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Décisions

Cass. ass. plén., 7 mars 1986, n° 83-10.477

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme le Premier

Paris, 4e ch., du 2 nov. 1982

2 novembre 1982

Sur le second moyen :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que Monsieur Jean X..., chef comptable de la société "L'Industrie du Boyau" devenue la société anonyme Babolat Maillot Witt (B.M.W.), a conçu et réalisé, de sa propre initiative, des programmes informatiques autres que ceux antérieurement mis à sa disposition par son employeur, qu'il a utilisés pour la comptabilité de l'entreprise ; qu'un membre de la direction ayant voulu établir une copie de sauvegarde de tous les logiciels utilisés, Monsieur X... s'y est opposé et a emporté chez lui ceux des programmes dont il estimait être propriétaire ; que lui reprochant d'avoir interrompu, par son comportement, la marche du service, la société B.M.W., après avoir procédé à l'entretien préalable prévue par l'article L. 122-14 du Code du travail, le 1er juillet 1977, a licencié Monsieur X... le 5 juillet 1977 ; que celui-ci, estimant ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, a assigné son employeur en paiement de diverses indemnités ;

Attendu que la société B.M.W. reproche à la Cour d'appel d'avoir retenu que Monsieur X... était propriétaire des programmes litigieux, aux motifs notamment que l'élaboration "d'un" programme d'ordinateur est une oeuvre de l'esprit originale dans sa composition et son expression, et que les analystes programmeurs ont à choisir comme les traducteurs d'ouvrages, entre divers modes de présentation et d'expression, que leur choix porte ainsi la marque de leur personnalité, alors que, d'une part, les programmes d'ordinateur constitueraient de simples méthodes que la loi ne protège pas, non des oeuvres protégées au sens de la loi du 11 mars 1957, dans sa rédaction antérieure à la loi du 3 juillet 1985, alors que, d'autre part, et subsidiairement, au cas où le programme d'ordinateur serait une oeuvre de l'esprit protégée, la Cour d'appel aurait dû rechercher si l'oeuvre ainsi réalisée avec la participation de l'employeur ne constituait pas une oeuvre commune, soit collective, soit de collaboration ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir, par motifs adoptés, justement relevé que le caractère scientifique des programmes informatiques n'était pas un obstacle à leur protection par le droit d'auteur et exactement retenu qu'il y a lieu de voir dans l'organigramme la composition du logiciel, et dans les instructions rédigées, quelle qu'en soit la forme de fixation, son expression, la Cour d'appel ainsi fait ressortir que le programme d'ordinateur ne constitue pas une simple méthode, et que sa protection doit être examinée dans son ensemble ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant recherché, comme ils y étaient tenus, si les logiciels élaborés par Monsieur X... étaient originaux, les juges du fond ont souverainement estimé que leur auteur avait fait preuve d'un effort personnalisé allant au-delà de la simple mise en oeuvre d'une logique automatique et contraignante et que la matérialisation de cet effort résidait dans une structure individualisée ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, et abstraction faite des motifs ci-dessus cités, critiqués par le pourvoi, la Cour d'appel, qui a ainsi retenu que les logiciels conçus par Monsieur X... portaient la marque de son apport intellectuel, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Attendu, enfin, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des conclusions que la société ait soutenu devant la Cour d'appel que les oeuvres réalisées par Monsieur X... pouvaient être considérées soit comme des oeuvres collectives au sens de l'article 9, alinéa 3, de la loi susvisée, soit comme des oeuvres de collaboration ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

Que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;

Attendu que pour écarter des allégations complémentaires de la société, la Cour d'appel énonce qu'elle ne peut se référer qu'aux motifs de rupture exprimés au cours de l'entretien préalable et fixés dans la lettre de licenciement ;

Attendu cependant que le motif invoqué ne faisant que reprendre sous une autre qualification les faits retenus dans la lettre de licenciement, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;

CASSE et ANNULE, dans la seule limite du premier moyen, l'arrêt rendu le 2 novembre 1982, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Amiens, à ce désignée par délibération spéciale prise en la Chambre du conseil.