CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 14 janvier 2022, n° 20/04643
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
SCHNEEBICHLER DRIVING INNOVATION GmbH
Défendeur :
LOHR IMMOBILIER (S.A.S.), LOHR INDUSTRIE (S.A.S.), LOHR SERVICE (S.A.S.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Brigitte CHOKRON
Conseillers :
Mme Laurence LEHMANN, Mme Agnès MARCADE
Avocats :
Me Patricia H., Me Jean-Hyacinthe, Me Damien R. , Me Frédéric L. , Me Sophie D.-R.
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 24 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Paris qui a :
- décliné sa compétence pour statuer sur les demandes relatives à la marque internationale n°1320946 et au modèle international n°DM/052155 du 09.06.2000, lesquels ne désignent pas la France,
- rejeté les fins de non-recevoir tirées du défaut de titularité des droits invoqués par la société Lohr Immobilier au titre des marques n°3757121, 2751014, 1263278, 4255266 et 1320 946 et par la société Lohr Industrie sur le dessin et modèle français n°99 7982,
- rejeté la demande tendant à voir prononcer la déchéance des droits de la société Lohr Immobilier sur la marque n°1263278 pour les camions, remorques, semi-remorques, bennes et, plus généralement, véhicules en tous genres en classe 12, à compter du 15 octobre 2013,
- rejeté la demande tendant à voir prononcer la déchéance des droits de la société Lohr Immobilier sur les marques verbales LOHR n°2751014 et 3757121 pour les véhicules terrestres routiers ou ferroviaires pour le transport de personnes ou de marchandises, véhicules routiers ou ferroviaires porte-voitures, tracteurs non agricoles, remorques et semi-remorques, ensembles articulés routiers en classe 12 et les services de nettoyage, réparation, entretien et remise à neuf de véhicules terrestres et des structures et équipements pour véhicules terrestres à savoir plateaux, portiques, élévateurs, carrosseries, cabines, moteurs, générateurs, vérins, transplantation d'organes de véhicules terrestres en classe 37, à compter du 15 octobre 2013,
- rejeté la demande tendant à la nullité du dessin et modèle français n°997982 du 23.12.1999 portant sur un modèle de cale pour l'immobilisation d'une roue de véhicule routier,
- déclaré irrecevables les demandes de la société Lohr Industrie au titre du droit d'auteur sur la rampe de chargement pour porte-voiture,
- débouté la société Lohr Industrie de ses demandes au titre du droit d'auteur sur le boîtier de commande K2,
- dit n'y avoir lieu de prononcer la nullité des constats du 27 septembre, 6 et 11 octobre 2017 réalisés par Me Benoit D., huissier de justice, ni à les écarter des débats,
- dit que la société Schneebichler Driving Innovation en distribuant et commercialisant des pièces détachées sous le signe verbal LOHR, s'est rendue coupable de contrefaçon par reproduction des marques n°3757121 et n°2751014 et de contrefaçon par imitation des marques n°1263278, n°4255266 et n°1320946 au préjudice de la société Lohr Immobilier,
- dit que la société Schneebichler Driving Innovation en distribuant et commercialisant des cales de roue reproduisant les caractéristiques du modèle français n°997982 du 23.12.1999 s'est rendue coupable de contrefaçon de dessin et modèle enregistré au préjudice de la société Lohr Industrie, -dit que la société Schneebichler Driving Innovation a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société Lohr Service,
En conséquence,
- fait interdiction à la société Schneebichler Driving Innovation, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la signification du jugement et pendant une durée de 4 mois, d'utiliser le terme LOHR à titre de marque pour désigner, promouvoir et commercialiser, exporter, importer et détenir des pièces de rechange pour des porte-voitures, y compris sur les sites Internet détenus par la défenderesse ou des membres de son réseau de distribution,
- condamné la société Schneebichler Driving Innovation à verser :
* à la société Lohr Immobilier, la somme de 50.000 euros à titre de réparation pour les faits de contrefaçon des marques LOHR précitées (atteinte à la valeur patrimoniale des titres )
* à la société Lohr Immobilier, la somme provisionnelle de 80.000 euros au titre du préjudice économique résultant des faits de contrefaçon des marques LOHR précitées,
* à la société Lohr Industrie, la somme de 8.000 euros en réparation des actes de contrefaçon de modèle enregistré,
- condamné la société Schneebichler Driving Innovation à verser à la société Lohr Service, la somme de 100.000 euros en réparation pour les faits de concurrence déloyale et parasitaire dont elle s'est rendue coupable à son préjudice,
- ordonné à la société Schneebichler Driving Innovation de communiquer sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 2 mois suivant la signification du jugement et pendant une durée de 3 mois, un état des ventes des produits référencés LOHR sur sa documentation commerciale (catalogue et internet) au titre des années 2016 et 2017, et un document attestant du chiffre d'affaires et de la marge brute réalisées sur chacun de ces produits, ces documents devant être certifiés conformes par un commissaire aux comptes,
- renvoyé les parties à la détermination amiable du préjudice économique résultant des actes de contrefaçon, et à défaut par voie d'assignation,
- dit n'y avoir lieu de procéder à la désignation d'un expert,
- rejeté les demandes fondées sur le préjudice moral,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner la restitution 'des modèles originaux détenus par la société Schneebichler Driving Innovation',
- ordonné la destruction de l'ensemble des catalogues papier portant les mentions jugées contrefaisantes aux termes de la présente décision,
- ordonné la modification du site Internet exploité à l'adresse www.schneebichler.com,
- dit se réserver la liquidation des astreintes prononcées,
- rejeté les demandes de publication,
- dit que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la date du jugement,
- dit qu'en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil les intérêts échus dus au moins pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts,
- rejeté la demande reconventionnelle formée au titre de la procédure abusive,
- condamné la société Schneebichler Driving Innovation à payer à chacune des sociétés Lohr Industrie, Lohr Immobilier, Lohr Service, la somme de 10.000 en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Schneebichler Driving Innovation aux dépens en ce non inclus les frais de constat exposés,
- ordonné l'exécution provisoire à l'exclusion des mesures de destruction.
Vu l'appel de ce jugement interjeté le 4 mars 2020 par la société Schneebichler Driving Innovation GmbH (de droit autrichien).
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 22 septembre 2021 par la société Schneebichler Driving Innovation GmbH (ci-après la société Schneebichler), appelante, qui demande à la cour, de :
Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- déclaré son incompétence pour statuer sur les demandes relatives à la marque internationale n°1320946 et au modèle international n°DM/052155 du 09.06.2000, lesquels ne désignent pas la France,
- déclaré irrecevables les demandes de la société Lohr Industrie au titre du droit d'auteur sur la rampe de chargement pour porte-voiture,
- débouté la société Lohr Industrie de ses demandes au titre du droit d'auteur sur le boîtier de commande K2,
- dit n'y avoir lieu de procéder à la désignation d'un expert,
- rejeté les demandes fondées sur le préjudice moral ,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner la restitution des modèles originaux détenus par la société Schneebichler Driving Innovation,
- rejeté les demandes de publication,
L'infirmer en ce qu'il a :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de titularité des droits invoqués par la société Lohr Industrie sur le dessin et modèle français n°997982,
- rejeté la demande tendant à voir prononcer la déchéance des droits de la société Lohr Immobilier sur la marque n°1263278 pour les camions, remorques, semi-remorques, bennes et, plus généralement, véhicules en tous genres en classe 12, à compter du 15 octobre 2013,
- rejeté les demandes tendant à la nullité du dessin et modèle françaisn°997982 du 23.12.1999 portant sur un modèle de cale pour l'immobilisation d'une roue de véhicule routier,
- dit n'y avoir lieu de prononcer la nullité des constats du 27 septembre, 6 et 11 octobre 2017 réalisés par Me Benoît D., huissier de justice, ni à les écarter des débats,
- dit que la société Schneebichler Driving Innovation GmbH en distribuant et commercialisant des pièces détachées sous le signe verbal LOHR, s'est rendue coupable de contrefaçon par reproduction des marquesn°3757121 et n°2751014 et de contrefaçon par imitation des marquesn°1263278,n°4255266 etn°1320946 au préjudice de la société Lohr Immobilier,
- dit que la société Schneebichler Driving Innovation GmbH en distribuant et commercialisant des cales de roue reproduisant les caractéristiques du modèle français n°997882 du 23.12.1999 s'est rendue coupable de contrefaçon de dessin et modèle enregistré au préjudice de la société Lohr Industrie,
- dit que la société Schneebichler Driving Innovation GmbH a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société Lohr Service,
- fait interdiction à la société Schneebichler Driving Innovation GmbH, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la signification du jugement et pendant une durée de 4 mois, d'utiliser le terme LOHR à titre de marque pour désigner, promouvoir et commercialiser, exporter, importer et détenir des pièces de rechange pour des porte-voitures, y compris sur les sites Internet détenus par la défenderesse ou des membres de son réseau de distribution,
- condamné la société Schneebichler Driving Innovation GmbH à verser :
* à la société Lohr Immobilier, la somme de 50.000 euros à titre de réparation pour les faits de contrefaçon des marques LOHR précitées (atteinte à la valeur patrimoniale des titres),
* à la société Lohr Immobilier, la somme provisionnelle de 80.000 euros au titre du préjudice économique résultant des faits de contrefaçon des marques LOHR précitées,
* à la société Lohr Industrie,la somme de 8.000 euros en réparation des actes de contrefaçon de modèle enregistré,
- condamné la société Schneebichler Driving Innovation GmbH à verser à Lohr Service, la somme de 100.000 euros en réparation pour les faits de concurrence déloyale et parasitaire dont elle s'est rendue coupable à son préjudice,
- ordonné à la société Schneebichler Driving Innovation GmbH de communiquer sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 2 mois suivant la signification du jugement et pendant une durée de 3 mois, un état des ventes de produits référencés LOHR sur sa documentation commerciale (catalogue et internet) au titre des années 2016 et 2017, et un document attestant du chiffre d'affaires et de la marge brute réalisée sur chacun de ces produits, ces documents devant être certifiés conformes par un commissaire aux comptes,
- renvoyé les parties à la détermination amiable du préjudice économique résultant des actes de contrefaçon et, à défaut, par voie d'assignation,
- ordonné la destruction de l'ensemble des catalogues papier portant les mentions jugées contrefaisantes aux termes de la présente décision,
- ordonné la modification du site internet exploité à l'adresse www.schneebichler.com,
- dit se réserver la liquidation de l'astreinte,
- dit que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la date du jugement,
- dit qu'en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil les intérêts échus dûs au moins pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts,
- condamné la société Schneebichler Driving Innovation GmbH à payer à chacune des sociétés Lohr Industrie, Lohr Service et Lohr Immobilier la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Schneebichler Driving Innovation GmbH aux dépens en ce non inclus les frais de constat exposés,
Statuant à nouveau,
Sur les demandes en contrefaçon de dessins et modèles,
- se déclarer incompétente pour statuer sur le modèle international n°DM/052155 du 09.06.2000, lequel ne désigne pas la France,
- dire et juger la société Lohr Industrie irrecevable en ses demandes au titre de la contrefaçon du dessin et modèle français n°997982 du 23.12.1999, faute de justifier de ses droits sur ce dessin et modèle,
- dire et juger que le dessin et modèle français n°997982 du 23.12.1999 n'est nullement éligible à la protection instituée par le droit des dessins et modèles et, par conséquent, le déclarer nul,
- ordonner la transmission du jugement à intervenir à l'INPI pour son inscription sur le registre des dessins et modèles,
- débouter la société Lohr Industrie de toutes ses demandes, fins et conclusions sur le fondement de la contrefaçon de modèle,
Sur les demandes en contrefaçon de droit d'auteur,
- déclarer la société Lohr Industrie irrecevable ou à tout le moins mal fondée à se prévaloir de droits d'auteur sur le boitier de commande K2 ou la rampe de chargement pour porte-voiture,
- dire et juger que le boitier de commande K2 ou la rampe de chargement pour porte-voiture sont dépourvus de toute originalité et ne sont par conséquent nullement éligibles à la protection instituée par le droit d'auteur,
- débouter la société Lohr Industrie de toutes ses demandes, fins et conclusions sur le fondement du droit d'auteur,
Sur les demandes en contrefaçon des marques,
- dire et juger recevable la demande en déchéance partielle des droits revendiqués par la société Lohr Immobilier sur la marque françaisen°1263278 pour les camions, remorques, semi- remorques, bennes et, plus généralement, véhicules en tous genres en classe 12,
- prononcer la déchéance des droits de la société Lohr Immobilier sur la marquen°1263278 pour les camions, remorques, semi-remorques, bennes et, plus généralement, véhicules en tous genres en classe 12, à compter du 15 octobre 2013,
- ordonner la transmission du jugement (sic) à intervenir à l'INPI pour son inscription sur le registre des marques,
- prononcer la nullité des constats d'huissier du 27 septembre, 6 et 11 octobre 2017, ou à tout le moins les écarter des débats faute de valeur probante,
- débouter les sociétés Lohr Service, Lohr Immobilier et Lohr Industrie de toutes leurs demandes, fins et conclusions sur le fondement de la contrefaçon de marques,
Sur les demandes en concurrence déloyale et parasitisme,
- dire et juger irrecevables et mal fondées les demandes formées par les sociétés Lohr Service, Lohr Immobilier et Lohr Industrie au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,
- les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme,
Sur le préjudice allégué ,
A titre principal,
- dire et juger que les sociétés Lohr Service, Lohr Immobilier et Lohr Industrie ne démontrent pas avoir subi un quelconque préjudice et ainsi les débouter de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires,
A titre subsidiaire,
- dire et juger que le tribunal était uniquement compétent pour statuer sur le seul préjudice allégué subi sur le territoire français en application des articles 125 (5) et 126 (2) du RMUE,
- réduire significativement le montant des condamnations prononcées par le tribunal pour le ramener à de plus justes proportions,
A titre infiniment subsidiaire,
- saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne de la question préjudicielle suivante :
L'article 125 du Règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne doit-il être interprété en ce sens que la prorogation tacite de compétence prévue au paragraphe 4 (b) dudit article (par renvoi à l'article 26 paragraphe 1 du Règlement (UE) n°1215/2012) ne peut pas s'appliquer lorsque le Tribunal des marques de l'Union européenne saisi par le demandeur dans le cadre d'un litige en contrefaçon est le Tribunal de l'État membre sur le territoire duquel le fait de contrefaçon a été commis ou menace d'être commis, conformément au paragraphe 5 dudit article
- surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne,
Sur les mesures d'interdiction,
A titre principal ,
- débouter les sociétés Lohr Service, Lohr Immobilier et Lohr Industrie de leur demande d'interdiction à l'encontre de la société Schneebichler Driving Innovation GmbH, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, d'utiliser le terme LOHR à titre de marque ou de tout signe distinctif pour désigner, promouvoir et commercialiser, exporter, importer et détenir des pièces de rechange pour des porte-voitures, y compris sur les sites Internet détenus par la défenderesse ou des membres de son réseau de distribution,
A titre subsidiaire,
- préciser que cette interdiction ne fait toutefois pas obstacle à la possibilité pour la société Schneebichler Driving Innovation GmbH d'utiliser le signe LOHR en tant que référence nécessaire conformément aux articles L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle et 14 du RMUE, par l'utilisation de mentions qui dissipent tout risque de confusion telles que ' Produit/ Pièce de rechange fabriqué(e) par Schneebichler Driving Innovation GmbH, compatible avec les produits des marques Rolfo®, Kässbohrer® et Lohr®. Lohr® est une marque enregistrée appartenant à Lohr Industrie SA'
A titre infiniment subsidiaire,
- saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne de la question préjudicielle suivante :
L'article 14 paragraphe 1 (c) du Règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne et l'article 14 de la Directive (UE) 2015/2426 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques doivent-il être interprétés en ce sens qu'ils font obstacle à ce que soient prononcées par la juridiction nationale des mesures d'interdiction ayant pour effet de définitivement priver un opérateur de la possibilité d'utiliser la marque d'un tiers exclusivement à titre de référence nécessaire, en particulier lorsque l'usage de cette marque est nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée '
- surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne,
En tout état de cause,
- condamner les sociétés Lohr Service, Lohr Immobilier et Lohr Industrie à verser à la société Schneebichler Driving Innovation GmbH la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice résultant de ses imputations diffamatoires dans leurs conclusions du 23 février 2021,
-l es condamner à verser à la société Schneebichler Driving Innovation GmbH la somme de 70.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 6 octobre 2021 par les sociétés Lohr Service (SA), Lohr Immobilier (SAS), Lohr Industrie (SAS), ci-après les sociétés Lohr, intimées et incidemment appelantes, qui demandent à la cour, de :
- les recevoir en leur appel incident et réformer partiellement le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Sur les actes de contrefaçon de marques,
- condamner la société Schneebichler Driving Innovation GmbH à payer à la société Lohr Immobilier la somme totale de 1 million d'euros tous préjudices confondus en réparation des faits de contrefaçon et d'atteinte à la valeur patrimoniale des cinq marques LOHRn°3757121, 2751014, 1263278, 4255266 et 1320946,
Sur les actes de contrefaçon de modèle enregistré,
- condamner la société Schneebichler Driving Innovation GmbH à payer à la société Lohr Industrie la somme de 20. 000 euros au titre du préjudice relatif aux actes de contrefaçon de modèle français de cale de roue enregistré le 13.12.1999 sous le n°997982,
Sur les actes de contrefaçon de droit d'auteur,
- constater que la société Lohr Industrie est titulaire des droits d'auteur sur le boitier de commande K2, la rampe de chargement pour porte-voiture et la cale de roue décrits au présentes,
- dire et juger que la société Schneebichler Driving Innovation GmbH en distribuant et commercialisant des copies des pièces protégées au titre du droit d'auteur et en particulier de la cale de roue, du boitier de commande K2 et de la rampe pour chargement de porte-voitures, s'est rendue coupable du délit d'imitation par contrefaçon d'oeuvre protégée au titre du droit d'auteur au préjudice de la société Lohr Industrie,
- condamner la société Schneebichler Driving Innovation GmbH à payer à la société Lohr Industrie la somme de 30.000 euros en réparation au titre du préjudice relatif aux actes de contrefaçon de la cale de roue, du boitier de commande K2 et de la rampe pour chargement de porte-voitures, soit 10. 000 euros par oeuvre contrefaite,
Sur les actes de concurrence déloyale et de parasitisme,
- condamner la société Schneebichler Driving Innovation GmbH à payer à la société Lohr Service, la somme de 200.000 euros en réparation des préjudices confondus subis pour les faits de concurrence déloyale et parasitaire,
Sur le préjudice moral et d'image,
- dire et juger que la société Schneebichler Driving Innovation GmbH par ses agissements fautifs a engagé sa responsabilité délictuelle ayant causé un préjudice spécial et distinct aux sociétés Lohr Immobilier, Lohr Industrie, Lohr Service, à titre moral et d'image,
- condamner la société Schneebichler Driving Innovation GmbH à payer la somme de 50.000 euros à chacune des sociétés Lohr Industrie, Lohr Service, Lohr Immobilier, au titre du préjudice moral et d'image subi,
Sur les mesures complémentaires,
- ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir aux seuls frais et coûts de la société Schneebichler Driving Innovation GmbH dans trois revues professionnelles au choix des demanderesses, sans que le coût total de ces insertions n'excède la somme globale de 30.000 euros HT, ainsi que sur le site Internet exploité par la défenderesse à l'url www.schneebichler.com et les sites de ses distributeurs partenaires tels que résultant de la liste publiée sur le site www.schneebichler.com à la date de l'arrêt à intervenir,
- faire interdiction à la société Schneebichler Driving Innovation GmbH sur le site Internet exploité par la défenderesse à l'url www.schneebichler.com et les sites de ses distributeurs partenaires tels que résultant de la liste publiée sur le site www.schneebichler.com à la date de l'arrêt à intervenir, de substituer au terme LOHR le terme « France » ou « fr »,
- faire interdiction à la société Schneebichler Driving Innovation GmbH de mentionner sur le site Internet exploité par la défenderesse à l'url www.schneebichler.com et les sites de ses distributeurs partenaires tels que résultant de la liste publiée sur le site www.schneebichler.com à la date de l'arrêt à intervenir, ainsi que de référencer sur les moteurs de recherche, les références OEM propres aux produits LOHR et utilisées par les sociétés Lohr Industrie et Lohr Service,
- assortir les interdictions prononcées d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé un délai de 10 jours à compter de la signification de l'arrêt,
- se réserver la liquidation des astreintes prononcées,
- dire et juger que l'ensemble des condamnations prononcées portera intérêt au taux légal à compter du 30 octobre 2017, date de réception de la mise en demeure des appelantes incidentes par l'intimée sur incident,
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
En tout état de cause,
- débouter la société Schneebichler Driving Innovation GmbH de l'ensemble de ses fins, demandes et conclusions,
- condamner la société Schneebichler Driving Innovation GmbH aux entiers frais et dépens d'appel, au remboursement des frais de constat d'huissiers et traduction, ainsi qu'à payer la somme de 20.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel à chacune des sociétés Lohr Immobilier, Lohr Service et Lohr Industrie, soit un total de 60. 000 euros.
Vu l'ordonnance de clôture du 7 octobre 2021.
SUR CE, LA COUR :
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, au jugement entrepris et aux écritures, ci-dessus visées, des parties.
Les sociétés Lohr se présentent comme appartenant au groupe Lohr spécialisé depuis plus de 50 ans dans la conception, la fabrication et la commercialisation de systèmes de transports de biens et de personnes et, en particulier, de véhicules porte-voitures réputés pour leur fiabilité et leurs performances.
La société Lohr Industrie détient les brevets d'invention et dessins et modèles mis en oeuvre dans les produits qu'elle conçoit, fabrique et commercialise, quant à la société Lohr Service, elle assure le service après-vente et, à ce titre, fournit les pièces de rechange et de maintenance afférentes à ces produits. La société Lohr Immobilier est titulaire des marques verbales et semi-figuratives LOHR, utilisées pour l'exploitation des activités du groupe.
La société Schneebichler, fondée en 2009 en Autriche, se décrit comme une entreprise familiale spécialisée dans la fabrication et la fourniture de composants et de pièces détachées à destination des transporteurs de véhicules automobiles, qu'elle distribue à travers toute l'Europe. Elle indique avoir développé un système de marquage permettant à ses clients de vérifier via un smartphone et à l'aide d'un code scanné, la provenance du composant ou de la pièce de rechange dont elle a fait l'acquisition.
Ayant découvert que la société Schneebichler faisait usage des marques LOHR sans y avoir été autorisée et offrait à la vente en Europe et en particulier en France des produits identiques à ceux exposés sur le catalogue de pièces détachées de la société Lohr Service en les présentant frauduleusement comme étant des pièces LOHR d'origine (référencées OEM Lohr), alors qu'il s'agit de copies, les sociétés Lohr ont fait établir des procès-verbaux de constat par huissier de justice et l'ont mise en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 octobre 2017, de cesser ces agissements illicites et de leur adresser une proposition de règlement amiable de leur préjudice estimé, sauf à parfaire, à 2 millions d'euros.
La mise en demeure n'ayant pas produit d'effet, les sociétés Lohr, suivant assignation délivrée à la société Schneebichler le 17 avril 2018, ont introduit l'instance devant le tribunal de grande instance de Paris, aux fins d'obtenir, aux griefs de contrefaçon de marques, contrefaçon de dessins et modèles, contrefaçon de droits d'auteur, concurrence déloyale et parasitaire, l'allocation de dommages-intérêts et le prononcé de diverses mesures d'interdiction, de destruction et de publication.
Par le jugement, dont appel, du 24 janvier 2020, le tribunal, devenu le 1er janvier 2020, tribunal judiciaire de Paris, a fait partiellement droit aux demandes des sociétés Lohr. Pour l'essentiel, le débat devant la cour se présente dans les mêmes termes que devant le tribunal, les parties réitérant en cause d'appel leurs prétentions telles que soutenues en première instance.
Il doit être cependant précisé que certaines dispositions du jugement, qui ne sont pas discutées, et ne sont pas l'objet d'une demande d'infirmation, sont dès lors irrévocables.
Ainsi, sont irrévocables les dispositions, non critiquées, par lesquelles le tribunal a :
- décliné sa compétence pour connaître des demandes relatives à la marque internationale n°1320946 et au modèle international n°DM/052155 du 09.06.2000, lesquels ne désignent pas la France,
- rejeté les fins de non-recevoir tirées du défaut de titularité des droits invoqués par la société Lohr Immobilier au titre des marques n°3757121, 2751014, 1263278, 4255266 et 1320946,
- rejeté la demande tendant à voir prononcer la déchéance des droits de la société Lohr Immobilier sur les marques verbales LOHR n°2751014 et 3757121 pour les véhicules terrestres routiers ou ferroviaires pour le transport de personnes ou de marchandises, véhicules routiers ou ferroviaires porte-voitures, tracteurs non agricoles, remorques et semi-remorques, ensembles articulés routiers en classe 12 et les services de nettoyage, réparation, entretien et remise à neuf de véhicules terrestres et des structures et équipements pour véhicules terrestres à savoir plateaux, portiques, élévateurs, carrosseries, cabines, moteurs, générateurs, vérins, transplantation d'organes de véhicules terrestres en classe 37, à compter du 15 octobre 2013.
Ceci posé, la cour constate qu'il n'y avait pas lieu pour le tribunal de se prononcer sur la contrefaçon de la marque internationale n°1320946 dès lors qu'il s'était précédemment déclaré, par une disposition, devenue irrévocable, incompétent pour connaître des demandes relatives à cette marque ne désignant pas la France.
Le jugement doit être en conséquence infirmé en ce qu'il statue sur la contrefaçon de la marque internationale n°1320946.
Sur la contrefaçon de marques,
- sur la titularité des droits,
Ainsi qu'il résulte des observations qui précèdent, la société Schneebichler s'abstient de contester en cause d'appel la titularité des droits de la société Lohr Immobilier sur les marques opposées par celle-ci au soutien de ses demandes en contrefaçon. La cour renvoie ainsi aux motifs du jugement, non critiqués et qu'elle fait siens, par lesquels le tribunal, au vu des justifications produites, a retenu comme établie la titularité des droits de la société Lohr Immobilier sur les marques invoquéesn°3757121, 2751014, 1263278 et 4255266 et, partant, sa qualité à agir de ces chefs.
- sur la déchéance,
Alors qu'en première instance la société Schneebichler, pour sa défense, demandait, sans succès, à voir constater la déchéance partielle des droits de la société Lohr Immobilier sur les marques LOHR n°3757121, 2751014 et 1263278, seule cette dernière est visée, devant la cour, par une telle demande, tendant à voir prononcer à compter du 15 octobre 2013 la déchéance, pour défaut d'usage sérieux, des droits sur la marque en ce qu'elle désigne les camions, remorques, semi- remorques, bennes et, plus généralement, véhicules en tous genres.
La marque en cause est une marque française semi-figurative se présentant comme suit :
Cette marque a été enregistrée le 6 mars 1974 sous le n°1263278 dans les classes 7, 12, 19,37, 39 et 42 pour désigner, notamment, les camions, remorques, semi- remorques, bennes et, plus généralement, véhicules en tous genres.
Les premiers juges ont relevé que la période de référence devant être prise en compte pour l'examen de la demande en déchéance, à savoir les cinq années écoulées entre le 13 octobre 2013 et le 13 octobre 2018, ne faisait l'objet d'aucune contestation, et ont constaté sur la période considérée, en l'état des justifications produites, un usage sérieux et continu de la marquen°1263278 pour les produits précités.
La société Schneebichler fait valoir, nouvellement devant la cour, que la marque en cause, enregistrée le 6 mars 1974, relève des dispositions de la loin°64-1360 du 31 décembre 1964 qui ne prévoient pas la possibilité d'un usage de la marque sous une forme modifiée. Elle observe que les intimées invoquent , globalement, l'emploi du terme LOHR sans justifier de l'utilisation de la marque telle qu'elle a été déposée ni préciser les produits pour lesquels la marque serait utilisée alors que, pour échapper à la déchéance, l'exploitation de la marque doit être prouvée pour chaque produit désigné dans l'enregistrement. Elle souligne, en outre, que les pièces produites sont, pour la plupart, antérieures ou postérieures à la période de référence, ou encore, non datées, et doivent être écartées. Ainsi, les intimées échouent, selon elle, à justifier, au sens de la loi applicable du 31 décembre 1964, d'une exploitation publique et non équivoque de la marque durant la période de référence, soit entre le 15 octobre 2013 et le 15 octobre 2018.
Or, au regard du principe de l'application immédiate de la loi nouvelle c'est à juste titre que le tribunal a examiné la demande de déchéance conformément aux dispositions de l'article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de la loi n°94-102 du 5 février 1994, en vigueur du 8 février 1994 au 15 décembre 2019.
Selon ces dispositions, ' Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.
Est assimilé à un tel usage :
a) L'usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque (');
b) L'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif ;
c) L'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l'exportation.
La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou services visés dans l'enregistrement, la déchéance ne s'étend qu'aux produits ou aux services concernés. (')
La preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.
La déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu.'
En l'espèce, les pièces produites aux débats établissent un usage massif et continu, sur la période de 2013 à 2018, de la marque semi-figurative n°1263278. Les nombreux extraits d'archives du site internet www.lohr.fr, présentant le groupe Lohr comme 'le leader mondial du marché des porte-voitures', font mention de la marque en bas de page avec l'indication 'marque déposée' et exposent en photographie des véhicules de type remorque et des porte-voitures sur lesquels la marque est inscrite. La marque apparaît dans l'annuaire professionnel 'mascus.fr' pour l'année 2018, en tête de la page dédiée à la société Lohr Automotive qui indique être une entreprise de transport terrestre de véhicules et distribuer les marques LOHR. Elle est apposée sur toutes les pièces détachées pour porte-voitures et porte-camions présentées en photographie, avec les tarifs correspondants, sur la 'Newsletter- L'actualité Lohr Service' de février 2016. La marque figure, enfin, en tête des bons de livraison et factures émis par la société Lohr Service en 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018 pour des pièces de rechange pour véhicules poids-lourds.
La demande de déchéance pour défaut d'usage sérieux de la marque pour les camions, remorques, semi- remorques, bennes et, plus généralement, véhicules en tous genres visés dans l'enregistrement ne saurait en conséquence prospérer, les observations précitées justifiant, à l'inverse, pour ces produits et sur la période de référence comprise entre le 15 octobre 2013 et le 15 octobre 2018, d'un usage sérieux de la marque sous sa forme déposée .
Au surplus, d'autres pièces de la procédure: plaquettes commerciales des sociétés Lohr Service et Lohr Automotive, 'Newsletters' mensuelles de la société Lohr Service pour les années 2016, 2017, 2018, articles de presse relatifs à la participation des sociétés Lohr au salon professionnel de Hanovre en 2016 et en 2018, films publicitaires parus sur Youtube courant 2018, établissent une exploitation massive de la dénomination LOHR, constitutive des marques verbales française n°3757121 et de l'Union européenne n°2751014, pour désigner des porte-voitures, des portes-camions et tous véhicules de transport de biens ainsi que leurs pièces détachées. Cette dénomination figurant sur les produits eux-mêmes par marquage mais aussi sur les emballages et éléments de conditionnement (cartons, scotch), est en effet utilisée à titre de marque, conformément à la fonction essentielle de celle-ci qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou des services qu'elle désigne aux fins de créer ou de conserver un débouché commercial pour ces produits ou services.
Or, selon les dispositions précitées de l'article L714-5 du code de la propriété intellectuelle est assimilé à un usage sérieux l'usage de la marque par son titulaire ou avec son consentement sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif, peu important que la marque soit, ou non, enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée.
En l'espèce, la marque semi-figurative LOHR n°1263278 objet de la demande en déchéance a pour élément distinctif et dominant la dénomination LOHR qui sera d'emblée remarqué et mémorisé par le public pertinent, force étant de constater que le fond rectangulaire de couleur noire, qui lui sert de cadre destiné à la mettre en exergue, tient une place accessoire.
Ainsi, la dénomination LOHR constitue une forme modifiée de la marque semi-figurative LOHR n°1263278 dont elle n'altère pas le caractère distinctif et son exploitation pour les produits visés par la demande de déchéance vaut exploitation de la marque.
A cet égard, les sociétés intimées relèvent, pertinemment, que la société Schneebichler ne conteste pas, en cause d'appel, la disposition du jugement par laquelle le tribunal a rejeté sa demande tendant à voir prononcer à compter du 15 octobre 2013 la déchéance des droits de la société Lohr Immobilier sur les marques verbales LOHR n°2751014 et n°3757121 pour les véhicules terrestres routiers ou ferroviaires pour le transport de personnes ou de marchandises, véhicules routiers ou ferroviaires porte-voitures, tracteurs non agricoles, remorques et semi-remorques, ensembles articulés routiers et les services de nettoyage, réparation, entretien et remise à neuf de véhicules terrestres et des structures et équipements pour véhicules terrestres à savoir plateaux, portiques, élévateurs, carrosseries, cabines, moteurs, générateurs, vérins, transplantation d'organes de véhicules terrestres, ayant retenu que la preuve était rapportée d'un usage sérieux de ces marques, sur la période de référence, pour les dits produits et services.
Or, en conséquence des observations qui précèdent, l'usage sérieux des marques verbales LOHR n°2751014 et n°3757121 pour les véhicules terrestres routiers ou ferroviaires pour le transport de personnes ou de marchandises, véhicules routiers ou ferroviaires porte-voitures, tracteurs non agricoles, remorques et semi-remorques, ensembles articulés routiers est assimilé à un usage sérieux de la marque semi-figurative LOHR n°1263278 dont la déchéance est demandée pour les camions, remorques, semi- remorques, bennes et, plus généralement, véhicules en tous genres visés dans l'enregistrement.
C'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont débouté la société Schneebichler de sa demande en déchéance pour défaut d'usage sérieux , à compter du 15 octobre 2013, des droits de la société Lohr Immobilier sur la marque semi-figurative LOHR n°1263278 pour les camions, remorques, semi- remorques, bennes et, plus généralement, véhicules en tous genres. Le jugement déféré est confirmé sur ce chef.
- sur la validité des procès-verbaux de constat,
La société Schneebichler maintient, dans les mêmes termes qu'en première instance, sa contestation de la validité des trois procès-verbaux de constat par huissier de justice que les sociétés Lohr produisent aux débats pour justifier de la matérialité des actes de contrefaçon de marques qu'elles invoquent. Il s'agit d'un procès-verbal de constat du site internet de la société Schneebichler en date du 27 septembre 2017, d'un procès-verbal de constat en date, également, du 27 septembre 2017 portant sur le catalogue papier de la société Schneebichler et d'un procès-verbal de constat d'achat des 6 et 11 octobre 2017. L'appelante demande à la cour de les déclarer nuls et à tout le moins de les écarter des débats comme dénués de valeur probante.
Concernant le procès-verbal de constat du site internet de la société Schneebichler, la cour fait siens les motifs retenus par le tribunal qui a exactement relevé que l'huissier de justice a scrupuleusement respecté les bonnes pratiques en matière de constat sur internet en ayant procédé, préalablement à ses opérations, à l'ensemble des descriptions, interventions et vérifications, détaillées dans les pages 3 à 23 du procès-verbal, de nature à garantir la fiabilité et la valeur probante des constatations effectuées.
C'est encore à raison et par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal n'a retenu aucun manquement de l'huissier de justice à ses obligations de loyauté et d'impartialité ni à son devoir de limiter ses opérations à des constatations purement matérielles auxquelles, au surplus, il a procédé personnellement ainsi qu'il résulte du déroulement de sa mission dont il a fait rapport dans son procès-verbal à la première personne du singulier.
La société Schneebichler fait valoir, en cause d'appel, que le 'constat présente des captures d'écran annexées, d'une qualité médiocre, ne comportant pas de mention de la date et de l'heure à laquelle elles ont été réalisées, ni aucun lien url apparent, de sorte que ces captures sont dépourvues de caractère probant faute de pouvoir être rattachées avec certitude aux opérations de constat'.
Force est pour la cour d'observer que l'huissier de justice instrumentaire a mentionné avant de clore son procès-verbal : 'je certifie que les captures d'écran, les captures d'images et les impressions directes sont faites par moi lors des constatations, et qu'elles sont annexées au présent procès-verbal, pour le compléter, l'illustrer et en faire partie intégrante'. Il s'infère de ces mentions du procès-verbal, dont il n'est pas discuté qu'elles font foi, que l'objection de l'appelante est vaine, les captures d'écran annexées au procès-verbal de constat pouvant être rattachées avec certitude aux opérations de constat dès lors qu'elles ont été réalisées par l'huissier de justice, personnellement, au cours de ces opérations et à seule fin de faire partie intégrante du procès-verbal dont elles complètent et illustrent les énonciations.
Concernant le procès-verbal de constat du catalogue papier de la société Schneebichler, la cour observe qu'il reproduit fidèlement le catalogue papier produit aux débats qui n'est pas daté et dont la dernière page est vierge de toute impression. Etant constaté que ce catalogue papier est la réplique de celui présenté sur le site internet de la société Schneebichler, objet du procès-verbal de constat précédemment évoqué, son authenticité ne saurait être mise en doute, ni son édition récente.
L'appelante fait grief au procès-verbal de l'huissier de justice de faire mention de la déclaration de M. Jérémy F., un salarié de la société Lohr Service, qui indique que le sigle OEM rencontré sur le catalogue au côté de la référence du produit 'correspond à l'abréviation de l'anglais Original Equipment Manufacturer, soit fabricant d'équipement d'origine'. Cette circonstance ne saurait toutefois vicier la régularité du procès-verbal de constat d'où il ressort clairement que l'huissier de justice s'est limité à rapporter la déclaration de M. Jérémy F. sur laquelle il n'a porté aucune appréciation et dont il n'a tiré aucune conséquence ni de fait ni de droit.
Concernant, enfin, le procès-verbal de constat d'achat des 6 et 11 octobre 2017, la cour fait siens les motifs du tribunal qui a exactement retenu que le colis livré par la société Schneebichler à la suite de la commande avait certes été réceptionné par la société Transeuro France, une société tierce, hors la présence de l'huissier de justice mais qu'une telle circonstance n'affectait en rien la validité du procès-verbal dès lors que l'huissier de justice instrumentaire, s'étant transporté dans les locaux de cette société, a constaté que l'emballage carton était 'parfaitement scellé par un film plastique et deux cerclages' et a procédé lui-même au bris des scellés et à l'ouverture du colis dont il avait préalablement vérifié l'intégrité. L'huissier de justice a ensuite inventorié et décrit chaque pièce retirée du colis qu'il a rapprochée du bon de commande et du bordereau de livraison. A cet égard, c'est en vain que la société Schneebichler évoque une incohérence entre la commande et la livraison en ce que les pièces livrées sous les références 101-632 L03-010, 101-637 L03-015, 101-622 L03-003A et 101-653 L03-031, contenues dans le colis, ne correspondraient pas à des pièces commandées. Il ressort en effet de l'examen de la commande, du bordereau de livraison et du catalogue que les références précitées font partie d'un lot référencé 103-689 VG-LY00017701, objet de la commande, comprenant l'axe métallique 101-632 L03-010, les deux capuchons de protection 101-637 L03-015, deux écrous métalliques 101-622 L03-003A, deux rondelles métalliques 101-653 L03-031, objets de la livraison.
En conséquence des observations qui précèdent, les procès-verbaux de constat produits aux débats par les sociétés Lohr ne sont pas critiquables et le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de les annuler ni de les écarter des débats.
- sur les actes de contrefaçon,
Il est rappelé que les sociétés Lohr font grief à la société Schneebichler de contrefaire les marques suivantes dont est titulaire la société Lohr Immobilier et que les sociétés Lohr Industrie et Lohr Service exploitent sous licence :
- la marque française semi-figurative LOHRn°1263278 enregistrée le 6 mars 1974 pour désigner dans les classes 7 et 12 les camions, remorques, semi- remorques, bennes et, plus généralement, véhicules en tous genres, représentée ci-avant,
- la marque française semi-figurative LOHR n°4255266 enregistrée le 9 mars 2016 pour désigner notamment dans les classes 6, 7, 9, 12, 16, 35, 36, 37, 38, 39, 41, 42 et 45 les véhicules terrestres routiers, ferroviaires pour le transport de personnes ou de marchandises, véhicules routiers ou ferroviaires porte-voitures, tracteurs non agricoles, remorques et semi-remorques, camions et trains articulés routiers, nettoyage, réparation, entretien et remise à neuf de véhicules terrestres à savoir plateaux, portiques, élévateurs, carrosseries, cabines, moteurs, générateurs, vérins, transplantation d'organes de véhicules terrestres, se présentant comme suit :
- les marques verbales LOHR respectivement enregistrées le 26 juin 2002 sous le n°2751014( de l'Union européenne) et le 28 juillet 2010 sous le n°3757121 (française) pour désigner dans les classes 6, 7, 9, 12, 16, 35, 36, 37, 38, 39, 41, 42 et 45 les véhicules terrestres routiers ou ferroviaires pour le transport de personnes ou de marchandises, véhicules routiers ou ferroviaires porte-voitures, tracteurs non agricoles, remorques et semi-remorques, ensembles articulés routiers, nettoyage, réparation, entretien et remise à neuf de véhicules terrestres et des structures et équipements pour véhicules terrestres à savoir plateaux, portiques, élévateurs, carrosseries, cabines, moteurs, générateurs, vérins, transplantation d'organes de véhicules terrestres.
Il résulte de l'examen des pièces de la procédure auquel la cour a procédé que le tribunal a exactement constaté la reproduction à de multiples reprises sur le catalogue de la société Schneebichler de la marque verbale LOHR. Celle-ci apparaît dans la table des matières (contents) du catalogue où la marque, figurant en chapeau, est suivie d'une liste d'articles avec pour chacun de ces articles la page du catalogue où il est exposé à la vente. La marque est mentionnée également sur 152 pages du catalogue (qui en comporte au total 357), en-tête de page, pour désigner les produits qui y sont présentés en photographie (pièces détachées et composants pour porte-camions, porte-véhicules, remorques et semi-remorques ) accompagnés de la référence et du prix, outre qu'elle est apposée sur certains des produits présentés en photographie. La dénomination LOHR est également utilisée sur le site internet de la société Schneebichler qui annonce offrir à la vente des 'pièces de rechange LOHR' exposées en photographie sur de nombreuses pages du site avec l'indication d'une référence incluant le terme LOHR. En outre, certaines de ces photographies présentent le signe LOHR visiblement apposé sur la pièce elle-même.
Le tribunal a retenu à juste titre que les utilisations, telles que constatées, du terme LOHR pour désigner des pièces détachées et composants pour porte-camions et porte-véhicules, remorques et semi-remorques caractérisaient une contrefaçon des marques verbales LOHR n°2751014 et n°3757121 de la société Lohr Immobilier qui ont été reproduites pour désigner des produits identiques à ceux visés dans l'enregistrement de ces marques. C'est encore à bon droit et au terme d'une juste appréciation du risque de confusion que le tribunal a retenu que les utilisations, telles que constatées, du vocable LOHR pour désigner des pièces détachées et composants pour porte-camions et porte-véhicules, remorques et semi-remorques caractérisaient une contrefaçon des marques semi-figuratives LOHR n°1263278 et n°4255266 qui ont été imitées pour désigner des produits identiques ou similaires à ceux visés dans l'enregistrement des dites marques, créant ainsi une confusion sur l'origine des produits car le public pertinent, à savoir les professionnels du transport de véhicules et, en particulier, les réparateurs de porte-camions et porte-véhicules, remorques et semi-remorques, désireux de se pourvoir en pièces de rechange, sera légitimement porté à croire que la société Schneebichler est un distributeur agréé des produits marqués LOHR et à regarder les produits qu'elle offre en vente comme provenant des sociétés Lohr.
Il est au demeurant relevé que la société Schneebichler ne conteste pas faire usage du signe verbal LOHR dans le cadre de la commercialisation de ses produits mais invoque, pour prétendre échapper à la contrefaçon, la référence nécessaire et l'épuisement des droits.
Sur la référence nécessaire, l'article L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle dispose que 'l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme : (...) b) Référence nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée, à condition qu'il n'y ait pas de confusion dans leur origine ; (...) Toutefois, si cette utilisation porte atteinte à ses droits, le titulaire de l'enregistrement peut demander qu'elle soit limitée ou interdite.' Quant à l'article 14 du règlement (UE) 2017/1001 du parlement et du conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne, il prévoit , en son paragraphe 1, que la marque de l'Union européenne 'ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires: (...) c) de la marque de l'Union européenne pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire de cette marque, en particulier lorsque l'usage de cette marque est nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée' et, en son paragraphe 2, que le paragraphe 1 précité 'ne s'applique que lorsque l'usage par le tiers est fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale'.
Il résulte des textes précités, qui ne justifient pas de recours à question préjudicielle, que l'exception de référence nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée, est soumise à la condition qu'il n'y ait pas de risque de confusion quant à l'origine du produit ou service. Or, l'absence de risque de confusion n'est satisfaite que s'il apparaît clairement et sans équivoque que le produit ou service ne provient pas du titulaire de la marque ce qui implique, pour celui qui le propose à la vente, de ne pas laisser croire, à tort, qu'il serait un revendeur agréé des produits ou services marqués .
En l'espèce, il a été précédemment relevé que la société Schneebichler faisait un usage massif du signe LOHR dans son catalogue et sur son site internet pour des produits identiques ou similaires à ceux pour lesquels les marques LOHR ont été déposées, dans des conditions telles ( apposition du signe LOHR sur les produits proposés à la vente, inclusion de ce signe dans les références des produits) que le public pertinent est conduit à regarder cette société comme liée commercialement au titulaire de la marque et autorisée par ce dernier à distribuer ses produits.
Contrairement à ce que soutient la société Schneebichler, il n'est aucunement précisé, dans son catalogue ou sur son site internet, ni dans aucun de ses documents commerciaux versés aux débats, qu'elle fabriquerait elle-même ses produits qui seraient 'compatibles' ou 'interchangeables' avec les produits des marques LOHR . Il a été relevé, à l'inverse, que le signe LOHR figure au sein même de la référence du produit et constaté, de plus fort, dans les pages du catalogue, que le sigle OEM, dont il n'est pas démenti qu'il correspond à l'abréviation de l'anglais Original Equipment Manufacturer, soit 'fabricant d'équipement d'origine', précède ladite référence, toutes circonstances portant naturellement à croire que la société Schneebichler est un revendeur agréé des produits de marques LOHR proposant à la vente des produits provenant du titulaire de ces marques. En outre, le système d'authentification par 'scan code' permettant au client, selon les énonciations du catalogue de la société Schneebichler, de s'assurer de l'authenticité de la pièce achetée, dont il peut vérifier l'origine, conduit davantage encore le public pertinent à regarder les produits offerts à la vente dans les conditions précédemment observées comme provenant, indiscutablement, des sociétés Lohr.
Il s'ensuit que la société Schneebichler, qui ne justifie pas utiliser le signe LOHR dans des conditions exemptes de risque de confusion sur l'origine des produits et conformes aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale, est mal fondée à se prévaloir de l'exception de référence nécessaire qui ne saurait en l'espèce opérer.
Le jugement déféré est confirmé sur ce point.
La société Schneebichler soutient l'épuisement des droits du titulaire des marques LOHR pour cinq articles de son catalogue qui seraient des pièces authentiques, dont elle a fait une acquisition licite auprès de la société Belka, revendeur autorisé des produits LOHR, en 2013 et 2014. Elle produit des factures émises, courant 2013 et 2014, par la société Belka , qui établissent que celle-ci a bien la qualité, au demeurant non discutée, de revendeur agréé des produits LOHR, et qui justifient de l'achat, par la société Schneebichler, d'une rampe de chargement, de 2 couvercles de boîtes à outils, de 2 boîtiers de commande électrique, de 2 valves hydrauliques équilibrage, d'une commande électrique et de 2 commandes start-stop sous des références identiques à celles des cinq articles concernés.
Cependant, ainsi qu' il a été à bon droit observé par le tribunal, la société Schneebichler, à qui incombe la charge de la preuve, n'établit pas que les cinq articles incriminés de contrefaçon, offerts en vente en 2017, et pour lesquels elle prétend à l'épuisement des droits sur les marques LOHR, correspondent à ceux, achetés en 2013 et 2014 pour une quantité très limitée de 1 à 2 unités par article.
Le tribunal est approuvé en ce qu'il a jugé la société Schneebichler mal fondée à opposer à la société Lohr Immobilier un épuisement des droits sur les marques LOHR à raison de l'introduction licite sur le territoire de l'Union européenne des cinq articles invoqués.
Il suit des développements qui précèdent que le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a dit que la société Schneebichler, en distribuant et commercialisant des pièces détachées sous le signe verbal LOHR, a commis des actes de contrefaçon par reproduction des marques n°3757121 et n°2751014 et de contrefaçon par imitation des marques n°1263278 et n°4255266 au préjudice de la société Lohr Immobilier, titulaire de ces marques.
Sur la contrefaçon de modèle enregistré et de droits d'auteur sur la cale d'immobilisation d'une roue d'un véhicule routier,
La société Lohr Industrie invoque une atteinte à ses droits sur un modèle français de cale pour l'immobilisation d'une roue d'un véhicule routier, déposé le 23 décembre 1999 et publié le 28 avril 2000 sous le n°99 7982, sur lequel elle revendique également des droits d'auteur, qu'elle décrit comme se caractérisant par un corps asymétrique de section générale elliptique et de forme originale propre en lettre capitale Lou L inversé , couchée et biseautée, qui relève d'un choix purement esthétique s'inspirant du L de Lohr .
La société Schneebichler soutient que la titularité des droits de la société Lohr Industrie sur le modèle opposé ne serait pas établie faute de production d'un état actualisé des inscriptions. Elle conteste ensuite la validité du modèle aux motifs que la forme protégée serait exclusivement imposée par la fonction technique du produit et qu'en toute hypothèse il ne serait pas nouveau eu égard à la commercialisation, depuis 1996, par la société Kassbohrer, d'une cale biseautée identique.
Or, il résulte des dispositions de l'article L.511-9 du code de la propriété intellectuelle que la protection du dessin ou modèle 's'acquiert par l'enregistrement . Elle est accordée au créateur ou à son ayant-cause. L'auteur de la demande d'enregistrement est, sauf preuve contraire, regardé comme le bénéficiaire de cette protection.'
En l'espèce, la société Lohr Industrie produit le document de notification par l'INPI de la publication de son dépôt de dessin ou modèle valant certificat d'identité du dessin ou modèle. Ce certificat mentionne pour déposant la société Lohr Industrie avec l'indication de sa forme juridique et de l'adresse de son siège social . Sauf preuve contraire, qui n'est pas rapportée, cette société est regardée, par application de l'article précité, comme titulaire des droits conférés par l'enregistrement du modèle et recevable à agir au fondement de tels droits.
Selon les dispositions de l'article L. 511-2 du code de la propriété intellectuelle, seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre . En outre, selon les dispositions de l'article L. 511-8 du même code, 'n'est pas susceptible de protection à titre de dessin ou modèle, l'apparence dont les caractéristiques sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit.
La société Schneebichler à qui incombe la charge de la preuve du défaut de nouveauté, invoque une cale de roue de la société Kassbohrer (modèle Supertrans 1996/1998) dont la forme, composée de trois côtés avec un angle droit et un angle aigu, ne donne pas à voir le L inversé et les angles arrondis du modèle revendiqué.
Il s'ensuit que les modèles ne sont pas identiques ni ne diffèrent par des détails insignifiants et que le défaut de nouveauté du modèle revendiqué n'est pas établi.
Alors qu'il lui incombe également de montrer que l'apparence du modèle de cale de la société Lohr Industrie obéit exclusivement à la fonction du produit qui est d'immobiliser la roue d'un véhicule sur la piste de garage, force est de constater que la société Schneebichler s'abstient de produire à cet effet la moindre justification et se contente d'affirmer qu'une telle forme serait courante et se rencontrerait sur d'autres modèles concurrents. Les intimées, qui soutiennent que le seul impératif technique en matière de forme de la cale réside dans la présence d'ergots voués à s'enclencher dans les trous de la piste, communiquent pour leur part de nombreux exemples de cales d'apparence différente permettant de conclure que celle du modèle en cause n'est pas exclusivement dictée par la fonction du produit.
Il s'ensuit que la société Schneebichler échoue en sa contestation de la validité du modèle de cale de roue dont est titulaire la société Lohr Industrie et que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes en nullité de ce modèle.
La société Lohr Industrie fait grief à la société Schneebichler de proposer à la vente sur son catalogue, sous les références L 09405 et L09406 (page 43 du procès-verbal de constat du 27 septembre 2017 portant sur le catalogue) une cale de roue reproduisant à l'identique le modèle de cale de roue dont elle est titulaire et de se livrer ainsi à une contrefaçon.
Constitue selon les dispositions de l'article L. 513-4 du code de la propriété intellectuelle une contrefaçon de dessin ou modèle la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation, l'utilisation ou la détention à ces fins d'un produit incorporant le dessin ou modèle et la protection est étendue, selon l'article L. 513-5 du même code, à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente.
En la cause, la cour a procédé à l'examen de la cale de roue incriminée telle qu'elle est représentée en photographie dans le catalogue de la société Schneebichler, d'où il ressort qu'elle ne présente pas la forme de L inversé aux angles arrondis du modèle revendiqué mais s'apparente, en ce qu'elle est constituée de trois côtés formant un angle droit et un angle aigü, à la cale de roue Supertrans 1996/1998 de la société Kassbohrer, précédemment évoquée, dont il a été constaté qu'elle ne privait pas de nouveauté le modèle de la société Lohr Industrie.
La cale de roue incriminée, qui n'emprunte pas au modèle revendiqué la forme en L dont la base arrondie évoque la partie supérieure d'une canne, produit sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble manifestement différente, exclusive de contrefaçon du modèle revendiqué .
Le jugement entrepris est en conséquence infirmé en ce qu'il a dit que la société Schneebichler, en distribuant et commercialisant des cales de roue reproduisant les caractéristiques du modèle français n°997982 du 23.12.1999 s'est rendue coupable de contrefaçon de dessin et modèle enregistré au préjudice de la société Lohr Industrie.
Sur la contrefaçon de droits d'auteur,
La contrefaçon des droits d'auteur invoqués par la société Lohr Industrie sur la cale de roue ne saurait davantage être établie dès lors que celle-ci n'a pas été reproduite en ses caractéristiques originales qui résident, selon la société Lohr Industrie, dans 'un design épuré et notamment ses angles arrondis, alors que les modèles sur le marché, en témoigne celui de Kassbohrer, présentent des angles droits'.
La société Lohr Industrie se prévaut en outre de droits d'auteur sur un boîtier et une rampe de chargement qui auraient été reproduites par la société Schneebichler ainsi qu'en atteste son catalogue qui expose la copie servile de ces oeuvres.
Force est pour la cour de constater qu'elle n'est pas en mesure d'apprécier la contrefaçon invoquée dès lors que la société Lohr Industrie se garde d'identifier précisément les produits incriminés de contrefaçon, se contentant de renvoyer au catalogue de la société Schneebichler qui en présenterait la copie servile, sans toutefois indiquer , pour chacun des produits incriminés, la page du catalogue où il est exposé et la référence sous laquelle il est identifié et offert à la vente.
En conséquence, et sans qu'il ne soit nécessaire de se prononcer sur l'éligibilité des cale de roue, boîtier de commande et rampe de chargement revendiqués, à la protection au titre du droit d'auteur, les demandes en contrefaçon formées par la société Lohr Industrie sur ce fondement ne sauraient prospérer et le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il les a rejetées.
Sur la concurrence déloyale et parasitaire,
Ainsi qu'il a été exactement observé par le tribunal que la documentation commerciale de la société Schneebichler, outre qu'elle reproduit les marques LOHR, fait systématiquement figurer, aux côtés de ses propres références, celles des produits commercialisés par les sociétés Lohr sous les marques LOHR, laissant croire ainsi que les produits qu'elle propose à la vente proviennent des sociétés Lohr ou ont été fabriqués et / ou distribués avec l'accord de celles-ci selon les mêmes standards de qualité.
De tels agissements sont contraires à un exercice honnête et loyal de la liberté du commerce et constituent des faits distincts de concurrence déloyale au sens des dispositions de l'article 1240 du code civil.
Il est en outre établi par les pièces versées aux débats, et en particulier les articles de presse cités par le tribunal dans son jugement, que les sociétés du groupe Lohr, qui déploient depuis plus de cinquante ans leur activité de conception, de construction et de distribution de systèmes de transports de véhicules, sont implantées dans le monde entier et jouissent dans le segment de marché considéré d'un rayonnement international dont la société Schneebichler qui a été créée en 2009, ne justifie pas.
Il s'en déduit que des actes de parasitisme sont également établis à la charge de la société Schnnebichler qui, nouvellement introduite sur le marché, a manifestement cherché, par les agissements précédemment évoqués, à profiter indûment de la réputation et de la notoriété, qui constituent des valeurs économiques appropriables, acquises par les sociétés du groupe Lohr au prix d'efforts humains et matériels consentis sur plus de cinquante ans.
Le jugement entrepris est en conséquence confirmé en ce qu'il a dit que la société Schneebichler a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société Lohr Service.
Sur les réparations,
Il découle du sens de l'arrêt que les sociétés Lohr ne sont fondées à demander réparation que des seuls chefs des actes de contrefaçon de marques et de concurrence déloyale et parasitaire retenus à la charge de la société Schneebichler. Les griefs de contrefaçon de droits de dessin ou modèle et de contrefaçon de droits d'auteur ayant été écartés comme mal fondés, aucune réparation ne saurait être allouée de ces chefs.
Concernant les actes de contrefaçon de marques, il est rappelé que sont en cause les quatre marques dont il a été jugé qu'elles ont été contrefaites par la société Schneebichler à savoir les marques verbales LOHRn°3757121 (française) et n°2751014 ( de l'Union européenne) et les marques semi-figuratives françaises LOHR n°1263278 et n°4255266.
Ceci posé, il est rappelé que l'article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle, applicable en matière de contrefaçon de marques, prévoit que :
Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par l'auteur de la contrefaçon, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.
La société Schnneebichler soutient, pour la première fois devant la cour, que la juridiction française doit se limiter à réparer le préjudice résultant des actes de contrefaçon commis sur le seul territoire français.
Il ressort cependant des motifs qui précèdent que les actes de contrefaçon commis par la société Schneebichler portent, en particulier, sur la marque verbale de l'Union européenne LOHR n°2751014 dont la protection s'étend à l'ensemble du territoire de l'Union européenne. Les sociétés Lohr rappellent en outre à bon droit que selon les dispositions de l'article 126 du règlement (UE) 2017/1001 du parlement et du conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne, un tribunal des marques de l'Union européenne dont la compétence est fondée sur l'article 125, paragraphes 1 à 4, est compétent pour statuer sur les faits de contrefaçon commis ou menaçant d'être commis sur le territoire de tout Etat membre. Il est à cet égard précisé que l'article 125 paragraphe 4 dit applicable l'article 26 du règlement (UE)n°1215/2012 qui prévoit que 'la juridiction d'un Etat membre devant laquelle le défendeur comparait est compétente' sauf si la comparution a pour objet de contester la compétence. En l'espèce, la société Schneebichler a comparu devant le tribunal judiciaire de Paris, tribunal des marques de l'Union européenne dont elle n'a aucunement discuté la compétence. Il s'ensuit, sans qu'il y ait lieu à question préjudicielle, que cette juridiction était compétente, s'agissant de la marque de l'Union européenne, pour statuer sur les faits de contrefaçon commis sur l'ensemble de l'Union européenne.
La société Lohr Immobilier demande à se voir allouer la somme de 1 million d'euros au titre de ses préjudices économiques et d'atteinte à la valeur patrimoniale de ses marques.
Il ressort des pièces de la procédure que la société Schneebichler a réalisé en 2018 un chiffre d'affaires de 5.553.283,30 euros dont 5.037.894,57 euros sur le territoire de l'Union européenne et 515.388,73 euros dans les pays tiers et dégagé, cette même année, un bénéfice de 1, 7 million d'euros. La société Lohr Immobilier, qui soutient que la contrefaçon est établie depuis 2013, demande de prendre en considération, sur la période de 2013 à 2018, un chiffre d'affaires cumulé de 25 millions d'euros et un bénéfice cumulé de 5 millions d'euros.
Or, la contrefaçon ayant été constatée en 2017, le préjudice subi sera estimé sur la période de 2017 à 2018. C'est à juste titre en revanche que la société Lohr Immobilier fait valoir qu'il doit être tenu compte, pour apprécier la masse contrefaisante et le gain manqué, de ce que les produits assortis du signe verbal LOHR représentaient près de la moitié du catalogue de la société Schneebichler ( 152 pages sur 357) . C'est encore avec raison qu'elle soutient que la valeur patrimoniale de ses marques, très élevée à raison des investissements importants consacrés au marketing, qui dépassent 1 million d'euros en moyenne sur 2016, 2017 et 2018 et à la recherche et au développement, département qui emploie 80 salariés, s'est trouvée atteinte par les actes de contrefaçon qui les ont banalisées.
Au regard des éléments qui lui sont soumis, la cour estime le préjudice subi par la société Lohr Immobilier au titre des conséquences économiques négatives de la contrefaçon à la somme de 300.000 euros et celui au titre de l'atteinte portée à la valeur patrimoniale des quatre marques contrefaites à la somme de 60.000 euros. En outre, le titulaire des marques qui voit leur image se ternir et leur valeur patrimoniale se dégrader subit un préjudice moral qu'il y a lieu de fixer, au regard de l'ensemble des circonstances de la cause, à la somme de 30.000 euros.
S'agissant du préjudice de concurrence déloyale et parasitaire subi par la société Lohr Service, le tribunal l'a exactement estimé à la somme de 100.000 euros au terme d'une juste appréciation des éléments de la procédure que la cour partage.
Les mesures accessoires retenues par le tribunal sont nécessaires et suffisantes pour faire cesser les actes illicites et prévenir leur renouvellement et méritent une entière confirmation sans qu'il y ait lieu d'ordonner la mesure de publication sollicitée dont l'opportunité compte tenu de l'ancienneté des faits de la cause n'est pas justifiée.
Sur les autres demandes,
La société Schneebichler soutient avoir été atteinte dans son honorabilité par les 'imputations diffamatoires' contenues dans les écritures des intimées remises au greffe et notifiées par voie électroniques le 23 février 2021 et demande à ce titre 10.000 euros de dommages-intérêts. La société Schneebichler reproche aux intimées les 'imputations diffamatoires' libellées comme suit : il est manifeste que les chiffres communiqués dans ce rapport ont été manipulés par l'appelante et ne reflètent pas la réalité de la situation . Il résulte des dispositions de l'article 41 alinéa 4 de la loi du 29 juillet 1981 que 'les juges , saisis de la cause et statuant sur le fond, (pourront) prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts'. En l'espèce, les propos incriminés n'excèdent pas les limites de la liberté d'expression qui préside aux écrits produits dans le cadre d'une défense en justice et ne justifient pas la condamnation à dommages-intérêts sollicitée. La demande formée de ce chef est en conséquence rejetée.
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement statuant sur les frais irrépétibles et les dépens .
L'équité commande de condamner la société Schneebichler à verser à chacune des sociétés Lohr une indemnité de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
Succombant à l'appel, la société Schneebichler en supportera les dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions :
- se prononçant sur la contrefaçon de la marque internationale n°1320946 au titre de laquelle le tribunal s'est déclaré incompétent,
- disant que la société Schneebichler Driving Innovation, en distribuant et commercialisant des cales de roue reproduisant les caractéristiques du modèle français n°997982 du 23.12.1999, s'est rendue coupable de contrefaçon de dessin et modèle enregistré au préjudice de la société Lohr Industrie,
- condamnant la société Schneebichler Driving Innovation à payer à la société Lohr Industrie la somme de 8.000 euros en réparation des actes de contrefaçon de modèle enregistré,
- fixant le préjudice de contrefaçon de marques,
Statuant à nouveau de ces chefs et ajoutant,
Déboute la société Lohr Industrie de ses demandes au titre de la contrefaçon du modèle français n°997982 du 23.12.1999 portant sur une cale de roue,
Condamne la société Schneebichler Driving Innovation à payer à la société Lohr Immobilier au titre de la contrefaçon de ses marques n°3757121, n°2751014, n°1263278 et n°4255266, les sommes de :
- 300.000 euros au titre des conséquences économiques négatives de la contrefaçon,
- 60.000 euros au titre de l'atteinte portée à la valeur patrimoniale des marques,
- 30.000 euros au titre du préjudice moral,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires aux motifs de l'arrêt,
Condamne la société Schneebichler Driving Innovation à payer aux sociétés Lohr Immobilier, Lohr Industrie et Lohr Service la somme de 15.000 euros, à chacune, au titre des frais irrépétibles d'appel et aux dépens d'appel.
Dit que les dépens d'appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.