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Décisions

Cass. com., 21 mars 2000, n° 97-18.914

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Garnier

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, Me Bertrand

Paris, 4e ch. civ. B, du 4 juill. 1997

4 juillet 1997

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 4 juillet 1997), que M. B... propriétaire du brevet d'invention n° 85.13619, déposé le 13 septembre 1985, ayant pour titre "chaise de spot pour un faux plafond ou faux mur", et la société Normalu, se disant titulaire d'une licence d'exploitation de ce brevet, ont après saisie-contrefaçon assigné la société Extenzo en contrefaçon du brevet ;

que cette société a opposé la nullité de l'assignation et de la procédure de saisie-contrefaçon, l'irrecevabilité de l'action de la société Normalu puis a conclu à la nullité du brevet ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Extenzo fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception de nullité des opérations de saisie-contrefaçon, alors, selon le pourvoi, que selon l'article 454 du nouveau Code de procédure civile, tout jugement contient le nom des juges qui en ont délibéré, que, selon l'article 456 du même Code, le jugement est signé par le président et par le secrétaire, et que, selon l'article 458 dudit Code, ce qui est prescrit par les articles 447, 451, 454 en ce qui concerne le nom des juges, doit être observé à peine de nullité ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 454 et 458 du nouveau Code de procédure civile par refus d'application ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a souverainement apprécié que le nom du magistrat ayant rendu l'ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon se déduisait de la "signature parfaitement lisible de Mme Antoine, président de la troisième chambre, première section du tribunal de grande instance de Paris", a pu statuer comme elle l'a fait ;

que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Extenzo reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon, alors, selon le pourvoi, qu'aux termes de l'article L. 615-5 du Code de la propriété intellectuelle, le propriétaire d'un brevet peut faire procéder, par tous huissiers assistés d'experts de son choix, à la description détaillée des produits prétendus contrefaits ; qu'il résulte de cette disposition que l'expert se borne à assister l'huissier et à énoncer en termes techniques ce que l'huissier est à même de constater personnellement ; qu'en l'espèce, il ressort des énonciations du constat dressé le 14 novembre à 11 heures que M. X..., huissier, s'est rendu au stand de la société Extenzo au salon Bâtimat, qu'il a recueilli les déclarations de M. A..., dont la qualité n'est pas précisée, sur la date de fabrication des produits argués de contrefaçon et sur l'usage qui en était fait, puis qu'il a constaté qu'il y avait 15 supports de spot argués de contrefaçon fixés entre le faux-plafond et le plafond du stand, enfin qu'il a fait des photos d'un support de spot dans des conditions difficiles puisqu'il n'a pu viser et qu'il se trouvait sur un escabeau ; qu'en ce qui concerne la description elle-même, l'huissier indique que M. Y..., ingénieur en brevets au cabinet Bruder, a fait des chaises de spot une description en sa présence qu'il résulte des termes mêmes du procès-verbal de saisie que l'expert a simplement enregistré les déclarations de l'expert, dont il n'a pas constaté qu'elles correspondaient à la réalité ; que si l'ordonnance rendue le 15 février 1989 autorisait l'huissier instrumentaire "à se faire assister pour l'aider dans sa description par tout homme de l'art", elle n'autorisait pas l'huissier à déléguer à un tiers la mission qui lui était impartie ; que la circonstance que ces constatations aient été faites entre guillemets pour les distinguer de celles de

l'huissier et en présence du représentant d'Extenzo, dont, au demeurant, ni le titre, ni la qualité, ni le pouvoir d'engager la société ne sont relevés, est indifférente ; qu'ainsi, en rejetant l'exception de nullité du procès-verbal de saisie soulevée par la société Extenso, la cour d'appel a violé l'article L. 615-5 du Code de la propriété intellectuelle (article 56 de la loi n° 68-1 du 2 janvier 1968) ;

Mais attendu que l'arrêt retient que seul le troisième paragraphe du procès-verbal de saisie-contrefaçon reproduit les constatations effectuées par l'homme de l'art accompagnant l'huissier et que ces constatations, faites en présence du représentant de la société Extenzo qui a signé le procès-verbal, ont été citées entre guillemets pour les distinguer de celles de l'huissier ; que c'est à bon droit, que la cour d'appel a rejeté l'exception de nullité du procès-verbal de saisie, dès lors qu'il n'est pas interdit à l'huissier de transcrire la description technique faite par l'homme de l'art qui l'assiste régulièrement dans ses opérations ;

que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Extenzo fait enfin grief à l'arrêt d'avoir décidé que les chaises de spot qu'elle fabriquait contrefaisaient le brevet déposé par M. B..., alors, selon le pourvoi, d'une part, que, pour rejeter l'argumentation avancée par la société Extenzo au titre de l'absence de nouveauté de la prétendue invention de M. B..., celui-ci a notamment fait valoir dans ses écritures que le dispositif décrit par un procès-verbal de constat dressé par Me d'Z..., le 1er septembre 1992 n'est pas pertinent, en ce que l'objet décrit ne présente pas une partie supérieure fixée au plafond et une partie inférieure réglable, mais au contraire trois éléments séparés réglables individuellement, la partie inférieure réglable en hauteur et en inclinaison n'ayant pas la forme d'une chape ouverte vers le haut, ce dispositif ne comportant pas deux ailes verticales opposées s'étendant vers le haut, mais trois ailes, et ces ailes n'enserrant pas et pour cause les ailes de la chape supérieure fixe ; que le dispositif objet du brevet permet de réaliser une inclinaison du plan du spot supporté par la chaise pouvant atteindre un angle de 90 par rapport au plan du plafond maintenant la chaise de spots, et même éventuellement dépasser cet angle, alors que, dans une chaise de spots à trois éléments comme celle objet du procès-verbal invoqué par la société Extenzo, il n'est pas possible de disposer le plan du spot perpendiculairement au plan de plafond sur lequel est fixé la chaise de spots ; que cette argumentaiton a été retenue par la cour d'appel, qui a estimé qu'il n'était établi ni par le constat d'huissier ni par le rapport qu'en a dressé un expert amiable que ces chaises de spot auraient comporté le dispositif d'inclinaison du plan du spot tel qu'il est revendiqué par l'invention ; que dès lors, que le titulaire du brevet, approuvé en cela par les juges du fond, soutenait que l'apport de son invention tenait à ce que le dispositif retenu permettait une inclinaison à 90 ou plus de spot par raport au plafond, la cour d'appel ne pouvait sans contradiction décider, par adoption des motifs des premiers juges, que quand bien même, du fait du recours à des dispositifs cubiques, par opposition aux ailes

ayant fait l'objet du brevet, le spot voyait ses possibilités d'orientation limitées et ne pouvait certainement pas être positionné perpendiculairement au plafond, le produit fabriqué par la société Extenzo reproduisait les caractéristiques du brevet de M. B... ; qu'ainsi, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, alors, d'autre part, que pour les mêmes motifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 613-3 du Code de la propriété intellectuelle (article 29 de la loi n° 68-1 du 2 janvier 1968) ;

Mais attendu qu'après avoir décrit les caractéristiques du brevet déposé par M. B... qui concerne un dispositif de chaise de spot pour faux plafond ou faux mur comportant des moyens de réglages en "hauteur et inclinaison" de la partie inférieure du spot, et constaté sa validité, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les chaises de spot commercialisées par la société Extenzo sont constituées de deux boitiers, l'un fixé au plafond, ouvert vers le bas, l'autre ouvert vers le haut ; qu'il relève que le coulissement vertical est obtenu par des fentes prévues dans le boitier inférieur, traversées par des boulons pourvus d'écrous papillons permettant d'assurer l'immobilité de l'ensemble ; qu'il en déduit que ce dispositif reproduit les caractéristiques du brevet de M. B..., à savoir les deux parties ouvertes en sens inverse solidaires, l'une et l'autre par leurs côtés opposés, le réglage en hauteur et l'inclinaison de la partie inférieure au moyen de fentes verticales, qui aménagées seulement sur le cube inférieur n'affectait pas la fonction des moyens reproduits ; que la cour d'appel qui, par une appréciation souveraine, a déduit de ces constatations que la société Extenzo avait contrefait le brevet déposé par M. B..., peu important que l'inclinaison du spot qu'elle commercialisait ait pu ou non atteindre un angle de 90 par rapport au plan du plafond, dès lors que cette caractéristique ne figurait pas parmi les revendications du brevet déposé par M. B..., a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.