; qu'en se bornant à affirmer qu'il n'était justifié d'aucune démarche des parties en vue de procéder à la réfection des actes nuls et à la conclusion de nouveaux contrats se substituant à ceux-ci, ni même d'aucun élément laissant supposer qu'elles en ont eu l'intention, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'exécution par la société Favese, qui s'était comportée en propriétaire pendant près de neuf ans, postérieurement à l'acquisition de la personnalité morale, du contrat de vente du 26 décembre 1989, ne manifestait pas le maintien de la volonté commune des parties à l'acte de vente, après cessation de la cause de nullité, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1108 du code civil, ensemble l'article 1842 du même code ;

4°/ que les actes d'exécution d'un contrat effectués par une société, après son immatriculation lui conférant la personnalité morale, valent nécessairement réitération de la convention conclue en son nom avant son immatriculation ; qu'en écartant la réitération des actes de vente et de prêt conclus le 26 décembre 1989 au nom de la société Favese, avant son immatriculation, sans rechercher si les actes d'exécution de ces contrats effectués par la société après son immatriculation ne constituaient pas la manifestation d'une volonté sociale qui préalablement n'existait pas, et si, partant, ils n'entraînaient pas nécessairement réitération des contrats frappés de nullité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du code civil ;

5°/ que si l'acte nul de nullité absolue ne peut-être rétroactivement confirmé, il est loisible aux parties de renouveler leur accord ou de maintenir leur commune volonté lorsque la cause de nullité a disparu, cette réitération, qui peut-être tacite, pouvant résulter de l'exécution volontaire de l'engagement initial par les parties, après disparition de la cause de nullité ; qu'en retenant qu'il n'était justifié d'aucune démarche des parties en vue de procéder à la réfection des actes nuls et à la conclusion de nouveaux contrats se substituant à ceux-ci, ni même d'aucun élément laissant supposer qu'elles en avaient eu l'intention, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les actes d'exécution des contrats de vente et de prêt, conclus par la société Favese, avant son immatriculation au Registre du commerce et des sociétés, accomplis par la société Favese après que celle-ci a acquis la personnalité morale, ne constituaient pas une réitération de ses engagements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté qu'il ressortait des deux actes que le prêt et la vente immobilière n'avaient pas été conclus au nom d'une société en formation mais par la société elle-même, que la société Favese n'avait acquis la personnalité juridique par son immatriculation au registre du commerce et des sociétés que le 5 janvier 1990, et relevé qu'il en résultait que la société Favese était dépourvue de personnalité morale lui permettant de contracter en son nom le 26 décembre 1989 et qu'elle n'avait pu se livrer, après son immatriculation, à aucune reprise de ses actes, faute d'avoir été souscrits par un mandataire pour le compte de la société en formation, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions et procédé, par une appréciation souveraine de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis et de la commune intention des parties, à la recherche prétendument omise, en a déduit à bon droit qu'étant frappés de nullité absolue pour avoir été conclus par une société inexistante, les contrats n'étaient pas susceptibles de confirmation ou de ratification par un acte unilatéral, exprès ou tacite, de la part de la société après son immatriculation, et, qu'en l'absence de justification de démarches des parties exprimant leur intention commune de procéder à la réfection des actes nuls en leur substituant de nouveaux accords (ou en les réitérant), l'irrégularité ne pouvait être couverte après le 5 janvier 1990 ni par les actes d'exécution de ces contrats ni par l'attitude ou le comportement des associés à l'égard des tiers ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les moyens uniques des pourvois incidents, réunis, ci-après annexés :

Attendu que la cour d'appel n'a fait qu'user de la faculté remise à sa discrétion par l'article 1153-1, alinéa 2, du code civil en rejetant la demande de la société CFF tendant à obtenir le paiement des intérêts au taux légal depuis la date d'expiration du prêt fixé au 1er janvier 2000 sur la somme de 197. 050, 08 € qui lui a été allouée en compensation du préjudice subi ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi n° B 09-72. 855 :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société Clasa dirigée contre les époux B... en indemnisation du préjudice causé par l'annulation de la vente du 26 décembre 1989, et, paiement à ce titre, de dommages et intérêts d'un montant provisionnel de 298. 841, 23 euros, l'arrêt retient qu'en l'occurrence, dès lors qu'il n'est pas établi que la société Favese a manqué à ses obligations dans l'entretien et la jouissance des lots de copropriété depuis leur acquisition en 1989, ces lots seront réintégrés dans le patrimoine de la société Clasa sans que leur dépréciation économique puisse être compensée par une indemnité venant s'ajouter à la restitution en nature ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'annulation de la vente du 26 décembre 1989 en raison du défaut de personnalité juridique à cette date de la société Favese, non encore immatriculée, n'était pas imputable à un manquement des époux B... à l'obligation de contracter de bonne foi de nature à engager leur responsabilité délictuelle envers la société Clasa au titre du préjudice subi en raison de la conclusion du contrat annulé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;

Et sur le deuxième moyen du pourvoi n° U 09-70. 571 :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que, pour condamner la société notariale, in solidum avec les MMA, à garantir la restitution par la société Clasa à la société Favese de la somme de 298 841, 23 euros correspondant au prix d'acquisition des lots de copropriété, l'arrêt retient que la garantie de cette restitution est due en conséquence de la faute commise par le notaire ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'une telle restitution ne constituant pas en elle-même un préjudice indemnisable, la société notariale pouvait seulement être condamnée à la garantir à la mesure de l'insolvabilité de la société Clasa, la cour d'appel a violé le texte sus-visé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le troisième moyen du pourvoi n° B 09-72. 855 et sur le troisième moyen du pourvoi n° U 09-70. 571 qui sont subsidiaires ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société Clasa dirigée contre les époux B..., en indemnisation du préjudice causé par l'annulation de la vente du 26 décembre 1989, et, paiement à ce titre, de dommages-intérêts d'un montant provisionnel de 298 841, 23 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 1998 avec capitalisation, et en ce qu'il condamne la SCP Y..., C..., A... et D..., in solidum avec les Mutuelles du Mans assurances, à garantir la restitution par la société Clasa à la société Favese de la somme de 298 841, 23 euros correspondant au prix d'acquisition des lots de copropriété ainsi que le paiement des intérêts, l'arrêt rendu le 21 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée.