Cass. crim., 27 mai 2008, n° 07-87.253
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Farge
Rapporteur :
M. le Corroller
Avocats :
SCP Roger et Sevaux, SCP Waquet, Farge et Hazan
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Agnès, épouse Y...,
- Z... Jean- Michel,
- LA SOCIÉTÉ POLE NORD devenue PN DATA,
contre l' arrêt de la cour d' appel de DOUAI, 6e chambre, en date du 28 juin 2007, qui, pour contrefaçon de logiciels, les a condamnés les deux premiers, chacun à 10 000 euros d' amende, la dernière à 30 000 euros d' amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs ainsi que le mémoire en défense produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 335- 2, L. 335- 3, L. 122- 3, L. 122- 4, L. 122- 6, L. 133- 6 du code de la propriété intellectuelle et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale ;
" en ce que l' arrêt attaqué a déclaré Agnès X...- Y..., Jean- Michel Z... et la société PN Data coupables de contrefaçon de logiciels par reproduction, les a, sur l' action publique, condamnés à des amendes et sur l' action civile, les a condamnés à verser à la partie civile la somme de 86 328 euros pour le préjudice résultant de la contrefaçon de logiciels, en désignant un expert avec mission de déterminer la perte de chiffre d' affaires subie pendant trois ans par la société Acxiom venant aux droits de la société BCA (et non la société PN Data comme indiqué par erreur dans l' arrêt) ;
" aux motifs que Henry B... employé de la société BCA a créé en 1995 et avril 1996 les deux programmes TRTNOM et Newded ; que Agnès X...- Y... que celui- ci avait connue à l' université et qu' il avait prise en stage dans la société BCA à partir d' avril 1996, a modifié, stabilisé et mis en service ces deux programmes pour le compte de la société BCA au cours de son stage en finalisant les versions correspondant en juillet soit après son embauche par la société BCA ; que si l' expert a estimé que pour ce qui concerne le programme de traitement de nom, l' analyse précise des différences existant entre les versions des 24 juillet 1996 qui a été finalisée après le stage de Agnès X...- Y... et celle du 5 février 1996, montre les apports indiscutables effectués par Agnès X...- Y... lors de son stage, il n' en demeure pas moins, malgré ces apports, qu' elle ne peut prétendre être titulaire des droits sur les logiciels dès lors que les programmes ne résultent pas du seul travail qu' elle a accompli en qualité de stagiaire, mais également du travail effectué par Henry B... au sein de la société BCA et de son propre travail lorsqu' elle est entrée au service de celle- ci ; que les programmes étaient donc la propriété de la société BCA (
) ; qu' il résulte de ce qui précède qu' Agnès X...- Y... n' a pas créé les deux programmes qu' elle a mis à la disposition de la société Pôle Nord devenue la société PN Data et qu' elle ne peut prétendre posséder des droits de propriété intellectuelle sur ces programmes dès lors qu' elle ne les avait pas créés alors qu' elle était stagiaire (
) ; que Agnès X...- Y... n' étant pas titulaire des droits sur les logiciels ne pouvait les mettre à disposition de son nouvel employeur ; que l' infraction est par conséquent caractérisée dans tous ses éléments (
) ;
" alors, d' une part, qu' un logiciel ne constitue une oeuvre de l' esprit protégée par le droit d' auteur qu' à la condition qu' il présente un caractère original ; que dès lors qu' elle avait relevé dans son arrêt avant dire droit que les rapports d' expertise étaient contradictoires quant à savoir si les logiciels incriminés étaient originaux et qu' elle a de surcroît constaté dans l' arrêt attaqué qu' ils présentaient une « faible et relative complexité » (arrêt, p. 13, § 4), la cour d' appel ne pouvait légalement juger que les prévenus avaient porté atteinte aux droits de la partie civile sur ces programmes sans en avoir préalablement caractérisé le caractère original ; qu' ainsi l' arrêt attaqué encourt l' annulation ;
" alors, d' autre part, que, lorsqu' une oeuvre est le résultat de la participation successive de plusieurs personnes, seul l' apport original de telle ou telle personne est susceptible de conférer à celle- ci des droits sur cette oeuvre ; que par ailleurs un stagiaire est le seul auteur de l' oeuvre originale qu' il a créée dans le cadre de son stage, la loi n' entraînant transfert de droits de l' auteur à l' employeur que pour les inventions de salariés ; que la cour d' appel constate que les apports essentiels aux logiciels en cause ont été le fait de Agnès X...- Y... pendant son stage au sein de BCA, et ne caractérise aucun apport original d Agnès X...- Y... postérieurement pendant sa période de salariat, ni de son employeur ; qu' ainsi la Cour d' appel n' a pas légalement caractérisé l' existence de droits d' auteur dont la partie civile alléguait la contrefaçon " ;
Vu l' article 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 111- 1, L. 112- 2, L. 113- 9, L. 122- 6 et L. 335- 3 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs d' une infraction ;
Attendu qu' il résulte de l' arrêt attaqué et des pièces de procédure que, sur citation directe de la société BCA Informatique Marketing et Calculs Appliqués, qui dénonçait la contrefaçon de logiciels utilisés pour les besoins de son activité, Agnès Y..., ancienne salariée de cette entreprise, son nouvel employeur la société Pôle Nord, devenue PN Data, et le dirigeant de ladite société, Jean- Michel Z..., ont, notamment, été poursuivis pour avoir reproduit ou diffusé une oeuvre de l' esprit en violation des droits de l' auteur, délit prévu par l' article L. 335- 3 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables de contrefaçon de logiciels, l' arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Mais attendu qu' en l' état de ces seules énonciations, qui ne font pas ressortir si et en quoi les logiciels reproduits témoignaient d' un effort créatif portant l' empreinte de la personnalité de leurs créateurs, seul de nature à leur conférer le caractère d' une oeuvre originale protégée, comme telle, par le droit d' auteur, la cour d' appel n' a pas justifié sa décision ;
D' où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu' il soit besoin d' examiner l' autre moyen proposé :
CASSE et ANNULE l' arrêt susvisé de la cour d' appel de Douai, en date du 28 juin 2007, mais en ses seules dispositions relatives aux contrefaçons de logiciels, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu' il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d' appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.